Philippe Claudel

Babelle a écrit:

Apathique de l'action, Brodeck cependant parvient à faire acte de résistance non pour faire part de ses émotions (dont on est parfois dans le dénie) mais pour témoigner. En cachette. Il écrit la nuit caché dans une remise. Et le compte rendu attendu par les notables du village ne ressemblera pas à ce qu'ils en attendent. Le roman lui-même n'est-il pas finalement l'entrée dans l'action de Brodeck?

C'est une analyse qui m'avait échappée lors de ma lecture. Cet acte d'écriture, le récit de ce qui s'est déroulé au village, est un acte de résistance puisque que son contenu surprendra les commanditaires!

On pourrait effectivement le qualifier d’acte de résistance dans le sens où il se confronte aux bourreaux (et les confrontent par la même occasion à leurs actes)…ainsi qu’une façon d’exorciser ce qu’il n’a pas pu faire dans les camps pour une question de survie.

Mais ce comportement apparaît comme peu probable venant d’un individu intelligent, ce qu’il est visiblement, car l’action n’a aucune efficacité et qu’elle le met en danger, lui et sa famille.
De plus, son témoignage est truffé d’émotions et de jugements, ce qui est en contradiction avec sa soi-disante apathie émotionnelle.

Je ne vois pas bien où en venir. Il faudrait que je ré-emprunte le roman car mon souvenir de la fin est confus. Être témoin et rendre compte me semble honorable. Claudel a peut-être évoqué quelque chose lors des entretiens?

Sortie en librairie de la 1ere pièce de théâtre de Philippe Claudel: Parle moi d'amour qui est jouée ce mois ci par Michel Leeb et CAroline Silhol à PAris (comédie des Champs-Elysées)

markofr a écrit:

Sortie en librairie de la 1ere pièce de théâtre de Philippe Claudel: Parle moi d'amour qui est jouée ce mois ci par Michel Leeb et CAroline Silhol à PAris (comédie des Champs-Elysées)

Quelle drôle d'association d'acteurs!...
Je ne les imagine pas jouer ensemble...

sousmarin a écrit:

On pourrait effectivement le qualifier d’acte de résistance dans le sens où il se confronte aux bourreaux (et les confrontent par la même occasion à leurs actes)…ainsi qu’une façon d’exorciser ce qu’il n’a pas pu faire dans les camps pour une question de survie.

Mais ce comportement apparaît comme peu probable venant d’un individu intelligent, ce qu’il est visiblement, car l’action n’a aucune efficacité et qu’elle le met en danger, lui et sa famille.
De plus, son témoignage est truffé d’émotions et de jugements, ce qui est en contradiction avec sa soi-disante apathie émotionnelle.

On peut le qualifier d'acte de résistance par le simple fait du témoignage! Est-ce que ce n'est pas aussi un hômmage à l'écriture, si pauvre soit elle? Peut-être y-a-t-il, y-avait-il des situations où il ne restait que l'acte de témoigner???

Que cet acte n'a pas "d'efficacité" ne me paraît pas le seul critère pour juger un acte de résistance, car il y a des situations où "on ne peut pas faire autrement". Bien sûr cela pourra nous mettre en danger...

D'autre coté le fait de partir n'est pas toujours un acte de fuite, mais peut être l'ultime voie pour prononcer son désaccord, se désolidariser.

Je viens de refermer Le rapport de Brodeck.
Ayant adoré La petite fille de Monsieur Linh, puis ayant été très déçue par Les âmes grises, je tentais cette lecture ne sachant pas trop ce que cela allait donner ...
Ce fut un vrai plaisir !
J'ai eu du mal à le lâcher. Quel suspens! J'ai été embarquée dans le récit de la vie de Brodeck. Un homme simple, ordinaire qui tente de comprendre son passé, ses actions et celles des hommes. Il ne juge pas, il semble analyser afin de mieux accepter.
Ce rapport va-t-il lui permettre de se reconstruire pour repartir à zéro ?
Je trouve que si Brodeck, n'est pas un résistant actif, un assoiffé de vengeance, c'est surtout quelqu'un qui 'accepte' sa vie avec une certaine philosophie ... ce n'est pas du fatalisme mais une manière de vivre malgré les douleurs.
C'est un roman d'une grande sensiblité.
J'avais envie de citer de nombreuses phrases mais finalement, je n'en garde qu'une :

Le rapport de Brodeck c'est une de mes grandes lectures de l'année!

