Lars Von Trier

Les Idiots (Idiotern, 1998. Dogme 2).
Avec Trine Michelsen, Bodil Jorgensen, Nikolaj Lie Kaas....
Petit rappel pour ceux qui prennent en route :

Citation :

wiki> Van Trier, réalisateur et scénariste, est aussi un des fondateurs du Dogme95 qui définit d'après dix règles précises une façon de filmer. Les films « dogmatiques » selon ce mouvement répondent à un style de réalisation épuré, simplifié : pas ou peu de montage, prise de son en direct, filmé caméra sur épaule, etc. Les Idiots :
* C'est le premier film de Lars von Trier fait conformément au manifeste Dogme95, film aussi connu sous le nom de Dogme #2.
* Les Idiots est le deuxième film de la « trilogie cœur en or » de Von Trier qui inclut Breaking the Waves (1996) et Dancer in the Dark (2000).

Voici ce que je trouve un peu partout sur la toile à propos du film :

Citation :

Le film a pour sujet un groupe d'adultes anti-bourgeois qui passent leur temps à chercher leur « idiot intérieur », en libérant leurs inhibitions et en se comportant comme s'ils étaient mentalement retardés en public, par conséquent provocant l'opinion de la société, le politiquement correct. Ils estiment que la société dans son ensemble traite leur intelligence de façon non créative et sans défis. Ainsi, ils cherchent l'humiliation et les situations dégradantes.
• Devise 1 : « Vous êtes un complet idiot, et plus idiot que vous ne le pensez ».
• Devise 2 : « Un film par des idiots, sur des idiots, pour des idiots ».

Le Dogme 2 a déjà démarré et je m’accroche aux Idiots en même temps que Karen les croise pour la première fois dans un restaurant.
Karen paraît seule sur l’écran, seule à sa table où le garçon vient lui tendre le menu. Elle a même l’air de s’excuser d’être venue seule et ose à peine élaborer son repas.
Son éducation lui a peut-être soufflé l’idée qu’il est indécent pour une jeune femme d’entrer seule dans un restaurant.
Elle a l’air fragile, victime ou actrice d’un drame familial ou sentimental antérieur. Une de ces fragilités qui fait que certains ne s’assoient jamais qu’au bord de leur chaise, n’occupe qu’un bout de table, sont toujours à s’excuser de tout et partout, avec une présence presque maladroite et sans implication précise dans la vie, sans demande et sans exigence.
- Elle est donc l’exception qui confirme la règle lorsque des personnes handicapées pénètrent dans le restau sous l’œil vigilant d’une éducatrice qui se laisse pourtant vite débordée.
Karen est une exception car elle ne fait pas semblant, comme le reste de la société, d’être attendrie par ces gens différents et encombrants afin de mieux s’en débarrasser…
Elle comprend l’idiot qui vient foutre le bordel dans la salle en bousculant les chaises, elle lui caresse la main pour tenter de le rassurer.
Arrivée à une parenthèse de son existence (et pathétiquement disponible), elle se retrouve donc accompagnante parmi le groupe d'Idiots, avec ses faux-malades-accompagnateurs-médecins confondus, groupe qui va l’héberger dans son antre.

- L’antre est la maison qu’un oncle très correct a confiée à son neveu en attendant de pouvoir la vendre.
Dès que des acheteurs potentiels s’y présentent, les protagonistes squatteurs, qui prétendent être leurs futurs voisins, ressortent leur idiot profond, se mettent à baver, et les visiteurs ne redonnent jamais signe de vie…
Dès que l’idiot cesse de faire son idiot il se retrouve à l’analyse de groupe pour faire le point et son intellect reprend le dessus sous les critiques et conseils des autres :
ai-je bien fait sortir l’idiot que je porte en moi, était-ce suffisant, ai-je fait un bon idiot, qu’ai-je fait ressortir de ces gens qui furent témoins de mon idiotie, aurais-je pu les choquer davantage, quelle inhibition a fait que je n’ai pas voulu aller jusqu'au bout, qu’ai-je réussi à faire ressortir de cette bourgeoisie bien pensante et bien élevée qui aime bien les idiots mais seulement de loin, hors de leur quartier résidentiel ?

Je suis passée sur le blog de Queenie ( Queenie est une inconditionnelle de Lars van Trier), et je comprends bien que le but est de choquer, déranger, mettre le spectateur mal à l'aise et faire ressortir la gêne que peut occasionner la différence face à l'autre.
C'est assez réussi.
Cependant, on parle toujours du Dogme95 dans sa forme (pas de musique, la manière de tourner...) mais rarement sur le fond.
Aussi j'avoue que ça me manque de ne pas connaître les véritables intentions du réalisateur pour vous dire ce que je pense de ce film.
D'autant que les protagonistes eux-mêmes se posent les mêmes questions que nous, spectateurs (ou les devancent volontairement), à savoir :
"- A quoi ça sert de faire sortir son idiot intérieur? Est-ce correct de confondre idiot et handicapé mental? Est-ce correct d'inviter au jardin de vrais handicapés mentaux pour s'en faire des amis ou bien pour mieux les imiter? Etc..."

