Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 cuisine et littérature

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unmotbleu
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptySam 23 Mar 2013 - 13:21

j'ai parcouru avec gourmandise les 25 pages du fil... je pensais: ils ont du la citer, attention regarde bien...
mais je ne l'ai pas trouvée.

Le festin de Babette/KAREN BLIXEN

Babette est une Française devenue domestique en Norvège, après la Commune qui l'a contrainte à
l'exil. Ses patronnes sont deux vieilles filles austères. Le jour où elle gagne dix mille francs or à une
loterie, elle leur demande de la laisser préparer un dîner fin, dans la grande tradition française. Sa
fortune y passe, mais une soirée aura effacé des années de carême.
Cette nouvelle, qui a inspiré un film, est l'un des cinq petits chefs-d'oeuvre qui composent ce
recueil.

extrait1-:-Qu'y a t il là dedans Babette? Ce n'est pas du vin au moins?
-Du vin,Madame? s'écria Babette. Oh!Non! c'est du clos-vougeot 1846.
Et elle ajouta:
-Il vient de chez Philippe,rue Montorgueil.
Martine ne s'était jamais doutée que les vins puissent porter des noms, elle fut donc contrainte de garder le silence sur ce point là.

extrait2- Le troupeau du vieux pasteur se composait de petites gens au coeur simple. En se rappelant plus tard la soirée de ce 15 décembre, ils n'eurent jamais l'idée que leur exaltation n'était due qu'à eux-mêmes. Ils comprirent que la grâce infinie, dont parlait le général, leur avait été dispensée. Ils ne s'en étonnèrent même pas, car ils voyaient dans ce miracle la réalisation de leurs propres espérances. Les vaines illusions s'étaient dissipées devant leurs yeux comme de la fumée, et ils avaient aperçu la véritable face du monde. Ils vivaient une heure de l'Eternité.


à mon humble avis: une pure merveille. aime



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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptySam 23 Mar 2013 - 19:26

un petit rafraîchissement en passant:


La Cueillette des Cerises

Espiègle ! j'ai bien vu tout ce que vous faisiez,
Ce matin, dans le champ planté de cerisiers
Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche.
Caché par le taillis, j'observais. Une branche,
Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin
Et se trouvait à la hauteur de votre main.
Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
Coquette ! et les avez mises à vos oreilles,
Tandis qu'un vent léger dans vos boucles jouait.
Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet
Dans l'herbe, et puis un autre, et puis un autre encore,
Vous les avez piqués dans vos cheveux d'aurore ;
Et, les bras recourbés sur votre front fleuri,
Assise dans le vert gazon, vous avez ri ;
Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle.
Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle,
Un seul témoin, qui vous gardera le secret,
Tout heureux de vous voir heureuse, comparait,
Sur votre frais visage animé par les brises,
Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.

FRANCOIS COPPEE
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colimasson
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 1 Avr 2013 - 15:25

Dans Journée d'un opritchnik de Sorokine.
Le restaurant a l'air sympa :


Citation :
« Monsieur désire ?
- Je désire boire quelque chose, mon ami, prendre quelques zakouski, puis manger un plat léger.
- Une bonne petite vodka d’orge avec de la poudre d’or ou d’argent, un succulent caviar noir de Shanghai, notre fameux dos d’esturgeon salé de Taiwan, d’exquis lactaires en saumure à la crème, du bœuf dans sa gelée, un petit sandre de la Moskova en aspic et notre célèbre jambon de Guangdong.
- Je prendrai de la vodka à l’argent, des lactaires à la crème et du bœuf en gelée. Et comme plat de résistance ?
- Une petite soupe de sterlets, du bortsch à la moscovite, du canard aux navets, du lapin aux nouilles, une truite au bleu, du bœuf grillé avec ses pommes de terre.
- De la soupe. Et un verre de kvas doux.
-A votre service. »


Qu'est-ce qui se cache derrière cette discussion laitière ?

