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 Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes

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shanidar
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kenavo
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MessageSujet: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 13:15

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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 14:04

J'aborde finalement la lecture des Bienveillantes éternellement repoussée depuis sa parution. Merci aux Parfumés, particulièrement Shanidar et Igor qui me donnent le courage d'enfin me lancer.
J'ai lu hier la première partie, Toccatas, et c'est assez particulier, on a tellement parlé de ce livre, que je pense qu'on l'aborde d'une façon assez spéciale. Habituellement j'aime assez lire un livre sur lequel je n'ai aucune idée, je n'ai même pas lu le quatrième de couverture, c'est vraiment une découverte sans a priori et toutes les ouvertures sont possibles. Ici c'est tout à fait le contraire. Ce livre a fait l’objet de nombreux débats, il a ses détracteurs, ses admirateurs convaincus. On a presque l'impression qu'il faut se positionner en le lisant, et c'est assez gênant. J'essaie donc de faire abstraction de tout cela, et de me lancer dans cette lecture, je ne pense pas pour le plaisir avec un sujet pareil, mais pour ma satisfaction intellectuelle propre, indépendamment de tout ce qui a été dit.

Toccatas est donc la première partie assez brève où le narrateur, Aue, explique les bases de son projet. Ces quelques de pages suffisent à bien analyser les bases de sa personnalité et de son caractère avec un contraste entre cet homme cultivé, intellectuellement curieux, et le rôle barbare qu’il va jouer dans l'histoire. L'ambiguïté est très savamment exposée, et certains traits de caractère qui vont être déterminants dans sa vie sont déjà exposés. Une certaine rigueur morale (mal utilisée mais déterminante), un côté pointilleux et tatillon, mais aussi imbu de lui-même et certain de sa raison. Je trouve très astucieux de la part de Littell avoir trouvé pour son héros ce métier lié à l'industrie de la dentelle où sont appliqués des éléments de finesse, de légèreté, de futilité absolue, en tel contraste avec tout ce qu'il a vécu, mais où s’insère aussi un certain érotisme qui ne pouvait être étranger aux agissements de Aue. Le personnage dès maintenant n'est pas sympathique mais il semble mériter d'être écouté.

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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 15:54

J'ai donc aussi lu "Toccata", première partie du livre où le narrateur se présente. Il est froid, cynique mais précis et semble vouloir raconter sa part d'histoire sans tabou.
Tu l'a très bien décrit Topocl, mais là où tu vois dans le choix du métier de Aue l'expression de finesse, légèreté et futilité, je perçois plutôt de mon coté sa fascination pour la mécanique précise, rapide et implacable des métiers à tisser. Un parallèle avec cette organisation démente qui va rendre possible 1 mort toute les 4,6s.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 16:08

En effet, le côté implacable de la navette et du métier à tisser qui est lancé et que rien ne peut arrêter. C'est très intéressant, je n'y avais pas pensé.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 20:39

Les mots sont importants.

Je me demande pourquoi Littell a intitulé cette entrée en matière : toccata, si je prends mon Robert, il me dit : "de toccare pièce de musique à toucher; cf. sonate, pièce instrumentale sans structure précise, écrite pour le clavier, ou organisée à la manière d'un mouvement perpétuel.

La toccata sert donc de prélude, elle permet à l'instrument (le plus souvent à l'orgue) de développer toute la panoplie de ses possibilités, toute sa puissante virtuosité. Le narrateur tente-t-il par cette toccata de nous éblouir un peu, de nous montrer l'étendue de son talent, de ses capacités mathématiques, de cette implaccable virtuosité dont il a su faire preuve pendant la guerre ? Le métier à tisser dont il parle est-il si éloigné de la mécanique de précison dont relève l'orgue ? et tout comme pour la dentelle, l'idée d'une 'pièce de musique à toucher évoque le savoir-faire de la main et si l'on va plus loin de la manipulation... L'art de l'écrivain est un art de la manipulation, de la virtuosité musicale et de la rigueur mathématique d'une partition. Sans doute, l'art de Auer tient tout entier dans cette définition en une sorte de vertige qui fait frissonner.

