Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 André Malraux

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jack-hubert bukowski
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyDim 24 Fév 2008 - 14:48

J'ai lu la fameuse biographie de Malraux d'Olivier Todd, et elle est définitivement à lire... coline, tu en as mon mot! Wink Aussi, j'ai lu un livre que Laurent Lemaire avait écrit, si je me souviens bien du nom... ces deux livres ont suffi à me redonner perspective, regard critique et distance face au personnage qu'a été Malraux.

Mais une chose que le monde n'a pas dit ici... Malraux était le grand écrivain de De Gaulle. Ce dernier l'estimait beaucoup, avait une stature par rapport aux autres. Et qui sait à quel point De Gaulle estimait les écrivains et les intellectuels...

Pour ma part, j'accorde priorité à La condition humaine, L'espoir, Antimémoires et La cordes et les souris, qui est le deuxième tome des Antimémoires avec Lazare dedans...

Enfin, pour des considérations stylistiques... pour moi, Malraux évoque un Céline une coche en-dessous... Chateaubriand... Avec un soupçon d'américanité et d'écriture cinématographique.
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coline
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyDim 24 Fév 2008 - 15:21

jack-hubert bukowski a écrit:
J'ai lu la fameuse biographie de Malraux d'Olivier Todd, et elle est définitivement à lire... coline, tu en as mon mot! Wink .

Je n'en doute pas un seul instant...content Je me désespère simplement de ne pas avoir le temps de lire davantage.
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyVen 30 Mai 2008 - 21:48

Un extrait de Lazare, que je sais ou savais pas où couper, car ce passage horrifiant s'étend encore sur plusieurs pages (en plus de la mise en condition qui précède), passage qui m'a par ailleurs beaucoup impressionné lors de sa première lecture faite dans un état particulièrement perméable.

si vous en voulez plus, le livre, ou peut être encore un peu de recopie de ma part...

Citation :
A gauche de Berger, il y a un cheval : il le prend, fonce. La retraite maintenant éparse des compagnies apparaît et disparaît, de plus en plus près. Berger croise enfin la course de deux soldats qui le regardent sans voir. Ils ne voient rien. Ils courent. Ils ont conservé leur groin. Scaphandriers de quelque océan, bêtes d'une autre planète.
"Que font les Russes ?"
Il hurle, ils ne l'entendent pas : de l'homme, ils n'ont gardé que la faculté de courir. Ils disparaissent sous les arbres. Son cheval hennit comme celui qui s'est jeté dans la nappe de gaz. Apparaît un soldat de la 132ème. Il court lui aussi, masqué, casque perdu. Berger place son cheval en travers :
"Quoi, qu'on fait les Russes ?" hurle-t-il de nouveau.
L'homme répond frénétiquement en agitant les bras et le cou. Berger lui fait signe de retirer son masque. L'autre crie. Berger devine :
"On peut pas!
- On ne peut pas quoi? Et vos armes?
- On peut pas! On..."
Il crie "non" des mains, des épaules, de la tête. Il s'étrangle. Les deux mains en avant avec le geste de l'orateur qui adjure une salle, il montre le trèfle incarnat aux fleurs serrées qui les entoure tous les deux, comme s'il dénonçait cette toison rose entre les murs sombres des arbres. Il repart avec frénésie. Berger remet au galop son cheval; au sortir du bois, l'animal foudroyé glisse de cinq mètres sur ses pattes rigides et le précipite dans les buissons. Quand il relève les yeux, le cheval est encore dans sa pose terrible de statue. La vie revient dans ses babines qui découvrent ses dents; elle s'engouffre d'un coup, de ses oreilles à son échine; il repart, emballé. Berger est devant le terrain qu'ont traversé les gaz.
Il masse sa rotule, le regard devant lui; ses doigts rencontrent quelque chose de répugnant, touffe de cheveux morts, toiles d'araignée, flocons de poussières agglomérés. Sa botte a raclé le sol sur un mètre, accumulant entre cuir et genou les trèfles et les ombelles de carottes sauvages qui poussent jusque dans les buissons : noires, gluantes, comme rapportées d'un fond de vase. La forme des fleurs est intacte. Celle des cadavres aussi, somme toute : sa main se rétracte du dégoût de la vie pour la charogne. Dans le pré dégagé devant lui sur plus de trois cents mètres, les gaz n'ont pas laissé un centimètre de vie. Sur les hautes graminées tombées, le soleil luit avec le lugubre éclat qu'il a sur le charbon. Quelques rangs de pommiers décomposés ressemblent aux arbres à lichens, leurs feuilles couleur de fumier collées aux branches blafardes. Pommiers taillés par l'homme, tués comme des hommes : morts plus que les autres arbres, parce que fertiles... Sous eux, toute l'herbe est noire. Noirs les arbres qui ferment l'horizon, gluants eux aussi; morts les bois devant quoi passent en courant quelques silhouettes de soldats allemands qui s'y renfoncent en voyant Berger se relever. Mortes les herbes, mortes les feuilles, morte la terre où s'éloigne, dans le vent, le galop emballé du cheval. Berger met son masque.
Seuls restent verticaux, entre les pommiers, des chardons en touffes, dont boules, épines, feuilles, sont devenues du même roux de fleur prête à tomber en poussière, tandis que leurs tiges ont pris le blanc répugnant des pièces anatomiques dans les locaux. Le pré poisseux étend entre deux murs de forêt ses branches d'équerre. Bien que blessé au genou, Berger peut marcher; il traîne des mottes de plus en plus lourdes. Le galop de son cheval s'est perdu dans le bruit du vent. Un autre cheval aux pattes réunies comme dans les instantanés de courses s'effondre devant lui, peut-être celui qui a foncé sur les gaz : pas encore raide, les yeux ouverts et gris, le poil pourri comme l'herbe et les feuilles, muscles convulsés. Autour de lui montent des bouillons-blancs aux cierges roux comme les chardons, mais toutes leurs feuilles recroquevillées; une grappe d'abeilles tuées est collée à l'une des tiges comme les grains d'un épis de maïs. Au-delà de cette entrée de vallée des morts, au-delà d'une ligne lointaine de poteaux télégraphiques, le vent pousse de hauts nuages dans le ciel sans oiseaux.
Berger avance lourdement. Isolé dans la solitude comme pour veiller le cheval gazé, s'élève un arbre mort; non pas moisi de gaz, mais toutes ses branches nettes, anguleuses, ossifiées, avec la poussée tragique de tous les arbres morts de la terre. Cet arbre pétrifié depuis tant d'années semble, dans cet univers de pourriture, le dernier vestige de la vie. Une pie passe d'un vol ralenti, ses plumes blanches découpées dans ses ailes noires; et tombe comme un oiseau de chiffon.
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MessageSujet: Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyVen 30 Mai 2008 - 23:47

