Martha Marcy May Marlene [Sean Durkin]

Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin

Citation :

Après avoir fui une secte et son charismatique leader, Martha tente de se reconstruire et de retrouver une vie normale. Elle cherche de l’aide auprès de sa sœur aînée, Lucy, et de son beau-frère avec qui elle n’avait plus de contacts, mais elle est incapable de leur avouer la vérité sur sa longue disparition. Martha est persuadée que son ancienne secte la pourchasse toujours.

Assurer que la première qualité de Matha Marcy May Marlene est le poids de ses silences, denses, épais, effrayants, ce n'est pas une critique. Tout le contraire et la preuve que pour son premier long-métrage (récompensé à Sundance), Sean Durkin, même pas 30 ans, possède déjà une maîtrise de la mise en scène peu courante. Y ajouter svp un talent de scénariste évident tant l'écriture du film contribue au plaisir délicieusement pervers que l'on y prend. MMMM est une oeuvre douce (smooth serait le mot juste) pour montrer une violence sourde et les traumas d'un embrigadement et un nettoyage de cerveau qui débouchent sur une paranoïa schizophrène (ou l'inverse). Le film est sensoriel, avec une réalisation qui brille par son sens du cadrage, le plus souvent large, avec des plans rapprochés qui scrutent avec précision les pensées des personnages. Le montage utilise avec une intelligence rare la technique du flashback qui se fond puis se confond avec les scènes du moment présent. Confusion, perte de repères, perte du sens de la réalité, tout ce que vit au fil des minutes l'héroïne est retranscrit avec justesse sur l'écran. A fleur de peau, Elizabeth Olsen joue le rôle avec un naturel époustouflant, son visage changeant au gré de son état psychologique et son corps s'alourdissant ou s'allégeant selon le poids de son âme. Une révélation, cette comédienne qui peut passer de la beauté solaire à la laideur, comme par magie. Si, par bien des aspects, MMMM se révèle fidèle à l'esprit du cinéma américain indépendant, il a quelque chose en plus, une presque maturité dans le traitement de son sujet qui peut laisser à penser que Sean Durkin est un futur grand, à l'instar d'un Jeff Nichols. On parie ?

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Martha Marcy May Marlene
Sean Durkin



Sûrement un des films les plus sensibles et les plus justes que j’ai vu sur le sujet des hommes ou femmes qui tentent d’échapper à une secte et de se reconstruire (remarquez je n’en ai pas vu beaucoup et ça fait longtemps!).
Martha, très jeune femme, vient de s’échapper d’une communauté sectaire et s’est réfugiée chez sa sœur et son beau-frère. On la voit évoluer comme si de rien n’était, faire les gestes de tous les jours, alors qu’elle a disparu pendant plus de deux ans sans donner de nouvelles. Elle ne dit rien à sa sœur de ce séjour, seuls des gestes et des réactions totalement déplacés, décalés par rapport à la réalité donnent à penser qu’elle a perdu toute forme de repères : spatio-temporels, pratiques, moraux. Le passage fluide des images du présent de Martha aux souvenirs lancinants qui refont sans cesse surface dans son esprit nous font ressentir au plus près ce que peut-être cette perte de repères et au fond d’identité. Son nom est d'ailleurs la première chose qu'elle a perdue en rejoignant la communauté. La mise en images tranquille de Sean Durkin met en relief l’indicible confusion et la violence qui sont ancrées dans la tête de Martha après son passage dans cette communauté sectaire.
Chez sa sœur, Martha ne tente pas encore de se reconstruire mais juste de ‘vivre’ hors de la communauté, d’échapper à un danger qu’elle pressentait mortel. On sent que la bonne volonté de son entourage ne suffira pas à lui faire retrouver un équilibre, même ténu, car elle s’enfonce doucement dans la paranoïa, nous faisant douter avec elle de la réalité de ce qui la menace. Bravo à la formidable jeune actrice qui a su donner corps au personnage de Martha, ou de Marcy May, ou de Marlene peut-être.

pas grand chose à ajouter sur Martha Marcy May Marlene qui a rappelons le une bien belle image si ce n'est que le mélange des hostilités des deux mondes et de leurs conditionnements respectifs est bien présent, avec des ressemblances du côté du 'mauvais'. Et Les résurgences avec les silences et les automatismes captivent beaucoup.

Martha Marcy May Marlene (Sean Durkin)

J'ai été très touché par la mise en scène, qui dévoile en effet une remarquable maturité dans son approche. Elle exprime une fluidité, une douceur et une délicatesse tout en scrutant la souffrance du personnage d'Elizabeth Olsen. Elle effleure l'éclat troublant d'un visage, saisit la crispation maladroite d'un corps...deux réalités se bousculent et révèlent une fragilité autant qu'une forme d'absence à soi-même. La prestation d'Olsen a été justement saluée : chaque scène représente un dépouillement, une mise à nu qu'elle dévoile sans excès ni caricature. Son regard dessine une beauté à la fois inquiétante et apaisante, miroir d'une prison qu'elle ne parvient pas à quitter.
Martha Marcy May Marlene conserve jusqu'au bout un équilibre instable, renforce des ambiguïtés qui laissent tout de même espérer des ouvertures. Pour un premier film, ce sont beaucoup de promesses dont on peut attendre la confirmation avec impatience.

