Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Romeo Castellucci

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MessageSujet: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptySam 5 Nov 2011 - 10:03

Romeo Castellucci
Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci N1154110

Citation :
Biographie

Diplômé des beaux-arts en scénographie et en peinture à l'issue de ses études à Bologne, Romeo Castellucci fonde en 1981, avec sa sœur Claudia et Chiara Guidi, à Cesena, en Émilie-Romagne la Socìetas Raffaello Sanzio (it), considérée comme « expérimentale », qui s’appuie sur la conception d'un théâtre intense, d'une forme d’art réunissant toutes les expressions artistiques et s'est affirmée, à partir du milieu des années 1980 et surtout dans les années 1990 en Italie et en Europe, comme l'une des composantes les plus radicales du théâtre italien contemporain.

S'inscrivant dans la continuité du « Théâtre de la cruauté » imaginé par Antonin Artaud, les spectacles de la Socìetas Raffaello Sanzio sont des spectacles dits « de théâtre » dans lesquels le texte s’efface souvent au profit de l'image et des sons, traités et proposés dans leurs aspects les plus radicaux et exacerbés. Leurs propositions théâtrales mêlent l'artisanat théâtral d'antan à des technologies de pointe et allient des trouvailles visuelles, sonores et même olfactives, pour créer des spectacles d'où la place du texte tend à s'estomper face à celles des corps. D'une esthétique parfois outrancière, mais toujours maîtrisée, ces spectacles peuvent difficilement être comparés à autre chose qu'eux-mêmes et, par leur côté provocateur, ne laissent jamais les spectateurs indifférents.

En janvier 2002, Romeo Castellucci lance un vaste projet intitulé Tragedia Endogonidia. Il s'agit d'un système de représentation ouvert dans lequel la pièce se transforme au fil du temps et selon le parcours géographique et les lieux où elle est présentée. À chaque stade de sa transformation, le titre de la pièce intègre un numéro d'ordre, le nom de la ville traversée, et le qualificatif d'« épisode. » Dans ce projet, comportant onze épisodes, créés jusqu'en 2004 notamment à Cesena, Avignon, Berlin, Bruxelles, Paris, Londres, Rome ou Marseille, Romeo Castellucci s'interroge sur les conditions de la tragédie contemporaine, à travers la situation du spectateur, et met en scène des thèmes comme l'anonymat des personnages, l'alphabet, la loi, l'âpreté du rêve et la ville.

En 2003, il est nommé directeur de la section « théâtre » de la 37e édition de la Biennale de Venise (2005), dont le titre était « Pompéi, le roman des cendres. » Dans sa programmation, il a cherché à faire ressortir un art dramatique souterrain, enfoui sous les cendres, et à favoriser un art essentiellement plastique, où le texte même prend valeur matérielle.

En France, Romeo Castellucci vient pour la première fois au Festival d'Avignon en 1998 avec Giulio Cesare d'après Shakespeare. Les années suivantes, il y est à nouveau invité avec Voyage au bout de la nuit, un « concerto » d'après Céline (1999), Genesi (2000). Par la suite, le festival d'Avignon accueille le second « épisode » de la Tragedia Endogonidia avec A.#02 Avignon en 2001, Hey girl ! en 2007.

En 2008 Romeo Castellucci est « artiste associé » du Festival d'Avignon et il crée trois pièces inspirées par La Divine Comédie de Dante : Inferno dans la Cour d'honneur du Palais des papes, Purgatorio à Châteaublanc et Paradiso à l'Église des Célestins.

Toujours, en 2008, il propose une performance intitulée Storia dell’Africa contemporanea Vol. III, créée dans le courant de l'été à Cesena, en Italie, dans laquelle il se met lui-même en scène de façon radicale dans un rituel terriblement humain, qui sera ensuite présentée notamment en mai 2009, lors du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, en Belgique, puis en novembre au festival Mettre en scène, organisé par le Théâtre national de Bretagne, en France.

En 2011, sa pièce Sul concetto di volto nel figlio di Dio (« Sur le concept du visage du fils de Dieu »), présentée au Festival d'Avignon au mois de juillet 2011, met sans concession en scène le Dieu chrétien et son fils. Jugée « blasphématoire » par l'évêque de Vannes, Mgr Raymond Centène, et des mouvements intégristes catholiques, elle occasionne, à l'automne 2011, des manifestations devant le Théâtre de la Ville à Paris où elle est représentée, marquées par plusieurs débordements et arrestations. Les manifestants, souvent membres d'associations religieuses, essaient d'empêcher la représentation de la pièce en argumentant que la « démarche [de l'auteur est] profondément contestable sur les plans moral et esthétique. »

Mises en scène

* 1986 - Santa Sofia-Teatro Khmer
* 1989 - La discesa Di Inanna
* 1990 - Gilgamesh
* 1990 - Iside e Osiride
* 1991 - Adhura Mazda
* 1992 - Amleto d'après William Shakespeare
* 1992 - Orestea d'après Eschyle
* 1993 - Masoch
* 1994 - Hansel and Gretel
* 1992 - Buchettino for children
* 1997 - Giulio Cesare d'après William Shakespeare
* 1999 - Genesi, from the museum of sleep
* 1999 - Voyage au bout de la nuit d'après Louis-Ferdinand Celine
* 2000 - Il Combattimento d'après Claudio Monteverdi
* 2002-2004 - Tragedia Endogonidia
o Les épisodes de la Tragedia Endogonidia :
+ C.#01 Cesena (Socìetas Raffaello Sanzio, 25-26 janvier 2002)
+ A.#02 Avignon (Festival d'Avignon, 7-16 juillet 2002)
+ B.#03 Berlin (Hebbel Theater, 15-18 janvier 2003)
+ Br.#04 Bruxelles (Kunsten Festival des Arts, 4-7 mai, 2003)
+ Bn.#05 Bergen (International Festival Norway, 22-25 mai, 2003)
+ P.#06 Paris (Odéon - Théâtre de l'Europe, avec le Festival d'Automne, 18-31 octobre, 2003)
+ R.#07 Rome (Romaeuropafestival, 17-20 février, 2004)
+ S.#08 Strasbourg (Le Maillon, Théâtre de Strasbourg)
+ L.#09 Londres (LIFT, London International Festival of Theatre, 13-16 mai 2004)
+ M.#10 Marseille (Les Bernardines avec le Théâtre du Gymnase, 20-26 septembre, 2004)
+ C.#11 Cesena (Socìetas Raffaello Sanzio, 16-22 décembre, 2004)
* 2007 - Hey Girl!
* 2008 - Inferno, Purgatorio et Paradiso d'après Dante
* 2011 - Parsifal d'après Richard Wagner
* 2011 - Sul concetto di volto nel figlio di Dio

Récompenses et distinctions

Romeo Castellucci a remporté de nombreux prix, tant en Italie et qu'à l’étranger :

