Lars Von Trier

coline a écrit:

Marko, sais-tu si on retrouve tous les courts métrages de la série Chacun son cinéma sur YouTube?...

Je n'ai pas encore cherché mais je les avais enregistrés quand ils sont passés sur Canal+. Il y a quelques perles!

Marko a écrit:

coline a écrit:

Marko, sais-tu si on retrouve tous les courts métrages de la série Chacun son cinéma sur YouTube?...

Je n'ai pas encore cherché mais je les avais enregistrés quand ils sont passés sur Canal+. Il y a quelques perles!

Je les avais regardés aussi...Mais pas enregistrés...C'était très intéressant de découvrir tous ces univers autour du même sujet...

Pour apprécier davantage Breaking The Waves il est fortement conseillé de connaître les 2 chefs-d'œuvre de Carl Dreyer qui l'ont inspiré:

Ordet et Jour de Colère

Voir fil Dreyer...

« Mon tout premier film, Le Jardin des orchidées, commence avec un texte, qui dit que le film est dédié à une fille, morte d'une leucémie, avec la date de sa naissance et de sa mort. C'était une pure invention ! Un mensonge pur et simple. Une manipulation, du cynisme. Je m'étais dit que si le film commençait de cette façon, le spectateur l'accepterait avec plus de sérieux ! Naturellement. Parce que nous avons tous du respect pour la mort et la maladie. »
Lars von Trier

Ce genre de déclaration permet de bien situer la démarche de Lars Von Trier qui consiste à utiliser tous les pouvoirs de manipulation du cinéma pour provoquer des émotions chez son spectateur tout en se jouant de lui. C'est en grande partie ce que font la plupart des cinéastes mais il pousse le vice encore plus loin, en racontant des histoires par moment aux limites du grotesque et du mélodrame le plus énorme, pour s'amuser à créer du sublime uniquement par la pouvoir démiurgique de sa mise en scène.

Et il tente toutes sortes d'exercices, d'expériences, il invente des dogmes qu'il impose puis ne respecte pas lui-même. Maintenant il propose de filmer des acteurs sur 30 ans. Le fera-t-il? En tout cas il joue avec les codes du cinéma dans un mélange de je-m’en-foutisme et de génie qui en font un cinéaste complètement à part!

J'en viens même à me demander si ses soi-disant phobies ne seraient pas en fait de pures inventions pour créer un "Mythe Lars Von Trier". Déplaisant? Plutôt ludique et inventif finalement... Et ça secoue!

Marko a écrit:

Pour apprécier davantage Breaking The Waves il est fortement conseillé de connaître les 2 chefs-d'œuvre de Carl Dreyer qui l'ont inspiré:

Ordet et Jour de Colère

Voir fil Dreyer...

Oui...mais...où est-ce qu'on les voit?...
Problème du coût des DVD (surtout les coffrets!)...Quant au système de location de films, je ne risque pas d'y trouver du Dreyer...
Mais bon...j'ai tout de même pu apprécier ...à mon petit niveau...

coline a écrit:

Oui...mais...où est-ce qu'on les voit?...
Problème du coût des DVD (surtout les coffrets!)...Quant au système de location de films, je ne risque pas d'y trouver du Dreyer...
Mais bon...j'ai tout de même pu apprécier ...à mon petit niveau...

Faut venir à Lille... Ou sinon il faudra guetter le facteur!

Marko a écrit:

coline a écrit:

Oui...mais...où est-ce qu'on les voit?...
Problème du coût des DVD (surtout les coffrets!)...Quant au système de location de films, je ne risque pas d'y trouver du Dreyer...
Mais bon...j'ai tout de même pu apprécier ...à mon petit niveau...

Faut venir à Lille... Ou sinon il faudra guetter le facteur!

Dans un premier temps...je vais guetter le facteur...

Antichrist (en remplaçant le denier T par ♀ c'est essentiel évidemment )



Voici donc cet "Antichrist" dont la déjà fameuse séquence de violence hystérique a dérangé ou agacé la critique au festival de Cannes. Je précise que cette scène dure environ 20 minutes sur les 1h45 du film et que la plupart des films d'horreur qu'on peut voir ces dernières années sont souvent beaucoup plus violents et sadiques que ce que Lars Von Trier nous inflige ici.

Il faut d'abord parler de la mise en scène qui est époustouflante, d'une invention visuelle assez impressionnante et très belle plastiquement. Lars Von Trier se renouvelle à chaque fois et il a ici trouvé un univers graphique qui nous plonge dans une sorte de conte de fée horrifique qui m'a rappelé par moment "Les amants criminels" d'Ozon qui mêlait déjà références mythologiques et psychanalytiques (mais avec sérieux là où Lars Von Trier s'amuse avec les codes).

