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| Emile Zola | |
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colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 29 Mar 2015 - 20:09 | |
| L’argent (1890) Malgré les abondantes études qu’Emile Zola consacra à la question sociale et au marxisme en amont de l’écriture de ce volume, le roman de L’Argent ne permet pas de saisir d’un coup d’œil la nature du système économique de la fin du 19e siècle. 400 pages de réflexion dans ses brouillons seront réduites à un feuillet dans le roman ; pour le reste, Emile Zola connaissait mal la Bourse. Sa vie durant, il n’eut jamais à gérer ses finances. Son éditeur Fasquelle lui tenait lieu de banquier et Zola lui demandait à mesure les sommes dont il avait besoin, sans qu’il ne lui soit nécessaire de se préoccuper plus attentivement des mécanismes de la banque. C’est tant pis mais c’est aussi tant mieux : nous n’apprendrons peut-être pas grand-chose de surprenant concernant les processus déjà avides qui fondent le système bancaire à la fin de ce siècle (les processus de notre époque, bien plus abstraits et enchevêtrés, seraient une source mille fois plus prodigue en étonnement et consternation) mais nous suivrons avec émotion la démonstration dressée par Emile Zola pour traduire ce que suscita peut-être son étude préalable : le grand scandale selon lequel la misère n’est pas provoquée par l’argent mais par l’accaparement de l’argent dans une société qui se fonde sur l’exploitation des multitudes par quelques privilégiés. L’intrigue s’inspire de l’affaire Bontoux qui suscita le Krach de l’Union générale en janvier 1882. Cette déconfiture fut ensuite utilisée pour accuser, entre autres, les juifs et les francs-maçons. Ce roman traduit d’ailleurs très bien l’antisémitisme naissant et relié aux envies, aux jalousies et aux ambitions folles dont la source est la concurrence économique. Le discours d’Emile Zola est intelligent et mesuré. Il aurait été facile de blâmer uniquement l’argent et d’en faire l’image d’un dieu avilissant qui soumet une population d’êtres humains purs par nature, mais Emile Zola préfère souligner la culpabilité de l’homme dans l’établissement d’un système dominé par l’argent. A cause de l’homme, l’argent est devenu sale : il a tout souillé, même, et surtout, le désir. Et dans cette décrépitude du lien, de l’estime et de la dignité, que devient l’amour ? A travers L’Argent, Emile Zola s’est posé beaucoup de questions qui ont le mérite de l’intemporalité. Saurons-nous jamais créer quelque chose de noble avec et malgré l’argent, ou notre nature même nous en empêchera-t-elle toujours ? A l'une des sources de l'antisémitisme ? - Citation :
- « Ah ! le juif ! il avait contre le juif l’antique rancune de race, qu’on trouve surtout dans le midi de la France ; et c’était comme une révolte de sa chair même, une répulsion de peau qui, à l’idée du moindre contact, l’emplissait de dégoût et de violence, en dehors de tout raisonnement, sans qu’il pût se vaincre. Mais le singulier était que lui, Saccard, ce terrible brasseur d’affaires, ce bourreau d’argent aux mains louches, perdait la conscience de lui-même, dès qu’il s’agissait d’un juif, en parlait avec une âpreté, avec des indignations vengeresses d’honnête homme, vivant du travail de ses bras, pur de tout négoce usuraire. Il dressait le réquisitoire contre la race, cette race maudite qui n’a plus de patrie, plus de prince, qui vit en parasite chez les nations, feignant de reconnaître les lois, mais en réalité n’obéissant qu’à son Dieu de vol, de sang et de colère ; et il la montrait remplissant partout la mission de féroce conquête que ce Dieu lui a donnée, s’établissant chez chaque peuple, comme l’araignée au centre de sa toile, pour guetter sa proie, sucer le sang de tous, s’engraisser de la vie des autres. Est-ce qu’on a jamais vu un juif faisant œuvre de ses dix doigts ? est-ce qu’il y a des juifs paysans, des juifs ouvriers ? Non, le travail déshonore, leur religion le défend presque, n’exalte que l’exploitation du travail d’autrui. Ah ! les gueux ! »
- Citation :
- « Ah ! ce Gundermann, ce sale juif, qui triomphe parce qu’il est sans désirs !… C’est bien la juiverie entière, cet obstiné et froid conquérant, en marche pour la souveraine royauté du monde, au milieu des peuples achetés un à un par la toute-puissance de l’or. Voilà des siècles que la race nous envahit et triomphe, malgré les coups de pied au derrière et les crachats. Lui a déjà un milliard, il en aura deux, il en aura dix, il en aura cent, il sera un jour le maître de la terre. Je m’entête depuis des années à crier cela sur les toits, personne n’a l’air de m’écouter, on croit que c’est un simple dépit d’homme de Bourse, lorsque c’est le cri même de mon sang. Oui, la haine du juif, je l’ai dans la peau, oh ! de très loin, aux racines mêmes de mon être ! »