* 1996 : Prix spécial UBU pour la Résistance, décerné suite à l'exclusion de la Socìetas Raffaello Sanzio de l’aide publique destinée au théâtre de recherche, par le Ministère du Tourisme et du Spectacle de la République italienne.
* 1997 : Prix Masque d’Or du meilleur spectacle étranger de l'année décerné à Orestea, Festival Théâtre des Amériques, Montréal, Québec.
* 1997 : Prix UBU meilleur spectacle de l'année décerné à Giulio Cesare.
* 2000 : Prix Europe « Nouvelles réalités théâtrales », décerné à la Socìetas Raffaello Sanzio, Taormina.
* 2000 : Prix UBU meilleur spectacle de l'année décerné à Genesi, from the museum of sleep.
* 2000 : Prix Meilleure production internationale décerné à Genesi, from the museum of sleep, Dublin, Dublin Theatre Festival
* 2000 : Prix du meilleur créateur d'élément scénique du Syndicat de la critique, Paris, décerné pour la mise en scène de Genesi, from the museum of sleep.
* 2004 : Prix spécial UBU, décerné pour le travail sur la Tragedia Endogonidia

(note : ceci est un post de Marko, mis après coup pour élargir le fil à l'auteur)


Dernière édition par eXPie le Lun 23 Jan 2012 - 20:52, édité 4 fois
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MessageSujet: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 30 Nov 2011 - 0:22

Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci

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Salvator Mundi de Antonello da Messina

Montrer le visage du fils de Dieu, c'est montrer le visage de l'Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion. (Romeo Castellucci)

Je sors de ce spectacle sidérant qui a provoqué en France des mouvements extrémistes d'intolérance. Et en France seulement contrairement à l'Italie, la Pologne ou l'Allemagne, notamment, où il a été présenté sans remous... Le directeur du théâtre nous a rappelé qu'une campagne de désinformation avait été lancée par des personnes qui n'avaient même pas vu le spectacle. Il a été très applaudi en rappelant qu'il n'avait pas voulu céder aux pressions et intimidations au nom de la liberté de création et d'expression. Une salle comble, un public souvent jeune et heureux d'être là autant pour l'Art que pour la polémique. Nous n'avons pas été dérangés en dehors de chants religieux entendus de loin par les catholiques intégristes qui manifestaient à l'extérieur. Fouille à l'entrée, vestiaire obligatoire, aucun téléphone, objet ou même magazine dans la salle (pour ne pas servir de projectiles éventuels). Ambiance!

Le spectacle:

Un décor unique qui occupe la scène entière. Tout est blanc ou transparent à l'exception d'une plante verte dans un coin et d'une télé. A gauche un canapé, un fauteuil, une table basse, le meuble télé, un tapis beige clair, un porte manteau. Au milieu une table carrée avec des médicaments et 2 chaises en plexiglas. A droite un grand lit avec un placard et une table de chevet sur laquelle repose un bidon rempli d'un liquide marronnasse. En arrière plan ce portrait immense du Christ par Antonello da Messina recentré sur son visage qui semble regarder chaque spectateur en même temps que la scène qui se déroule devant lui. Un regard pénétrant, doux, apaisant, compatissant, ou ce que chacun voudra y projeter.

La lumière s'éteint progressivement côté spectateurs et la bande son faite de murmures indistincts s'intensifie puis devient saccadée comme si on zappait des programmes. Le climat est inquiétant, magnétique. 2 hommes habillés en noir soutiennent un vieillard qui marche péniblement et n'est seulement revêtu que d'un peignoir blanc. Ils le font s'assoir sur le canapé devant la télé puis s'en vont. Le fils en costume cravate s'apprête à partir pour son travail et interpelle son père avec gentillesse.

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Pendant 35 minutes environ sur les 45 minutes du spectacle on assiste au calvaire de ce vieillard incontinent qui est pris d'une crise de dysenterie de plus en plus profuse. Le fils le nettoie, le déshabille et le change. Il le déplace un peu plus loin et les excréments coulent à nouveau. Le père pleure, demande pardon. Le fils est plein d'attention et le console, puis il s'agace et s'emporte. Le vieillard pleure à nouveau et le fils souffre de l'avoir brusqué. Ils s'enlacent avec un arrêt sur image qui rappelle le portrait du fils prodigue par Rembrandt.

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Ils arrivent près du lit et l'écoulement reprend encore plus violent. Pendant que le fils part chercher d'autres serviettes, le père prend le récipient sur la table de chevet et renverse le contenu sur le lit, par terre, sur lui... Le fils revient désespéré.

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La lumière s'éteint sur la scène et le portrait du Christ s'illumine. Le fils vient embrasser les lèvres du portrait puis sort de scène. Le père passe devant le portrait sans le regarder en répandant le reste du contenu du récipient par terre. Il disparait à son tour en arrière du portrait comme absorbé par lui.

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Et c'est là que pendant les 10 minutes restantes se produit un moment hallucinant qui est en partie à l'origine de la polémique:

Une musique de plus en plus assourdissante démarre comme une sorte d'incantation étrange et hypnotique. Le son envahit toute la salle pendant que le visage du Christ semble se transformer. Une impression difficile à décrire. On dirait que ses traits se métamorphosent. Puis on comprend progressivement que la texture de la toile est comme une sorte de matière plastique qui subit des déformations par derrière. Plusieurs mains créent des bosses dans la surface, tout le visage est complètement distordu. La musique monte encore d'un cran. Des trainées de la même couleur que les excréments apparaissent par transparence comme projetés de l'intérieur. Le résultat est à la fois effrayant et splendide. La musique atteint son paroxysme quand les premières déchirures apparaissent. La toile plastifiée se lacère. On voit trois hommes en noir qui achèvent de la déchirer. Apparait alors une inscription comme un bas relief qui révèle par projection de lumière en arrière la phrase: You are my shepherd. Sauf qu'on aperçoit malgré tout le mot not qui n'est pas éclairé et qui donnerait donc You are not my shepherd. A chacun de choisir.

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L'image s'éteint brusquement en même temps que la musique. On devine dans la pénombre les 3 hommes qui viennent enlever le mobilier sur scène. Il ne reste plus rien. Une lumière éclaire par en dessous tout le sol blanc de la scène qui devient phosphorescent et semble comme une immense toile abstraite qui ne laisse apparaître que la grande traînée d'excréments répandue par le vieillard. L'effet est fabuleux. Un énorme flash éblouit les spectateurs et tout s'éteint. Fin du spectacle.

Impressions:

La première partie provoque des réactions contradictoires dans la salle. Quelques rares rires gênés, des mouvements de dégoût, un sentiment de banalité extrême qui progressivement crée un malaise pour finir par bouleverser. L'hyperréalisme de la scène en temps réel qui contraste avec l'immobilité d'un autre âge de ce visage christique si bienveillant m'a donné l'impression de créer un effet de miroir. Cet homme souffrant et le Christ ne faisant qu'un. Et ce regard qui nous traverse répondant à notre propre regard sur le tableau et sur la scène qui se déroule. Mais d'autres n'y verront que de l'indifférence, ou un espoir, peut-être une provocation (l'ambiguïté existe bel et bien pour qui souhaite la trouver). Chacun peut investir cette représentation en fonction de ses croyances, de ses désirs. Ou ne rien voir...