Certains ont parlé d'esthétique publicitaire à propos de la géniale séquence d'introduction et je ne dois pas avoir vu la même chose ... Elle est géniale, dans un noir et blanc sublime, terrible et ironique en même temps pour montrer en parallèle:

Spoiler:

. Sorte de scène primitive diabolisée qui se déroule pendant que le tambour de la machine à laver tourne implacablement (et ironiquement) comme le passage inexorable du temps.

Toute la suite est une sorte de plongée dans l'imaginaire de Lars Von Trier, qui se disait dépressif (? Jen doute...) au moment de l'écriture du film, et qui semble ici régler des comptes de manière assez jouissive avec la psychologie (il a du passer quelques temps dans les cabinets des thérapeutes) en même temps qu'avec ses références - perverties- aux grands maîtres qui l'ont toujours influençé (Bergman , Dreyer et Tarkovski à qui le film est dédié). Il en détourne les interrogations mystiques pour s'aventurer vers des contrées beaucoup plus tortueuses tout en s'appropriant leur langage plastique. Il ne s'en moque pas, il cherche juste à s'en affranchir en les malmenant, en cherchant sa propre voie qui fait de lui le véritable antichrist, blasphématoire et trublion farceur.

Car l'histoire nous montre une sorte de psychothérapie du deuil et de la culpabilité qui oppose le mari, psychologue comportementaliste et donc peu enclin à s'intéresser à l'irrationnel freudien, et la femme qui tente de s'affranchir de cette rationnalité encombrante après s'y être momentanément soumise. Conflit entre rationnalité et irrationnalité, entre conscient et inconscient. Mais Lars Von Trier ne prend pas tout ça au sérieux. Il montre ironiquement que ce qui se trouve au sommet (la peur de ce qui se trouve en soi-même) de cette "pyramide des peurs" que le psychologue demande à Charlotte Gainsbourg d'élaborer pour tenter de les affronter et de s'en libérer de façon très comportementale, conduit vers une fausse "guérison" qui réconcilie Charlotte avec la nature qui l'effrayait mais pour mieux libérer alors tout le refoulé inconscient qui serait notre héritage archaïque de toutes les peurs et superstitions primitives. Freud déjà mort? Pas sûr dit-il avec humour. Elle devient alors une véritable sorcière qui semble animée de toute la colère que les femmes de tous temps ont développée face à la tyrannies des mâles. Et ça se gâte! Attention les yeux...

Il revisite en même temps la mythologie biblique, Adam et Eve, Le Golgotha (où Adam aurait été enseveli, scène reprise littéralement ) et qui est aussi le lieu de la crucifixion... Lars Von Trier ramène en apparence toute cette imagerie à sa dimension littérale pour mieux la dynamiter et laisser libre cours à ses fantasmes (pervers et misogyne certainement) et sa vision très désillusionnée sur la nature humaine (ah celle-là ?! Dira Charlotte en l'évoquant).

La séquence finale montrant l'ascension du Golgotha par des centaines de femmes au visage masqué est à la fois magnifique et diaboliquement misogyne. Elles montent avec détermination vers le sommet où on a bien vu que se situait toute la violence inconsciente qui n'attend qu'à se libérer... Et l'homme s'en va tranquillement après avoir gagné le combat.

Déplaisant? Certainement mais quel talent incroyable. C'est un peu comme s'il sabordait toutes les conventions, les idées reçues, les codes du langage cinématographique et laissait libre cours à son cynisme mais sans oublier de créer une oeuvre d'art. Tarkovski disait qu'il ne pouvait pas y avoir d'oeuvre d'Art sans tentative d'élever l'homme et sa condition, éventuellement à travers une quête spirituelle. Lars Von Trier répond que c'est malgré tout possible même sans croire en l'homme.

Antichrist ne plaira pas beaucoup mais je pense que c'est un grand film burlesque et parodique qui n'oublierait pas la grande forme.

Merci, ça valait le coup d'attendre!
Je vais méditer sur la diabolique misogynie de Lars Von Trier en attendant de voir le film..

Merci de ce commentaire, cinéphilique et psy...Je ne sais pas si ce film est pour moi mais j'en ai appris un peu plus...

Je le lirai, après avoir vu le film, dimanche.

