Lecture en commun - Mervyn Peake : Titus d'Enfer

Je suis pas beaucoup plus avancée que vous. Ca me fait plaisir de pas etre la seule à la traine.

odrey a écrit:

Je suis pas beaucoup plus avancée que vous. Ca me fait plaisir de pas etre la seule à la traine.

Au moins on le déguste! Et avec les préparatifs de fêtes c'est pas idéal pour le lire plus rapidement.

Marko a écrit:

odrey a écrit:

Je suis pas beaucoup plus avancée que vous. Ca me fait plaisir de pas etre la seule à la traine.

Au moins on le déguste! Et avec les préparatifs de fêtes c'est pas idéal pour le lire plus rapidement.

Ouf.


(Et j'aime beaucoup les illustrations que vous avez posté ! Merci pour le partage)

plus on avance dans la lecture et plus l'écriture se fait lyrique, tout en déshumanisant les personnages (peu de jugement, peu d'introspection, peu de morale, pas de questionnement sur le résultat des actes...), l'auteur personnifie de plus en plus la nature, en une sorte de vase communiquant dont Craclosse et Keda pourraient être les deux parangons (l'un devenant homme des bois et l'autre par son sacrifice devenant la montagne elle-même). Ce passage est très beau, très émouvant, tellurique.

Les morts se suivent et ne se ressemblent pas, mais quelle hécatombe ! on se demande quand la machine mortelle va s'arrêter !

Et puis toujours cette ambivalence à l'égard de Finelame : tout le monde l'admire et le déteste en même temps, puisque comme le souligne sentinelle, il représente cette classe 'moyenne' qui cherche à se hisser au pouvoir en s'inscrivant dans le rituel mais en le dénigrant. Cette classe qui n'a pas la culture de l'aristocratie mais qui a l'intelligence et la volonté de s'élever.

darkanny a écrit:

sentinelle a écrit:

[
Un roman qui fait référence à toute l'étiquette aristocratique et monarchique du début du vingtième siècle anglais : des rituels ininterrompus alors qu'on a oublié depuis longtemps leur fonction première, émergence d'une nouvelle classe sociale qui n'a peut-être pas le sang bleu mais la malice et la fourberie nécessaires pour parvenir au sommet de la gloire.

Bien vu.

C'est ce qu'on voit se dessiner tout doucement effectivement. A travers un peu de "nonsense" qui prend racine chez Rabelais ou Erasme et qu'on retrouve chez Alice et donc également ici. Le monde à l'envers que l'intrusion d'un grain de sable fait basculer.

shanidar a écrit:

Et puis toujours cette ambivalence à l'égard de Finelame : tout le monde l'admire et le déteste en même temps, puisque comme le souligne sentinelle, il représente cette classe 'moyenne' qui cherche à se hisser au pouvoir en s'inscrivant dans le rituel mais en le dénigrant. Cette classe qui n'a pas la culture de l'aristocratie mais qui a l'intelligence et la volonté de s'élever.

Tout à fait, et c’est pourquoi je suis restée ambivalente jusqu’au bout en ce qui concerne Finelame : malgré sa fourberie, sa cruauté, sa fausseté, il est habile, malicieux, intelligent, débrouillard, futé en un mot. Il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche lui, il n’était au départ qu’un pouilleux au service d’une aristocratie déglinguée. Comment lui en vouloir d’avoir accumulé toute cette haine en tant que serviteur d’une famille ayant tout pouvoir depuis leur naissance sans avoir à prouver quoi que ce soit mais aujourd’hui totalement dégénérée ? Et pourtant on l’aime aussi cette famille d’Enfer ! Il ne reste que les plus faibles n'y résisteront pas. Bref ambivalence de bout en bout mais tout cela ne peut finir que dans un bain de sang, c’est évident tant qu’il ne peut en rester qu’un. Finelame, ce qui lui manque, c’est la sagesse, la droiture, l’honnêteté, la bienveillance. Il aurait été un grand homme si seulement il n’avait pas mis son intelligente au service d’une avidité et d’une cupidité démesurées. Il est passé irrémédiablement du côté obscure de la force : haine, agressivité, égoïsme au service d'une ambition diabolique. Nous vlà en plein Star Wars

Ambivalence de l'auteur aussi qui finit tout de même par choisir son camp...

