Lecture en commun - Tristan Egolf : Le seigneur des porcheries

colimasson a écrit:

C'est ce que je vois ! Je redoutais que ce livre soit un peu difficile d'accès (il me semblait que les premières pages étaient un peu ardues...) mais les citations que vous avez relevées à la suite de votre lecture sont délicieuses à lire

Tout au plus le préambule, qui ne prend que quelques pages, pour le reste, il n'y a vraiment aucune difficulté, l'écriture est limpide et la lecture coule de source

colimasson a écrit:

N'empêche que même à la FNAC et dans les librairies d'Annecy, je n'ai pas trouvé le bouquin...

Je n'ai pas eu facile non plus, je m'attendais à en trouver des piles et bien non, il a fallu chercher ! Ahurissant tout de même, ou alors victime de son succès et mauvais réapprovisionnement ?

odrey a écrit:

Quant à la langue d'Egolf, elle est, je ne sais pas, elle est magique.

Une convaincue de plus
Ah quelle agréable lecture commune et quel bon choix

J'ai raté en revanche pas mal de choses que vous avez perçues et très bien décrites . De celles qui me font dire "mais c'est vrai ça !".
Très interessant !

Prenez la fougue narrative de Lowry, mettez l'humour de Pynchon, ajoutez la rage de Selby, poivrez avec le tragique de Faulkner, passez au mixer, shaker puis servez frappé : vous obtenez Le seigneur des porcheries, et ensuite vous pouvez trinquer.

Ce roman est une bombe dont je me demande à quelle moment elle va m'exploser à la face. Il me reste moins de cent pages à lire et je suis clouée à mon fauteuil, désirant poursuivre sans m'y résoudre, me disant qu'il faudrait peut-être fuir avant que les poubelles agglutinées ne se mettent à m'engloutir et puis revenir en arrière pour savourer encore la puissance de l'écriture.

sentinelle a écrit:

colimasson a écrit:

C'est ce que je vois ! Je redoutais que ce livre soit un peu difficile d'accès (il me semblait que les premières pages étaient un peu ardues...) mais les citations que vous avez relevées à la suite de votre lecture sont délicieuses à lire

Tout au plus le préambule, qui ne prend que quelques pages, pour le reste, il n'y a vraiment aucune difficulté, l'écriture est limpide et la lecture coule de source

colimasson a écrit:

N'empêche que même à la FNAC et dans les librairies d'Annecy, je n'ai pas trouvé le bouquin...

Je n'ai pas eu facile non plus, je m'attendais à en trouver des piles et bien non, il a fallu chercher ! Ahurissant tout de même, ou alors victime de son succès et mauvais réapprovisionnement ?

J'en ai trouvé un exemplaire ce midi en librairie ! Malheureusement, ironie du sort, je n'avais pas pris mon porte-monnaie sur moi
J'en ai quand même profité pour feuilleter le livre et commencer les premières pages... J'ai donc abordé le préambule. Un peu ardu certes mais pas tant que ça finalement, et il permet de déceler immédiatement un style qui a l'air très particulier !

Bon, j'attendrais quand même l'exemplaire de la bibliothèque...

Colimasson, le préambule est un peu ardu (mais comme tu dis, pas tant que ça) mais le reste du livre est beaucoup plus facile d'accès. Et c'est énooooorme!J'en suis à la moitié (suis un peu à la bourre) et franchement c'est un régal à chaque fois. Pas de temps mort. Tout est bon. La descriptions des abattoirs de volailles... brrrr... à vous dégoûter de manger de la viande. Et en même temps, c'est presque beau, la façon dont Egolf en parle.

Exactement Odrey, Egolf nous parle de choses absolument triviales et dénuées d'un quelconque intérêt (littéraire ou même journalistique), la vie en usine, la vie dans une ville de province, la vie quand rien ne va... ouais, bon, on voudrait dire : et alors ? et puis, le rythme, la scansion, quelque chose fait que l'on se retrouve emporté. Et définitivement, je crois que toute la magie d'Egolf tient dans ce 'presque' que nous avons pointé du doigt, c'est 'presque' grotesque, 'presque' poétique, 'presque' fantastique, et tout bonnement 'énorme'...