Il est aussi un bon cinéaste. "Espoir" est un très bon film.
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http://www.quenovel.be/pageactujuin.htm#Unpremierroman
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptySam 31 Mai 2008 - 19:09

je l'avais vu (quand passé sur la 3 en 96 ou 97 ?), effectivement c'est assez marquant !
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyJeu 27 Nov 2008 - 6:32

il a comme une étrange saison de la citation ces jours-ci...

je reviens sur ces mots perdus dans un tortueux monument de grandeur... et... d'espoir ? (oui d'espoir, pourquoi pas, pas comme "demain, il fera jour" l'espoir de sauver un peu de soi face à... la mort, la fin... c'est un peu une obsession chez cet auteur, et d'autres).

Il a prêté ces mots à un interlocuteur, ami, étrange, savant, malade... sur la fin. On se demande forcément si un ami les lui a effectivement prêtés ou non. On ne saura sans doute jamais.


"Vous savez, "Qu'importe" est une maladie qu'on ne soigne pas encore..."


Pourquoi avoir retenue cette phrase, simple, au milieu de tant d'autres ? Est-ce qu'elle ne résume pas à merveille tous les murs d'impossibilités que nous rencontrons chaque jour et tout le fardeau de culpabilité qu'on peut trainer derrière nous ?

Et puis c'est un peu plus classe que le "tous les matins faut se souvenir qu'on est qu'une m..." qui était un appel au progrès, qui m'a longtemps accompagné et n'est jamais si loin.

Et comme toujours la frontière est floue et mouvante entre culpabilité et regrets, à croire que ces paysages sont un peu les mêmes...
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyDim 28 Déc 2008 - 22:24

Pour sourire un peu :