Pour une définition honnête du crédit : - Citation :
- « Comprenez donc que, dans ces questions de crédit, il faut toujours frapper l’imagination. L’idée de génie, c’est de prendre dans la poche des gens l’argent qui n’y est pas encore. »
L'argent devient abstrait, s'éloigne de ses racines vitales et perd toute force d'incarnation. Est-ce la première étape d'une nouvelle barbarie ? - Citation :
- « Et Saccard, qui le regardait toujours, s’émerveillait de le voir avaler son lait à lentes gorgées, d’un tel effort, qu’il semblait ne devoir jamais atteindre le fond du bol. On l’avait mis au régime du lait, il ne pouvait même plus toucher à une viande, ni à un gâteau. Alors, à quoi bon un milliard ? Jamais non plus les femmes ne l’avaient tenté : durant quarante ans, il était resté d’une fidélité stricte à la sienne, et, aujourd’hui, sa sagesse était forcée, irrévocablement définitive. Pourquoi donc se lever dès cinq heures, faire ce métier abominable, s’écraser de cette fatigue immense, mener une vie de galérien que pas un loqueteux n’aurait acceptée, la mémoire bourrée de chiffres, le crâne éclatant de tout un monde de préoccupations ? Pourquoi cet or inutile ajouté à tant d’or, lorsqu’on ne peut acheter et manger dans la rue une livre de cerises, emmener à une guinguette au bord de l’eau la fille qui passe, jouir de tout ce qui se vend, de la paresse et de la liberté ? Et Saccard, qui, dans ses terribles appétits, faisait cependant la part de l’amour désintéressé de l’argent, pour la puissance qu’il donne, se sentait pris d’une sorte de terreur sacrée, à voir se dresser cette figure, non plus de l’avarice classique qui thésaurise, mais de l’ouvrier impeccable, sans besoin de chair, devenu comme abstrait dans sa vieillesse souffreteuse, qui continuait à édifier obstinément sa tour de millions, avec l’unique rêve de la léguer aux siens pour qu’ils la grandissent encore, jusqu’à ce qu’elle dominât la terre. »
*Peinture de Richard Estes | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: Emile Zola Lun 30 Mar 2015 - 9:26 | |
| Je le lirai bien! Il ne comprend rien aux histoires d'argent? Comme je le comprends! :sourire:En même temps il ne pouvait pas ne pas en parler pour mettre en scène son histoire. "l'exploitation des multitudes par certains privilégiés"est un sujet qui est révoltant (en tout cas qui me révolte) et il doit bien savoir l'écrire domme tu dis. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Mer 1 Avr 2015 - 21:02 | |
| Il ne connaissait pas beaucoup le sujet en pratique avant de s'y intéresser. Mais en théorie, pas de souci à se faire... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Sam 11 Avr 2015 - 21:01 | |
| Le Docteur Pascal (1893) Le Docteur Pascal se voulait le point culminant de la série des Rougon-Macquart, l’aboutissement de tout un parcours généalogique et historique, et pourtant, il ressemble plus à une imitation d’achèvement qu’à une véritable conclusion. Tout y est beaucoup trop explicite. La volonté de fermer le cycle se traduit par un déploiement de symboles au sein desquels le manichéisme hésite sans cesse : opposerais-je la science et la religion, la raison et le cœur, la vie et la mort, l’homme et la femme ou ne le ferais-je pas ? On a souvent interprété ce dernier livre de la série des Rougon-Macquart comme une confession d’Emile Zola. L’écrivain met ici en abyme le récit de la passion amoureuse toute neuve qui le lie à Jeanne Rozerot, une jeune lingère avec laquelle il goûtera enfin le plaisir de devenir père à presque cinquante ans. Il permet également de présenter les travaux d’hérédité qui l’ont solidement occupé pendant plus de vingt ans. Le Docteur Pascal qui enferme ses documents dans la grande armoire de son salon, c’est Zola : un homme rendu forcené par l’envie de démolir l’ignorance, aussi bien exalté dans les joies de la découverte qu’abattu par la vanité de cette prétention. Tous les éléments sont en présence pour lancer un récit qui aurait été à la fois tragique, lyrique et philosophique. La sauce ne prend pourtant pas, la faute peut-être au mauvais vieillissement de la théorie de l’hérédité. C’est le comble de l’histoire : le roman tombe en disgrâce à cause des justifications qui auraient dû le rendre magistral. La théorie de l’hérédité, associée