Quelques infos à propos du nouveau roman d'Amélie Nothomb...
Il s'intitule
Le fait du prince et sortira le 20 août.
Voici la couverture (j'espère que vous êtes assis, c'est préférable
)
Un p'tit résumé :
Baptiste Bordave usurpe l'identité du richissime Olaf Sildure, venu mourir devant sa porte.
Sa femme ayant accepté sa présence, Baptiste prend congé de lui-même
et devient le maître de la richesse, de l'ivresse et de la beauté.
Ce conte pour adultes explore l'utopie à deux.
Et un extrait pour celles et ceux qui seraient intéressé)e)s (disponible sur le site de Lire) :
Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. Appelez un taxi et dites-lui de vous conduire à l'hôpital avec cet ami qui a un malaise. Le décès sera constaté en arrivant aux urgences et vous pourrez assurer, témoin à l'appui, que l'individu a trépassé en chemin. Moyennant quoi, on vous fichera la paix.
- Pour ma part, je n'aurais pas songé à appeler la police, mais un médecin.
- Cela revient au même. Ces gens-là sont de mèche. Si quelqu'un à qui vous ne tenez pas a une crise cardiaque à votre domicile, vous êtes le premier suspect.
- Suspect de quoi, si c'est une crise cardiaque?
- Aussi longtemps qu'on n'a pas prouvé que c'était une crise cardiaque, votre appartement est considéré comme une scène de crime. Vous ne pouvez plus toucher à rien. Les autorités envahissent votre domicile, c'est à peine si elles n'inscrivent pas l'emplacement des corps avec de la craie. Vous n'êtes plus chez vous. On vous pose mille questions, mille fois les mêmes.
- Où est le problème si l'on est innocent?
- Vous n'êtes pas innocent. Quelqu'un est mort chez vous.
- Il faut bien mourir quelque part.
- Chez vous, pas au cinéma, pas à la banque, pas dans son lit. Ce quidam a attendu d'être chez vous pour passer l'arme à gauche. Le hasard n'existe pas. S'il est mort à votre domicile, vous y êtes forcément pour quelque chose.
- Mais non. Cette personne peut avoir éprouvé une émotion violente à laquelle vous êtes étranger.
- Elle a eu le mauvais goût de l'éprouver dans votre appartement. Allez expliquer cela à la police. À supposer que les autorités finissent par vous croire, pendant ce temps le cadavre est chez vous, on n'y touche pas. S'il est mort sur votre canapé, vous ne pouvez plus vous y asseoir. S'il a trépassé à votre table, habituez-vous à partager les repas avec lui. Il va vous falloir cohabiter avec un macchabée. C'est pourquoi, je vous le répète: appelez un taxi. N'avez-vous pas remarqué, dans les journaux, la formule consacrée: l'individu est mort pendant qu'on le conduisait à l'hôpital. Avouez que c'est drôle, cette propension qu'ont les gens à mourir au cours d'un trajet, dans des véhicules anonymes. Oui, car vous aurez compris que ce ne doit pas être votre voiture.
- Ne poussez-vous pas la paranoïa un peu loin?
- Depuis Kafka, c'est prouvé: si vous n'êtes pas paranoïaque, vous êtes le coupable.
- À ce compte-là, mieux vaut ne jamais recevoir.
- Je suis content de vous l'entendre dire. Oui, mieux vaut ne jamais recevoir.
- Monsieur, que sommes-nous en train de faire?
- Nous sommes reçus, nous ne recevons pas. Nous sommes des petits malins. Faut-il que nos hôtes nous apprécient pour prendre ainsi le risque que nous venions mourir chez eux?
- Vous me paraissez en bonne santé.
- On croit cela. Vous savez ce que c'est. Il est plus tard que nous ne le pensons. Il nous reste peut-être si peu à vivre. Ce temps, nous ne devrions pas le consacrer à des mondanités.
- En ce cas, pourquoi êtes-vous ici?
- Pour une raison que j'imagine identique à la vôtre: parce qu'il est difficile de refuser. Cette question est moins mystérieuse que celle-ci: pourquoi nos hôtes nous ont-ils invités?
- Parlez pour vous.
- Je ne parle pas plus de votre qualité que de celle des autres personnes qui nous entourent. C'est d'autant plus bizarre que tous ces gens ici présents, intelligents et qui éprouvent visiblement une certaine sympathie, voire de l'amitié les uns pour les autres, n'ont absolument rien à se dire. Écoutez-les. C'est inévitable: passé l'âge de vingt-cinq ans, toute rencontre humaine est une répétition. Untel vous parle et vous pensez: «Tiens, c'est le cas 226 bis.» Quel ennui. Comme je connais déjà tout ça. Je suis là ce soir uniquement parce que je n'ai pas envie de me brouiller avec nos hôtes. Ce sont mes amis, bien que leur conversation ne m'intéresse pas.
- Et vous ne leur rendez jamais la politesse?
- Jamais. Je ne comprends pas pourquoi ils continuent à m'inviter.
- Peut-être parce que vous êtes votre meilleur contre-exemple: ce que vous venez de me raconter au sujet du décès, je ne l'avais jamais entendu.
Étonné d'avoir passé une si bonne soirée, je rentrai chez moi. On n'est jamais déçu quand on parle de la mort. Je dormis d'un sommeil de survivant.
Pour l'instant, ça ne me branche pas plus que ça