C'est sûr que vous savez y faire...
J'ai remonté tout le fil et c'est bien dur de résister à de telles impressions!

Citation :

Prenez la fougue narrative de Lowry, mettez l'humour de Pynchon, ajoutez la rage de Selby, poivrez avec le tragique de Faulkner, passez au mixer, shaker puis servez frappé : vous obtenez Le seigneur des porcheries, et ensuite vous pouvez trinquer.

Et Shanidar nous porte l'estocade là...

Je me demande comment sentinelle a fait pour avaler ce livre tout cru ! J'en arrive à lire un paragraphe et puis à rêver pendant de longues minutes sur ce que je viens d'ingurgiter.

Et puis dès les premières pages on nous prédit une Crise suivie d'une Catastrophe, je ne suis pas vraiment attachée au personnage de John Kaltenbrunner (il est contrefait, indigent, mutique) mais j'ai peur que le livre ne s'achève sur une Apocalypse insoutenable... en tout cas il en prend le chemin...

Je m'aperçois que nous avons laissé de côté la charge de cavalerie qu'Egolf lance contre les institutions, car elles y passent pratiquement toute dans leur incapacité à considérer l'individu, sa différence, ses particularismes. L'école est pointée en premier, incapable qu'elle est de protéger Kaltenbrunner de la violence des autres élèves, l'indifférence des profs, la tyrannie du directeur. Les affaires sociales prennent le relais, n'arrangeant rien, se servant des forces de l'ordre, de l'exclusion, du déracinement comme seules réponses au malheur, à la douleur, à l'incompréhension du 'héros'. Les institutions religieuses ne font pas mieux, cupides, intolérantes, elles seront la bête noire de John à travers sa haine de l'Eglise méthodiste. Les patrons ne sont pas plus épargnés, laissant leurs ouvriers (les 'citrons' que l'on presse et jette exactement comme les fruits) travailler dans des conditions indignes. La police, les instances municipales sont constamment ridiculisées dans leur impuissance à réduire l'unique petit Kaltenbrunner. Tout y passe, c'est roboratif, exquis et vivifiant.

La justice aussi en prend un coup, du moins celle de Baker.

Ce John est un sacré personnage. Sa haine vis-à-vis des habitants de Baker semble légitime (il s'en prend plein la gueule et il est confronté à la bêtise la plus crasse) mais il est au moins aussi effrayant, aussi dégénérés qu'eux (quoique dans un autre style).

shanidar a écrit:

Je me demande comment sentinelle a fait pour avaler ce livre tout cru !

Je l'ai dévoré, d'autant plus que j'avais envie que ma lecture colle au rythme effréné du récit, en me donnant l'impression de vivre les événements "en direct".
Quitte à le relire un jour ou l'autre différemment mais je ne regrette pas ma boulimie de première lecture, d'autant plus qu'elle se fait de plus en plus rare

J'ai commencé ma lecture en début de week-end et je dois bien avouer que, contrairement à vous, ce livre ne m'enthousiasme pas tellement...

D'accord : l'histoire est cruelle, racontée avec une absence de pathétisme qui fait du bien mais qui n'en est pas moins efficace pour arriver à faire ressentir au lecteur toute l'horreur des évènements vécus par John, mais était-il nécessaire de détailler autant chacun des faits et gestes effectués par les personnages ? Je suis bien contente de savoir que John répare sa grange, mais passer des pages et des pages à savoir combien de clous il a mis dans telle ou telle planche finit par me lasser (j'ai sauté pas mal de passages comme ça, même si je n'aime pas faire ça ). Pareil pour les détails historiques. Toutefois, je comprends que cela puisse plaire à d'autres qui aiment être dépaysés et transportés dans l'univers des personnages dont ils lisent l'histoire jusqu'au moindre des détails. Pour ma part, ce n'est pas vraiment ce que je recherche dans la lecture. Je préfère largement que l'écrivain s'attarde sur tous les détails psychologiques du personnage plutôt que sur une description trop détaillée du lieu dans lequel il vit ou des actions qu'il effectue.