Mais l'ensemble qui s'éprouve comme un chemin de croix est là pour nous préparer progressivement à l'aventure sensorielle de la dernière séquence qui provoque une sidération esthétique, métaphysique, quasi mystique (?) qui transforme ce spectacle en expérience du sacré. Une installation d'Art contemporain qui nous fait nous poser mille questions tout en nous mettant en transe. C'est extraordinaire. Les gens qui avaient pu potentiellement s'ennuyer un peu pendant ces 35 minutes de dysenterie se retrouvent sous le choc et se lèvent pour applaudir un Castellucci tout ému devant tant d'émerveillement reçu, partagé et renvoyé. Chapeau l'artiste!

Quelques clés de Romeo Castellucci: (propos recueillis à Avignon par Jean-Louis Perrier)

L'axe entre le portrait et le spectateur croise en effet celui tracé entre un père, incontinent, et son fils, qui doit partir au travail alors même que son père est victime d'une crise de dysenterie. Le rapport entre le spectateur et le portrait du Christ, qui veille sur lui, est ainsi entraîné dans une turbulence provoquée par le débordement du père. Je voulais comprendre l'amour et la lumière dans cette condition de perte.

L'incontinence du père est en effet une perte de substance, une perte de soi. Elle est à mettre en regard avec le projet terrestre du Christ qui passe par la Kenosis - du verbe grec kénoô: se vider -, c'est-à-dire par l'abandon de sa divinité pour intégrer pleinement sa dimension humaine, au sens le plus concret du terme. C'est le moment où le Christ entre dans la chair de l'homme en mourant sur la croix. Jésus est depuis toujours le modèle de l'homme. Depuis la crucifixion, Dieu s'est abaissé jusque dans notre misère la plus triviale: il nous précède dans la souffrance en général, et dans celle de la chair en particulier.

Cette condition de kenosis concerne chacun de nous. Dans cette pièce, je me tiens particulièrement à distance de la mystique et de la mystification parce qu'il s'agit en définitive du portrait d'un homme: un homme mis à nu devant d'autres hommes (les spectateurs), lesquels sont, à leur tour, mis à nu par cet homme.

Je ne parle pas de ma conviction religieuse qui relève de la sphère intime. Les signes religieux présents dans Sur le concept du visage du fils de Dieu cachent des considérations plus profondes, relatives à la condition de l'homme, l'homme qui porte le Christ. Pas de polémique, pas de blasphème, pas de raccourci de pensée ni de caricature idiote: ce que je fais requiert une lecture patiente, du temps et de la réflexion.

A la fin du spectacle, un voile noir coule sur le portrait du fils de Dieu: Dieu se retire dans le brouillard du fond de scène, depuis lequel il a fait son apparition. Il est venu à nous et nous a regardés: il l'a fait. Et si la toile figurant le visage du fils de Dieu est déchirée, cela ne constitue pas un geste iconoclaste. Ce geste nous indique au contraire un chemin, un passage à travers le Christ, une identification complète avec le Christ, un bain en lui, une mise au monde de lui en nous.

Le théâtre peut approcher le sacré. Mais ce n'est pas un sacré doctrinal. On ne peut pas vraiment le saisir. Il est là. C'est une épiphanie individuelle propre au spectateur. Mais il est bien là, dans la rencontre entre l'image qui n'est jamais donnée et celui qui la regarde. On se situe au-delà du mysticisme. C'est autre chose, car le rôle du théâtre n'est pas d'offrir un quelconque salut.


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Dernière édition par Marko le Mer 30 Nov 2011 - 12:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 30 Nov 2011 - 9:59

Je vois qu'apparemment le spectacle a évolué depuis sa création. On voit sur internet des images qui proposent d'autres versions avec notamment des enfants qui viennent lancer des projectiles sur le visage du Christ. A-t-il fait évoluer son "message" en tenant compte des attaques éventuelles? Je n'ai rien lu à ce sujet.

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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 30 Nov 2011 - 23:56

Une vidéo d'un extrait de cette fameuse scène finale (un peu différente de la version actuelle) qui donne une toute petite idée de ce qui s'y passe. L'impact en direct est bien plus impressionnant. Même la musique ne rend pas du tout pareil mais ça permet à ceux qui ne verront pas la pièce de se représenter un peu ce qui a tant fait débat chez certains intégristes:

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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyDim 22 Jan 2012 - 22:25

J'ai enfin regardé Inferno en DVD. Ce spectacle qui avait sidéré le public d'Avignon en 2008. Je suis malade de n'avoir pas été dans la salle tellement ce qu'on voit sur ces images est d'une puissance onirique et d'une beauté hallucinatoire tétanisantes (avec une réalisation remarquable de Don Kent). Je reviendrai détailler mes impressions mais si vous avez envie de vivre une expérience artistique hors du commun je vous conseille de sauter sur ce DVD et de le regarder sans rien savoir. On en sort transformé. Cet artiste (aidé de son collectif la Societas Raffaello Sanzio ) est un génie.

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Et bonne nouvelle, il sera à nouveau à Avignon cet été pour son adaptation de la nouvelle d'Hawthorne Le voile noir du pasteur qui prolongera son récent travail sur le visage du fils de Dieu. Cette fois je ne le manquerai pas!

Citation :
Romeo Castellucci de nouveau à Avignon.

Romeo Castellucci sera de nouveau à Avignon en 2012 avec sa création “Il Velo Nero del Pastore” (Le voile noir du pasteur), qu’il devait initialement donner pour l’édition 2011 du Festival.

Le voile noir du pasteur est le second volet du diptyque autour de Jesus, dont Sur le Concept du visage du fils de Dieu, donné l’an passé à Avignon et récemment objet de polémique au festival d’Automne de Paris, constituait le premier volet. Créée en mars 2011 au TNB de Rennes, cette oeuvre jugée pas assez aboutie par le metteur en scène, avait été retirée du programme du festival quelques mois avant l’ouverture de l’édition 2011.

Le voile noir du pasteur est inspiré d’une des nouvelles les plus anciennes et les plus célèbres de la littérature américaine. Publié en 1836, le texte, que l’auteur a défini comme une « parabole », appartient à ce courant de la littérature américaine imprégné de rigueur puritaine, regorgeant d’allusions à l’Ancien Testament et de motifs romantiques, donnant naissance à un type de langage à la fois réaliste et symbolique qui caractérise une grande partie de la culture américaine.

L’histoire est construite autour d’un élément emblématique : le voile noir dont le Révérend Hooper couvre son visage pour le dissimuler aux yeux du monde. Le récit se déroule dans la Nouvelle-Angleterre, dans la communauté puritaine de Milford. Un dimanche matin, les paroissiens qui assistent au service religieux sont stupéfaits de voir apparaître leur pasteur le visage couvert d’un voile noir descendant jusqu’à la bouche. Tout au long de sa vie, pas un seul instant le pasteur ne renonce à ce voile, même lorsque sa fiancée Elizabeth l’y exhorte. Jusqu’à sa mort, il ne donne aucune justification pour cette étrange décision. On ne sait si ce voile est un signe d’expiation ou de sacrifice, un déguisement ou un masque, un geste d’humilité ou d’orgueil, s’il faut le lire comme la marque d’une faute ou de sa punition. On ne comprend pas s’il vient du bien ou du mal. La seule chose qu’il nous est donné de savoir est l’effet que produit ce voile : le vide qui se fait autour du pasteur. Il perd l’amour et, bien qu’il soit entouré du plus grand respect, il est condamné à mener une vie solitaire par la terreur que ce voile inspire à ses ouailles. Ici, l’énigme du récit va bien au-delà d’une banale morale puritaine.

