Schizophrenia [Gérard Kargl]

Schizophrenia de Gérard Kargl


Réédition en DVD et Bluray de ce film de Gérard Kargl dont j'ai du parler quelque part sur le forum (mais où?). C'est une film très impressionnant, extrêmement violent et dérangeant pour illustrer les agissements d'un schizophrène animé de pulsions homicides qui sort de prison. La mise en scène est complètement folle et nous emporte dans un tourbillon qui nous plonge littéralement dans la tête de cet homme avec des mouvements à la steadycam qui rappellent ceux qu'on peut voir dans Shining. Un trip hallucinant qui ne laisse pas indemne mais dont l'expérience vaut la peine pour ceux qui aiment ce genre de cinéma d'horreur psychologique assez viscérale. C'est un film culte depuis longtemps et un des préférés de Gaspar Noé qui ne tarit pas d'éloges sur un des bonus du DVD.

En supplément il y a également un entretien de 26 minutes avec un expert en psychiatrie légale qui évoque la violence du monde contemporain et sa représentation à travers l'art (et en particulier dans ce film).
Autre bonus (il y en pour une fois beaucoup et tous intéressants): un entretien avec le réalisateur et une analyse du travail visuel expérimenté sur le film par le directeur de la photo.

A ne pas manquer pour un public très averti.

J'allais oublier la très bonne musique de Klaus Schulze à sa grande époque (avant de faire de la soupe électronique).



Il est accompagné de la mention:

Attention, certaines scènes de ce film peuvent heurter gravement la sensibilité des spectateurs, même adultes

Regardé hier soir.

J'aime les effets de steadycam accroché à l'acteur, qui donne cette impression de flottement anarchique, fébrile, nerveux. ça colle vraiment bien avec une psychologie borderline et violente.
Et ça rapproche le spectateur au plus près du personnage de fou sanguinaire. L'impression d'être collé à lui, dans sa tête.

J'ai eu un peu plus de mal avec la voix off. Trop maîtrisé, trop clair, trop atone. C'est la voix du tueur, décrivant ce qu'il est en train de vivre, ou ce qu'il a vécu, je trouve qu'il aurait dû être plus "impliqué", jouer bien plus, interpréter ce qu'il ressent.
Cette mise à distance n'est pas justifiée et assez incohérente, je trouve.
Parce qu'il n'est pas non plus glacial.

C'était étrange aussi de voir un tueur si bordélique, tout empêtré dans son corps et avec ceux des autres, il les déplace n'importe comment, et donne l'impression qu'il ne maîtrise pas les mouvements de ses bras et de ses jambes. Il se casse la figure, tire un corps dans tous les sens pour le porter, et se pète encore la gueule. Il se retrouve souvent allongé sur les corps de ses victimes, handicapé, emmêlé.
Et ses victimes sont incroyablement passives et faciles à tuer pour le coup. Plutôt dociles.
Mais j'ai bien aimé cet aspect de non maitrise, d'imperfection. Plutôt réaliste j'imagine, même si à l'image ça frôle parfois le ridicule...

Par contre, c'est vraiment répétitif, ça tourne en boucle. Que ce soit ses pensées ou ses actes, les scènes se suivent et se ressemblent. Ajouté à la voix off qui me maintenait en décalage, j'ai eu quelques moments à sentir l'ennui poindre.

Pourtant... Quel Film !
A un moment, je me suis retrouvée Dans l'histoire, et là, c'était Horrible, et je n'ai plus réussi à détacher mes yeux de l'écran, ni à penser à autre chose.
C'est violent, cinglé, sale (j'aime bien son côté cradingue, à se laver vaguement alors qu'il est couvert de sang, à remettre des fringues tout poisseux), tendu, et ça donne la nausée. ça fait flipper (quand il croise des gens, on se demande s'il ne va pas bondir et les éventrer pour se faire un collier de leurs intestins) et c'est barré.




Mais pour finir : Pourquoi ce teckel aux yeux tout gentils de niaiserie se met à le suivre partout ?

(Merci Marko!)

Cette anarchie de mouvements parfois contre productifs et ces répétitions traduisent bien visuellement le morcellement de sa schizophrenie. On est vraiment plongé dans son délire et ses pulsions. La voix off est elle-même un flot continu de pensée qui rationalise ce qu'il fait (on parle de rationalisme morbide en psychiatrie). Ce contraste entre agitation désordonnée et pensée paralogique est une bonne immersion dans la psychose. Plus aboutie et convainquante que dans Maniac par exemple qui est plus dans le registre du conte pratiquement. Ici c'est très expressionniste mais quasi documentaire aussi puisque le film décrit un fait divers réel. Le chien est le seul qu'il tolère et épargne dans mon souvenir. Il n'est pas contrairement aux autres humains une projection de sa propre histoire et de ses comptes à régler avec un passé trouble. Il faudrait le revoir pour reconstituer ce qu'il nous raconte tout au long du film. J'ai pense à la froideur du roman de Peter Handke qui montrait une errance psychotique avec ce même rationalisme de surface.

Citation :

entre agitation désordonnée et pensée paralogique est une bonne immersion dans la psychose.

Je ne trouve pas moi.
Peut-être que je suis trop "tout blanc/Tout noir" sur ce coup-là ?

Mais c'est réel qu'un gars tout anarchique dans ses actes et le déroulement de ses pensées, puissent émettre ses pensées avec une telle... maîtrise ?

Queenie a écrit:

Mais c'est réel qu'un gars tout anarchique dans ses actes et le déroulement de ses pensées, puissent émettre ses pensées avec une telle... maîtrise ?

Il faudrait que je le regarde à nouveau. C'est un peu loin. J'ai le souvenir d'un monologue paranoïaque et complètement fou sous son apparente rationalité. Très agité aussi, dans l'urgence. Mais le film est surtout barré, violent, cauchemardesque.