- Au final, pour chaque protagoniste (excepté Karen) dès qu'il s'agira de sortir son idiot intérieur sur son lieu de travail ou au sein de sa propre famille, le potentiel de chacun sera remis en cause et on assistera à quelques sorties hors du groupe... ce qui ne sera pas plus mal.

youpi tralala je viens de recevoir la série L'hôpital et ses fantômes, j'ai trop hâte de la visionner tranquillou !

Queenie a écrit:

animal a écrit:

Dogville. (dividis) sont bien arrivé dans les pattes d'animal !

Hâte de connaître ton avis là dessus... Me demande vraiment ce que tu vas en penser.

moi aussi, j'avais aimé mais c'est particulier, du théâtre filmé. Je me rappelle que je l'avais vu avec ma fille qui m'avait maudite de l'avoir entraînée là

Stella a écrit:

Queenie a écrit:

animal a écrit:

Dogville. (dividis) sont bien arrivé dans les pattes d'animal !

Hâte de connaître ton avis là dessus... Me demande vraiment ce que tu vas en penser.

moi aussi, j'avais aimé mais c'est particulier, du théâtre filmé. Je me rappelle que je l'avais vu avec ma fille qui m'avait maudite de l'avoir entraînée là

alors là, faut qu'on en parle, c'est pas du théâtre filmé quand même, c'est bien plus que ça, bien plus troublant, plus symbolique, plus métaphorique, plus porteur de sens et de sensations, permettant aux acteurs un véritable mouvement à la fois enfermant et ouvrant.
rien à voir avec prendre une pièce de théâtre et la filmer de loin... nananananana.

j'ai comme intérêt à être particulièrement attentif on dirait...

Queenie a écrit:

alors là, faut qu'on en parle, c'est pas du théâtre filmé quand même, c'est bien plus que ça, bien plus troublant, plus symbolique, plus métaphorique, plus porteur de sens et de sensations, permettant aux acteurs un véritable mouvement à la fois enfermant et ouvrant.
rien à voir avec prendre une pièce de théâtre et la filmer de loin... nananananana.

oui, oui, oui, Queenie, tu as raison, c'est très shématique ce que j'ai dit et très idiot, je le sais, je ne voulais pas le dénigrer, c'est vrai que cette expression peut être péjorative, mais comment décrire en un mot ce qu'est ce film ?.. je n'ai pas trouvé le terme

Ceci dit, une pièce de théâtre ne peut-elle pas être, elle aussi, pour reprendre tes mots "troublante, symbolique, métaphorique, porteuse de sens et de sensations, permettant aux acteurs un véritable mouvement à la fois enfermant et ouvrant"...

Je suis béotienne en la matière

(comment il était parti loiiiiiiin le fil...)

d'abord merci Queenie. Il n'était pas évident que je le vois ce film !

Dogville

(pour ne pas perdre tout le monde).

Une femme poursuivie par des mafieux se réfugie dans un petit village moisi des rocheuses : Dogville et va tenter de se faire accepter/adopter par son (très) petit monde. décors quasi absent d'états-unis en crise, mais là quand même les décors et les costumes.

Espèce de huis clos sur fond noir qui commence sur un espoir pas moche qui repose sur une assez belle générosité... mais... ça devient vite sombre et pas jojo.

Ensuite il faut parler de la forme, si ça marche ou pas et tout et tout. ça marche le décor minimum, et sur la durée par dessus le marché. La simultanéité du théatre avec des plans de films qui ne perdent pas de vue la transparence ? et puis les visages et les acteurs mis en valeur. Et un casting convaincant. Au delà d'habitués comme Stellan Skarsgard et son air pas content ou Udo Kier... même Kidman m'a convaincu, pourtant c'est là que j'étais le plus méfiant. Huhu.

Après il y a le fond qui est intéressant et fini par se nouer d'une façon amèrement ou acidement peu clair. Petit voyage à travers la grandeur et les bassesses de notre humanité, petit voyage réussi. Et quelques mots tout simples aux quels se raccrocher : acceptation, faiblesse, don, compassion, arrogance... on pourrait rajouter méchanceté, envie, apparences...

On passe en revue plus ou moins directement tout ce mélange par paliers/actes plus ou moins définis et pas étrangers à une certaine plasiticité humaine.