Le voile noir du pasteur n’est donc pas seulement le récit d’une faute secrète révélée dans le comportement étrange du pasteur, ni un réquisitoire typique du rigorisme protestant, ni une métaphore du masque social derrière lequel se dissimulerait le sujet. Le récit de Hawthorne est, pour Romeo Castellucci, l’occasion de s’interroger sur le rapport entre représentation et négation du paraître. Il est donc l’occasion de repenser la puissance de l’image. Le voile nous incite autant à voir qu’à penser l’invisible. Il s’agit d’un emblème qui affirme avec force la nécessité du regard, la nécessité de regarder la représentation, mais aussi la nécessité de voir ce qui n’est pas et ne peut être représenté.

LE VOILE NOIR DU PASTEUR / MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHIE, LUMIÈRES, COSTUMES ROMEO CASTELLUCCI / DU 18 Juillet au 26 Juillet 2012 au Gymnase Aubanel / FESTIVAL D’AVIGNON 2012.

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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyLun 23 Jan 2012 - 19:58

Inferno
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Romeo Castellucci s'est emparé de La Divine Comédie de Dante pour en faire un spectacle poétique et abstrait qui abolit les frontières entre théâtre et installation d'art contemporain, tradition et modernité, concret et abstrait. Le théâtre n'est pas que langage parlé et ce spectacle crée son propre langage des corps, des matières, des bruits et des silences. Depuis 30 ans Romeo Castellucci a développé avec ses proches une réflexion sur la représentation d'idées et de traditions ancestrales à travers un univers métaphysique et sensoriel qui immerge totalement le spectateur dans des tableaux d'une force peu commune. Un travail à la fois très expérimental et très proche de celui qui le reçoit. On peut se laisser envoûter sans chercher à comprendre, comme on peut tenter ensuite de trouver des significations, des liens, dont la logique reste à l'arrivée autant poétique qu'intellectuelle.

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Inferno reprend les étapes de La Divine Comédie de manière non littérale. Comme il l'avait fait avec sa magnifique adaptation de Parsifal, il cherche l'universel et une vision ouverte au-delà de l'imagerie religieuse et des symboles qui la sous-tende. On retrouve donc l'introduction avec le créateur de l'oeuvre (Dante/Castellucci) , pêcheur égaré sur le chemin du salut, qui vient se présenter à nous puis est guidé à travers l'Enfer et le Purgatoire par le poète qui lui montre d'abord le point culminant à atteindre (une colline ou ici le sommet du Palais des papes dans une fabuleuse ascension de l'acrobate/homme des rues qui fait corps avec l'édifice). Il lui faut également affronter les 3 créatures qui entravent sa progression (le Lynx, Le lion et la louve qui apparaissent ici sous la forme de 3 chiens loups qui tentent de le dévorer).

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Le spectacle est une succession de tableaux inouïs qui confrontent les âmes égarées des innocents prisonniers des limbes (les enfants non baptisés) dans le 1er cercle et la marée humaine des damnés des autres cercles aux forces invisibles qui cherchent à les engloutir.

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Comme chez Dante on y croise des hommes célèbres parmi les anonymes comme notamment cette apparition d'Andy Warhol mort dans un accident de voiture et dont les déambulations énigmatiques occupent le dernier quart d'heure du spectacle.

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Hommes, femmes et enfants semblent revivre à l'infini les rituels de leurs tourments comme de leurs étreintes apaisantes. On peut se serrer dans les bras de l'autre puis le tuer.

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On entend des bruits d'accidents de voiture, certains plongent du sommet d'un promontoire comme autant de suicidés dont certains noms célèbres s'affichent en arrière plan.

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Un piano s'embrase sur la musique mélancolique de Spiegel Im Spiegel d'Arvo Pärt.

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Entre autres séquences impressionnantes il y a ce moment où des hommes et des femmes sont confrontés à leur image dans un miroir qui laisse apparaître ensuite par transparence après leur départ des enfants de 2 à 3 ans jouant dans un cube probablement fait de vitres sans tain. Ces enfants ne voient pas ce qui se passe en dehors et le spectateur aperçoit une masse sombre qui se répand comme une grand voile noir depuis l'une des fenêtres du palais des papes et qui enveloppe progressivement le cube pour le faire disparaître.

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Un autre moment confronte le public à une expérience plus lumineuse où l'ensemble des gradins est recouvert par un tissu blanc qui laisse transparaître la lumière par transparence. Voile qui glisse ensuite au fur et à mesure que les mains lâchent le tissu. L'effet est saisissant.

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Une telle description ne peut pas rendre compte de la magie de ce qui se passe sur scène et qui, tout en faisant référence au récit de la Divine Comédie, nous propose des espaces de méditation et d'expérimentation sensorielle tout à fait saisissants et exaltants. On est constamment sous tension dans une sorte de transe continue qui subjugue.

On voit encore l'apparition presque divine d'un cheval blanc face au groupe d'hommes et de femmes,

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Infern12 Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Infern13

La bande son de Scott Gibbons contribue grandement à l'effet d'hypnose que provoque le spectacle par le recours à des sonorités étranges, menaçantes, qui génèrent un espace mental en interaction avec les personnages et le décor sublimement exploité du palais des papes. Un travail époustouflant.

Le résultat est un chef-d'oeuvre bouleversant aussi profond que beau et qui a le mérite de générer des visions mémorables autant qu'il suscite des interrogations multiples. Comme j'aurais aimé être dans le public pour voir cette merveille.