Ce qui est certain, c'est qu'une phase de transition s'annonce, difficile de continuer comme si de rien n'était. Mais échappe-t-on jamais un jour à sa destinée et ses conditions de naissance ? Quelle liberté avons-nous vraiment ?

Je suis très contente que Queenie apprécie ce roman.
Quant à Shanidar er Marko, je n'avais absolument aucun doute là-dessus.

Ils ont osé une mini série à la BBC. Autant dire que c'est assez épouvantable. Tout est réduit à une sorte de bande dessinée puérile (à part quelques plans à la Dickens pas trop mal). Je vais vite effacer ces images de ma tête et revenir à mes représentations d'origine. Il faudra un sacré talent de mise en scène pour le transposer sans le réduire à une imagerie conventionnelle.

Etant au boulot, je ne peux pas voir le lien mais j'ai le souvenir d'une série de la BBC qui n'était pas mal du tout : Gormenghast de Malcolm McKay (2000) avec Jonathan Rhys-Meyers dans le rôle de Finelame.

Quelques photos :




Finelame (Jonathan Rhys-Meyers)


Les soeurs Clara et Clarice


Craclosse (Christopher Lee)


Fuchsia et Finelame


Craclosse et Finelame dans la chambre des chats de Lady Gertrude d'Enfer

Pour revenir avec les illustrations de Mervyn Peake


Page de manuscrit avec Fuchsia et Finelame


Lenflure

C'est bien la même série BBC. Elle semble fidèle au récit en tout cas mais elle me parait trop conventionnelle et tirant vers la bouffonnerie. Je n'imagine pas cet univers comme ça.

Je suis moins sévère que toi, ayant trouvé de bonnes choses aussi dans cette adaptation, notamment le jeu d'acteur de Jonathan Rhys-Meyers dans le rôle de Finelame, pas du tout bouffon dans ce rôle. Disons que je trouve la série trop colorée alors que la tonalité du roman va nettement plus du côté sombre.
En fait, je me souviens que la première partie était de loin la meilleure, la deuxième partie allant beaucoup trop vite, on perdait tout le sel du roman.
Bref pas géniale mais pas à jeter complètement non plus, à voir en tout cas après avoir lu la trilogie et pas avant sous peine d'être ensuite parasité par les images.
Quoique le troisième volume soit assez dispensable (inachevé), d'ailleurs l'adaptation visuelle s'attache aux deux premiers volets de la trilogie.

Darkanny pourra nous en dire un mot d'autant plus que je pense qu'elle avait mieux aimé que moi si mes souvenirs sont bons.

Finelame

vous avez raison de souligner l'importance des couleurs dans le roman, les codes sont ici aussi parfaitement étudiés et respectés, l'étiquette a son importance ; la comtesse flamboyante de rousseur gaine son corps dans une ample robe noire comme la nuit, Fuschia (comme son nom l'indique) ne porte qu'un rouge gorge, les jumelles sont immuablement en pourpre, les serviteurs portent des loques de couleurs sombres qui leur permettent de se fondre aux pierres du chateau. Encore une fois, seul Finelame voit son costume évoluer en fonction de son ascension sociale, il passe de l'habit de mirliton à un élégant costume sombre et chemise blanche. A travers les costumes tout est dit sur le monde ritualisé à outrance du château, d'autant plus qu'on se garde bien de nous expliquer le pourquoi du choix des couleurs, c'est ainsi, depuis des temps immémoriaux et chacun se plie aux règles édictées...

Finement observé shanidar, comme toujours

Je crois que je l'avais trouvée pas si mal la série (en 2 épisodes il me semble) mais bien sûr comment rendre à l'écran tant de choses ? là ou les images sont si fortes et les dialogues savamment étudiées avec leurs tournures et les manies de chacun, Irma qui double sa phrase d'une même phrase mais interrogative, les jumelles qui se font écho, Craclosse qui n'emploie pas de sujet devant le verbe, les hennissements de Salprune etc..

La tâche est difficile, il faudrait une série avec beucoup plus d'épisodes et surtout une très bonne production, des moyens à la hauteur.