...Euh..on peut le redire?

Alors pour moi aussi...

LE MONDE SANS LES ENFANTS

Un très joli moment de lecture que Le Monde sans les enfants qui plaît aux adultes autant qu’aux enfants…Ainsi, c’est si rare, l’on peut partager…On se raconte et il y a matière ensuite à échanger…

En vingt nouvelles, Philippe Claudel regarde, à hauteur des yeux d’enfants, le monde et ses humains comme ils vont …et aussi comme ils ne vont pas bien!…

Au début, Grand’père veut raconter des histoires traditionnelles à ses petits enfants. Mais ses histoires sont un peu ringardes, dépassées, et les petits ne se gênent pas pour le lui dire…
Les histoires des enfants d’aujourd’hui racontent autre chose.
Une fée déprime pour cause de chômage…
Une petite fille rêve de trouver le vaccin qui rendra les gens gentils…
Le petit voisin de Bagdad écrit pour évoquer sa ville, sa vie, l’absurdité et le danger tout autour de lui , son incompréhension : on le sent, on le sait, là, tout près…
Il faut des balayeuses de soucis et des chasseurs de cauchemars…

Heureusement, aujourd’hui comme hier, le livre peut constituer un refuge comme pour le petit garçon mal-aimé qui « entrait dans les livres »…

"Ce jour-là comme d'habitude il avait voulu jouer avec les autres, mais une fois encore les autres l'avaient chassé. Alors Lucas s'était assis sur le banc, en dessous du marronnier, tout penaud. Les larmes lui venaient aux yeux.
La maîtresse s'en était rendu compte et s'était approchée de lui. "Tiens, avait-elle dit, tu ne seras plus jamais seul." et elle lui avait tendu un livre. Lucas l'avait pris, ouvert, avait lu le premier mot, la première phrase et soudain pfffttt, il avait été comme aspiré ! Il était entré dans le livre, d'un coup, comme s'il avait plongé sur un toboggan qui n'en finissait pas."

Ces histoires sont drôles, elles sont poétiques et tendres… Graves aussi !…On y parle de maladie, de maltraitance, de mort, de guerre, de précarité, de pauvreté, de peur...

Toutes sont illustrées par Pierre Koppe.

Extrait:

La petite fille à la fée entrée dans sa chambre :
"Il y a des lois, madame. je pourrais appeler la police. Elle viendrait immédiatement et vous seriez arrêtée. De plus, vous importunez une mineure, une très jeune enfant, j'ai six ans et la loi est encore plus sévère avec les personnes qui harcèlent les très jeunes enfants, qui entrent dans leur chambre sans permission, qui leur font les yeux doux, qui esaient de les embobiner avec des histoires abracadabrantes!"



La quatrième de couverture :
Vingt histoires, à dévorer, à murmurer, à partager Vingt manières de rire et de s'émouvoir.
Vingt prétextes pour penser à ce que l'on oublie et pour voir ce que l'on cache.
Vingt chemins pour aller du plus léger au plus sérieux, du plus grave au plus doux.
Vingt façons de se souvenir de ce qu'on a été et de rêver à ce que l'on sera.
Vingt regards pour saisir le monde, dans sa lumière et dans ses ombres.
Vingt raisons de rester des enfants ou de le redevenir.
Vingt sourires.
Vingt bonheurs.
Vingt battements de cœur