Citation :
Le spectateur idéal, selon Romeo Castellucci, serait celui "qui ne connaît pas (son) travail, qui peut-être ne connaît même pas le théâtre, un spectateur qui entrerait dans la salle par hasard."* Alors bien sûr, ils sont quelques-uns, de ces "spectateurs idéaux", à assister aux représentations d'Inferno à Avignon. Assister à un spectacle dans la Cour d'Honneur, découvrir l'artiste associé du festival, venir voir ce qu'est un "Castellucci" - chose théâtrale dont tout le monde parle avec beaucoup de mystère - ou tout simplement, accompagner des amis qui ont eu l'idée farfelue d'aller voir "ça", les motivations sont nombreuses qui ont pu pousser les néophytes dans la Cour d'Honneur ces jours-ci. Enfin, par néophytes entendons les non-connaisseurs du travail de Castellucci car malheureusement, avec le système de réservation des billets et le filtrage serré des spectateurs à l'entrée, l'homme de la rue ne risque guère de s'égarer par hasard dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, un soir à 22 heures.
Romeo Castellucci s'en désolera sûrement, mais ceux qui ne connaissent pas son travail sont bien souvent venus ici au THEATRE, avec des attentes de THEATRE. "C'était beau, mais c'était pas du théâtre", entend-on comme un leitmotiv à la sortie. La faute, peut-être encore un peu, à l'absence de texte. Même si depuis la grande controverse de 2005, consciemment ou non, plus personne n'ose ouvertement poser le texte comme ingrédient essentiel du théâtre. Mais finalement, une création de la Societas Raffaello Sanzio est composée de moments tellement forts, que l'absence de texte est assez évidente. Non, ce qui perturbe encore le spectateur lambda, ce n'est pas tant l'absence de mots que la difficulté à donner un sens aux images qu'il voit. Ressentir sans chercher à comprendre, cela n'est guère dans les habitudes du spectateur français.
Le spectateur français veut pouvoir décrypter les symboles, capter un message et pouvoir déclarer y adhérer ou non. Tandis que pour Romeo Castellucci "ce qui compte c'est le chemin que fait l'oeuvre en moi. Je suis regardé par l'oeuvre et pas le contraire. Si cela est vrai, alors le problème de la compréhension est un faux problème."* A défaut de pouvoir assister à un spectacle de Castellucci vierge de toute expérience théâtrale, alors il est certainement recommandé d'être prévenu et surtout, de ne pas chercher à COMPRENDRE. Vivre Inferno comme une expérience unique, une occasion unique d'assister à des moments uniques dans un lieu unique. Un homme escalade la paroi vertigineuse du Palais des Papes à mains nues. Des bambins jouent sur le plateau. Une marée humaine et colorée déferle et se perd dans un sac et un ressac. Dans un espace temps complètement dilaté, laisser les images nous pénétrer, laisser les sons nous remuer, prendre ce moment comme une occasion exceptionnelle de vivre un rêve éveillé, un cauchemar éveillé, accepter de fermer par instants les yeux, pour les ouvrir à nouveau sur un cheval blanc ou des corps rangés dans des tiroirs comme à la morgue. Finir par se demander si tout ceci a été fabriqué pour nous ou fabriqué par nous. Se réveiller pour aller se coucher, transformé…
(Fluctuanet)


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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyLun 23 Jan 2012 - 20:08

Et quelques éclairages de Romeo Castellucci:

Citation :
Entretien avec Romeo Castellucci

Que représente pour vous d’être artiste associé à cette édition 2008 du Festival d’Avignon ?

Romeo Castellucci : C’est, au bout de dix années - nous sommes venus avec la Socìetas Raffaello Sanzio pour la première fois en 1998 avec Giulio Cesare -, une étape importante dans la relation de confiance que nous entretenons avec Avignon. Mais c’est surtout l’occasion d’aller plus loin encore dans ma rencontre avec le Festival et son public, donc de faire aboutir mon travail par sa remise en danger, en question. J’aime à Avignon cette rencontre avec le spectateur inconnu, avec un public élargi, qui échappe à l’assemblée des spécialistes. Le Festival est un laboratoire artistique et humain. Ici, on peut écouter les autres, et pas seulement montrer ses spectacles. Cette rencontre avec le public m’apporte beaucoup pour comprendre mon propre travail. C’est ce que j’appelle “la production des idées”. Mais cela veut sans doute dire encore plus, seule une sensation pourrait l’exprimer. J’ai peur, évidemment.

Vous venez à Avignon avec une Divine Comédie, d’après Dante, en trois spectacles Inferno, Purgatorio, Paradiso, c’est un pari audacieux…

J’ai toujours eu, depuis l’adolescence, ce rêve de La Divine Comédie. Mais comme un rêve qui m’était interdit. C’est une oeuvre d’imagination, liée à des visions, cela m’est très proche. Ce qui m’a toujours attiré vers La Divine Comédie est précisément cette impossibilité à s’y mesurer. J’éprouve le besoin de me sentir démuni quand je travaille, cela me permet de dépasser le problème de l’illustration du texte pour penser le rapport de la représentation de ce texte avec l’irreprésentable. Là est le noyau du théâtre. Ce n’est pas un texte à montrer, à illustrer, mais une condition où l’on se place pour mieux voir, pour se métamorphoser en voyant. Comme si, à chaque fois, on refondait l’imagination en soi-même.

C’est assez proche de la place de Dante lui-même…

Dante a effectivement imaginé son oeuvre en se situant comme artiste dans le centre de sa représentation. Il est à la fois celui qui écrit et celui qui subit cette écriture, un artiste constamment caché dans son texte, donc très fortement présent, mis en scène telle une présence de regards, Dante n’a pas écrit une autobiographie, mais davantage une oeuvre, comme s’il désirait s’y perdre. C’est, par exemple, la place de la forêt obscure qui ouvre le texte. Jamais Dante ne dit pourquoi il se trouve dans cette forêt, ni quelle force l’a poussé dans l’obscurité. Ce manque d’explication est fascinant. Il s’agit plutôt d’être là, présent dans cette obscurité, sans raison. Pour moi, cette obscurité est fondatrice au sens où elle ressemble à une forme d’espace originel qui serait le plateau vide, là où tout est possible. Mais c’est également l’espace où existe une menace, difficilement identifiable et que l’on ne peut que ressentir. Les bêtes qui rôdent, le monde hostile. L’oeuvre se retourne contre elle-même, et Dante assume cela. Il fait un choix qui le pousse sur cette voie cheminant entre la conscience et l’inconscience. C’est comme une chute. Il tombe dans l’oeuvre, au-delà de la raison. Cela m’a captivé, car j’ai tenté de le traduire en sensations sur le plateau. Le sens tient entièrement dans cette émotion très directe. L’oeil amène l’information, le son, l’émotion.

Vous allez travailler avec vos collaborateurs habituels ?

Scott Gibbons retravaille avec moi le son des spectacles. Il capte des sons dans la nature, dans le monde, et les restitue en une musique électro-acoustique. Car je voudrais entendre la chair, les os et il parvient à faire bouillir le sang ! Il voudrait également enregistrer des sons à la morgue, pendant des autopsies. C’est évidemment terrifiant, mais ce n’est pas de la provocation, cela rejoint aussi un travail sur la mélancolie, avec des sonorités douces, puissantes mais gracieuses. Je désirerais pour Inferno une tonalité de douceur.

C’est également une source de violence…


Il y aura bien sûr de la violence. Lucifer et son hachoir à viande humaine, cette expérience du corps humain qui tombe dans la matière, cette condition terrifiante de la chute. Cependant, il existe dans ces spectacles une forme extrême de nostalgie, qui provoque elle-même une douceur paradoxale, celle du manque de vie. Dans Inferno, je voudrais entendre le “bruit” de ces langues jamais entendues.

D’autres collaborations sont pour vous importantes sur ces spectacles ?

J’ai également travaillé avec la chorégraphe Cindy Van Acker, dont le travail sur le volume du geste fractionné m’a toujours fasciné. Nous tentons ensemble d’approcher le mouvement de la foule. Nous avons pensé au lien entre les personnages et le sol, la terre, le plateau, ce contact tellurique entre les corps et le sol. Pour Inferno, cela fait beaucoup de monde sur le plateau. Mais ce contraste m’intéresse. D’un côté la solitude, une personne seule perdue sur l’immensité du plateau; de l’autre la foule, qui envahit tout. Cette solitude de l’homme dans la foule a provoqué en moi une dynamique des images. Car tous se sentent abandonnés, et personne ne parvient à sortir des cercles du temps…

Vous avez effectué un important travail avec les animaux…

Dante utilise beaucoup le bestiaire. Chaque animal est codé et apporte une force allégorique universellement connue… Ce travail avec les animaux était donc nécessaire, mais il est également dangereux, car les animaux sont puissants. Ils volent littéralement l’énergie du plateau et inaugurent l’être “tel qu’il est”. Il faut être très attentif.