Gabriel avisa un gros livre blanc posé sur le comptoir. Il s'approcha. Les Antimémoires, dernière production de l'écrivain français alors ministre de la Culture.
- Je peux l'emprunter un moment ?
- S'il vous plaît, dit le vieux Kabyle, patron des lieux. J'achète tout ce qui sort pour mon fils. Il dévore et me raconte après. C'est un bon fils. Si vous avez des amis au gouvernement, vous pourriez leur dire de faire les livres moins chers ?
Gabriel promit, retourna à sa place et feuilleta. Avant de reposer, sidéré. D'incessants courts-circuits métaphysiques merveilleux, des voyages vertigineux, des invocations fulgurantes, des portraits de génie, le sentiment de sortir de cette lecture bien plus vaste, planétaire, immémorial. Mais pas une femme. Des piétà de peinture, quelques infirmières, des patronnes d'hôtel, "Je vous remercie, madame. Vous étiez très bien tout à l'heure : vous ressembliez à la France" (p.227), des mères soignantes ou veilleuses d'enfants morts au combat. Mais pas la moindre femme-femme. Six cent pages des choses les plus importantes d'une vie et aucune femme premier rôle, aucune qui enchante, aucune pour ouvrir la porte de mondes fermés aux hommes.
Pour cet écrivain-là, elles n'étaient pas dignes d'être racontées.
Conclusion. Meilleure manière de ne pas penser aux femmes, lire Malraux : elles n'y sont pas.

Malraux vu par Gabriel, personnage de "Longtemps" de Erick Orsenna.
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyDim 28 Déc 2008 - 22:31

rire

c'est donc pour ça que cette lecture aurait tenu un temps les morceaux de ma tête !

merci mimi singe !!!

huhu.

c'est vrai quelles ne sont pas très présentes, mais en mélangeant tous les souvenirs, ou en remuant des souvenirs mélangés, je dirai peut être pas complètement absentes.

ou bien je m'égare...

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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyDim 28 Déc 2008 - 23:07

En fait, il parle surtout de la femme-femme, Gabriel !

Pour la description de la femme-femme ? Va voir chez Orsenna dans 5 minutes !!!!
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MessageSujet: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyLun 29 Déc 2008 - 1:11

Malraux ou la fausse grandeur...

Je parlerai de lui un de ces jours, ne serait ce parce qu'il avait l'habitude
facheuse de piquer : des vestiges de l' art khmer aux idées sur l' art
dans Elie Faure...
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyLun 29 Déc 2008 - 19:25

Je n'ai jamais rien lu de lui à part des extraits (la honte) alors que ça me dit bien. Il faut que je remédie à ça. Wink
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyLun 29 Déc 2008 - 20:12

en rejetant un oeil sur le début du fil, j'eu dit à Tenebrus qui se demandait par où commencer (bien que je me vois pas bien doué pour ce genre de conseil) : L'Espoir (lu il y a trop longtemps). Et peut être pas La Tentation de l'Occident. En fait je ne sais pas. Comme ses thèmes reviennent... et que son écriture fait son effet...

bonne lecture en tout cas Wink

fausse grandeur oui, bien que ça puisse dépendre de ce qu'on considère mais avec un certain talent au pire... et une "fausse grandeur" qui fait partie de son oeuvre, lui qui se demadait ce qu'il peut rester, il aura je crois essayé de construire quelque chose.

(pas d'hésitation l'homme oiseau, ça m'intéresse... et d'autres surement !)
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MessageSujet: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyLun 29 Déc 2008 - 20:23

Finalement non...

Je n'en dirai un mot que lorsque je parlerai d'Elie Faure... Au mieux !nonnon
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyMar 14 Avr 2009 - 21:37

huhu... déterrage de discussions du coup.

un extrait de Lazare, à la fois représentatif, et un peu caricatural et réducteur, mais n'empêche :