Citation :
- Ne bois pas de lait de vache. Mange seulement du beurre. Sais-tu pourquoi ?"
Je n’en sais rien, putain de cafard…
« Le lait de vache chante dans la tête : je m’assiérai sur le cœur, j’accumulerai de la rancœur, je la délaierai dans de l’eau, je m’en couvrirai le dos, je prierai le veau, mon angelet, les os du veau me rendront visite, de petits os blancs, courageux pour les injurieux, du bruit ils feront, puis ils mourront et de la force ils prendront. »
Je hoche la tête.
« Je ne le ferai plus, je ne boirai plus de lait. »
Elle prend ma main décharnée et molle dans la sienne :
« Mais tu dois manger du beurre. Parce que, dans le beurre de vache, la force ne s’est pas éteinte, il s’accumule dans le barattement, il se concentrer en un grumeau, il se pose sur la planche, et le gras montera, dans le foie il pénétrera, sous la peau il se déposera, et les forces, il multipliera. »
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 1 Avr 2013 - 17:15

colimasson a écrit:
Dans Journée d'un opritchnik de Sorokine.
Le restaurant a l'air sympa :


Citation :
« Monsieur désire ?
- Je désire boire quelque chose, mon ami, prendre quelques zakouski, puis manger un plat léger.
- Une bonne petite vodka d’orge avec de la poudre d’or ou d’argent, un succulent caviar noir de Shanghai, notre fameux dos d’esturgeon salé de Taiwan, d’exquis lactaires en saumure à la crème, du bœuf dans sa gelée, un petit sandre de la Moskova en aspic et notre célèbre jambon de Guangdong.
- Je prendrai de la vodka à l’argent, des lactaires à la crème et du bœuf en gelée. Et comme plat de résistance ?
- Une petite soupe de sterlets, du bortsch à la moscovite, du canard aux navets, du lapin aux nouilles, une truite au bleu, du bœuf grillé avec ses pommes de terre.
- De la soupe. Et un verre de kvas doux.
-A votre service. »
Je parierais qu'il est assez loin de chez moi, ce restau ; c'est dommage, le menu me convient bien.
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyMar 2 Avr 2013 - 21:28

Loin dans le temps et dans l'espace ! (mais surtout dans le temps)

J'aime bien leur conception de "plat léger"... jemetate
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyMer 3 Avr 2013 - 13:09

colimasson a écrit:
J'aime bien leur conception de "plat léger"... jemetate
Faut voir la taille des plats parce qu'à Paris par exemple, dans certains restos, t'as des surprises et tu as faim en sortant de table. Y'en a où j'aurais pu manger 4 plats dentsblanches
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyJeu 4 Avr 2013 - 21:59

Moui, c'est vrai... imaginons alors que la Nouvelle Cuisine s'est généralisée dans cette Russie de 2028... Cool
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 8 Avr 2013 - 15:03

Dans le Seigneur des porcheries de Tristan Egolf, une astuce pour ceux qui n'ont plus d'apéritif dans leur placard :
Citation :

L’approvisionnement de la soirée en alcool –à défaut de terme plus adéquat- avait été assuré par Curtis. Nous avions épuisé nos stocks de bières. Nous n’avions plus d’argent. Curtis, l’ayant prévu depuis plus de huit jours, nous avait vanté les mérites de la fameuse décoction qu’il nous préparait : une infâme mixture de peaux d’abricots, zestes d’oranges et nectarines qui avait fermenté dans un alambic de fortune fait de sachets en plastique et de cintres. C’était une caricature de tord-boyaux. Du vitriol. Cent pour cent inflammable. C’était le pousse-au-crime le plus rance que nous ayons jamais goûté : son seul équivalent serait un croisement de diluant pour peinture et de lisier de porc.
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 8 Avr 2013 - 15:31

colimasson a écrit:
Dans le Seigneur des porcheries de Tristan Egolf, une astuce pour ceux qui n'ont plus d'apéritif dans leur placard :
Citation :

L’approvisionnement de la soirée en alcool –à défaut de terme plus adéquat- avait été assuré par Curtis. Nous avions épuisé nos stocks de bières. Nous n’avions plus d’argent. Curtis, l’ayant prévu depuis plus de huit jours, nous avait vanté les mérites de la fameuse décoction qu’il nous préparait : une infâme mixture de peaux d’abricots, zestes d’oranges et nectarines qui avait fermenté dans un alambic de fortune fait de sachets en plastique et de cintres. C’était une caricature de tord-boyaux. Du vitriol. Cent pour cent inflammable. C’était le pousse-au-crime le plus rance que nous ayons jamais goûté : son seul équivalent serait un croisement de diluant pour peinture et de lisier de porc.
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 15 Avr 2013 - 14:25

Dans les Entretiens d'Emil Cioran - l'art de vivre culinaire français :


