Lecture en commun - Madame de Lafayette : La Princesse de Clèves

Vous suivez avec précision la cadence de Madame de Lafayette, puisqu´en l´espace d´un quinzaine de messages, vous passez du roman historique ( la cour des Valois, la fin du règne d´Heni II) au roman psychologique.
Et la psychologie des personnages deviendra le moteur-même du roman.
Ceci dit, la relation triangulaire et historique entre roi, reine et Diane de Poitiers est glissée dès le premier paragraphe du roman, introduisant indirectement l´autre triangle, peut-être pour le radoucir?

Effectivement Swallow le triangle amoureux au plus haut sommet de l'état pourrait servir d'exemple à nos principaux protagonistes. Sauf que dans un cas, il y a un homme pour deux femmes et que dans l'autre c'est l'inverse. Ce qui change un peu la donne.

Enfin nous arrivons au moment crucial de la rencontre entre Nemours et la princesse. Tout oppose cette rencontre de celle d'avec M. de Clèves. Déjà, non deux jeunes gens ont déjà beaucoup entendu l'un de l'autre :
Mme de Clèves est impatiente de faire la connaissance de ce personnage que tout le monde trouve si séduisant.

La rencontre n'a pas lieu dans une boutique, mais à un grand bal, donné à l'occasion des fiançailles d'une fille du Roi. Ils sont donc à leur avantage autant qu'il est possible

Citation :

Elle passsa tout le jour des fiançailles chez elles à se parer

M. de Nemours fait de même.

La rencontre produit donc des étincelles. D'autant que suite à un caprice du Roi, la princesse doit danser avec le cavalier qui va franchir la porte, et c'est évidemment Nemours. A peine entrevus, ils dansent ensemble.

Et visiblement, ils se font mutuellement un grand effet, ce que tout le monde remarque. Et on imagine bien tous les supputations auxquelles cela peut donner lieu dans cette cour tellement avides d'intrigues.

Ce n'est pas si facile Mme de Lafayette, la langue n'est plus vraiment celle que l'on parle maintenant, mais elle est belle. Je ne dis plus rien aujourd'hui, j'espère des commentaires d'autres participants.

C'est vrai, après tout ce que dit Arabella, qu'est-ce qu'on peut ajouter?

La langue est évidemment superbe, le style avec les plus beaux passés simples est très élégant: je me régale! Il y a certain mot que j'emploie toujours et que je dois très souvent expliquer (par ex: avoir de l'inclination pour quelqu'un) et j'adore des mots comme "démarier".

en fait, j'y pense.. est-ce qu'on va lui ouvrir un fil?

kenavo a écrit:

en fait, j'y pense.. est-ce qu'on va lui ouvrir un fil?

J'adore quand Kenavo fait l'innocente.

Je me demandais quand est-ce que tu allais faire la proposition

Le problème en ce qui me concerne, c'est comme j'ai lu pas mal de trucs sur elle, faire une synthèse me prendrait du temps. Au moins quelques jours.

Arabella a écrit:

Le problème en ce qui me concerne, c'est comme j'ai lu pas mal de trucs sur elle, faire une synthèse me prendrait du temps. Au moins quelques jours.

tu as tout ton temps

Ca y est, j’ai consciencieusement commencé ma lecture de La Princesse de Clèves…
Vous ne parlez pas de l’introduction qu’en fait Philippe Seller (dans l’édition Poche illustrée par Christian Lacroix) ? Je la trouve très intéressante pour aborder le roman avec quelques éclairages historiques et littéraires qui donnent envie de se plonger très vite dans la lecture.
J’ai donc enchaîné immédiatement avec la lecture de la première partie au bout de laquelle je suis allée…

cachemire a écrit:

Je trouve le début du livre trop mondain, toutes ces explications des personnages et intrigues de cour sont pour moi, lectrice moderne et républicaine, lointaines et ennuyeuses.