A côté de ça, je suis éblouie par le jugement implacable que le narrateur porte sur chacun des habitants de Baker. Certains paragraphes constituent à eux seuls une ode à la détestation de l'humanité ! Je pense particulièrement à la description du club des vieilles harpies ou des habitants de Baker en général. Pour cette seule raison, je me demande si le livre ne vaut pas le coup d'être conservé (j'ai pour ma part réservé un exemplaire à la bibliothèque). Malheureusement, le quota de ces passages est beaucoup trop faible par rapport aux passages qui m'intéressent moins...

Ceci dit, je vais continuer ma lecture pour voir ce qui m'attend
Pour le moment, j'en suis à l'intégration de John dans l'usine d'abattage de la volaille. Passage intéressant. J'aime bien, et particulièrement le contraste mis en évidence par l'écrivain entre l'horreur vécue au quotidien dans cette usine et les rayons des magasins les semaines précédent Noël. Le thème n'est pas nouveau mais sous la plume d'Egolf, ça prend une saveur toute particulière !

J'ai terminé ma lecture, et ce livre me laisse vraiment dubitative... Je ne sais pas du tout quoi en penser, et je sais encore moins si j'apprécie ou non ce livre. La lecture n'est pas toujours évidente, au contraire, et j'ai dû lutter de nombreuses fois contre l'envie de refermer le livre tant l'histoire m'ennuyait, partant dans toutes les directions, abordant toutes sortes de personnages et relatant les détails de chacune de leurs vies dans une profusion qui donne la nausée. Trop, trop, trop ! J'avais l'impression que Egolf voulait me gaver de mots et des histoires individuelles de tous les personnages qui traversent son histoire (et ils sont nombreux, à mon grand malheur !).

Mais voilà qu'avec le recul, maintenant que le plus dur a été fait, je commence à apprécier... Cet effet s'explique certainement par le fait que mon cerveau a fait le tri entre tous les passages nécessaires de l'histoire et tous ceux qui ne servaient strictement à rien, à mon goût (l'histoire de Baker, la narration sur dix pages du retapage de la grange par John... la liste est longue et je ne veux plus revenir dessus).
Le style d'Egolf n'y est sans doute pas pour rien. Il décrit tout avec une justesse et une lucidité incroyables, et il a le sens de l'insulte J'ai recopié certains passages et je pense bien les apprendre par coeur pour pouvoir les ressortir en cas de besoin

Citation :

Wilbur avait essayé de l’avertir que le vieux bonhomme était un nain des sous-sols déjanté de l’apocalypse, doté d’un complexe de Napoléon comme on en avait rarement connu.

Citation :

Tandis que nous faisions le pied de grue, meurtris de partout, couverts de bleus et d’entailles, le crâne vrillé par la gueule de bois et à peine capables de tenir debout, Kunstler parada en postillonnant que nous ressemblions à un groupe de guidouilles violées par le yéti. Nous étions révoltants, dit-il. Nous ne valions pas le prix d’un jambon à la synagogue.

Citation :

Dès le soir du 17 août, il n’était plus qu’une épave, un Lear errant sur la lande, une attraction mineure dans une foire aux monstres, un démagogue noueux à la tête de melon dont les proclamations enflammées ne recevaient pas plus d’attention que celles d’un zombie allumé au crack. Il était brisé, ballotté, à la dérive. Le reste d’entre nous avait mieux à faire que de lui prêter attention.

Et j'en passe de toutes aussi belles...

Donc, pour résumer, cette lecture me laisse dans le doute... Je devrais peut-être essayer avec un autre de ses romans ?

Hélas tu n'auras pas beaucoup de choix pour parfaire ton opinion, car en dehors de Jupons et violons ou Kornwolf qui a été publié à titre posthume et à moins que sa femme ou sa fille ne découvre une malle caché dans un grenier ou une décharge, cela risque d'être tout...