La duplicité potentielle, le doute est omniprésent dans la transparence du village et la projection dans les esprits des autres est assez palpable ce qui est troublant mais .... bien.

Je dirai malgré tout que c'est un peu asseptisé et que ça s'essoufle un peu l'air de rien. M'enfin c'est beau aussi et pas qu'à moitié et chez Lars Von Trier la beauté se trouve à travers les gens, dans le film il y en a bien assez pour qu'on puisse s'en garder un petit peu dans un coin bien à nous.

Manipulateur juste ce qu'il faut pour que ce soit normal et utile à l'expérience... ça doit être le genre de film où chacun trouve sa simplicité et ses zones d'ombres...

L'idée de "démonstration" est accrocheuse aussi, démonstration quasi christique quelque part à mi chemin entre moralité et réalité...

Très bonne surprise et un obligatoire souvenir.

Lars Von Trier est un génial pervers sous influence de Carl Dreyer.

Ce qui me fascine chez ce cinéaste c'est la façon dont il se moque et maltraite ses personnages de mère courage ou de saintes martyres tout en les menant à un point d'incandescence tel qu'il finit par toucher au sublime. Mais il y a toujours une ironie grinçante et une manipulation jouissive en arrière plan.

Quand on voit Dancer in the dark , il prend un malin plaisir à torturer cette pauvre aveugle sans défense (et Björk par son intermédiaire! Le tournage a été une lutte de titans aux egos surdémesurés!). On se dit trop c'est trop, on hurle à la caricature et pourtant il arrive à faire quelque chose d'incroyablement puissant et les dernières séquences atteignent un degré d'intensité rarement égalé.

Pareil dans Breaking the waves ou Dogville. Il montre l'ambivalence de cette générosité presque suspecte à la fois dérisoire, un peu ridicule, mais en même temps qui contient une énergie et une agressivité assez terrifiantes.

Et tout ça n'est pas vain. Lars Von Trier serait une sorte de marquis de Sade qui chercherait la grâce. Il admire son compatriote et Maître Carl Dreyer, comme le russe Tarkovski, tous deux grands cinéastes mystiques.

Il emprunte des voies tortueuses pour malmener le spectateur, le manipuler, le déranger profondément ou l'agacer mais en parvenant presque toujours à l'amener à une forme d'extase qui laisse complètement abasourdi.

La manipulation était déjà flagrante dans Europa qui démarrait par une séance d'hypnose (la voix off).

Il est à ma connaissance le seul cinéaste qui soit autant animé à la fois par un désir de perversité et de mysticisme. Fascinant!

Pas vu Dogville..

Citation :

Il est à ma connaissance le seul cinéaste qui soit autant animé à la fois par un désir de perversité et de mysticisme.

Il m'a semblé que son côté pervers avait pris le dessus dans Dancer in the dark, que j'ai difficilement supporté.
Contrairement, enfin pour moi, à Breaking the waves ( mais la merveilleuse Emily Watson y était pour beaucoup..)

marrant. Dancer in the dark j'ai jamais eu envie de le voir (ça fait comment pour les oreilles quand on est pas sensibles au björkeries ?).

pour les cinéastes un peu pervers et mystiques... Miike à sa manière (j'adore sa capacité à un premier degré fantastiquement élémentaire... )Tsukamoto à force... je ne dirai pas Ferrara que je ne qualifierai pas forcément de pervers... Herzog ? (pervers ou obscur manipulateur ?)...

ça rend curieux ces petits mots sur Dancer in the dark.

animal a écrit:

marrant. Dancer in the dark j'ai jamais eu envie de le voir (ça fait comment pour les oreilles quand on est pas sensibles au björkeries ?).

C'est drôle parce qu'à la fin du film on a l'impression que Lars Von Trier prend un plaisir fou à lui couper le sifflet dans tous les sens du terme Mais quelle scène!
Ma séquence préférée est celle où Björk tente de capter les bruits provenant d'une bouche d'aération pour rompre le silence. C'est filmé d'une façon impressionnante.

Ok pour Herzog mais Lars Von Trier est beaucoup plus pervers!

Je crois que je vais me regarder bientôt pour la troisième ou quatrième fois Breaking the waves...J'aime beaucoup ce film...et son actrice...Emily Watson

coline a écrit:

Je crois que je vais me regarder bientôt pour la troisième ou quatrième fois Breaking the waves...J'aime beaucoup ce film...et son actrice...Emily Watson

Formidable film avec cette fin qu'il fallait oser avec les cloches! Mais avec lui ça marche! Il sait mettre le feu à ses actrices d'une façon ébouriffante!