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| Bret Easton Ellis | |
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colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Ven 19 Aoû 2011 - 9:30 | |
| Glamorama (1998) Alors que Bret Easton Ellis s’attaque, dans Glamorama, aux mêmes thèmes que dans American Psycho -le règne de l’apparence, la superficialité des relations humaines, la célébrité et tout ce qu’elle a d’inhumain- le traitement n’est pas le même. Dans American Psycho, les conséquences d’un mode de vie individualiste à l’extrême débordaient sous forme d’agressivité mais la violence restait toutefois confinée au microcosme des personnages. Dans Glamorama, la violence s’est fait terrorisme. Personne n’est épargné. De la minute à l’autre, les campus remplis d’étudiants joviaux se transforment en champ de guerre, les passagers d’un avion –mode de transport représentatif de la classe jeune et dynamique des Etats-Unis- révèlent tout ce qu’ils ont de plus larvaire, de plus méprisant, lorsqu’ils se battent contre la mort alors que leur avion s’écrase au sol. Que ce soit dans les grandes catastrophes ou dans les évènements les plus anodins d’une vie, la menace gronde toujours… « Je fonce au premier étage de nouveau, à une vitesse inquiétante, me débattant dans la foule, trop de gens qui passent, trop de visages indistincts, que des profils, des gens qui me tendent des fleurs, des gens en train de parler sur leur portable, tous formant une masse ivre en mouvement, et je traverse l’obscurité complètement éveillé et les gens ne font que défiler dans la pénombre, constamment en route vers autre chose. »Il en résulte une ambiance de malaise plus diffuse que dans American Psycho. En tant que lecteur, on se sent soi-même pris au piège. Cela ressemble à une conspiration. C’est finalement très actuel… « […] il y a des plateaux de minuscules crackers tartinés d’autruche, de l’opossum sur des brochettes en bambou, des têtes de crevettes enroulées dans de la vigne, d’énormes assiettes de tentacules disposées sur des bouquets de persil, mais je ne peux rien avaler et je suis à la recherche d’un sofa en cuir sur lequel m’effondrer parce que je suis incapable de dire si les gens ne s’intéressent vraiment à rien comme ils en ont l’air ou s’ils s’ennuient à mort tout simplement. Quoiqu’il en soit –c’est contagieux. Les gens passent leur temps à chasser les mouches quand ils ne sont pas trop occupés à murmurer ou à se cacher. Je me contente de dire « Hi ». Je suis les instructions. C’est vraiment une fête alarmante et chaque invité est un monstre. C’est aussi un miroir. »Le dégoût de l’humanité transparaît derrière chaque page écrite par Bret Easton Ellis. Un tel mépris, une telle joie à détruire les hommes, pourraient finir par lasser. Mais ici ce n’est pas le cas. L’humanité est décrite dans son aspect le plus répugnant. Rien n’est bon à en tirer. Le nihilisme de Bret Easton Ellis est dangereusement contagieux, et les scènes d’hécatombe deviennent une victoire du bien sur le mal. Qui aurait envie de laisser vivre une humanité telle que celle décrite dans Glamorama ? Autre particularité de Glamorama : les comportements de chacun semblent être ordonnés par un grand maître ultime. Figure divine ? Peu probable, à moins que les réalisateurs, metteurs en scène et autres techniciens du spectacle ne soient les incarnations d’une nouvelle religion polythéiste qui s’empare des hommes comme des comédiens d’un nouveau film. Leurs bouches prononcent des répliques dont ils ont à peine conscience, leurs gestes sont écrits à l’avance, rien n’est laissé au hasard. Complètement lobotomisés, les personnages agissent, courent, parlent, se déplacent, dans une absurdité d’autant plus criante qu’ils n’en comprennent pas le sens. Là encore, le malaise s’accentue. « Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai remarqué la présence de l’équipe de cinéma, y compris celle de Felix, le directeur de la photographie, bien qu’aucun d’entre eux n’ait semblé bouleversé, et puis un petit pan de brouillard a commencé à s’éloigner et j’ai compris que peut-être aucun d’entre eux ne savait rien à propos de Sam Ho et de ce qui lui était arrivé, la façon monstrueuse dont il était mort, comment sa main s’était contractée misérablement, le tatouage du mot ESCLAVE devenant flou à cause de l’intensité du tremblement de tout son corps. […] Quelqu’un m’avait donné un autre verre de champagne et quelqu’un d’autre avait allumé ma cigarette qui pendait à mes lèvres