Béatrix Beck [Suisse]

Je mets ce petit reportage biens ympa.
vidéo B.B.

J'entame La Décharge. C'est une lecture qui demande une certaine immersion, elle passe du coq-à-l'âne (la narratrice elle-même le dit hein!). Je vais avancer tranquillement dedans. Des petits passages qui marquent déjà. Merci le Panda d'alimenter ce fil et de faire partager ces livres vers lesquels j'irais jamais de moi-même.

La Décharge.

En fait c'est difficile de venir en parler après ce qu'en a dit Animal. Il a un peu tout dit.

L'écriture surprend, au tout début. Comme je l'ai déjà dit : c'est un langage oral, qui passe d'un sujet à un autre sans prévenir, avec des bouts d'anecdotes qui ressemblent à des instantanés pris sur le vif sans qu'on nous en donne le contexte, ou le pourquoi du comment.

Puis je me suis laissée tranquillement menée par cette Noémie, à suivre les déboires de sa famille, à accepter cette sorte de frénésie des mots, cette soif de dire, d'écrire, de dire de dire de dire.

Immersion dans une famille, pas vraiment, on reste témoin, témoin attendri, quelquefois choqué peut-être, souriant souvent.
Témoin du rejet de l'autre, de l'incompréhension.
De jolis passages sur le deuil, sur l'exclusion, que Noémie vit avec une certaine légèreté, la mort fait parti de son quotidien, fait partie de la vie. Elle est là toujours, ce n'est ni un tabou, ni un truc à respecter plus qu'autre chose. Être mort, avoir sa place au cimetière (ou non), c'est être là aussi, dans le souvenir, dans la pensée.
J'ai bien aimé ce rapport là, amené comme ça.

Et surtout, on finit par s'attacher terriblement à cette Noémie, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui suit son chemin, qui n'accepte pas qu'on lui dicte son comportement. Elle est espiègle, intelligente, et n'hésite pas à vivre comme bon lui semble.

Et puis le milieu du livre est terrible.
Les trahisons sont toujours horribles, et là, Béatrix Beck, en quelques pages, elle arrive à poser le plus moche de l'humain, à le montrer du doigt, là comme ça, parce que ça existe, et qu'il ne sert à rien de l'occulter, ou d'en avoir peur, ou de le tempérer. Et parce que Noémie est comme ça. Elle affronte.

C'est toujours une bonne surprise un livre de Beck. Je m'en aperçois que ça dit bien les choses, que ça transmet aussi quelque chose d'une époque, une langue, une mentalité, un petit côté désuet, mais pas complètement anachronique.
L'impression de se mater un film en N&B de Truffaut.

(tu pourrais te lire l'enfant chat, pour la langue).

Léon Morin, prêtre.

Le sujet du roman est assez connu, Barny veuve d'un juif, survit tant bien que mal pendant l'Occupation, avec sa petite fille. Et puis elle rentre dans une église par provocation, rencontre ce prêtre, qui la fascinera.

Plein de choses dans ce livre, le personnage de Barny, très libre, caustique, avec les description du monde qui l'entoure, elle ne rate personne, voit les petits travers et les grands défauts. C'est drôle et un peu désespéré. Et on sent une très grande solitude aussi, la difficulté de s'engager dans quelque chose, de laisser de côté l'ironie et le recul, de faire confiance. Elle est du coup "la proie" idéal pour Léon Morin, qui remplit une sorte de vide, un besoin de donner du sens et de s'abandonner. Mais en même temps, c'est voué à l'échec, parce qu'il est prêtre, ce n'est pas une vraie relation, mais quelque chose de "professionnel" pour lui, même si explicitement il ne la pousse pas vers la religion, c'est quand même un peu ça son objectif, alors qu'évidemment elle attend autre chose de cette relation.

Le portrait de femme est vraiment très beau, une certaine façon de rendre l'époque très réussie aussi, grâce à l'écriture, tout sauf académique, vraiment très vivante, très authentique de l'auteur, on a vraiment l'impression que son héroïne parle ainsi. Je suis en revanche un peu restée sur ma faim avec Léon Morin, je ne saisi pas complètement le personnage et ses motivations, il y a son charisme, son intelligence, mais j'ai du mal à le comprendre vraiment, et du coup c'est un peu à sens unique. Mais peut être que j'en demande trop, voire l'impossible, parce que c'est vrai que l'histoire est vraiment raconté du point de vue de Barny, et elle aussi probablement ne comprend pas vraiment Léon.

