Denis Villeneuve

Merci pour ton commentaire, Marko !
Le roman de Saramago, à mon avis, n'a rien à voir dans son propos : la femme n'est pas enceinte, il n'y a pas d'araignées, le prof enseigne la littérature au niveau collège. Tout est différent (même si l'histoire, dans ses grandes lignes, est la même), à tel point que j'avais perçu le film de façon totalement 'fausse' : j'attendais dans le film ce que j'avais lu. Dans le film, le prof trouve très vite le nom de son double. Dans le livre, situé à une ère enterieure à internet, il y parc et aussi, mais au terme d'un travail impressionnant, obsessionnel. Et le prof a une copine ; l'acteur, lui, est marié. Et la mère que l'on voit, c'est celle du prof, pas de l'acteur (si la distinction a un sens, mais je crois que c'est le cas dans le livre).

eXPie a écrit:

Et le prof a une copine ; l'acteur, lui, est marié. Et la mère que l'on voit, c'est celle du prof, pas de l'acteur (si la distinction a un sens, mais je crois que c'est le cas dans le livre).

Ce qui revient au même si on considère que les personnalités illustrent seulement sa dualité et qu'il est les 2 en même temps. De façon psychotique en se dissociant mentalement ou plus simplement de façon fantasmée comme dans un conflit mental (en fait mélange de souvenirs et de projections fantasmées).

J'ai lu un article intéressant qui montre comment L'année dernière à Marienbad de Resnais préfigure Shining de Kubrick et Inland Empire de Lynch. C'est un film qui explore différentes options possibles d'un même récit. Une sorte de voyage mental abolissant la temporalité et la linéarité d'une histoire (avec début milieu et fin). Il y a redistribution des personnages et des situations en fonction des différents scénarios possibles. Comme si en un seul film on envisageait toutes les variantes possibles jusqu'à l'épuisement. Resnais n'a cessé de jouer avec les codes de la narration traditionnelle. Et c'est plutôt ludique tout en disant quelque chose de la nature humaine et des conflits qui l'animent. Télescopage de réalité, de souvenirs, de déplacements oniriques... J'aime assez cette vision cubiste du cinéma. Enemy est un peu dans cette mouvance en plus simple et en privilégiant l'atmosphère. Les plans urbains sont anxiogènes et arachnéens.

Vu cet aprèm...




Une prometteuse et jeune bleusaille du FBI se retrouve enrôlée par un consultant gouvernemental dans un groupe d'élite d'intervention contre les cartels... ses illusions vont vite voler en éclats : la lutte contre la drogue est une guerre, au sens propre, où la fin justifie les moyens... Comme le résume en substance son chef "Vous ne franchissez pas la limite, c'est la limite qui a été déplacée..."

A la fois sombre, assez dur (même si, vu le thème, j'ai pensé que ça serait pire, certaines images sont estampillées "déconseillées aux âmes sensibles") et finalement assez cynique sur ce monde comme il va (on pense aussi à toutes les manœuvres de la CIA ou des agences américaines, la guerre contre la drogue en Colombie, et évidemment ce qui se passe actuellement au Mexique, qu'on regarde un peu de loin ici, mais il faut se rendre compte que des régions, des villes entières sont pour ainsi dire en état de guerre civile...) , Sicario, sous un aspect assez classique et carré, est aussi un thriller crépusculaire et esthétique, avec des plans de ciels d'orage et de désert d'une grande beauté, comme pour répondre aux tourments et aux bassesses humaines.

A voir donc ! Merci.

Sicario

Je ne suis pas aussi convaincu que Chymère. Sicario est habile et efficace dans sa construction mais je n'ai pas trouvé que Denis Villeneuve parvenait à renouveler un genre, le film de cartel, relativement usé et convenu. Le pari d'un certain réalisme est tenu, avec une tension constante matérialisée par l'angoisse et les doutes d'Emily Blunt. L'immersion de son personnage, ingénu et idéaliste, dans un monde cynique et fait de compromissions est tout de même assez prévisible et caricaturale dans son approche.

Villeneuve montre l'étendue de son savoir-faire de metteur en scène avec une certaine distance, entre morceaux de bravoure et rebondissements obligés. L'interprétation magnétique de Benicio Del Toro ne suffit pas à donner vie à un film trop dépendant d'effets de style, avec un regard sur la violence plutôt complaisant malgré une froideur apparente.

En même temps, je ne sais pas si le rôle d'un film de genre... c'est de forcément renouveler le genre.
Et des films de cartels, y'en a pas tant que ça non plus...

En l’occurrence, Sicario est beaucoup mieux fichu que Cartels, dans la mesure où il y a un fond qui est intéressant, sur la lutte contre le trafic de drogue et les cartels, ce qui se passe à Ciudad Juarez (même s'il paraît que le maire est pas content parce que ça c'est améliorer. Il n'y a plus que 8 morts par jours au lieu d'une quinzaine, certes... ) etc...

Si tu parles de Cartel, de Ridley Scott, j'ai commencé à le voir hier, c'était d'un ennui... Enfin, le premier quart d'heure. Après, je ne le saurai jamais...
Je suppose que Sicario est bien meilleur...

Sicario est bien sûr plus intéressant que Cartel, il n'y a pas ici de dimension outrancière et grotesque paralysant le sujet. Parmi les films très récents, j'avais aussi en tête Savages d'Oliver Stone, et on peut aussi évoquer les nombreux films représentant les services secrets américains.
Mais je trouve que la vision plus sérieuse et dramatique de Villeneuve n'est pas toujours un atout car le film manque à mon goût de personnalité, et se laisse aussi porter par des clichés (de la scène choc d'ouverture aux exécutions sommaires, en passant par les prises de consciences cousues de fil blanc d'Emily Blunt). Moins qu'un renouvellement, j'attendais une vision plus complexe et nuancée.
Je n'ai pas beaucoup de reproches à faire sur le plan de la réalisation mais les enjeux narratifs m'ont tenu à distance, avec l'impression d'être face à un film de commande.

Je suis tout de même loin de déconseiller le film, plutôt abouti à un niveau plus objectif (et j'avoue avoir du mal à être comblé ces temps-ci avec les sorties cinéma ! ).

Cartel, c'est surtout très très creux... c'est dommage, parce que sur le papier et vu le casting, y'avait moyen de faire un truc qui aie de la gueule. Mais non... (et c'est pas mieux après le premier quart-d'heure...)
Savages, je le prends pas comme un film de cartel en soi. Enfin, les héros ne sont ni des représentants des forces de l'ordre, ni des membres des cartels... mais ils se retrouvent aux prises avec les 2.

Après, personnellement, je n'ai rien contre les clichés de genre, quand ils sont bien utilisés...
Là, c'était bien fichu, une bonne histoire et une esthétique qui sert le film, un ancrage dans la réalité (et je trouve que justement, la complexité elle est là, et c'est très bien aussi). Des moments de tension, une scène " " bien comme il faut, je me suis pas ennuyée, bref pour moi le contrat était rempli.

Le contrat ?

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