aux triomphes de la science, à la raison, au savoir et au progrès, s’oppose à la religion, au mysticisme, à l’irrationnel, à une période associée à un retour de l’idéalisme. Dans les années 1890, les pèlerinages vers Lourdes font fureur, de nombreuses basiliques sont construites, l’âge d’or du culte du Sacré Cœur a sonné et le Comte de Mun dissémine l’idée d’un catholicisme social. Mais aujourd’hui, cette théorie de l’hérédité nous semble bien naïve. Les injections de liqueur du médecin ne sont pas plus encourageantes. Emile Zola semble n’avoir pas réussi à choisir entre deux options qui finissent malgré tout par se rejoindre : sciences et mystique, même combat, chacun croit avoir raison. La conclusion de ce roman se résout d’ailleurs à vouloir tout rapprocher et propose une belle conciliation qui n’aura malheureusement été accordée qu’au prix de longues batailles fatigantes tout au long du roman. Après vingt épisodes denses et peu équivoques, il est dommage que la série se termine sur une note presque timorée. Emile Zola laisse l’avenir en suspens, libre au lecteur d’en faire ce qu’il souhaitera. Mais plutôt que de perdre du temps à se questionner interminablement, comme le fit sans profit le Docteur Pascal, peut-être n’en ferons-nous rien, et cela vaudrait mieux. Un extrait de la théorie de l'hérédité : - Citation :
- « Il était parti du principe d’invention et du principe d’imitation, l’hérédité ou reproduction des êtres sous l’empire du semblable, l’innéité ou reproduction des êtres sous l’empire du divers. Pour l’hérédité, il n’avait admis que quatre cas : l’hérédité directe, représentation du père et de la mère dans la nature physique et morale de l’enfant ; l’hérédité indirecte, représentation des collatéraux, oncles et tantes, cousins et cousines ; l’hérédité en retour, représentation des ascendants, à une ou plusieurs générations de distance ; enfin, l’hérédité d’influence, représentation des conjoints antérieurs, par exemple du premier mâle qui a comme imprégné la femelle pour sa conception future, même lorsqu’il n’en est plus l’auteur. Quant à l’innéité, elle était l’être nouveau, ou qui paraît tel, et chez qui se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble s’y retrouver. Et, dès lors, reprenant les deux termes, l’hérédité, l’innéité, il les avait subdivisés à leur tour, partageant l’hérédité en deux cas, l’élection du père ou de la mère chez l’enfant, le choix, la prédominance individuelle, ou bien le mélange de l’un et de l’autre, et un mélange qui pouvait affecter trois formes, soit par soudure, soit par dissémination, soit par fusion, en allant de l’état le moins bon au plus parfait ; tandis que, pour l’innéité, il n’y avait qu’un cas possible, la combinaison, cette combinaison chimique qui fait que deux corps mis en présence peuvent constituer un nouveau corps, totalement différent de ceux dont il est le produit. »
La science se glisse formellement dans la peau de la religion... - Citation :
- « Quand j’étais petite et que je t’entendais parler de la science, il me semblait que tu parlais du bon Dieu, tellement tu brûlais d’espérance et de foi. Rien ne te paraissait plus impossible. Avec la science, on allait pénétrer le secret du monde et réaliser le parfait bonheur de l’humanité... Selon toi, c’était à pas de géant qu’on marchait. Chaque jour amenait sa découverte, sa certitude. Encore dix ans, encore cinquante ans, encore cent ans peut-être, et le ciel serait ouvert, nous verrions face à face la vérité... Eh bien ! les années marchent, et rien ne s’ouvre, et la vérité recule. »
*Peinture d'Edwin Blashfield, Printemps dispersant les étoiles | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 9 Aoû 2015 - 15:22 | |
| Je vais bientôt lire Le Docteur Pascal. Evoque-t-il l'institution psychiatrique dans ce roman? A-t-il abordé ce sujet dans d'autres livres? (je n'ai de souvenir que du delirium dans L'Assommoir mais il ne décrit pas vraiment l'hôpital lui-même). Balzac s'y est-il intéressé de son côté? Ou d'autres auteurs classiques? J'aimerais lire des romans qui décrivent de façon naturaliste cet univers... des idées? | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 9 Aoû 2015 - 16:24 | |
| Je ne crois pas que tu trouveras vraiment ce que tu cherches dans le Docteur Pascal. Dans mon souvenir, cela reprend surtout les théories de l'hérédité, qu'étudie le docteur, à partir des exemples de sa famille. Je n'ai pas non plus de souvenirs de livres de Balzac un tant soit peu centré sur l'institution psychiatrique, sur la folie oui, mais sans institution.