En tous les cas un excellent moment de lecture, et j'ai envie maintenant de voir le film.

je retourne la question et les souvenirs depuis hier (et il faut en plus essayer de différencier souvenirs du livre et souvenirs du film... ). Elle oppose d'une certaine manière son intérêt individuel (ou présenté comme tel) à un intérêt pour tous de Léon Morin, autre forme vue comme supérieure, qui se partage entre la conviction et le choix ordonné... la recherche de cette conviction/croyance est une autre affirmation du fossé difficilement mesurable qui les sépare et de l'aspect insaisissable de Léon Morin. Et la distance à la fois toujours présente et instantanément franchie qui sépare les êtres, au fur et à mesure ça peut sembler une des constantes du monde Béatrix Beck. Une sorte de "deux à la fois" qu'on lit "alternatif" mais... ?

je le relirai un de ces quatre.

je suis ravi (et un peu ému) que ça vous plaise, j'aime bien la phrase de Queenie : "C'est toujours une bonne surprise un livre de Beck. ".

Les différences entre Léon et Danny sont multiples, déjà la certitude. Malgré son petit ton décidé, elle est en fait très perdue, doute de tout ou presque, alors que lui paraît un mur infaillible, "il faut" "on doit", il ne paraît jamais hésiter sur ce qu'il y a à faire, et par cela doit être rassurant. Et puis le côté charnel, physique. Danny a faim, elle a des envies sexuelles alors que Léon paraît complètement étranger à tout ça. Et même si dans le livre il semble avoir une sorte de présence physique, forte, écrasant presque. Du coup il semble presque plus un concept qu'une personne, parce que personne même un saint ne peut être à ce point dépourvu de doute ni de misérable existence physique. Mais c'est peut être Danny qui le rêve ainsi. Un besoin d'idéal ?

A mon tour j'ai lu Léon Morin prêtre et suis restée scotchée!

Arabella a écrit:

Les différences entre Léon et Danny sont multiples, déjà la certitude. Malgré son petit ton décidé, elle est en fait très perdue, doute de tout ou presque, alors que lui paraît un mur infaillible, "il faut" "on doit", il ne paraît jamais hésiter sur ce qu'il y a à faire, et par cela doit être rassurant. Et puis le côté charnel, physique. Danny a faim, elle a des envies sexuelles alors que Léon paraît complètement étranger à tout ça. Et même si dans le livre il semble avoir une sorte de présence physique, forte, écrasant presque. Du coup il semble presque plus un concept qu'une personne, parce que personne même un saint ne peut être à ce point dépourvu de doute ni de misérable existence physique. Mais c'est peut être Danny qui le rêve ainsi. Un besoin d'idéal ?

Ok pour les différences, mais en même temps ils se ressemblent je trouve.

C'est tout à fait vrai qu'elle est à l'opposé en ce qui concerne ses certitudes, Barny sous ses aspects au départ frondeurs est fragile, dans le doute, et cherche à se protéger par une attitude rebelle voire caustique. Elle ne s'abandonne pas facilement aux autres. Léon la fascine car il est fort, habité par cette foi imperturbable et ayant réponse à tout comme vous le dites plus haut. Idem pour ses attirances sexuelles, il a fait une croix sur tout ça, et peu à peu il n'en n'éprouve plus de besoins. Parfois il se cache derrière une attitude presque brutale, la rudoie un peu, peut-être se protège t'il? Un homme difficile à comprendre qui ne s'épanche que très peu et qui s'appuie sur les certitudes de l'homme de foi pour suivre sa route.

Mais ils ont quelque chose en commun, qui tiendrait de la provoc, une exigeance, cette envie d'aller plus loin qui les rend combatifs tous les deux. Deux fortes personnalités presque bravaches qui se mettent en joue constamment ce qui rend leurs rapports emplis de respect et d'ironie mêlés.
Sa dérision, son côté détaché est tout ce qu'elle a pu trouver comme substitut à une vérité protectrice qu'elle recherche confusemment. C'est clair que Berny n'ose pas lâcher prise, se méfie des autres, elle vit retranchée dans ce qu'elle connait, et cette révélation a lieu bizarrement le jour où elle range son grenier.

Citation :

Je m'assis dans le grenier, sur une malle. C'est alors que se produisit la catastrophe; "Je me convertirai demain" annonça une voix inflexible, désespérée, et inaccessible à la raison. C'était comme si un étrangleur, surgi soudain, m'avait prise à la gorge. Atterrée, je sentis m'être arraché plus que la vie: je cessais d'être moi-même. Je perdrais à jamais personnalité, indépendance sérénité. Tout était anéanti. Il allait falloir s'avancer seule dans le désert sans fin.

Il y a vraiment de très belles réflexions sur la croyance, sur ce parcours truffé de doutes et sur la sensation de se sentir différent chez celui qui croit.

Citation :

Je me hatais légère précieuse, fragile dans ma peau neuve, dans ma virginité nouvelle. J'étais sur le qui-vive, craignant à chaque instant de fêler l'invisible cristal.