depuis une demi-heure et je m’étais aperçu que ce que je pensais de moins en moins, c’était « Mais peut-être que c’est moi qui ai raison et eux qui ont tort » parce que j’étais docile, docile. »Pour apprécier Glamorama, il faut apprécier le style de Bret Easton Ellis. Encore une fois, il s’agit d’un roman long, qui prend son temps pour planter le décor et pour laisser les personnages se mouvoir dans le vide sur quelques dizaines/centaines de pages. On retrouve toujours les mêmes énumérations de noms, de prénoms, de marques, de vêtements, d’objets de décoration, passages d’une futilité d’autant plus criante qu’ils sont souvent accolés à des paragraphes d’une cruauté froide. Que l’on passe du rire jaune à la terreur la plus glaciale, le malaise ne disparaît jamais. En spoiler, l'accident d'avion. Le chant du cygne de Glamorama... - Spoiler:
« Et la mort passe par vagues successives. Les gens sont retournés, pliés en deux à l’envers, arrachés de leurs sièges, comme les dents sont arrachées des crânes, les gens sont aveuglés, leurs corps projetés dans l’atmosphère contre le plafond et puis chassés à l’arrière de l’avion, s’écrasant contre les autres passagers qui hurlent tandis que des morceaux d’aluminium ne cessent de se détacher du fuselage, de tournoyer dans l’avion bondé et de découper des membres, et le sang se met à tourbillonner partout, les gens en sont trempés, le crachent par la bouche, clignent les paupières pour les chasser de leurs yeux, et puis un énorme pan de métal vole à travers la cabine et scalpe une rangée entière de passagers, leur découpant le sommet du crâne, tandis qu’un autre éclat traverse le visage d’une jeune femme, lui coupant la tête en deux mais sans la tuer vraiment. Le problème, c’est que tant de gens ne soient pas prêts à mourir, et ils se mettent à vomir sous l’effet de la panique et de la peur quand l’avion chute encore de mille pieds. Quelque chose d’autre se brise dans l’avion. L’instant suivant, un autre rugissement alors que l’avion commence à se désintégrer plus rapidement et que la mort passe par vagues successives. Quelqu’un est transformé en toupie frénétique avant d’être irrésistiblement attiré hors de la carcasse de l’appareil, tourbillonnant dans l’atmosphère, coupé en deux au moment où il heurte la structure métallique, mais il parvient tout de même à tendre les mains pour qu’on lui vienne en aide avant l’aspiration, hurlant, hors de l’avion. Un autre jeune homme ne cesse de répéter « Maman, maman, maman », jusqu’à ce qu’une partie du fuselage s’envole vers l’arrière et l’épingle sur son siège tout en le coupant en deux, mais il est seulement en état de choc et il ne meurt pas avant que l’avion ne s’écrase n’importe comment dans la forêt au-dessous, et la mort passe par vagues successives. […] Le kérosène libère quelque chose, oblige les passagers à comprendre un fait simple : ils doivent laisser les gens partir, les mères et les fils, les parents et les enfants, les frères et les sœurs, les maries et les femmes, et la mort est inévitable au cours de ce qui ne pourrait être que quelques secondes. Ils comprennent qu’il n’y a aucun espoir. Mais comprendre cette mort horrible ne fait qu’étirer les secondes pendant qu’ils s’y préparent : des gens encore vivants balancés à travers l’avion qui continue sa descente vers la terre, hurlant et vomissant et pleurant involontairement, les corps distordus par les efforts pour se préparer, les têtes baissées. - Pourquoi moi ? se demande inutilement quelqu’un. Une jambe est coincée dans un enchevêtrement de métal et des fils électriques et elle s’agite follement dans l’air pendant que l’avion continue de tomber. Des trois diplômés de Camden qui se trouvent à bord du 747 (Amanda Taylor, 86 ; Stéphanie Meyers, 87 et Susan Goldman, 86), Amanda est tuée la première par une poutrelle qui traverse le plafond, son fils tendant les bras vers elle au moment où il est emporté dans l’air, les bras en croix tandis que le compartiment à bagages vient s’écraser miséricordieusement contre sa tête, le tuant instantanément. Susan Goldman, qui a un cancer du col de l’utérus, est en partie soulagée alors qu’elle se prépare, mais elle change d’avis à l’instant où elle est aspergée de kérosène en flammes. […] Pour certains, une minute entière de chute alors qu’ils sont encore conscients. Dans une forêt située à cent kilomètres de Paris seulement. […] Un long silence. Les corps sont là, agglutinés. Certains, mais très peu, des passagers n’ont pas le moindre stigmate