Un titre me vient en tête, Corps et âmes de Maxence Van der Meersch, sous-titré roman sur le monde de la médecine. Cela décrit d'une façon très réaliste le monde médical à la veille de la deuxième guerre mondiale, et dans mon souvenir, il y a pas mal de place consacré à l'hôpital psychiatrique. Je ne sais pas si cela correspond à l'époque qui t'intéresse. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 9 Aoû 2015 - 18:48 | |
| - Arabella a écrit:
Un titre me vient en tête, Corps et âmes de Maxence Van der Meersch, sous-titré roman sur le monde de la médecine. Cela décrit d'une façon très réaliste le monde médical à la veille de la deuxième guerre mondiale, et dans mon souvenir, il y a pas mal de place consacré à l'hôpital psychiatrique. Je ne sais pas si cela correspond à l'époque qui t'intéresse. Oui très bien, merci Arabella. On manque de descriptions littéraires des institutions d'avant les années 50 (il y en a davantage au cinéma finalement bien que pas toujours de façon très réaliste). Quelques témoignages ou ouvrages historiques bien sûr mais ça serait intéressant d'avoir une vision documentaire et littéraire à la Zola pour voir comment ça fonctionnait. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 9 Aoû 2015 - 21:11 | |
| Corps et âmes est bien dans la lignée d'un naturalisme à la Zola. Van der Meersch n'est sans doute pas un génie incontournable de la littérature, et par certains aspects son livre a vieilli, mais les descriptions du milieu médical, dont l'hôpital psychiatrique, sont saisissantes et très détaillées. Je n'ai pas souvenir de quelque chose d'aussi fouillé dans un ouvrage plus ancien, mais la mémoire des fois joue des tours, et il y a tellement de livres que je n'ai pas lus. Mais d'autres parfumés pourront peut être t'aider. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Emile Zola Dim 16 Aoû 2015 - 20:09 | |
| - moinonplus a écrit:
- La Bête humaine. Emile Zola
C’est le roman de l’instinct, de l’animalité, de la convoitise charnelle. Zola fait de son roman un miroir où se réfléchit l’inconscient de l’homme,-la Bête humaine-.
C'était une lecture fabuleuse.
- Heyoka a écrit:
Après des premières pages difficiles, un peu assommantes, j'ai été prise dans les rouages de cette machine infernale et je ne suis descendue du train qu'à la dernière page. J'ai été emportée par la richesse du récit et par cette plongée funèbre dans l'âme humaine. Les différents niveaux de lecture, qui caractérisent les romans de la série des Rougon-Macquart, sont fascinants. La qualité d'écriture de La Bête Humaine m'a donné envie de me replonger dans cette saga littéraire. Une lecture passionnante! Etrange roman de tous les excès qui peut saturer par ce trop plein de pulsions en cascades. Sorte de roman criminel dont on nous donnerait dès le début à la fois les différents mobiles et les coupables. S'y ajouteront des viols, des suicides, des catastrophes... Pourquoi pas si on veut le voir comme une sorte de parabole sur l'inconscient humain et sur une société déliquescente à la veille de la guerre qui est annoncée en toute fin. Comme si tout ce projet était de nous plonger dans un maelstrom d'horreur et de sensations fortes jusqu'à la nausée. Ce qui m'a surpris et un peu déçu par rapport à la plupart des autres romans du cycle c'est l'importance répétitive donnée aux désirs réciproques des différents personnages dont la psychologie est résumée à gros traits. On a droit à des chapitres entiers pour décrire l'amour, le désir, les pulsions criminelles... mais les morceaux de bravoure naturalistes ou mythologiques habituels passent au second plan. Il y a bien quelques belles séquences pour décrire le monde ferroviaire entre St Lazare et Le Havre, la locomotive "La Lison" affrontant les neiges puis agonisant dans une accident spectaculaire. Mais j'ai saturé de ce fouillis émotionnel que je ne peux pas m'empêcher de trouver caricatural même si Zola semble viser une sorte de dimension de poésie noire et prémonitoire. C'est finalement un roman bien plus expressionniste que naturaliste. J'ai aimé par contre le fait que les personnages les plus archaïques et violents aient leur part d'héroïsme et de grandeur. Lantier notamment est à la fois une sorte de tueur en série en puissance mais il séduit par son charisme et son engagement et sa passion quasi charnelle pour sa locomotive. Un roman populaire qui a du surprendre et choquer à son époque. Fasciner aussi car il donne à lire ce que la plupart des gens recherchent. A savoir des sensations fortes, du sexe, de la violence, des drames. Un peu trop pour moi et j'avais presque hâte que ça se termine. Constat mitigé donc. Je vais regarder le film de Renoir que je n'ai jamais vu. Je crois qu'il a beaucoup réécrit cette histoire et je suis curieux de voir ce qu'il en a fait. En tout cas Gabin ne correspond pas du tout physiquement au personnage décrit par Zola. Il doit nénamoins en avoir à la fois la candeur et la brutalité. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Mer 19 Aoû 2015 - 21:46 | |