John Hawkes, particulièrement marquant dans un rôle difficile, chante au cours du film une très belle reprise de Jackson C. Frank : Marcy's Song. Durkin a trouvé ce morceau un peu par hasard puisqu'il cherchait une chanson avec Marlene dans le titre...or, Marcy's Song et Marlene (qui accompagne le générique final de MMMM) s'enchaînent dans l'unique album de Frank, bijou de la scène folk des années 60 (malheureusement un coup d'éclat sans lendemain puisque sa vie a été marquée par beaucoup (trop) de traumatismes).

-Martha Marcy May Marlène-

Un film envoûtant qui rend bien compte de l'état d'enfermement dont souffre Martha. La rencontre avec Patrick dès le début de sa fuite le traduit bien (il ne crie pas, se contente juste de lui souffler quelques mots, elle est tétanisée) Martha n'est pas sortie d'affaire et on ne saura finalement pas si elle y parvient tant la chute est elliptique. Un film étrange donc, qui nous fait ressentir le trouble dans lequel se retrouve coincée l'héroïne, à mi chemin entre la réalité et son passé, situation dont joue à plein Sean Durkin pour construire sa mise en scène faite de nombreux flash back et interférences. A tel point que l'on s' y perd un peu parfois, mais reconnaissons que le procédé est efficace pour bien rentrer dans le mental de Martha, perdue qu'elle est dans sa perte de repères et cette nouvelle vie sur laquelle elle doit se reconstruire. Les dialogues sont peu nombreux mais précis, l'atmosphère angoissante à souhait, le cinéaste a parfaitement retranscrit l'emprise de telles sectes sur un psychisme fragilisé (Martha a perdu sa mère jeune, sa soeur est sa seule famille) et le désarroi de l'entourage qui se retrouve impuissant face à ce délire, toutes les connexions au monde du sujet étant chamboulées. Un sujet qui ne nous laisse pas tranquille en sortant ...

Et merci Avadoro pour cet extrait, j'ai adoré la chanson...Je vais voir de plus près l'album!

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Superbe prestation de cette jeune actrice: Elizabeth Olsen

Faut que je trouve le temps de voir ce film !

Queenie a écrit:

Faut que je trouve le temps de voir ce film !

itou

Martha Marcy May Marlène


Je m'attendais à tout sauf à faire le difficile de service sur ce coup là. Et pourtant tout en appréciant certains éléments de la mise en scène j'ai été déçu par ce film. Reste à essayer de dire pourquoi...

Le côté endoctrinement et manipulation perverse est le point fort du film. Le magnétisme du leader charismatique sociopathe, l'ambiance éthérée à la David Hamilton où de beaux jeunes gens s'enlisent dans un cauchemar aux allures trompeuses de paradis artificiel, la violence insidieuse puis brutale en font presque un film d'horreur dont l'atmosphère est très oppressante (la bande son y contribue). Il a une certaine force de ce point de vue.

Par contre j'ai trouvé un peu laborieuses ces alternances entre présent et passé récent même si le réalisateur cherche évidemment à provoquer une dissolution des limites du réel et une confusion dans l'imaginaire de cette jeune fille entre l'avant et l'après. Les protagonistes de son trauma la hantent, la poursuivent mentalement mais cette dérive psychotique me semble trop "cinématographique". Je n'y ai pas cru. Elle est traumatisée et perturbée bien sûr mais j'attendais quelque chose de plus subtil, de plus crédible (de mon point de vue). Il est peut-être trop à cheval entre le film horrifique et l'étude clinique. C'est démonstratif.

Je n'aime pas non plus la façon trop caricaturale dont la soeur et le beau-frère sont montrés comme des nantis égocentriques comme pour mieux suggérer qu'ils sont eux-mêmes enfermés dans des valeurs consuméristes qui ne vaudraient pas mieux finalement que l'endoctrinement de la secte. D'autant plus qu'on perçoit bien que le point de chute, qui ne pourra être que l'hôpital psychiatrique, doit dans cette logique s'envisager comme un nouvel enfermement qui aura ses propres règles.

Donc quelque chose d'artificiel et de trop théorique pour moi même si je reconnais une certaine allure esthétique à l'ensemble et des moments vraiment effrayants sous leur douceur apparente. C'est un film à voir mais qui ne me touche pas complètement.