sur eux, même si tous leurs os sont brisés. Certains passagers ont été broyés pour n’être plus que la moitié ou un tiers ou même un quart d’eux-mêmes. Un homme a été compressé à un point tel qu’il ressemble à une sorte de sac humain, une forme surmontée d’une sorte de tête, le visage incurvé et d’une blancheur frappante. D’autres passagers ont été mutilés par les éclats de métal, certains si déchiquetés qu’il est difficile de savoir si ce sont des hommes ou des femmes, tous nus, leurs vêtements arrachés pendant la chute, certains comme brûlés par une explosion atomique. Et l’odeur de pourriture est partout, provenant des pieds et des bras et des jambes et des torses sectionnés, plantés là, des piles d’intestins et de crânes écrasés, et les têtes qui sont intactes ont sur les visages des cris gravés. Et les arbres qui ne brûlent pas devront être abattus pour qu’on puisse extraire les débris de l’avion et récupérer les dépouilles qui les décorent à présent, des fils jaunes de tissus adipeux suspendus aux branches, macabres guirlandes. Stephanie Meyers est toujours attachée sur son siège, accrochée dans un de ces arbres, les yeux brûlés dans leurs orbites. Et dans la mesure où une cargaison de confettis et de paillettes dorées (deux tonnes) était transportée vers l’Amérique, des millions de petites taches de papier violet et vert et rose et orange cascadent sur ce carnage. Voici ce qui fait la forêt maintenant : des milliers de rivets métalliques, la porte intacte de l’avion, une rangée de hublots, d’énormes panneaux d’isolant, des gilets de sauvetage, d’immenses massifs de fils électrique, des rangées de sièges vides, les ceintures toujours bouclées, déchiquetés et couverts de sang et maculés de viscères, et sur certains dossiers, comme marquées au fer rouge, des silhouettes des passagers. Des chiens et des chats broyés dans leurs niches. Pour une raison quelconque, la majorité des passagers de ce vol avaient moins de trente ans, et voici ce qui se reflète dans les débris : téléphones et ordinateurs portables et lunettes de soleil Ray-ban et casquettes de base-ball et rollers attachés en paire et caméras vidéos et guitares mutilées et des centaines de CD et de magazines de mode (y compris le YouthQuake avec Victor Ward en couverture) et des garde-robes entières de Calvin Klein et Armani et Ralph Lauren sont suspendues à des arbres en feu et il y a un ours en peluche trempé de sang et une bible des jeux Nintendo ainsi que des rouleaux de papier hygiénique et des sacs à dos et des bagues de fiançailles et des stylos et des ceintures enlevées aux tailles qu’elles serraient et des porte-monnaie Prada encore fermés et des boîtes de caleçons Clavin Klein et tant de vêtements Gap contaminés par le sang et d’autres fluides et tout pue le kérosène. Les seules choses qui évoquent la vie : le vent qui souffle sur les décombres, la lune qui se lève dans une étendue de ciel si sombre qu’elle en devient presque abstraite, la pluie de confettis et de paillettes qui continue à tomber. Le kérosène se met à brûler les arbres dans la forêt, le mot ANNULE apparaît sur un grand tableau noir de l’aéroport JFK New-York, et le lendemain matin, au moment où le soleil se lève délicatement au-dessus des équipes de nettoyage, les cloches des églises commencent à sonner et les voyantes à appeler pour donner des tuyaux et puis la rumeur commence à s’étendre. »
Une interview de Bret Easton Ellis concernant Glamoramaest lisible ICI | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 31 Jan 2012 - 14:52 | |
| J'ai commencé Moins que zéro" et lu 30 pages effectives : pour moi ça commence mal. Je trouve les thèmes débiles, futiles et la langue des plus plates ; on verra la suite. J'ai entendu récemment un écrivain reconnu (je ne sais plus lequel) dire que cet écrivain était le plus grand contemporain. pour l'instant je suis des plus sceptiques. :) | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 31 Jan 2012 - 21:50 | |
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| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Ven 10 Fév 2012 - 17:35 | |
| Je suis fortement tenté d'abandonner cette lecure ; j'en suis à la page 152 sur 240 et, hélas, je n'y trouve aucun intérêt, littéraire en tout cas. sociologique, peut -êtr ??? et encore , à peine. | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 14 Fév 2012 - 22:25 | |
| Intrigué par un post de Queenie, j'ai quand même jeté un coup d'oeil rapide à la fin : c'est vrai qu'il y a là un peu d'émotion. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Lun 19 Mar 2012 - 14:45 | |