Sentinelle a écrit:

Comme le dit bien Cachemire, j'ai eu un peu de mal à m'y retrouver parmi tous ces princes, ducs, reines, messieurs, favoris et j'en passe.

Arabella a écrit:

C'est vrai que les noms de tous ces nobles sont nombreux et que l'on peut s'y perdre un peu, mais nous allons vite entrer dans le vif du sujet.

Alors moi, cela m’a amusée de jouer les reporters people !




La Reine, Catherine de Médicis


Diane de Poitiers, Duchesse de Valentinois, maîtresse du roi.

« L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner ; il semblait qu’elle souffrît sans peine l’attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et elle n’en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde dissimulation qu’il était difficile de juger de ses sentiments. »


Henri II - Portrait par François Clouet, musée du Louvre.

« galant, bien fait […] Comme il réussissait admirablement dans tous les exercices du corps, il en faisait une de ses plus grandes occupations. »

« Ce roi aimait le commerce des femmes, même de celles dont il n’était pas amoureux : il demeurait tous les jours chez la reine à l’heure du cercle, où tout ce qu’il y avait de plus beau et de mieux fait de l’un et de l’autre sexe ne manquait pas de se trouver.
Jamais Cour n’a eu tant de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits, et il semblait que la nature eût pris plaisir à placer ce qu’elle donne de plus beau dans les plus grandes princesses et dans les plus grands princes. »


Élisabeth de France par Frans Pourbus le Jeune
« un esprit surprenant[…] incomparable beauté »


Marie Stuart
« parfaite pour l’esprit et le corps »


Marguerite de France, sœur du Roi (La Reine Margot)
Elle et la Reine "aimaient les vers, la comédie et la musique".


Antoine de Bourbon, Roi de Navarre (par Clouet)…
« attirait le respect de tout le monde par la grandeur de son rang et par celle qui paraissait en sa personne. »


Le Cardinal de Lorraine (par Clouet)…
« un esprit vif et une éloquence admirable. »


Le Chevalier de Guise...
« un prince aimé de tout le monde, bien fait, plein d’esprit, plein d’adresse, et d’une valeur célèbre par toute l’Europe »


Louis 1er de Bourbon, Prince de Condé...
« dans un petit corps peu favorisé de la nature, il avait une âme grande et hautaine, et un esprit qui le rendait aimable aux yeux mêmes des plus belles femmes. »



Ah comme tout est beau !
« La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. »

Madame de La Fayette a choisi pour cadre et personnages de son roman la haute aristocratie à la Cour des derniers Valois qui séduisait par son raffinement la Cour même de Louis XIV où l’auteur brilla un temps.

L’atmosphère est à l’érudition, au raffinement, au luxe…mais dès la première partie, et notamment par la voix de Madame de Chartres, sa mère, on pressent le danger qu’il y aura pour la future Madame de Clèves à se laisser tromper par le charme irrésistible des apparences, en société comme en amour.
« Elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux. »

A son arrivée à la Cour, la future Madame de Clèves est ravissante, bien née, bien éduquée et vertueuse :
« Une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes. ».

(Sa mère) « avait donné des soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. »

Monsieur de Clèves s’en éprend au premier regard, chez un joailler (un orfèvre?) où ils se croisent sans se connaître.
Très vite, il la demande en mariage.
« Il lui parla de son dessein et de sa passion avec tout le respect imaginable ; il la pressa de lui faire connaître quels étaient les sentiments qu’elle avait pour lui, et il lui dit que ceux qu’il avait pour elle étaient d’une nature qui le rendrait éternellement malheureux si elle n’obéissait que par devoir aux volontés de madame sa mère. »

Elle, toute sincère, accepte à 16 ans d’épouser Monsieur de Clèves avec lequel elle ne joue pas. Elle « répondit qu’elle l’épouserait avec moins de répugnance qu’un autre, mais qu’elle n’avait aucune inclination particulière pour sa personne. ». Voilà qui est dit!