Tout comme topocl, je trouve très astucieuse la manière hiératique et frontale (pour ne pas dire brutale) de se décrire qu'utilise le narrateur. On le devine rigide, dur, calme, imparable, on l'imagine sans remords, ne cherchant pas à justifier ses actes mais cherchant juste à se souvenir, comme s'il voulait gagner encore un peu de temps. Comme si la vie avait le pouvoir malgré tout de ne jamais vouloir finir.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 21:50

Vos commentaires sont vraiment très intéressants, ils me donneraient presque envie de relire le roman !
Comme est intéressant cette définition de la toccata comme prélude : une pièce instrumentale sans structure précise. J'ajouterai "et dont la structure de forme libre, proche de l'improvisation, fait valoir la virtuosité de l'exécutant."

"sans structure précise" me fait également penser au foutoir qu'était aussi le nazisme à ses débuts, foutoir que Littell va bien mettre en évidence, allant à contre courant de l'idée que le nazisme était uniquement une machine de guerre finement huilée, maitrisée et contrôlée de bout en bout et donc quasi impossible à contrer. Elle l'était aussi, c'est évident, mais pas seulement tant c'était souvent le grand bordel où l'improvisation se faisait aussi la part belle, surtout au début. Ce qui ne les a pas empêchés malheureusement d'être terriblement "efficaces" dans le but poursuivi...

J'espère ne pas avoir perturbé vos échanges, sur ce, je vous souhaite une bonne continuation !


Dernière édition par sentinelle le Lun 9 Mai 2011 - 22:10, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:10

Si tu as lu la table des matières, Shanidar, tu peux voir que le titre de la plupart des chapitres désigne des morceaux de musique. Cela correspond bien à la psychologie de Aue, ce grand cynique cultivé. Comme toi, j'avais pris mon dictionnaire rechercher la définition du terme toccatas, et je le reprendrai pour chacun des chapitres Courante, Sarabande, Menuet, Air et Gigue. Dans son grand souci du détail, le choix de Littell n'est certainement pas que décoratif. Comme tu le dis les mots sont importants.


Allemandes I et II


On entre directement dans l’action.
Eté 41. l’Allemagne déclare la guerre à l’URSS . On se trouve en Ukraine, Aue est dans les troupes chargées de la sécurité à l’arrière du front. La sécurité numéro un consiste à éliminer les juifs. Aue ne participent pas directement aux exécutions, il est plutôt dans la logistique.

Dans une description minutieuse, le détail triomphe. On assiste à la montée en puissance de l'horreur. Tout d'abord cela consiste à laisser les populations locales pratiquer leurs propres pogromes, se vengeant ainsi des massacres exercés antérieurement par les soviétiques. Puis les Allemands eux-mêmes entrent en action. L'élimination systématique des Juifs, ce qu'on a appelé ensuite la Shoah par balles, est organisée. Organisée au début ce n'est pas vraiment le cas, on se débrouille comme on peut. Littell nous perd dans un espèce de galimatias d'actions désorganisées, de personnages multiples difficiles à situer, d'ordres contradictoires, d'actions inopérantes et injustifiées. Puis la machine allemande entre en oeuvre, et chaque détail est structuré, réfléchi, décidé. On ne sait pas si l'horreur est plus terrible quand on fait n'importe quoi, ou au contraire quand tout devient excessivement structuré. Même la, l'action sur le terrain échappe aux décisionnaires et est mal maîtrisable. Aue décrit le plaisir viscéral de certains, la satisfaction d'autres d'obéir à des ordres soi-disant motivés, d'entrer dans un système, l’indifférence d'autres encore. Certains jouissent, certains s'amusent à côté (ripailles, badinage, célébration de l'anniversaire…). Lui regarde cela de son regard supérieur, distancié, cynique. C'est quand l'ordre arrive d'inclure dans les exécutions les femmes et les enfants juifs, que beaucoup prennent du recul, l'horreur est à son comble et n'est plus admissible. Même le narrateur est déstabilisé, il trouve cette chose bien « désagréable ».

On a évidemment beaucoup écrit sur les Einsatzgruppen et toute l'horreur qui les accompagne, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir lu une telle précision dans les détails, une espèce de « vécu de l'intérieur » qui donne ici toute sa mesure la description. Je ne trouve cependant pas qu'on puisse parler de complaisance, et c'est une qualité qu'il faut reconnaître à Littell, d'avoir su se positionner ainsi.
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Steven
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:19

sentinelle a écrit:
Vos commentaires sont vraiment très intéressants, ils me donneraient presque envie de relire le roman !

