Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Fritz Zorn [Suisse]

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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 7 Déc 2010 - 15:47

bix229 a écrit:
Vivre dans un milieu étouffant peut rendre malade. Toutes les maladies du travail, à commencer par
le stress sont sources d' angloisses névrotiques. Somatiser est la réaction du corps et de l' esprit à
la pression.
Il n' est pas illogique que Zorn considère que son milieu familial est pathgène meme s' il n' est pas
certain que son cancer en soit la preuve.
Sa révolte a quelque chose de moral et meme de sain. Elle lui permet de combattre et son miliieu familial et sa maladie. Et meme s' il meurt finalement, il est mort en connaissance de cause.
D' autres se sont sauvés, lui était beaucoup trop seul et sa réaction un peu trop tardive.

Je plussoie mais son livre n'en demaure pas moins étouffant et morbide dans son essence.
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colimasson
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyVen 3 Juin 2011 - 9:41

Mars (1976) de Fritz Zorn

Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 Mars-z10

« Nous devons oublier qu’il ne s’agit pas d’un post mortem mais d’un ante mortem, c’est-à-dire d’une vivisection. »

Préface, Adolf Muschg

Dans la brillante préface d’Adolf Muschg, le ton est donné d’emblée. Vivisection, voilà le mot qui décrit le mieux cet essai autobiographique de Fritz Zorn. Par là j’entends que nous assistons à l’éclatement à vif de toutes les charpentes qui constituèrent l’existence de l’écrivain. Fritz Zorn déploie toutes les aberrations qu’il avait subies jusqu’au jour où il apprit qu’il souffrait du cancer, quitte à transformer son existence passée, à laquelle il avait désespérément tenté de donner un sens jusqu’à présent, en un dépotoir bondé de déchets en putréfaction.

Le bilan est douloureux, mais là où le ton surprend, c’est que Fritz Zorn semble se réjouir des constats acerbes qu’il tire de son passé. Comme si le bonheur venait enfin en laissant aller sa colère.

« Toute ma vie j’ai été brave et gentil et c’est pour cela que j’ai aussi attrapé le cancer. Et c’est tout à fait bien ainsi. J’estime que quiconque a été toute sa vie brave et gentil ne mérite rien d’autre que d’attraper le cancer. Ce n’en est que la juste punition. »

Cela peut sembler idiot. La gentillesse est censée nous apporter le respect et la considération des autres, à condition que ceux-ci la remarquent. Mais c’est rarement le cas et la gentillesse devient un fardeau qui empêche l’individu d’avoir ses propres opinions et de s’exprimer librement. La colère ne peut pas s’exprimer. Pour Zorn, la colère, c’est son cancer, et comme son cancer vient de se déclarer, il n’a plus rien à perdre et il peut enfin s’exprimer envers et contre tout ce qu’en penseront les autres.

De sa naissance jusqu’au moment de l’écriture, Fritz Zorn revient sur son éducation, austère, et en démontre toute l’absurdité, toute l’incohérence. Difficile parfois de ne pas se reconnaître dans certaines habitudes qui tenaient lieu de préceptes d’éducation aux parents du petit Fritz.
Les propos doivent toujours être modérés, les réclamations sont étouffées au berceau, quitte à laisser place à une immense frustration :

« Tout devait être sans problème ; ou, si ce ne l’était pas, il fallait le rendre tel. Il ne devait y avoir, sur tout, qu’une opinion, car une divergence d’opinion eût été la fin de tout. Aujourd’hui je comprends bien pourquoi, chez nous, une divergence d’opinion eût été l’équivalent d’une petite fin du monde : nous ne pouvions pas nous disputer. J’entends par là que nous ne savions pas comment on s’y prenait pour se disputer ; tout comme quelqu’un peut ne pas savoir comment on joue de la trompette ou comment on prépare la mayonnaise. Nous ne possédions pas la technique de la dispute et c’est pourquoi nous nous en abstenions, comme un non-trompettiste ne donne pas de concerts de trompette. »


Les idées des parents sont arrêtées et, basées sur des préjugés bien souvent injustifiés, elles semblent ne jamais pouvoir évoluer :

« Mes parents, qui aimaient bien aller de temps en temps au cinéma, classaient cependant, au départ, les films en deux catégories : il y avait les « moroses » et les « loufoques ». La chose se présentait de la façon suivante : un film était « morose » quand on y montrait les côtés tristes, désespérés ou inharmonieux de l’existence. Ces films ne plaisaient pas à mes parents ; ils trouvaient qu’il valait mieux ne pas montrer du tout ce genre de films car, « en fait la vie n’était pas du tout comme ça ». […] / Les autres films étaient « loufoques », c’est-à-dire comiques, mais d’une manière tout aussi fantaisiste que les « moroses » étaient tragiques. « En fait, la vie n’était pas du tout », non plus, telle qu’on la représentait dans les films « loufoques ». Ainsi, les deux genres étaient caractérisés par le fait qu’ils représentaient quelque chose de complètement fantaisiste et impossible, à quoi l’on ne pouvait et ne devait donc pas s’identifier. »