« Monsieur de Clèves se trouvait heureux, sans être néanmoins entièrement content ; il voyait avec beaucoup de peine que les sentiments de mademoiselle de Chartres ne passaient pas ceux de l’estime et de la reconnaissance. »

"Est-il possible, lui disait-il, que je puisse n'être pas heureux en vous épousant? Cependant il est vrai que je ne le suis pas. Vous n'avez pour moi qu'une sorte de bonté qui ne me peut satisfaire; vous n'avez ni impatience, ni inquiétude, ni chagrin; vous n'êtes pas plus touchée de ma passion que vous le seriez d'un attachement qui ne serait fondé que sur les avantages de votre fortune, et non pas sur les charmes de votre personne.

[…]Je ne touche ni votre inclination ni votre cœur, et ma présence ne vous donne ni plaisir ni trouble."



Le mariage a lieu …
Oui mais voilà…un coup de foudre va tout remettre en question alors même que Madame de Clèves perd sa confidente et son soutien, sa mère…
C’est lors des fiançailles de Claude de France, une fille du roi Henri II, qu’elle fait se rencontrer Madame de Clèves et le Duc de Nemours. Un homme beau, un séducteur…

Swallow a écrit:

Et la psychologie des personnages deviendra le moteur-même du roman.

Ce qui lui donne tout son attrait pour le lecteur...

Je suis allée super doucement. D'abord, parce que comme le dit Cachemire, c'est un chouia déstabilisant (mais pas vraiment barbant) ce début qui nous plonge dans le monde bien ProutProut de la cour, du roi, de l'amour, des passions, des mensonges et des manipulations. Heureusement que j'ai un petit bagage historique qui permet de savoir immédiatement qui est qui. Parce que les bribes d'infos données par Madame de La Fayette sont très brèves. Ça fait vraiment penser à un magazine People aujourd'hui : avec une photo, un commentaire propret (mais ironique ?).

D'ailleurs, très bien l'initiative de Coline qui nous placarde leurs tronches. Faudrait une version illustrée de ce livre ! (et limite un roman-photo aussi!)

J'en suis à peine au moment où la fille Chartres ramène sa vertu sous le regard de sa mère protectrice.

Et comme Arabella, je sens qu'il ne faut pas le dévorer trop vite ce petit livre, parce qu'on pourrait bien rater plein de choses d'ambiance et de petites phrases assassines qui se cachent sous un apparat tout soyeux.

Merci Coline pour les portraits. C'est vraiment utile et intéressant. On les voit mieux tout d'un coup.

coline a écrit:

Vous ne parlez pas de l’introduction qu’en fait Philippe Seller (dans l’édition Poche illustrée par Christian Lacroix) ?

trop de lectures qui ont été gachis à cause d'introduction, avant-propos et autre trop bavards.. donc, je laisse toujours de côté jusqu'à la fin de ma lecture

et merci pour tes recherches d'images.. tout comme Queenie: ce livre devrait paraître illustré: après l'édition Christian Lacroix, ce sera prochainement l'édition Parfumée avec images

Déjà je n'ai (malheureusement) pas l'édition Christian Lacroix. Ensuite Sollers je m'en méfie parce qu'il a écrit sur ce livre des choses qui me paraissent pas très justes par ailleurs.

Arabella a écrit:

Déjà je n'ai (malheureusement) pas l'édition Christian Lacroix. Ensuite Sollers je m'en méfie parce qu'il a écrit sur ce livre des choses qui me paraissent pas très justes par ailleurs.

le monsieur qui a écrit l'introdution s'appelle Philippe Sellier

Pardon. Décidément j'ai une dent contre Sollers.

Dans mon édition à moi, c'est Jean Mesnard.

Et dans mon édition il y a un index avec tous les personnages historiques présents dans le roman et une petite notice qui explique qui ils étaient vraiment.

Peut être moins jolie, mais l'esthétique n'est pas tout. on se console comme on peut