Citation :
L'infirmière entre, seringue de Pravaz en main : "N'ayez pas peur !" Rire inutile; je ne sens plus piqûres. Ces mots font sans doute partie du métier. Elle part. Les bruits de la douleur montent avec le jour. Dès mon départ de Verrières, les rues étaient devenues bizarres; infirmières, médecins le sont comme les plantes laissées devant ma fenêtre malgré le règlement. Il y a de cyclamens, et j'aime leurs pétales charnus comme j'aime les champignons. Quel japonais m'a dit : "Si vous regardiez les fleurs de la même façon que vous regardez les chats, vous comprendriez honorablement la vie?" C'est elle qui est insolite ; et quand tournent les chevaux de bois des souvenirs, c'est la mienne. Mon chat se précipitait à travers le salon, s'arrêtait, pattes tendues, se léchait minutieusement : il avait changé d'avis. Rêves de chats, destins de plantes... Chaque forme de la vie est bizarre pour les autres comme la route de Verrières, mais toutes à la fois sont étranges pour... pour qui, pour quoi ? Les religions sont-elles nées afin d'apporter aux hommes des dieux pour lesquels ils ne soient pas surprenants ?
Au "conte plein de bruit et de fureur, et ne signifiant rien de Shakespeare, le misérable petit tas de secrets n'aura pas longtemps imposé sa signification dérisoire. "Que signifie la vie ?" est la plus tenace interrogation. Je pense à Bénarès, au général de Gaulle. Il est mort, maintenant... Devant la neige qui recouvrait les champs de saint Bernard, j'avais dit, et il avait redit avec lenteur : "Pourquoi faudrait-il que la vie ait un sens ?"
La proximité des agonies submerge le "Que suis-je ?", le rend oiseux. Serait-ce faux d'une agonie solitaire ? Ce tourisme dans l'archipel de la mort ignore toute suite d'événements, laisse seule à nu la conscience la plus informe et la plus intense, la convulsive "Je suis". Mais pas au-delà de l'autre question : qu'est l'aventure humaine ? La neige de Colombey, la neige de Vézère... Pendant l'hiver de 1943, entre les Eyzies illustres et Lascaux incnnue où nos armes étaient cachées, je me suis demandé, en rêvant des troupeaux de rennes au loin dans la neige préhistorique, si l'homme est né lorsque pour la première fois, devant un cadavre, il a chuchoté "Pourquoi ?" Il s'est beaucoup répété depuis. Inépuisable bête.
On frappe. un inconnu entre sans attendre la réponse. Un vieillard, souris blanche aux cheveux blancs.
"Monsieur, je m'excuse si je vous dérange... Je sais que vous êtes instruit, et puis, vous... on vous cache moins les choses... Je suis votre nouveau voisin, j'ai pensé que nous pourrions peut-être... Enfin, voilà : on meurt beaucoup, ici."
Je réponds, non sans malaise :
"Plus maintenant...
- Ah, vous croyez, plus maintenant ? Plus maintenant... Je ne veux pas vous déranger... Je m'en vais..."
Il salue, par petites saccades.
"En tout cas, pour moi, si jamais... enfin... si jamais, on peut-être sûr que je saurais me tenir : je n'importunerai personne. Merci, monsieur. Je crois que vous m'avez un peu rassuré..."
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Marie
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MessageSujet: Re: André Malraux   malraux - André Malraux - Page 4 EmptyMar 11 Aoû 2009 - 2:32

Après réflexion , je mets cela ici, je voudrais qu'Animal fasse connaissance avec quelqu'un qui ne peut que lui plaire, une admiratrice ( à son stade, ce n'est même plus de l'admiration, mais, elle le dit, de l'amour!) d'André Malraux.
Et donc:

Il n'y a pas de grandes personnes
Alix de Saint-André



malraux - André Malraux - Page 4 Grande10


La couverture, déjà, est sympathique. On y voit tous ceux qui vont se croiser dans ce drôle de bouquin, André Malraux donc, dit Dédé, , sa fille Florence à laquelle le livre est dédié, Proust et Chateaubriand, deux autres grands amours, mais un degré au-dessous, et le pauvre Rousseau qui passe un mauvais quart d'heure..
Citation :

Malraux et moi, ce fut une grande histoire, et j'aimerais trouver pour en parler aujourd'hui les accents de ma passion d'alors, qui exaspéra souvent mes amis les plus intimes, et fit rigoler les autres. J'éprouve la même difficulté que les gens qui racontent un premier amour. Reste toujours sa voix. Je ne peux l'entendre sans que mon poil se hérisse ,et que ma gorge se noue. Il est mort, bien sûr, mais le fait qu'il fût vivant n'a jamais eu une très grande influence sur notre vie commune.
.

Moi, la voix de Malraux ne m'a jamais fait chavirer, ce serait plutôt le contraire, mais des goûts et des couleurs, hein..
Difficile de définir ,donc, ce livre, autobiographie , déclaration d'amour à la littérature et à certains écrivains, précis de littérature comparée, étude assez érudite ( il y a même des chapitres qu'elle conseille de sauter:
Citation :
Avertissement: Nos bien-aimés lecteurs qui ne s'intéresseraient pas encore passionnément à Proust et à Malraux, ou qu'un style plat et universitaire pourrait dégoûter, sont invités à sauter ce chapitre pour retrouver la suite de nos aventures au chapitre suivant..
Et, deux pages plus loin, car il y a eu entretemps quelques digressions:
Citation :
Deuxième avertissement: Nos lecteurs, que le fond allègre de ces quelques pages et leurs anecdotes culinaires auront pu tromper, sont prévenus que cela va se gâter, et autorisés à tout moment à décrocher pour nous retrouver au chapitre suivant.