Citation :
[…] il y a deux choses que j’ai découvertes en France. Ce que signifie manger. Et ce que signifie écrire. Avant de venir en France, je mangeais comme un animal. Parce que ma mère, jamais elle ne nous a expliqué : à midi, on va manger ça et ça. Jamais je n’ai entendu un commentaire disant : ça c’est bon, et ça c’est mauvais. On mangeait, c’est tout. (Rires.) Ma famille n’était absolument pas pauvre, loin de là, mais on considérait que l’acte de manger ne participait pas de la civilisation. Encore que je ne vienne pas d’un peuple civilisé, mais enfin, le problème n’est pas là. On n’en est pas là. Mais voilà ce qui se passait : quand je suis arrivé à Paris, j’ai débarqué dans un petit hôtel du quartier Latin. Et je descendais tous les matins pour téléphoner en bas, et je me rappelle, tout au début, j’entends la patronne, son mari et leur fil discuter : « Maman, qu’est-ce qu’on va manger à midi ? » C’est vrai, pendant une demi-heure ils élaborent tout un truc. Moi, je pensais qu’ils avaient des invités. Ça s’est répété deux ou trois fois, et finalement indéfiniment, puis je me suis dit : « Eh bien, manger, c’est donc un acte intellectuel. Ça fait partie vraiment de la civilisation. » Et je commençais quand je mangeais, à faire des commentaires : « C’est bon. » Je commençais à manger de façon consciente…
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptySam 20 Avr 2013 - 14:49

Lorsque Bouvard et Pécuchet se mettent aux fourneaux (tout du moins en théorie), voilà ce que ça donne :


Citation :
Enfin ils révèrent une crème, qui devait enfoncer toutes les autres. Ils mettraient de la coriandre comme dans le kummel, du kirsch comme dans le marasquin, de l’hysope comme dans la chartreuse, de l’ambrette comme dans le krambambuli ; -et elle serait colorée en rouge avec du bois de santal. Mais sous quel nom l’offrir au commerce ? Car il fallait un nom facile à retenir, et pourtant bizarre. Ayant longtemps cherché, ils décidèrent qu’elle se nommerait « la Bouvarine » !
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyLun 22 Avr 2013 - 14:48

Dans A Rebours de J.-K. Huysmans.

Le dîner de la décadence :
Citation :


On avait mangé dans des assiettes bordées de noir, des soupes à la tortue, des pains de seigle russe, des olives mûres de Turquie, du caviar, des poutargues de mulets, des boudins fumés de Francfort, des gibiers aux sauces couleur de jus de réglisse et de cirage, des coulis de truffes, des crèmes ambrées au chocolat, des poudings, des brugnons, des raisinés, des mûres et des guignes ; bu, dans des verres sombres, les vins de la Limagne et du Roussillon, des Tenedos, des Val de Penas et des Porto ; savouré, après le café et le brou de noix, des kwas, des porter et des stout.


Une preuve supplémentaire de la synesthésie de Des Esseintes :
Citation :

Du reste, chaque liqueur correspondait, selon lui, comme goût, au son d’un instrument. Le curaçao sec, par exemple, à la clarinette dont le chant est aigrelet et velouté ; le kummel au hautbois dont le timbre sonore nasille ; la menthe et l’anisette, à la flûte, tout à la fois sucrée et poivrée, piaulante et douce ; tandis que, pour compléter l’orchestre, le kirsch sonne furieusement de la trompette ; le gin et le whisky emportent le palais avec leurs stridents éclats de pistons et de trombones, l’eau-de-vie de marc fulmine avec les assourdissants vacarmes de tubas, pendant que roulent les coups de tonnerre de la cymbale et de la caisse frappés à tour de bras, dans la peau de la bouche, par les rakis de Chio et les mastics !


Et pour la route, une des rares manifestations de l'appétit du personnage :

Citation :

Après avoir perdu depuis si longtemps l’appétit, il demeura confondu devant ces gaillardes dont la voracité aiguisa sa faim. Il commanda un potage oxtail, se régala de cette soupe à la queue de bœuf, tout à la fois onctueuse et veloutée, grasse et ferme ; puis, il examina la liste des poissons, demanda un haddock, une sorte de merluche fumée qui lui parut louable et, pris d’une fringale à voir s’empiffrer les autres, il mangea un rosbif aux pommes et s’enfourna deux pintes d’ale, excité par ce petit goût de vacherie musquée que dégage cette fine et pâle bière.
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyJeu 25 Avr 2013 - 11:01

Dans le Loup des steppes de Hermann Hesse : Hermine apprend à Harry les choses "simples et innées" de l'existence des bienheureux. Ici, une scène au restaurant :