Je l'ai lu deux fois - enfin presque. Une première lecture presque enfiévrée, fébrile, créant presque un manque. Et un deuxième plus posée, prenant des notes, m'attachant au rythme du roman, mais aussi au paroxysme dans l'horreur et à cette indifférence (je m'interroge encore) d'Aue.
Depuis, j'ai lu La liste de Schindler de Thomas Keneally (je n'ai jamais vu le film), j'ai lu Les disparus de Mendelssohn. Ce n'est pas la même démarche, ce n'est plus de la fiction, mais le sujet de base reste le même... Je crois que je ne pourrai plus lire Les bienveillantes maintenant.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:30

Steven a écrit:
sentinelle a écrit:
Vos commentaires sont vraiment très intéressants, ils me donneraient presque envie de relire le roman !

Je l'ai lu deux fois - enfin presque. Une première lecture presque enfiévrée, fébrile, créant presque un manque. Et un deuxième plus posée, prenant des notes, m'attachant au rythme du roman, mais aussi au paroxysme dans l'horreur et à cette indifférence (je m'interroge encore) d'Aue.
Depuis, j'ai lu La liste de Schindler de Thomas Keneally (je n'ai jamais vu le film), j'ai lu Les disparus de Mendelssohn. Ce n'est pas la même démarche, ce n'est plus de la fiction, mais le sujet de base reste le même... Je crois que je ne pourrai plus lire Les bienveillantes maintenant.
Voilà un roman qui se lit de manière bien différente en fonction du lecteur, je me répète mais c'est vraiment intéressant aussi de saisir ces nuances et ce rapport au roman propre à chacun d'entre nous à un moment donné.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 3:21

Citation :
mais c'est vraiment intéressant aussi de saisir ces nuances et ce rapport au roman propre à chacun d'entre nous à un moment donné.

Oui, et difficile de ne pas intervenir, et il s'agit aussi de ma propre lecture, jamais oubliée. A moins que cela vous gêne, Topocl, Shanidar et Igor?
J'ai fait comme Steven, j'y suis revenue, justement à cause de ce premier chapitre , et de l'interpellation du personnage au lecteur," Frères humains,Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s’est passé".

La définition de Wikipedia du mot Toccata est bien sûr la même que celle que vous donnez, en un peu plus détaillé, j'en retiens ceci:
Citation :
La structure est libre et de caractère improvisatoire et virtuose — arpèges, traits, pédale, etc. D'abord destinée à permettre à un instrumentiste de prendre contact avec un instrument (comme le laisse deviner son étymologie), elle dérive ensuite pour devenir une démonstration du talent de l'interprète et permettre de faire apprécier les qualités de l'instrument.
Ce dont Aue nous parle beaucoup,dans ce premier contact, entre autres considérations sur sa petite santé, ce qu'il fait, ce qu'il aurait aimé faire ( être pianiste) , ce qu'il pense-cette sorte de nihilisme accepté- ce sont les chiffres. Et de façon virtuose et sans bavure. Des données chiffrées comparatives avec mise en parallèle des pertes humaines pendant la 2e Guerre mondiale, des pertes allemandes, des pertes russes, des pertes juives et des pertes françaises en Algérie. Et en lisant ces chiffres , difficile de ne pas se dire, que, finalement, c'est vrai, tout peut être relativisé quand on nous met de tels chiffres sous les yeux.. Et cela lui permet de calmement nous redemander, à nous, ses "frères" , ce que nous aurions fait à sa place, dans le même contexte, etc.. C'est en effet assez virtuose comme introduction, cette histoire de chiffres qui sont tout à fait réels. Dans ce même chapitre, toutefois, j'avais noté à la deuxième lecture quelque chose d'intéressant , que la guerre avait été pour lui une question, et qu'elle avait contribué à le révéler à lui-même... dont acte! Pour tout individu,des évènements, des circonstances, un contexte historique aussi particulier, contribuent à une évolution personnelle , pas toujours consciente , sans doute, mais quand même..Là, dans ce chapitre qui est en sorte un bilan puisque des années ont passé , que cet homme, il le dit, veut clarifier le chaos de ses pensées et de ses souvenirs, quel est donc ce bilan? Et bien.. aucune culpabilité ( avouée), il n'a pas demandé à devenir un assassin , et est finalement, il le répète, un homme comme les autres. C'est dire l'importance de ces premiers constats dans ce premier chapitre, très court par rapport au reste, mais dans lequel beaucoup de choses sont à retenir.