Tout cela à la fois, et beaucoup d'humour! On croise beaucoup de monde, les différentes épouses d'André, Chateaubriand ( qu'elle me donnerait presque envie de lire, c'est un comble, tant elle en parle bien..), Françoise Sagan et Bernard Franck ,des journalistes , et bien sûr, Florence Malraux très surprise au début de la survenue dans sa vie d'une telle groupie de son père. Qui ,au départ, l'utilisa comme héroïne d'un roman au titre déjà évocateur, Papa est au Panthéon..
Tout est raconté avec une grande allégresse, beaucoup de fantaisie, et je crois que j'aurais adoré avoir Alix de Saint-André comme prof de lettres.
Quant au titre, n'ayant pas lu les Antimémoires, de son Dédé donc, je ne comprenais guère.
L'explication n'arrive qu'à la page 455:

Citation :
Malraux ,lui, est dehors , et n'a pas de temps à perdre. Les Antimémoires démarrent par un parachutage immédiat dans la guerre, sans préparation ni explications, comme un prégénérique de James Bond. Le héros s'est échappé; il n'est pas seul. Une phrase sèche, nette, précise. Sans gras. A peine le temps d'esquisser son complice- un curé délivrant des certificats de baptême antidatés aux Juifs- qu'on le retrouve ,au soir, dans son village de la Dôme. Question:

"-Vous confessez depuis combien de temps?
-Une quinzaine d'années..
- Qu'est-ce que la confession vous a enseigné des hommes?
- Vous savez, la confession n'apprend rien parce que dès que l'on confesse, on est un autre, il y a la Grâce. Et pourtant... D'abord les gens sont beaucoup plus malheureux qu'on ne croit..et puis.. "
Il leva ses bras de bûcheron dans la nuit pleine d'étoiles:
" Et puis, le fond de tout, c'est qu'il n'y a pas de grandes personnes


Il est mort aux Glières.

Citation :
Fin du prégénérique. L'aumônier du Vercors aura vécu un paragraphe avant d'être tué. Juste le temps de cette scène inaugurale, de ce dialogue amical sur fond de ciel étoilé, qui donne le ton du livre, son atmosphère. En une scène, Malraux a bazardé la psychologie et introduit la métaphysique et l'urgence. Ou plutôt l'urgence d'une métaphysique. On ne bavarde pas chez Malraux; on se retrouve pour parler, et l'on ne parle que de l'essentiel: Que savez-vous des hommes?

En tout cas, une vraie déclaration d'amour à la littérature, et un peu moins aux études littéraires:

Citation :
Il ne faut jamais étudier la littérature quand on l'aime. C'est dégoûtant. On transforme un amour naïf et vital en chiffres et en duplicité. on dissimule ses vraies questions et ses grands bonheurs; on trahit ce qui était une forme d'amour de la vérité pour un cynisme médiocre, un vocabulaire technique et cette volupté feinte qui permettent d'avoir de bonnes notes. Cette triste prostitution cause très vite l'apparition d'un chancre nécrophilique: en Sorbonne, l'étude de la littérature commençe par son autopsie. On apprend à découper sa chair pour la mettre dans des bocaux numérotés, afin de revêtir son squelette, exposé tot nu dans l'amphithéâtre Descartes, sous les mots bizarres de la mode intellectuelle du jour, aussi changeante que l'autre, à l'usage de professeurs, de futurs professeurs, ou de piliers de bar pas encore bourrés. On voit comment c'était fait. On sait en discourir. Mais on ne sait toujours pas comment ça marche. Et le mystère qui faisait tenir tout cela ensemble, la vie, la création, a disparu. On admire notre grande morte si pâle dans ses beaux oripeaux, on est très impressionnés, on se roule à ses pieds; elle si haut, et nous si bas. Voilà.
La façon anglo-saxonne, plus familière , plus copain-copain, claque dans le dos, d'étudier la littérature comme on apprend la musique ou l'architecture, pour continuer à en fabriquer, et non à en parler, semble plus sympathique et plus gaie, mais présente un autre danger tout aussi mortel. Connaître Versailles n'empêche pas de bâtir des maisons Phénix, au contraire! On le constate chaque jour dans les ateliers d'écriture. Vous me direz: les gens ont plus besoin de maisons pour y habiter que de plais à visiter; tout ce qui s'écrit n'a pas besoin d'être de la littérature , et les pavillons en meulière, pures horreurs d'après nos grands-parents, se retrouvent désormais pris en photo dans les livres d'art internationaux. La littérature meurt noyée dans la masse, comment l'identifier? Il suffit d'attendre: on repêchera son cadavre dans quelques années, et la Sorbonne sera chargée ,comme d'habitude, de l'autopsie..
L'amour de la littérature est sans remède.
L'amour est sans remède.

La critique de Jérôme Garcin
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