| AMERICAN PSYCHO
Je n'avais jusqu'ici jamais pris le temps d'écrire mon avis sur ce livre, manque que je vais combler dés maintenant. J'ai adoré ce livre, je viens de le relire et je l'adore toujours autant. Tout d'abord l'histoire n'est pas seulement révélatrice de l'ambiance des années 80 dans les affaires. Ma maigre expérience pro au sein des commerciaux m'a démontré qu'Ellis ne grossit même pas le trait. ce n'est ni du cynisme ni du nihilisme dans cet ouvrage mais simplement du réalisme. Tout y est. L'énumération des marques est toujours impressionnante, on est au coeur d'une tempête marketing qui représente la totale absence de culture de ces milieux là. Lorsque Bateman s'habille j'ai l'impression de revoir dans ma tête le formatage des commerciaux des banques et assurances : tous habillés de la même façon, mêmes gestuelles et mêmes langages. La caricature ne vient même pas de l'auteur mais du monde qu'il décrit. Il le décrit de manière tellement pertinente que cela relève qusiment du documentaire. Les scènes criminelles sont retranscrites de manière violente et pulsionnelle ce qui exprime un contraste marqué avec les dialogues trés polissés des protagonistes. Le style est d'ailleurs agréablement rythmé, et equilibré entre descriptions volontairement abusvies, dialogues volontairement peu intéressants et scènes de crimes soudaines et violentes. Un vrai roman social où le personnage ne vit que lorsqu'il commet un crime qu'il soit imaginé ou réel.
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 14 Aoû 2012 - 10:43 | |
| Moins que zéro (1985) Moins que zéro propose une variation sur la fameuse question de la poule et de l'œuf... Qui est apparu en premier ? Est-ce la réalité d'un monde inhumain qui a engendré l'apparition en série de clones désincarnés ? A moins que ce ne soit l'existence de ce troupeau de bétail meuglant qui ait fait de la Terre un lieu où personne n'aimerait mettre les pieds ? A travers son récit, Clay décrit une certaine facette d’un monde qui le renvoie à lui-même. Le personnage, tout juste âgé de dix-huit ans (Bret Easton Ellis avait vingt ans lorsqu'il a publié ce livre), rentre d'études pour passer un mois de vacances chez lui. Alors qu’il n’est pas revenu depuis plusieurs mois, et même s’il se doute que rien n'a fondamentalement changé au cours de cette brève période, Clay se prépare déjà à sentir le malaise des retrouvailles. Pourtant, pas d'effusion entre proches... le père et la mère, qui mènent leur vie séparément, tiennent à leur indépendance et à leur fierté comme à de vieux restes d'une adolescence inachevée ; les sœurs remarquent à peine le retour de leur frère, noyé sous une tonne de ragots bien plus excitants que son caractère taciturne ; les amis ne lui proposent rien de plus qu'un ennui partagé ; et l'ancienne petite amie, avec qui les relations sont ambiguës, reste toujours aussi inconnue que dans le passé. En rentrant chez lui, Clay retrouve ce qu'il avait laissé dans le même état qu'avant son départ. Si quelque chose a été modifié, rien de visible. L'éloignement que le temps a creusé entre lui et ses proches ne se voit pas et ne se dit pas. Clay retrouve ses habitudes. Les journées vides sont meublées par le sommeil et l'apathie, les nuits par des sorties en boîte, dans des bars ou dans des demeures de riches. C'est l'occasion d'éveiller en soi des sensations devenues difficiles à susciter : il suffit de mélanger alcool, Valium, Témesta et séances de torture sado-maso autour d'une piscine et d'un buffet. L'effet est bluffant mais ne dure pas. En tout cas, Clay en est revenu. Même s'il continue à participer à toutes ces orgies de convention afin de suivre les traces de ses (anciens) amis et parce qu'il n'a rien de mieux à faire, on sent qu'il se tient à une certaine distance de ces spectacles. Regard critique ? Ou désespoir si intense que même ce qui faisait le plaisir de ses journées d'antan ne suscite plus rien en lui ? Clay est surtout marqué par une pensée lancinante : « Les gens ont peur de se retrouver ». Et il ne s'exclut pas de ce constat. Clay n'indique pas clairement de quelle façon les gens arrivent à détourner cette peur, mais il le fait comprendre à travers une démonstration qui s'étend tout au long du livre : ils essaient d’étouffer tout sentiment. Ils ne sont plus déçus : ils boivent ; ils ne sont plus désespérés : ils prennent du Valium ; ils ne sont plus furieux : ils violent des petites