Je viens de lire dans Si beau, si fragile, le livre de chroniques de Daniel Mendelsohn, ce qu'il dit des Bienveillantes. Comme le disent Shanidar et Topocl, certains mots ont une grande importance dans la lecture de ce roman, et il faudra s'intéresser au titre, Les Bienveillantes, à qui étaient ces Bienveillantes . Mendelsohn est un helléniste , et il donne des explications plus complètes sur le choix du titre.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 9:42

Ça me plait bien de lire tous ces avis. En ce qui me concerne, je suis face à ce texte comme face à un extra-terrestre. Je n'y connais absolument rien en ce qui concerne les militaires ou la guerre, j'ai dû dans ma vie faire une journée de caserne, le temps d'être réformé et j'éprouve un réel malaise quand je croise des soldats avec le sentiment que ces gens là attendent le moment pour nous foutre en rang et nous parquer dans un endroit bien clôturé.

Pour en revenir à l'introduction en forme de toccata et à ce que note Marie, j'ai été surpris par la comparaison avec l'Algérie et je me demande si cet exemple est présent dans toutes les traductions ou simplement la traduction française, une façon de personnaliser le récit. Ensuite, la considération du narrateur sur ses années de guerre qui ont permis de le révéler à lui même, une chose que j'ai lue ou entendue souvent dans les témoignages de ceux qui y ont participé. Un peu comme un joueur qui fait sa dernière mise ou un junkie qui fait son injection, l'idée d'une aventure extraordinaire possible peut être... Parce que quel ennui d'être en paix et de devoir travailler son bout de jardin!
A son crédit, il dit aussi qu'il est sorti de ces années de guerre en homme vide avec amertume et honte.

Allemandes I et II qui sont aussi des termes utilisés en musique et évoquent des "danse peut-être d'origine allemande, de rythme binaire et à caractère processionnel. On en a des témoignages du XVIe siècle, aux XVII-XVIIIe siècles elle est une des pièces des suites baroques. Au XIXe siècle, on appelle deutscher Tanz (danse allemande), une dance en cercle de rythme ternaire; (voir aussi "éclairage sur les suites de Bach)".
Source: http://www.classedevioloncelle.com/Index%20termes%20musicaux/index%20A%20cadre%20principal.htm
C'est bien de cela qu'il s'agit, l'armée fait son offensive à l'est pour combattre le bolchévisme. Là le narrateur prends bien soin de définir les méchants, ceux qui ont tiré les premiers: les autres, bolchéviques/juifs. Puisque le premier charnier découvert est de leur fait et qu'en personnes sensibles et civilisées ils en sont malades et les hauts gradés présent sur place se débrouillent pour quitter le lieux de l'"aktion" en réaction à ce massacre. Le décor se met en place et la réaction à la barbarie aussi...
Peut être une contradiction avec la toccata où Aue nous expliquait que seule les circonstances sont responsables indépendamment du camp où on se situe, mais à ce moment là il n'avait pas encore vécu l'histoire.

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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:29

Plein de parfumés se joignent à nous, c'est formidable !

Pour les récits de guerre, j'en ai lu pas mal, Cendrars et Remarque parmi les plus récents, et c'est le seul où je ne retrouve pas ce sentiment de lassitude ,d'épuisement, de fin du monde. Aue décrit certes des horreurs tout au long de son trajet, mais il garde sa sérénité et sa satisfaction d'être là.

il est bien clair dès les premières pages que pour Aue toute culpabilité est exclue, et là-dessus je ne pense pas qu'on aura à revenir dans le livre. C'est une façon biaisée de s'appliquer à lui-même le principe de « banalité du mal » de Hannah Arendt. De dire que cela ne peut nous arriver à chacun. Ce qui va être intéressant tout au fil du livre c’est de voir quels mécanismes il met en jeu pour justifier cette absence de culpabilité, qu' il a transformée au contraire en une conscience d’avoir bien agi.