Je viens de terminer donc avec "Meuse l'oubli", le premier roman de Philippe Claudel, mais dans ma liste des livres lus de lui, le 6ième, peut-être? Oui, j'ai beaucoup aimé. D'abord un peu de la peine avec les premières pages, mais c'est souvent quand il faut s'habituer à un autre auteur; un nouveau livre. Et puis, surtout une fois que le narrateur s'est mis en route (après la mort de sa bien-aimée) et arrive dans un village perdu au bord de la Meuse, j'ai apprécié les images parallèles, symboliques, comme par exemple justement l'état de ce village à moitié en ruine, en deuil aussi. Où les morts sont si présents dans la vie de tant d'habitants du village. C'est un longue cheminement d'une année: de l'impossibilité même d'envisager les consolations qui forcement paraissent dérisoires au début (et qui reviennent à la fin du livre comme des vérités simples...), le comptage permanent des jours, le souvenir si précis des caresses, de l'odeur, de la voix de l'autre. Et puis, ce lent glissement de la "présente/absente" vers un passé dont on se souvient. Le passage de la morsure de la douleur vers le souvenir de la douleur etc... L'adieu à des choses: des lettres, le pull.
Mais ce passage n'est pas purement un vide et désesperant: la personne souvenue veut laisser une place vers un avenir et ne pas emprisonner pour toujours le narrateur. La fin donne espoir à une ouverture possible pour une autre relation...

Ce livre a été pour moi le début d'un long coup de foudre. Tant de justesse dans l'observation et le dire !

Quelques citations de "Meuse l'oubli"...:

"Les flocons tardaient tant à toucher le sol que soudainement tout paraissait mobile en même temps qu'arrêté par la grâce de la neige. Nous entrionsd dans le paradoxe d'une sphère ralentie."

"...je promène dans Feil l'ombre de Paule et mes regrets"

Deux citations (je dois encore partir en recherche là!) de Mac Orlan:

"Nous possèdons tous, très loin dans la nuit de notre pensée, un abattoir qui pue."

"Chacun de nous possède en lui-même, au plus secret de ses pensées, le petit détail vulgaire lui permettant de finir ses jours dans la mélancolie."

Et puis:

"Je n'ai finalement des lieux qu'une vue partiale. Ils me cèdent ce que j'aime y trouver."

Le monde sans les enfants

Vingt histoires pour les petits mais aussi les grands qui ont conservé cette partie de rêve, d'insouciance, de franchise ...
On s'émeut, on rigole, on s'angoisse, on pleure. Il y a de la magie, des cauchemars, de cruelles vérités.
Cela fait du bien de se plonger dans ces univers.

Une de mes préférées : La vie de famille
Portrait d'une famille où la télévision semble être devenue un membre à part entière ...

Citation :

Lorsque, à chaque fin de trimestre, Léon rapportait son bulletin, il y était toujours écrit la même phrase : "Léon est con parce qu'il regarde trop la télévision !"
Le père, la mère et Léon lisaient la phrase avec des yeux ronds, debout dans la cuisine, devant le grand écran panoramique de la toute nouvelle télévision à peine sortie du carton. Le père et la mère haussaient les épaules, ne s'offusquaient même pas du gros mot, car de toute façon, à la télévision, les gros mots sont légion, et le père, après s'être gratté le front, finissait par dire à Léon : " C'est ton instituteur le con, si la télévision rendait con, ça se saurait, car ta mère et moi, à ce compte-là, on serait les rois des cons !"

Et puis, il y a aussi Dégougouillez-moi bien !, une histoire écrite avec des mots inventés (un peu à la manière du poème d'Henri Michaux, le grand combat). J'avoue ne pas avoir tout compris, si quelqu'un a la solution ...

La petite fille à la bulle, Le petit voisin, Papa, raconte -moi le monde ne sont qu' émotions ... C'est Bô !

A lire et à partager avec ses enfants !

Parle moi d'amour. Philippe Claudel. => un régal !!

Il est minuit. L'heure des vérités. L'heure que 'Lui' et 'Elle' ont choisie pour régler leurs comptes. Philippe Claudel, pour sa première pièce, dresse un tableau de notre société et passe en revue tous nos excès : de l'éducation des enfants au mépris de la belle-mère, de l'hypocondrie chez les hommes à la chirurgie esthétique chez les femmes, des faux intellectuels à l'hypocrisie politique, de la liberté sexuelle à la mal bouffe...