Citation :

Je ne peux m'empêcher de lire les livres que vous me prétez, et pourtant je vois bien qu'ils me font du mal, ils me tuent. Je suis tourmentée, traquée, persécutée. Je sens que je ne devrais plus venir chez vous et je ne peux me passer d'y venir.
_Nous on appelle cela: le travail de la grâce m'informa Morin d'un ton indifférent

Finalement ils sont assez complémentaires, mais leurs voies ne pourront se rejoindre car Morin ne cèdera pas. Son personnage apparaîtra toujours froid, imperturbable et sans failles, difficile d'accés pour un simple quidam et nous ne saurons rien de ses luttes internes, ni même si elles existent ou pas. Les connaître auraient été fabuleux mais le mystère reste intact et Barny seule face au monde.

Citation :

Je marchais dans la silencieuse nuit de Dieu, me hâtant, comme ces ânes arabes aux flancs desquels le maître maintient une plaie toujours saignante, pour les faire mieux avancer

C'est superbe. Un roman fort exprimé dans un style simple et direct, ce que j'aime. Merci le Forum et
particulièrement Animal de nous avoir fait découvrir cette auteure!

L'enfant chat



Lu en 2 heures à peine ce petit livre acheté en hâte ce matin mais pas totalement par hasard car j'ai été largement tentée après tout ce que vous avez dit au sujet de Beatrix Beck

C'est tout simplement excellent , l'histoire est toute simple (enfin pas si simple en fait.....), Olga se voit offrir une petite chatte (s'appelle Soizic) par la mère H , une vieille campagnarde qui meurt aussitôt après.
D'abord réticente ( elle proteste :n'ayant pas de souris , elle ne veut pas de chat), elle finit par adopter l'animal qui va très vite devenir un personnage à part entière qui , au grand dam de sa maîtresse va même articuler le mot "peur" un soir d'orage , calfeutrée sous les couvertures en sa compagnie.

A partir de là , c'est tout simplement jubilatoire , d'une drôlerie sans pareil , ça se passe à la campagne bien sûr et l'auteur émaille son récit d'expressions usagées , d'aphorismes locaux , et en même temps d'un vocabulaire riche et même savant .
J'ai éclaté de rire plus d'une fois devant les facéties , les caprices , les bouderies de ce chat - humain qui est tour à tour touchant ou grotesque dans sa quête pour devenir un enfant comme les autres , l'épisode "école " est tout simplement tordant , mais émouvant en même temps.

Je ne mets pas d'extrait car je serais obligée de citer presque chaque phrase , mais quel bonheur ce livre !
Super découverte pour moi , bien sûr je n'en resterai pas là .

Maryvonne a écrit:

prix littéraire de Trente millions d'amis

ouais ben lis le au lieu de rire sous cape

Qui a dit que je riais ?

Mais si, si je rigole un peu : A chaque fois que Barny a un animal, elle le bat en cachette pour lui apprendre la vie.

Ce qu'il y de bien dans l'enfant chat , c'est que l'animal mène la danse , du moins un certain temps .
Pas question d'être battu là .

Stella Corfou (se lit trop vite...)

Stella Corfou (Etoile-Corps-fou) est belle (Yeux à faire péter les braguettes, pif impec, bouche du tonnerre) et brocanteuse, un peu choquante, parfois ordurière, tellement vivante. Elle rencontre Antoine Leroy qui tombe fou amoureux d'elle et l'épouse aussi sec. Il est vendeur aux Galeries 2000, elle écrit un livre : Merde à celui qui le lira et tout ou presque est à la fois sautillant, précieux, drôle et un brin nostalgique.
Le livre se lit entre sourires et pincements du coeur, l'auteur se veut parfois cynique, grinçante, souvent très juste, parfois pleine d'une empathie profonde et d'un humour insolent. Les réparties sont tordantes et troublantes, voraces et grimaçantes, on sent en arrière plan une réflexion aïgue sur la condition de la femme, sur la vieillesse, la vie à deux, le mal à l'âme, Dieu, les cierges et le sexe...
En fait, je croyais que Beatrix Beck était une universitaire aux livres un peu obscurs et je me retrouve avec un écrivain rock'n roll, pas piqué des vers... Un bonheur de lecture, rapide, vivifiante, alerte, guillerette et puis soudain l'abîme s'approche, les idées noires surgissent, la folie guette et en un tour de passe-passe unique la plongée dans l'oralité relance le rire. Chapeau !

darkanny a écrit:

[b]L'enfant chat

Celui-ci il me tente trop, je sens que ne tarderai pas à succomber....

Vous êtes tous des vils tentateurs.