Enfin dans la partie Allemandes I et II je suis frappée par le style qui évolue complètement, on sort des civilité de toccatas. Les phrases courtes, l'absence de paragraphe, les dialogues (souvent sans beaucoup d'intérêt) inclus dans le texte sans retour à la ligne, on a l'impression d'un rouleau compresseur qui est en marche que rien ne peut arrêter.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:36

Marie a écrit:
Je viens de lire dans Si beau, si fragile, le livre de chroniques de Daniel Mendelsohn, ce qu'il dit des Bienveillantes. Comme le disent Shanidar et Topocl, certains mots ont une grande importance dans la lecture de ce roman, et il faudra s'intéresser au titre, Les Bienveillantes, à qui étaient ces Bienveillantes . Mendelsohn est un helléniste , et il donne des explications plus complètes sur le choix du titre.
Je le note avec grand plaisir, d'autant plus que j'ai envie de revenir vers Daniel Mendelsohn que je n'ai plus lu depuis Les disparus...
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 12:41

Allemande I et II

continuant sa métaphore musicale, Littell nous entraine donc dans une suite de danses, nous sommes donc en relation avec un texte qui non seulement s'écoute mais se vit, se joue dans la chair, le muscle, le contact à l'autre. La danse peut être gaie ou solennelle, emportée ou très chorégraphiée et comme le soulignait sentinelle, il s'agit d'une référence à la musique baroque, une musique éminemment improvisée, ludique, joyeuse ou hiératique, une musique qui s'affranchit des codes et s'appuie sur des lignes mélodiques un peu folatres, inventives, indomptées.

Le début du chapitre nous emmène à Lutsk (ville d'Ukraine, qui vient d'être épurée par le NKVD des soviétiques) qui vient d'être prise par la Wermacht (l'opératiion Barbarossa commence). La compagnie SS à laquelle appartient notre narrateur attend les ordres et l'on voit bien ici le problème d'organisation soulevé par une avance trop rapide dans les territoires et une bureaucratie énoorme. Impossible de savoir d'où viennent les ordres, où il faut aller, qui l'on doit suivre en dehors de ce von Reichenau qui fait de l'exercice en maillot de bain. Le narrateur souligne que le moment pourrait être ridicule, mais il ne l'est pas. L'homme en maillot reste un soldat, un chef, dictant ses ordres, gardant son autorité même nu. Il y a toujours ce jeu dans le texte entre l'humain et le monstre, ce petit décalage que l'on cherche et que l'on ne trouve pas, les hommes décrits sont des hommes, tout homme est capable du pire si on le menace, si on le presse, si on lui inculque que pour le bien de sa patrie il doit commettre des actes de guerre.

Aue souligne que pour le soldat allemand l'obéissance aux ordres ne peut pas être un refuge (cette défense a été très utilisée à Nuremberg) , il revendique le fait qu'il a obéit à une idée du devoir, proche de l'honneur chevaleresque, ce sentiment qui donne aux hommes le 'droit' de se battre pour leur patrie, leur femmes, leurs enfants (et ce même s'ils se trompent). Nous touchons là à un questionnement très fort, très troublant, quand on sait à quel point la propagande nationale-socialiste a eu d'impact sur la population allemande, il est presque évident que des hommes d'honneur aient pris les armes (dans l'horreur, dans l'effroi, dans la peur...). J'ajoute que Auer insistera plus tard sur l'idée que : lorsque les ordres manquaient, un bon soldat trouvait en lui la solution. Nous sommes confrontés à des hommes formatés, fanatisés, obéissants à une politique de la grandeur, de la revanche, de la sauvegarde. Il y a là un grand écart morale à produire pour pouvoir ne serait-ce qu'imaginer un court instant la vie intime de ces héros-là.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes EmptyMar 10 Mai 2011 - 13:50

Aue continue à se promener au milieu des massacres. Son indifférence est subtilement suggérée : il regrette de ne pas avoir pris son pull.
À Kiev, il met la main à la pâte. Il est sommé de descendre dans le ravin et de tirer pour achever les blessés. Là enfin, il est rattrapé par l'horreur qui le submerge. Cependant, cette tâche tellement atroce qui lui est confiée, s’il décrit la folie elle engendre en chacun, pas une minute il ne songe à la fuir. Il explique très clairement qu'il le pourrait, mais son devoir est là, et il l’assume.
Cette action terminée, un discours délirant sur l'avenir qui attend l'Allemagne sur le sol de l'URSS, le potentiel qu'offre cette victoire attendue à tous les bons allemands, tâche de recharger les batteries de tous les combattants. Ces très hauts objectifs doivent permettre aux soldats de passer par-dessus leur épuisement et leur répugnance.Aue voit bien le caractère utopique de cette façon de présenter les choses,, mais là encore refuse toute prise de recul. Sa décision a été prise une bonne fois pour toute et il s’y tiendra : avancer, continuer, obéir.

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