filles ; ils n'ont plus honte : ils tapinent. Le tout s’accomplit dans le silence le plus pesant. Clay, victime parmi les victimes, aussi inhumain que tous les autres abrutis autour de lui, décrit ces jours sur le ton du simple constat. On sent que la manière dont se déroulent les choses ne lui convient pas mais il n’espère rien de mieux. Il balade son désespoir et sa résignation au détours de phrases banales, de conversations inintéressantes et de détails sans intérêt -prémisse d' American Psycho. Ce mépris total ressemble presque à un désir absolu de voir se produire une apocalypse digne de ce nom. « Samedi en fin de soirée nous sommes tous chez Kim. Il n’y a pas grand-chose à faire, sinon boire des gin-tonic et de la vodka avec beaucoup de jus de citron et regarder des vieux films sur le Betamax. Je fixe sans arrêt le portrait de la mère de Kim, suspendu au-dessus du bar dans le salon au plafond élevé. Il ne se passe rien ce soir. »Ainsi, cette description minutieuse d'un monde creux, peuplé d'une humanité qui sillonne des routes vides, confrontée parfois à des apparitions surréalistes -un coyote écrasé au bord de la route, une voiture en flammes, des Mexicains qui pleurent, autant de signes de la déchéance proche- fait apparaître des images dignes d'un road-movie catastrophe. Lorsqu’on connait l’attrait de Bret Easton Ellis pour la description des crises de fureur qui s’emparent souvent de ses personnages, l’hypothèse d’un déchaînement n’est jamais invraisemblable. Ce premier livre de l’écrivain n’est pas son meilleur. Le regard critique de Clay ne parvient pas encore à s’exprimer avec toute l’agressivité qui fera par exemple la puissance d’ American Psycho, et la superficialité des situations décrites à travers son regard donne parfois au texte l’impression d’être vide lui aussi. Pourtant, on sent déjà que l’écriture de Bret Easton Ellis s’imprègne des particularités qui feront sa singularité et son succès dans ses livres suivants. Moins que zéro n’est peut-être pas le livre qui permettra le mieux de se singulariser avec l’écrivain, mais sa lecture intéressera forcément celui pour qui American Psycho a été un grand livre. Il suffirait de se laisser aller à un peu d’émotion pour avouer que Moins que zéro est troublant car il permet le déploiement d’une vision à peine désabusée, mais que l’on sent déjà prête à s’épanouir dans toute son ampleur au fil des livres suivants… | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 14 Aoû 2012 - 10:51 | |
| La vie de Clay se résume à peu de choses. A la limite, ça pourrait lui convenir, mais il met tout au même niveau, et c'est parti pour l'accumulation neutre des activités qui meublent sa journée : - Citation :
- « Le soleil entre à flots dans ma chambre à travers les stores vénitiens et quand je regarde dans le miroir, il me renvoie l’image d’un sourire dément, fêlé. Je vais dans mon cabinet de toilette, j’observe mon visage et mon corps dans la glace ; je fais une ou deux flexions, me demande si je devrais aller chez le coiffeur, décide que j’ai vraiment besoin d’une séance de bronzage. Pivote sur mes talons et ouvre l’enveloppe, également cachée derrière les chandails. Je me prépare deux lignes de coke achetée à Rip hier soir, les sniffe et me sens mieux. Je descends en bermuda. Bien qu’il soit déjà onze heures, je crois que tout le monde dort encore et je remarque que la porte de ma mère est fermée, sûrement à clef. Je sors, plonge dans la piscine, fais une vingtaine de brasses rapides, sors de l’eau, m’essuie en entrant dans la cuisine. Prends une orange dans le réfrigérateur et l’épluche en remontant. Je mange l’orange avant d’aller sous la douche et m’aperçois que je n’ai pas le temps de faire mes haltères. Je rentre alors dans ma chambre, allume M.T.V. en mettant le son fort, me fais une autre ligne puis prends la voiture pour aller retrouver mon père. »
- Citation :
- « Il ne se passe jamais grand-chose les jours de pluie. L’une de mes sœurs achète un poisson et le met dans le jacuzzi, mais le chlore et la chaleur de l’eau le tuent rapidement. Je reçois d’étranges coups de téléphone. D’habitude tard le soir, quelqu’un appelle mon numéro et quand je décroche, la personne à l’autre bout du fil ne dit strictement rien pendant trois bonnes minutes. Je compte les secondes. J’entends alors un soupir et la personne raccroche. Sur Sunset les feux de circulation sont en panne : à un croisement, le jaune se met à clignoter, puis le vert s’allume pendant deux secondes, suivi par le jaune, après quoi le rouge et le vert s’allument en même temps. »