Inferno prend place dans la Cour d’honneur. Un défi supplémentaire ?

Le Palais des papes représente le vrai contexte de Dante ! La langue de Dante, l’italien vulgaire, a ses racines dans le provençal, tel qu’il était encore parlé à Avignon à l’époque. Clément V, le pape qui a déplacé la papauté à Avignon, figure luimême dans L’Enfer. Dante a écrit La Divine Comédie pendant la construction du Palais des papes. C’est une coïncidence étonnante. J’ai ressenti une sorte d’appel en relisant ce texte. C’est apparu comme une évidence. Par son aspect extérieur, son pouvoir noir, sa mémoire meurtrie, les murs transpirent cela, et la façade du Palais est un visage de méchant, comme un personnage de l’Enfer. C’est une présence maléfique, comme si le Palais était le lieu même du Jugement dernier.

La Cour d’honneur est un lieu dangereux…

Cet espace est extraordinaire, au-delà de sa mémoire, car c’est un lieu très difficile, plein de dangers et en même temps très simple. Chaque geste y prend un effet d’amplification radical. La Cour vous oblige ainsi à retourner dans une condition d’ignorance, d’innocence. Il faut oublier le texte, l’appareil critique, et je ne fais pas de philologie. En fait, il s’agit d’être Dante, d’entrer dans la condition de Dante égaré sur un chemin inconnu. Et de recevoir les images comme lui les a sans doute perçues. Quand il commence son aventure, il ne sait rien, il ne connaît rien, il entre dans un état de faiblesse totale, de fragilité absolue. C’est un texte impossible dans un lieu impossible, et la seule condition pour le faire ici, c’est de trouver cet état de perte et de fragilité. Il faut rechercher cette faiblesse en soi, afin de se mesurer à cet impossible qui est infini.

Et le Purgatorio, conçu pour Chateaublanc, quels en sont les principes directeurs ?

Ce Purgatoire est un “canto della terra”, très matériel et concret. Le ciel, les arbres, les rochers, les éléments de la réalité apparaissent soudain de façon radicale et étrange, là où les hommes sont condamnés à redoubler leur vie. Cela veut dire qu’il faut comprendre ce que signifient concrètement ces notions, “enfer”, “paradis”, “purgatoire”, dans sa propre action, en soi. Et l’un des objets de ces spectacles consiste à retrouver l’immensité de ces mots dans le quotidien de chacun. Cette forme de métaphysique intime, on peut la trouver cachée en chaque épisode de La Divine Comédie, mais sans doute est-elle encore plus sensible dans Le Purgatoire. Là, dans le texte de Dante comme dans mon spectacle, l’homme devient un être curieux, mais sans cesse arrêté par le concret des choses et des objets qui l’entourent. Cette matière l’occupe, l’encombre, l’attache, et souvent le tourmente. Les personnages font l’expérience du corps banal, des retrouvailles avec le monde fini, avec la nature connue, avec les matières de la vie. Ils se savent condamnés à errer parmi la réalité, “une réalité sans ombre”. La punition, ici, c’est tout simplement de vivre, de faire l’expérience du monde. Mais cela permet également de se retrouver, soudain, de l’autre côté du jeu du théâtre, dans l’envers de la représentation. Comme si chacun pouvait assister au spectacle projeté de sa propre vie. C’est donc une expérience de la lucidité qui dérange, fait peur, comme si les sensations et les corps se dissolvaient dans la matière. Purgatorio propose un monde en représentation, comme s’il était passé tout entier de l’autre côté du miroir. Tout se dédouble, et le dispositif scénique donne un grand rôle aux objets. C’est sans doute le moment le plus complexe, car il faut trouver un dispositif où apparaît très nettement le jeu du théâtre.

Votre Paradis, enfin, se tient à l’Église des Célestins…

J’ai réfléchi, dans cet espace que je connais pour y avoir proposé Hey Girl ! en 2007, à la condition du spectateur, à son chemin par rapport à La Divine Comédie. C’est ma forme de fidélité à l’oeuvre, davantage qu’au texte lui-même. Une fidélité à la trajectoire du spectateur dans l’oeuvre, une fidélité géométrique. Le paradis est le lieu de la désincarnation. Les corps n’existent plus, il n’y a plus de visage, il n’y a que de la lumière qui aveugle. Et le parcours devient de plus en plus proche de l’intimité du spectateur. Pour moi, Paradiso est le chant le plus épouvantable, quand la lumière se fait danger, radioactive, une lumière impossible. Dieu protège Dante par une cuirasse de lumière, qui elle-même attaque la lumière. C’est un combat lumière contre lumière, avec une forte impression de danger, et un éloignement douloureux entre les âmes et les corps, les âmes et le monde. Beaucoup de choses sont ici ressenties à travers le travail du son. Paradiso propose un monde paradoxal, répétitif, morne, comme une autre forme de condamnation, une autre exclusion de l’homme. Dans Inferno, l’homme était exclu des élus. Ici il est exclu du monde, condamné à errer dans un paradis qui lui apparaît comme un univers sans corps, sans visage, sans matière, un lieu de pure lumière et de sonorités sans limites, tout entier dévoué à la seule gloire du dieu créateur. Je voudrais donc considérer ce Paradiso à travers ce thème des exclus. Ici, le public pourra choisir le temps qu’il désire rester dans cet espace, puisqu’il pourra circuler à l’intérieur d’une sorte d’installation, comme une fin ouverte à La Divine Comédie, comme s’il décidait lui-même de la fin du spectacle.

Propos recueillis par Antoine de Baecque en février 2008
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMar 24 Jan 2012 - 16:04

Marko a écrit:
J'ai enfin regardé Inferno en DVD. Ce spectacle qui avait sidéré le public d'Avignon en 2008. Je suis malade de n'avoir pas été dans la salle tellement ce qu'on voit sur ces images est d'une puissance onirique et d'une beauté hallucinatoire tétanisantes (avec une réalisation remarquable de Don Kent). Je reviendrai détailler mes impressions mais si vous avez envie de vivre une expérience artistique hors du commun je vous conseille de sauter sur ce DVD et de le regarder sans rien savoir. On en sort transformé. Cet artiste (aidé de son collectif la Societas Raffaello Sanzio ) est un génie.


Vu avec Marko le DVD de ce spectacle (de théâtre sans texte) qui nous a laissés abasourdis par sa beauté...
J'espère aussi voir Le voile noir du pasteur qu'il présentera à Avignon cet été...
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMar 24 Jan 2012 - 17:02

coline a écrit:

Vu avec Marko le DVD de ce spectacle (de théâtre sans texte) qui nous a laissés abasourdis par sa beauté...