C'est toujours intéressant de confronter des ressentis...pour rebondir sur un point, je n'ai absolument pas trouvé que la soeur et le beau-frère étaient perçus comme des nantis. Au contraire, elle apparait attentive et protectrice. Désarmée, certes, car elle ne sait pas quelle attitude adopter. Mais cette maladresse est sincère et touchante.
Le beau-frère fait ce qu'il peut intégrer Martha. Il ne la connait pas et cette distance est un froid...un malaise renforce par la suite une défiance sans pour autant mettre en doute une volonté d'apaisement.
Et si à un moment donné, Martha adopte une posture accusatrice, cela me semble davantage le reflet de son incapacité à se projeter dans l'avenir qu'une condamnation d'un mode de vie. Durkin n'est pas dans une position de jugement ou une vision d'un parallélisme d'un enfermement.
Pour le reste, je ne considère pas l'ambiance comme proche d'un film d'horreur. Des respirations régulières cassent la perspective d'un crescendo linéaire et démonstratif.

Avadoro a écrit:

pour rebondir sur un point, je n'ai absolument pas trouvé que la soeur et le beau-frère étaient perçus comme des nantis. Au contraire, elle apparait attentive et protectrice. Désarmée, certes, car elle ne sait pas quelle attitude adopter. Mais cette maladresse est sincère et touchante.

La soeur n'est pas monolithique mais elle est quand même initialement présentée comme enfermée dans un mode de vie où les apparences et le matériel priment sur la spontanéité. Elle attache d'abord plus d'importance à montrer sa grande maison de week-end, son futur appartement, ses soirées avec vue sur lac. Le beau-frère fait vite comprendre qu'il n'a pas envie de s'embarrasser d'elle trop longtemps... Martha tente de lui faire dire qu'ils ne sont pas heureux derrière leur belle vitrine quand ils sont tous les 2 sur le bateau. Elle lui renvoie un jugement de valeur qui le vexe terriblement pendant le repas. La soeur de son côté ne supporte pas qu'elle dérange les convenances. Ensuite elle évolue, elle se rend compte que Martha bascule vers la folie sans comprendre pourquoi et elle tente de la protéger. C'est quand même ce mode de vie qui est pointé du doigt et qui apparaît aussi factice que la secte. J'ai vraiment l'impression que le réalisateur veut suggérer que Martha sort d'une prison pour en rejoindre une autre qui impose tout autant de règles sociales.

des règles qui sont aussi des replis devant la difficulté à intégrer l'autre (qui reste en malaise au milieu du coup). s'il est moins visible le parallèle/mélangé des situations de Martha est équipé de deux miroirs : codes de secte ou codes de vie habituelle ce dernier moins phagocytant et encore moins au fur et à mesure que les mauvais souvenirs reviennent à la surface. Ceci dit si on peut lui coller des explications le factice est aussi réel et correspond au moins à une cause de ressemblances des situations pour Martha qui ne se sent à sa place ni dans l'un ni dans l'autre. Et puis il y a le choix de départ du film qui ne pèse pas pour rien.

Je ne vois pas de jugement de valeur...il y a une incompréhension, une gêne, et le couple se rend compte qu'il ne peut apporter à Martha un équilibre. Sur la mise en valeur de la maison et d'un décor, je retiens surtout le fait que la soeur cherche à transmettre un confort, un apaisement, une stabilité provisoire...par rapport à une situation qu'elle ne peut saisir mais qu'elle sait liée à une souffrance intense.

Oui il y a de ça aussi heureusement.

D'accord avec Avadoro. Si on se place dans la tête de Martha, oui il y a un jugement de valeur qui est en fait une façon de se rassurer, c'est une réaction tout à fait logique si on considère que ses codes sociaux sont complètement bousillés. Mais je ne le perçois pas du côté du cinéaste qui nous laisse une distance salutaire représentée par le couple. Tout comme Avadoro, je n'ai pas senti que Durkin cherchait à se positionner, il nous suggère simplement sa vision de ce monde qu'elle doit ré-appréhender. On est à la fois dans le mental de Martha mais raccordé à une norme par la soeur et son beau frère. C'est peut-être cette distance qui t'a enlevé toute émotion Marko. Et c'est vrai qu'on est plus dans l'observation. Pour les alternances je suis d'accord, il en abuse un peu trop et on finit d'ailleurs parfois par s'y perdre (même si c'est voulu)

Et vous ne m'avez pas répondu pour la fin. Comment expliquez vous cet homme (je n'ai pas réussi à l'identifier) qui sort subitement de l'auto où se trouve Martha et rentre dans la voiture à l'arrêt avant de les suivre?

Aeriale a écrit:

Et vous ne m'avez pas répondu pour la fin. Comment expliquez vous cet homme (je n'ai pas réussi à l'identifier) qui sort subitement de l'auto où se trouve Martha et rentre dans la voiture à l'arrêt avant de les suivre?

Paranoïa ou réalité. Le film ne cesse de nous dire que Martha se sent traquée. Que ce soit vrai ou délirant elle est bel et bien traumatisée par cette expérience. Le cinéaste laisse l'interprétation ouverte.