Autre particularité de Bret Easton Ellis : son talent à faire comprendre au lecteur les sentiments et les pensées de ses personnages sans que l'écriture n'évoque un seul mot de leur psychologie : - Citation :
- « Mais je sentis bientôt une sorte de confusion, je compris que j’avais trop bu et chaque fois que Blair disait quelque chose, je m’apercevais que je fermais les yeux et soupirais. L’eau devint plus froide, plus dure, le sable plus humide. Blair s’installait seule sur la terrasse pour regarder la mer et repérer les bateaux dans le brouillard de l’après-midi. A travers la baie vitrée du salon, je l’observais qui jouait au solitaire, j’entendais les bateaux geindre et grincer, Blair se servait un autre verre de champagne et tout cela me troublait.
Il n’y eut bientôt plus de champagne, j’ouvris alors le bar. Blair a bronzé, moi aussi. A la fin de la semaine, nous ne faisions que regarder la télévision, bien que la réception ne fût pas excellente, et boire du bourbon, et Blair disposait ses coquillages en cercles concentriques sur le sol du salon. Quand une nuit, alors que nous étions assis chacun dans un coin du salon, Blair a murmuré : « Nous aurions dû aller à Palm Springs », j’ai compris que le moment était venu de rentrer. » Une conversation -prémisse de ce qu'on lira en masse dans Glamorama : - Citation :
- « « Quoi de neuf ? » je lui demande.
« Quoi de neuf ? » elle me répond. Je ne dis rien. Elle lève les yeux, étonnée. « Allez, Clay, dis-moi. » Elle cherche dans la pile de vêtements. « Tu dois bien faire quelque chose. » « Oh, je sais pas. » « Quesse tu fais ? » elle me demande. « Des trucs, j’imagine. » Je m’assois sur le matelas. « Par exemple ? » « Je sais pas. Des trucs. » Ma voix se brise, le souvenir du coyote me traverse l’esprit, j’ai l’impression que je vais pleurer, mais mon envie passe et je désire seulement récupérer ma veste avant de partir. « Par exemple ? » elle insiste. « Que fait ta mère ? » « La voix off d’un documentaire sur les enfants paraplégiques. Et toi, Clay, que fais-tu ? » Quelqu’un, peut-être Spit, Jeff ou Dimitri, a écrit l’alphabet sur le mur. J’essaie de me concentrer là-dessus, mais je remarque vite que la plupart des lettres ne sont pas dans le bon ordre, si bien que je demande ; « Que fait d’autre ta mère ? » « Elle va tourner ce film à Hawaii. Que fais-tu ? » « Tu lui as parlé ? » « Ne me demande plus rien sur ma mère. » « Pourquoi ça ? » « Ne dis pas ça. » « Pourquoi pas ? » je répète. Elle trouve ma veste. « Tiens ». « Pourquoi pas ? » « Que fais-tu ? » elle me demande en me tendant ma veste. « Que fais-tu, toi ? » « Que fais-tu, toi ? » elle redemande d’une voix tremblante. « Me pose pas ce genre de question, s’il te plaît. Okay, Clay ? » « Pourquoi pas ? » Elle s’assoit sur le matelas dès que je me lève. Muriel hurle. « Parce que…je sais pas », elle soupire. Je la regarde, je ne sens rien, je sors avec ma veste. » Et un peu d'horreur -prémisse d' American Psycho : - Citation :
- « Le Noir ligote le garçon par terre et je me demande pourquoi il y a une scie électrique dans un angle de la pièce, puis le Noir baise le garçon, après quoi il baise la fille, puis il sort du cadre. Quand il revient, il porte une boîte. On dirait une boîte à outils et pendant une minute je ne comprends plus et Blair quitte la chambre. Alors le Noir sort un pic à glace et ce qui ressemble à une corde à piano et une poignée de clous et puis un grand couteau à lame mince puis il s’approche de la fille et Daniel sourit en m’envoyant un coup de coude dans les côtes. Je sors de la chambre quand le Noir essaie d’enfoncer un clou dans le cou de la fille. »
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 14 Aoû 2012 - 10:53 | |
| - Marko a écrit:
Je ne pense pas que ce roman soit un miroir nihiliste représentatif de la jeunesse de son époque. Ce serait trop caricatural et réducteur. C'est une vision fantasmée que je perçois plutôt comme une fable, une sorte de roman horrifique qui mettrait en garde contre une dérive terrifiante du monde consumériste. Sa littérature est finalement un équivalent moderne des récits fantastiques de l'époque romantique. Il y a une tristesse sous-jacente et un sens du macabre qui surgit en pleine lumière dans de riches pavillons de banlieue où la jeunesse noie son ennui dans la recherche de sensations fortes. Comme chez Greg Araki ou Gus Van Sant ce sont des anges déchus à la fois magnifiques et dérisoires.