Abasourdis est le mot adapté! C'est rare ces spectacles qui mettent dans un tel état de tension (dramatique et esthétique). On en sort vraiment stupéfié. Et je n'imagine même pas ce qu'on doit ressentir sur place. Ou plutôt si puisque j'ai vu Le visage du fils de Dieu et Parsifal qui m'avaient déjà complètement hypnotisé.
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMar 24 Jan 2012 - 18:20

En complément de tout ce que Marko a déjà posté, 4'36 de sublimes images...
Inferno

"Inferno est un monument de la douleur.L'artiste doit payer. Dans la forêt obscure où il est d'emblée plongé, il doute, il a peur, il souffre. Mais de quel péché l'artiste est-il coupable? S'il est ainsi perdu, c'est qu'il ne connaît pas la réponse à cette question. L'homme que met en scène Castellucci subit de plein fouet cette expérience de la perte de soi."
Antoine de Baecque (théâtre contemporain.net)
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMar 24 Jan 2012 - 19:28

Je trouve presque dommage de voir ces images hors contexte (celles que j'ai mises et cette vidéo) même si ça donne une idée du spectacle. c'est une expérience qui se vit sur la durée avec le sentiment de ne jamais savoir quel sera le tableau suivant. Je ne savais absolument pas à quoi ça ressemblait avant de démarrer ce DVD et c'était d'autant plus troublant et impressionnant.
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMar 24 Jan 2012 - 22:39

Purgatorio
Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Hcoque10

Un trou dans le réel

Citation :
L’homme qui traverse le purgatoire – le “chant de la terre” – est un être curieux, sans cesse arrêté par le concret des choses et des objets qui l’entourent, dans une représentation de sa propre vie. Cette matière l’occupe, l’encombre, l’attache, et souvent le tourmente. Elle témoigne de ce qu’est précisément le purgatoire selon Romeo Castellucci : la vie humaine dans sa répétition quotidienne, la familiarité des tâches de tous les jours, le piège de la routine, l’expérience du corps banal, les retrouvailles avec le monde fini, la nature connue, les matières de la vie. Il se sait condamné à errer là, parmi la réalité, à la fois représentée sans distance, de manière abstraite, et de façon hyperréaliste, “une réalité sans ombre” dit le metteur en scène, qui s’est attelé à un important travail sur les formes en devenir. La punition, ici, c’est tout simplement de vivre, de faire l’expérience du monde. Ce Purgatorio est donc plus qu’un spectacle, car c’est aussi pour le spectateur l’occasion d’une expérience à laquelle Romeo Castellucci donne beaucoup de prix : se retrouver, soudain, de l’autre côté du jeu du théâtre, dans l’envers de la représentation. Comme si chacun pouvait assister au spectacle projeté de sa propre vie, mais primitive, renvoyée aux premiers temps, ceux des origines et de la naissance. Cette lucidité tout à coup offerte, comme une expérience de retour à la vue au sein de la nature contemporaine, de retour à la sensation au milieu de la ville moderne, n’est-elle pas plus terrible encore ? C’est une angoisse existentielle qui sourd de ce spectacle, comme si les sensations et le corps se dissolvaient dans la matière.(Théâtre contemporain.net)

Autre choc que ce Purgatorio qui dérange, effraie, déroute, agace puis émerveille et stupéfie en même temps tout en adoptant d'autres formes que celles choisies dans Inferno mais tout aussi hallucinantes.

On a l'impression de commencer dans l'univers asphyxiant et pervers de Michael Haneke et on plonge peu à peu dans une rêverie hypnotique à la façon mystérieuse et envoûtante des films de David Lynch.

Un intérieur bourgeois dont on découvre successivement une cuisine, un vaste salon, une chambre d'enfant, l'intérieur du placard de cet enfant et un monde plus onirique. Les décors se transforment le temps que descende puis remonte régulièrement un disque sombre comme une éclipse. Ce même disque qui laissera dans la 2e partie surgir des images fantasmagoriques et magiques.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Castel13Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci 6a00d810 Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Purgat10

Une mère et son enfant puis un père (ou un beau-père?) qui rentre épuisé de son travail. On sent un malaise imprégner cet univers aseptisé et figé dans ses rituels quotidiens montrés pratiquement en temps réel pendant 40 minutes.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Purgat11

L'enfant semble avoir peur, il monte se cacher dans son placard avec son Goldorak en plastique. Le père met un chapeau de cowboy comme pour jouer avec lui. La scène pressentie dès le départ a lieu hors champ à l'étage de la maison. Elle dure 5 minutes (et non 1 heure! comme le dit une jeune fille horrifiée sur une vidéo de youtube après le spectacle). C'est éprouvant par ce qui est suggéré mais on peut accepter ce projet à partir du moment où il prend une direction absolument étonnante et bouleversante dans la 2e moitié. Rien n'est gratuit ou complaisant même si le choix de ce qu'on entend est discutable. A noter que pendant toute l'action un texte projeté surligne d'abord littéralement ce qui est montré puis propose une toute autre version de l'horreur banalisée qui se prépare. Il évoque l'harmonie du foyer, la musique qui envahit l'espace, la paix et la joie.

Le père redescend et s'effondre sur son piano comme accablé de sa propre violence. On entend le même Spiegel Im Spiegel d'Arvo Pärt présent dans Inferno. Le son est distordu et le piano rappelle en écho celui que l'on a déjà vu brûler dans les enfers. L'enfant ensanglanté le rejoint et l'enlace en le réconfortant. "C'est fini, c'est fini papa". Un écran vient clore la scène.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Mg_20910 Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Romeo_11

Commence alors la seconde partie qui montre l'enfant s'immerger dans un espace abstrait, en pleine contemplation devant un gigantesque hublot qui a la même forme que l'éclipse séparant chaque scène de la 1ère partie. Toutes sortes de plantes mystérieuses et colorées lui apparaissent, hypnotisantes, apaisantes, comme un appel vers un autre monde où finit néanmoins par surgir l'homme cow-boy comme dans le rêve de Mulholland Drive.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci 12535710Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Divine11Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Dyn00310

On bascule alors véritablement de l'autre côté du miroir comme derrière le rideau rouge de Twin Peaks. On retrouve le fils devenu adolescent avec ses vêtements habituels et une sorte de parodie de ce père/cowboy adoptant des mouvements convulsifs, semblant se déformer et comme régresser devant le fils dominant qui l'observe immobile.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Web_ae11

Puis ce dernier rentre également dans le cercle et se métamorphose à son tour. On dirait que les règles de la pesanteur son abolies. On est dans un autre espace/temps.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci 5purga10 Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci M1045710

Les 2 corps s'affrontent, le fils immobilise le père qui s'échappe du cercle. Le fils se met à son tour à convulser pendant que le père disparait à l'étage. Puis il s'arrête. Une dernière vision hallucinatoire surgit à l'intérieur du cercle/éclipse comme une sorte de créature noire qui remplirait peu à peu tout l'intérieur du disque. Le point central encore illuminé laisse place aux ouvertures du placard de l'enfant comme si tout ce qu'on venait de voir était fantasmé par lui pour échapper à l'horreur par son imaginaire. A moins que ce soit le passage vers l'au-delà après sa mort puisque l'effondrement du père et le sang sur l'enfant pourraient le suggérer... Etrange purgatoire selon Romeo Castellucci.