| Le film devrait te plaire. Dans mon souvenir, il est beaucoup moins grandiloquent que le roman. C'est vrai que Zola s'est vraiment défoncé pour donner tout ce qu'il avait en réserve dans le genre éclatant, choquant... addictif ? un peu tapageur le Zola ? | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Emile Zola Mer 19 Aoû 2015 - 22:48 | |
| - colimasson a écrit:
- Le film devrait te plaire. Dans mon souvenir, il est beaucoup moins grandiloquent que le roman. C'est vrai que Zola s'est vraiment défoncé pour donner tout ce qu'il avait en réserve dans le genre éclatant, choquant... addictif ? un peu tapageur le Zola ?
Je l'ai regardé. Le film est beaucoup plus romantique finalement. Les personnages ont une certaine douceur et la violence est toujours hors champ. Renoir a recentré le récit sur Lantier et simplifié l'histoire. C'est plus le récit d'une fatalité atavique qui génère une souffrance et une impossibilité d'être heureux. Zola est bien plus expressionniste et brut de décoffrage. Ce qui est peut-être plus intéressant dans une certaine mesure. Mais j'avoue que c'est une histoire qui m'a semblé très fabriquée et artificielle. C'est la première fois que je n'arrive pas à entrer vraiment dedans et à croire en ses personnages. Je crois que Zola n'est pas très bon pour la psychologie. Il excelle dans les descriptions et dans la construction de récits qui ont une dimension quasi mythologique. Or La Bête humaine recentre tout sur les états d'âmes des personnages et ça ne fonctionne pas à mon avis. J'ai aimé bien davantage la description du monde ferroviaire et les scènes avec La locomotive La Lison. C'est elle le personnage le plus intéressant finalement. Elle vit, s'affaiblit et meurt dans des séquences époustouflantes. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Emile Zola Jeu 20 Aoû 2015 - 15:10 | |
| C'est clair que Zola ne fait pas dans la finesse psychologique... même si, dans certains de ses romans, il traduit bien la finesse des rapports qui peuvent exister au sein du couple amoureux. Je suis d'avis avec toi : j'ai l'impression que Zola ne cherche pas à atteindre le réalisme dans sa description des sentiments et émotions mais plutôt la portée symbolique. | |
| | | darkanny Zen littéraire
Messages : 7078 Inscription le : 02/09/2009 Localisation : Besançon
| Sujet: Re: Emile Zola Mar 1 Sep 2015 - 19:38 | |
| L'assommoir
Quelle claque ce livre, je crois que je n'ai jamais assisté à une telle désescalade dans le destin personnel. Une description fort appuyée et sans fioriture de la déchéance humaine que la force des événements conduit à la perte de toute dignité. Des moments d'anthologie avec la noce endiablée, endettée parce que mal estimée par les protagonistes.
On sent que les rares moments de bonheur et d'espérance ne font que trop augurer d'un avenir compromis et voué à l'échec.
Et le pantagruélique repas de fête de Gervaise est un miracle littéraire à lui tout seul si on accepte cette surenchère dans l'évocation des différents plats et boissons qui se succèdent sans fin, comme si, seule, la mort était la conclusion logique d'un tel acharnement à vouloir s'en mettre plein la panse.
On pourrait en dire tellement sur ce livre, on en sort lessivé, abruti devant tant de misère, on voudrait ne pas y croire. La fin de Coupeau est hallucinante, celle de Gervaise est dramatique, tout fait de la peine. C'est déchirant.
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| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Emile Zola Mar 1 Sep 2015 - 20:40 | |
| Darkanny, ton avis passionné donne envie d'y plonger ... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Emile Zola Mar 1 Sep 2015 - 20:47 | |
| C'est mon préféré avec L'œuvre. Tout a un relief incroyable. | |
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| Sujet: Re: Emile Zola | |
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| | | | Emile Zola | |
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