J'aime bien cette interprétation, je n'y avais pas pensé. Mais oui, toutes ces visions horrifiques collent bien avec les visions fantastiques d'un Théophile Gautier par exemple. | |
| | | Maestro Posteur en quête
Messages : 95 Inscription le : 18/07/2012
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 18 Sep 2012 - 9:44 | |
| American Psycho :Mon premier ressenti sur ce livre oscille entre la fascination et la répulsion. Car, je vais vous le dire tout de suite : j'ai adoré ce livre, bien qu'ayant hâte que la fin se termine car - Spoiler:
les scènes de meurtre étaient de plus en plus insoutenables (notamment le meurtre de l'enfant... horrible
Attention : c'est un livre réservé à un public averti. Dîtes-le moi si je me trompe mais le film (que je n'ai pas vu) était interdit au moins de 16 ans à sa sortie, non ? Le livre est encore plus trash car les scènes de meurtre sont très détaillées et très crues. Sur le roman en lui-même : - Spoiler:
Le roman décrit de manière très progressive la véritable nature de Patrick Bateman (description du premier meurtre vers la page 180), sans jamais vraiment s'attarder sur les événements à l'origine de ses pulsions destructrices. Le récit se déroule à la première personne du singulier. Au début, je me posais des questions sur l'histoire en elle-même car décrire un style vestimentaire sur quasiment une page, ça peut aller mais quand c'est sur beaucoup de pages, ça peut paraître rébarbatif. Moi, je n'ai pas ça chiant ; ça m'amusait même. En revanche, décrire un groupe de musique pendant un chapitre entier, ça c'était bien chiant (encore plus, répété 3-4 fois).
Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman : - Spoiler:
Tous les gens de son entourage professionnel ont réussi à gravir les échelons. Lui aussi, mais c'est un coup de chance, c'est l'arbre qui cache la forêt. Patrick Bateman est un "looser caché" et il ne s'assume pas en tant que tel. Il enchaîne les soirées dans les bars branchés et dans les restaurants hors de prix pour se donner une contenance, personne ne se souvient jamais de son prénom, il déteste les gens qui sont différents de lui. En fait, Patrick Bateman a peur des gens, de la foule et de la société en général. Ce qui n'explique pas ses meurtres en série. J'en viens à me demander s'il ne vit pas ses meurtres uniquement dans sa tête. Je pense qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fait. C'est un schizophrène, doublé d'un psychopathe.
Dans tous les cas, c'est un roman à lire quand même une fois, car je pense que ce cher Bret Easton Ellis est un petit génie dans son genre. Je me laisserai embarquer à coup sûr dans un autre de ses romans. | |
| | | FleshOvSatan Espoir postal
Messages : 30 Inscription le : 02/09/2012 Age : 34 Localisation : NancY
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 18 Sep 2012 - 12:56 | |
| - Ma€$tro a écrit:
- American Psycho :
Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman :
- Spoiler:
Tous les gens de son entourage professionnel ont réussi à gravir les échelons. Lui aussi, mais c'est un coup de chance, c'est l'arbre qui cache la forêt. Patrick Bateman est un "looser caché" et il ne s'assume pas en tant que tel. Il enchaîne les soirées dans les bars branchés et dans les restaurants hors de prix pour se donner une contenance, personne ne se souvient jamais de son prénom, il déteste les gens qui sont différents de lui. En fait, Patrick Bateman a peur des gens, de la foule et de la société en général. Ce qui n'explique pas ses meurtres en série. J'en viens à me demander s'il ne vit pas ses meurtres uniquement dans sa tête. Je pense qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fait. C'est un schizophrène, doublé d'un psychopathe.