Un sacré voyage dont l'interprétation est loin d'être évidente. On le ressent plus qu'on ne l'explique. Il fait écho à Inferno et on va voir qu'il fait aussi le lien avec l'installation finale Paradiso. Les 3 oeuvres sont indissociables.

Citation :
Ainsi le purgatoire selon Castellucci, c’est ça : l’horreur toujours recommencée, l’horreur acceptée, l’horreur pardonnée. Jusqu’à en devenir fou. L’horreur ordinaire dans le cercle le plus ordinaire : la famille. L’horreur qui détruit parce qu’elle se cache chez les êtres aimés, parce qu’elle se déguise sous un gentil chapeau de cow-boy fait pour jouer. A côté de moi, un petit garçon de douze ans m’a murmuré : « Le père, il n’a pas fait exprès. C’était, malgré lui, contre sa volonté. »

Le génie de Castelluci, tout au long de cette admirable Divine Comédie, revu par lui – d’Inferno en Paradiso – aura été de nous faire expérimenter, voir, entendre, et presque toucher, la tragédie d’être né. Et forcément condamné à mort. Avec des détails, des détails de rien, il suggère comme personne la douleur de vivre – tel l’enfant à jamais blessé de Purgatorio – mais aussi de ne vivre plus, comme les errants d’Inferno. Et quelle douce fraternité, quelle lumineuse compassion pour tous ces souffrants ! Et comme le sublime Paradiso désert, nous semble finalement désepérément manquer d’êtres vivants, même livrés au pire supplice.

A l’image de l’affiche du festival 2008, rien qu’un visage d’homme, Castellucci nous aura appris – pas « appris », plutôt laissé contempler – l’humanité dans toute sa faiblesse et sa splendide résistance. Au malheur.(Télérama)


Dernière édition par Marko le Mer 25 Jan 2012 - 0:37, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 25 Jan 2012 - 0:18

Paradiso

Le DVD propose 2 versions de cette installation qui clôt ce voyage à travers La Divine Comédie.

Ici la version présentée à Avignon dans l'église des Célestins avec juste cet espace inaccessible perçu à travers un hublot similaire à celui que contemplait le petit garçon de Purgatorio. A nouveau le piano mais à la mélodie inaudible dans le choeur de l'église remplie d'eau comme dans l'installation de Peter Greenaway: Tulse Luper Suitcases que j'avais pu voir dans l'église Sainte-Marie Madeleine à Lille. La lumière scintille sur les parois de l'église en fonction des ondulations de l'eau. Reste cette étrange menace sous la forme d'un voile noir qui déchire l'espace de temps à autres comme un obstacle à cette contemplation. Ce même voile qui engloutissait les enfants dans les limbes d'Inferno.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci L498xh10


Citation :
La musique brûlait en enfer. Elle chante au paradis, mais nul ne peut l’entendre. Entre les murs de la cour d’Honneur où a commencé le pèlerinage scénique de la Divine Comédie imaginé par Romeo Castellucci, les flammes de l’Inferno consumaient un piano à queue dont les cordes gémissaient en se brisant. Entre les murs de l’église des Célestins, le piano renaît de ses cendres au Paradiso, mais sans voix, que les vivants du moins puissent percevoir. Spectateurs confinés dans une petite salle obscure, ils contemplent le paradis du dehors par un vaste hublot.

Un eden laiteux où glissent des vapeurs légères, plongé dans l’eau dont les ruissellements font résonner les voûtes. Et en plein centre, ce piano comme un tabernacle ouvert et vide. Un eden inaccessible, défendu par l’aile noire d’un oiseau invisible qui claque avec une violence effroyable. Un eden perdu où les quelques bruits creusent un silence abyssal... On resterait une éternité, pourtant, à le contempler.(Télérama)

Citation :
Sur la terre de l’Église des Célestins, entre ses vieux murs, Romeo Castellucci a installé son paradis. Le spectateur qui parcourt librement cet espace entre dans sa propre intimité, processus façonné par une contemplation muette, par une lumière qui d’aveuglante se fait obscure, par de multiples reflets, des sons omniprésents. C’est un monde paradoxal, sans incarnation : dans Inferno, l’homme était exclu des élus, ici il est exclu du monde, condamné à errer dans un univers sans corps, sans visage, sans matière, un lieu de pure lumière et de sonorités sans limites, tout entier dévoué à la seule gloire du Dieu créateur. “Pour moi, c’est le chant le plus épouvantable, précise d’ailleurs Castellucci à propos du Paradis de Dante, une forme d’exclusion renversée, et non pas un accueil en forme de bienvenue!” Tout est centré sur le chant de gloire divin, si bien que les corps des spectateurs semblent se dissoudre dans la lumière, les sons, les reflets, comme s’ils perdaient leur substance dans une clarté si intense qu’elle absorbe tout, qu’il était désormais impossible à chacun de distinguer les perspectives du lieu, les proportions des choses, la consistance des objets. Toute psychologie et toute subjectivité semblent remises en cause. C’est là, dans ce parcours dans l’église des Célestins, qu’est proposée une interrogation à chaque spectateur : quelle est sa place, politique, sociale, face aux dysfonctionnements de l’existence ? (Théâtre contemporain.net)

Et là dans une version antérieure dans l'église de Cesena:

Citation :
Le spectateur est conduit à travers deux pièces qui communiquent : une antichambre blanche qui, à travers une petite porte, donne accès à une pièce très haute, noire. Dans le Paradis de l'église de Cesena, on est suspendu dans une région inaccessible à l'oeil humain dans laquelle ce qui est vu est donné comme une tache dans le champ du visible.

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci Img_8810

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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 25 Jan 2012 - 0:29

Une longue interview de Romeo Castellucci autour de ces 2 dernières oeuvres: Conference de presse

Il y est aussi question d'un ouvrage en français richement illustré paru chez Actes Sud sur le travail de Castellucci de 2002 à 2004 (et hop! clic amazon):

Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci 12098610



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MessageSujet: Re: Romeo Castellucci   Rom�o Castellucci - Romeo Castellucci EmptyMer 25 Jan 2012 - 15:40

Marko a écrit:
Je trouve presque dommage de voir ces images hors contexte (celles que j'ai mises et cette vidéo) même si ça donne une idée du spectacle. c'est une expérience qui se vit sur la durée avec le sentiment de ne jamais savoir quel sera le tableau suivant. Je ne savais absolument pas à quoi ça ressemblait avant de démarrer ce DVD et c'était d'autant plus troublant et impressionnant.

Oui mais comment exprimer cette expérience seulement par des mots?...Comment donner l'envie à d'autres de la partager? Il me semble qui l'image vient soutenir les mots...Le caractère fortement visuel de ce spectacle s'y prête...(On peut déjà s'extasier rien qu'en regardant l'image que tu as choisi pour ton avatar... content )
Il y aura peut-être des Parfumés tentés par "l'expérience Castellucci", avec Le voile noir au prochain Festival d'Avignon... content
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