Pour ceux qui sont sur Paris, ou pas trop loin, ou qui ont l'occasion d'y aller, je pense qu'il ne faut pas rater ça :

Citation :

Du 8 au 22 juin 2009, le Centre Pompidou consacrera une exposition à Lars Von Trier, le cinéaste danois, intitulée “Par-delà le bien et le mal”, une allusion à Nietzsche qui colle parfaitement à la personnalité de l’auteur, dont les films iconoclastes ont plusieurs fois fait scandale.

L’exposition retrace la carrière du cinéaste qui débute dans les années 80, avec ses courts-métrages d’une inventivité stylistique hors du commun. Mais sa spécificité tient dans la mise en avant perpétuelle de ses personnages plus que dans son intérêt pour le style et la technique. Cette mue qui s’opère au début des années 90 aboutit à la réalisation du célèbre manifeste Dogme95, qui prétendait fixer les règles de la nouvelle orthodoxie cinématographique.

Noté Steven! Je ne veux pas manquer ça.

Moins d'un mois pour voir cette expo

Tout le programme ici

Je vais voir Antichrist tout à l'heure, je lirai le message de Marko après. Je l'ai quand même survolé, et du coup, je suis remotivée. J'aime le travail de LVT en général, mais il m'agace ces derniers temps.

première étape, je tente l'impression à chaud (avant de remonter le fil) :

enfin "chaud", c'est l'expression qui veut.

quelques points sur lesquels je ne doute pas : il me reste des questions... diverses, c'est long, c'est moche (essentiellement, trois miettes de beau "humain" dans des gestes), c'est pas forcément intéressant.

l'image est désagréable, très moderne et bidouillée au numérique avec des teintes qui tirent sur le métalique... ça fait un peu croisement de Tarkovski et de X-Files pour l'ambiance aussi... Pour mettre rapidement de côté les "chocs" annoncés : le côté cru voir crade : ça ne manque pas, il y a des trucs crades mais en même temps (même les trucs beeeeuuuuurrrrrrrk) ça reste "plat", par exemple on se dit "ah tiens encore un truc crade, beurk.". On oscille entre désintérêt et sentiment de demi pied de nez, ou provocation un peu gratuite, ou pied de nez... allez savoir. Globalement on peut par ordre d'idée mettre dans le même sac les scènes de sexe, morbide et mutilation. (comme des décoration sur un sapin : y a des guirlandes, des trucs, des lumières... ).

dans l'ensemble j'ai eu du mal avec une symbolique moche et incertaine, il y a des images qui déconnectent la tête et vous projettent dans des mouvements d'idées démesurés et puissants (pas dans le film) d'autres qui laissent songeur quant à leur prétention (dans le film dès l'intro, ça devrait être beau, ça pourrait mais je crois bien que non).

après il y a le contenu, il faut de la patience. je ne peux pas dire que j'ai vu un film sur le deuil, pas forcément sur le couple : il n'y a comme qui dirait pas de sentiment de lien palpable, il y a des attitudes. ce n'est pas fondamentalement inintéressant mais c'est long. ambiguité dans la démarche de soin et de force très relative du soigneur/thérapeute dans cette histoire... passé une bonne heure, ça se complique et psychotise vers du Misery à la sauce sorcière... et un peu de morale ou de valeurs. Avec un "enjeu" autour du traitement des femmes (à travers l'exemple des sorcières donc) et de l'adhésion pour des motifs flous (peine, "animalité", pression culturelle ancestrale ?) d'une femme à tout ça, avec à la clé passage à l'acte. c'est un truc intéressant du film.

Dénouement ou on bascule et plutôt que de détricoté on envoie promener les possibles valeurs (plus large ( ?) que les trois : peine, deuil et douleur (de mémoire)... ) et par la même occasion une bonne partie du film, comme un "mensonge" et/ou une bonne blague... pas forcément inintéressant non plus.

ceci dit, voir le début de cet humble avis : c'est long et c'est moche. A moins que ça n'aille pas assez loin là où ça le devrait, perdant du temps dans de l'esbrouffe et une esthétique très bof. M'enfin c'est réducteur, le côté cryptique des départs de réflexions pouvant être nécessaire et participer d'une atmosphère.

mais bof, y compris pour des acteurs pourtant pas mauvais.

dédicacé à Tarkovski plus que visible avec la baraque dans les bois, la flotte et tout ça... un peu lourd peut être et si je n'avais pas vu avant le film ne m'aurait certainement pas poussé à la curiosité.


(sur certains points je conseillerai vivement de regarder avec le sourire, et un peu de désespoir aussi si on veut, l'extra Visitor Q)