Citation :
- Je crois vraiment qu’il faut t’apprendre tout ce qui est naturel chez les autres, même le plaisir de bien manger. Tiens, petit, ça c’est une cuisse de caneton, et, quand on détache de l’os la belle viande claire, on sent que c’est fête et on a l’eau à la bouche ; on est plein d’une attente émue et reconnaissante comme lorsqu’on déshabille pour la première fois sa maîtresse. M’as-tu compris ? Non ? Que tu es bête ! Attention, je vais te donner un petit bout de cette belle cuisse, tu vas voir. Là, ouvre la bouche… Oh ! le monstre ! Voilà-t-il pas qu’il louche du côté des autres pour s’assurer qu’on ne l’a pas vu accepter une bouchée de ma fourchette. Sois sans crainte, petit garçon modèle, je ne te compromettrai pas. Mais, si tu as besoin pour ton plaisir de la permission des autres, tu n’es vraiment qu’un pauvre type !
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptySam 27 Avr 2013 - 12:03

Dans Gibier d'élevage de Kenzaburô Ôé -mieux qu'un tableau :
Citation :


« Mais soudain le noir allongea le bras –un bras incroyablement long-, souleva entre ses doigts épais aux phalanges hérissées de poils raides la bouteille au large goulot, l’approcha de lui et la flaira. Puis il l’inclina, desserra ses lèvres pareilles à du caoutchouc épais, découvrit deux rangées parfaites de fortes dents éclatantes, chacune bien à sa place comme les pièces dans une machine ; et je vis le lait s’y engouffrer dans les profondeurs roses et luisantes du vaste gosier. La gorge du noir glougloutait comme un tuyau de vidange quand l’eau et l’air s’y bousculent. Aux deux coins de la bouche qui évoquait péniblement un fruit trop mûr étranglé par une ficelle le lait débordait, gras, dévalait le long du cou, mouillait la chemise ouverte, coulait sur la poitrine, s’immobilisait sur la peau gluante aux reflets sombres en gouttes visqueuses comme de la résine et qui tremblotaient. Je découvris, au milieu de l’émotion qui me desséchait les lèvres, que le lait de chèvre était un liquide extraordinairement beau. »


Dans Dites-nous comment survivre à notre folie, le repas du père avec son enfant handicapé -un rituel quotidien :

Citation :
Dans ce restaurant où ils venaient ainsi chaque jour, le bouillon d’os aux nouilles se composait de nouilles dans leur eau, relevées de quelques épinards, de fragments de cèpes et de morceaux de côte de porc panées. Lorsque enfin on le lui apportait, il mettait à part dans un petit bol les deux-tiers des nouilles, un peu de champignons et d’épinards, les donnait à l’enfant et, aussi longtemps qu’ils restaient chauds, ne le quittant pas des yeux, profondément attentif à la façon dont le petit mangeait. Alors seulement lui-même attaquait la viande qu’on lui avait servie et quand, à force de chercher, il avait réussi à trouver avec sa langue, entre panne et chair, de petits morceaux de cartilage, il examinait minutieusement ces espèces de demi-sphères blanchâtres, les plaçait dans un cendrier hors d’atteinte de son fils et, calculant le juste temps nécessaire, achevait de manger ses nouilles en même temps que l’enfant.
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MessageSujet: Re: cuisine et littérature   cuisine et littérature - Page 16 EmptyVen 7 Juin 2013 - 13:14

Passage éblouissant de L'écriture et la vie de Jorge Semprun :


Citation :
« Depuis quelques jours, le ravitaillement du camp était assuré par l’armée américaine. […]
Mais le vieux Français ne devait pas y croire, il devait se méfier. C’était trop beau pour durer, devait-il pensé. […] Il se nourrissait à tout hasard, même s’il n’avait plus réellement faim. Il étalait des couches épaisses de margarine sur les tranches de pain noir, il les découpait en tout petits carrés qu’il mâchait lentement, avec du saucisson. Probablement mangeait-il ainsi depuis longtemps. Probablement n’avait-il pas l’intention de s’arrêter avant d’avoir tout avalé, tout dégluti. Il mâchait lentement, faisait durer le plaisir. Mais ce mot ne convient certainement pas : il y a de la gratuité dans le mot plaisir. Il y a de la légèreté, de l’imprévisible. C’est un mot trop désinvolte pour parler du sérieux avec lequel le vieux Français accomplissait, quelque peu hystériquement, le rite de se nourrir. »
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