Je répond aussi de manière cachée pour ne pas flinguer le suspens au cas ou ! - Spoiler:
Je suis tout à fait d'accord avec cette judicieuse analyse du personnage de Pat Bateman, c'est tout à fait un looser, ce qui est d'ailleurs souvent une caractéristique des héros de Ellis, on pourra s'en rendre compte dans ses autres livres comme "Moins que Zéro" ou " Les lois de l'attraction". Il est en fait selon moi une dualité, quelqu'un qui aime profondément sa personne, mais se dégoute également. De même il semble parfaitement exhiber son attrait pour le capitalisme tout en y vouant une certaine répulsion. On sent un certain détachement de ce monde, un peu comme un homme paumé qui profite du système dans lequel il est, sans pour autant y adhérer. Par ailleurs, le dernier point me semble aussi très juste, avec cette dualité réalité/irréalité des meurtres. Bateman décrit de manière tellement crue les scènes qu'on est presque obligés de se dire que c'est réel, mais au final, plusieurs points font douter :
- Bateman n'est pas inquiété par la justice, il continue sa petite vie de manière bien tranquille, ce qui est douteux, surtout qu'il commet parfois ses actes en public (avec le clochard par exemple), ce qui tend soit à être une simili-critique de la justice, incapable de débusquer le psychopathe en puissance derrière l'homme propret, soit tout simplement Bateman n'a pas commis les meurtres en vrai. - Bateman est constamment sous drogue, on imagine très bien qu'il puisse tout imaginer... - Bateman apparaît aussi dans d'autres romans de Ellis sans qu'on fasse une quelconque référence à un passé, un présent ou un futur meurtrier.
Enfin, c'est une question qui fait souvent débat sur ce livre, Bateman tue-il dans sa tête ou pour de vrai... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 18 Sep 2012 - 13:21 | |
| Au fait j'ai vu le film il y a quelques temps. C'est très mauvais!! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Mar 18 Sep 2012 - 22:29 | |
| - Ma€$tro a écrit:
Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman :
- Spoiler:
Tous les gens de son entourage professionnel ont réussi à gravir les échelons. Lui aussi, mais c'est un coup de chance, c'est l'arbre qui cache la forêt. Patrick Bateman est un "looser caché" et il ne s'assume pas en tant que tel. Il enchaîne les soirées dans les bars branchés et dans les restaurants hors de prix pour se donner une contenance, personne ne se souvient jamais de son prénom, il déteste les gens qui sont différents de lui. En fait, Patrick Bateman a peur des gens, de la foule et de la société en général. Ce qui n'explique pas ses meurtres en série. J'en viens à me demander s'il ne vit pas ses meurtres uniquement dans sa tête. Je pense qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fait. C'est un schizophrène, doublé d'un psychopathe.
Petite réponse en spoiler aussi : - Spoiler:
Loser, oui, peut-être, mais comme tous les autres personnages du livre, en fait. Et d'ailleurs, peut-on vraiment parler de réussite en ce qui concerne leurs carrières et leurs vies sociales à tous ?
- Marko a écrit:
- Au fait j'ai vu le film il y a quelques temps. C'est très mauvais!!
Oh... moins bon que le livre, c'est sûr, mais ça se regarde avec plaisir quand même ! | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Lun 8 Oct 2012 - 14:22 | |
| Suite(s) impériale (s) est la suite de Moins que zéro. La vacuité de vies exprimée dans des phrases exsangues et descriptives. Les personnages n'ont que peu d'intérêt, leurs faits et gestes itou. Un livre insipide et vain. Ca peut fasciner, remarquez ! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bret Easton Ellis Lun 8 Oct 2012 - 14:36 | |
| - traversay a écrit:
- Suite(s) impériale (s) est la suite de Moins que zéro. La vacuité de vies exprimée dans des phrases exsangues et descriptives. Les personnages n'ont que peu d'intérêt, leurs faits et gestes itou. Un livre insipide et vain. Ca peut fasciner, remarquez !
Même ressenti que toi Traversay. | |
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