Et l’hypocrisie règne par-dessus tout au sein de la demeure familiale :

« Les autres étaient toujours plus des ennemis potentiels que des amis potentiels. Quand venait Monsieur le Docteur, ou Monsieur le Directeur, ou Monsieur le Curé, on ne pouvait pas se réjouir de cette visite ; on devait bien plutôt s’attendre à voir un trouble-fête dont on s’efforçait de rendre la déplaisante intrusion le moins désagréable possible avec le plus possible de politesse, de prévenance et de tact. Pour souligner le caractère particulier et pénible des circonstances, il fallait que tout fût, à la maison, légèrement différent de l’ordinaire : les chambres devaient être un peu plus méticuleusement rangées, un peu plus comme elles ne nous plaisaient pas, car le fait même que cette transformation ne nous plaisait pas mettait en valeur le cérémonial de politesse. Mes parents faisaient d’autres gestes que d’habitude, disaient d’autres choses, allaient jusqu’à défendre d’autres opinions que d’habitude et surtout, en présence de ces personnes respectables, ils s’adressaient à mon frère et à moi tout autrement qu’à l’ordinaire. »

Pourtant, Fritz Zorn n’accuse pas ses parents de la mauvaise éducation qu’ils lui ont donnée. Eux aussi sont à plaindre. Eux aussi vivent une existence tiède et fade, qui les ennuie certainement, même s’ils ont la chance de n’avoir pas assez de recul pour s’en apercevoir. S’ils ont éduqué Fritz tel qu’ils l’ont fait, c’est parce qu’eux-mêmes avaient été éduqués de la sorte, et alors les coupables seraient les grands-parents. Mais si l’on remonte encore la chaîne du temps et des générations, qui se trouve à la source de tous les problèmes ? Il est inutile de chercher à accuser quelqu’un de précis. Fritz reconnaît qu’il est une victime de ses parents et de la société, comme eux-mêmes l’ont été. Il reconnaît même être coupable, d’une certaine façon, de ce qu’il a vécu. S’il n’avait pas été aussi sensible, il aurait certainement mieux vécu son éducation, et il y aurait survécu.

« Et moi ? J’étais tout bonnement un peu plus sensible que d’autres enfants ordinaires et c’est pourquoi j’ai plus mal survécu à mon milieu que d’autres enfants. Peut-on en conclure qu’au fond mon éducation n’a pas été du tout si mauvaise, du fait que j’y aurais survécu sans histoires si seulement je n’avais pas été si sensible ? Naturellement non, car justement une éducation est mauvaise quand seuls y survivent les enfants qui ne sont pas sensibles, et justement n’est bonne que quand même les enfants sensibles y survivent. »

Tous ces propos démontrent d’une lucidité et d’une intelligence rare. Chaque évènement de la vie de Fritz est scalpé à vif. Tous les moments « heureux » de son existence n’étaient qu’une mascarade. Tout au long de son existence, le cancer veillait, la dépression régnait. Ces épisodes sont frappants de vérité. Fritz parle de sensations qu’il a bien connues, mais il prend tellement de recul lorsqu’il en fait le récit qu’il ne reste plus qu’un constat froid et clinique, qui accentue encore la sensation de malaise du lecteur.

« […] Beaucoup de mes camarades étaient déprimés parce qu’ils avaient raté un examen, mais moi, j’étais déprimé quoique j’eusse brillamment passé le même examen. Je ne voulais voir que ce que nous avions de commun, que chacun de nous était déprimé, je ne voulais pas voir la différence, à savoir que le chagrin de l’un avait un sens, et que le chagrin de l’autre en était dépourvu. Qu’on broie du noir parce qu’on a été collé à un examen qu’on a préparé très longtemps et à fond, c’est normal. Mais qu’on soit tout à fait incapable de se réjouir de l’avoir si bien réussi et qu’on passe la soirée assis sans rien faire, aussi déprimé que celui qui a échoué, n’est pas normal. »

« Tout de même, toutes ces petites joies n’avaient pas d’autre pouvoir que de repousser sans cesse, l’une après l’autre, de quelques pas, l’abîme béant où guettaient toutes mes angoisses, mes souffrances et mes désespoirs. Chaque fois que j’avais accompli une chose dont je pouvais être fier, j’avais une nouvelle occasion de me dire qu’à présent, tout de même, je remontais la pente, que j’avais de nouveau fait un progrès et que « bientôt » j’attendrais la position imaginaire dont mon retard me séparait encore. »

« Parfois aussi, je ne suis pas assis à ma table mais, plein d’une rage désespérée, je me retourne dans mon lit parce que la douleur m’empêche de dormir la nuit, et alors je ne suis plus un intellectuel qui tapote sur sa machine à écrire des remarques spirituelles sur la souffrance, je suis uniquement et exclusivement livré à la douleur de mon corps et de mon âme, et alors je suis moi aussi la populace de Paris qui veut voir une tête sanglante dont peu lui importe qu’elle ait appartenu à une nommée Marie-Antoinette, car une seule chose compte encore pour elle, que ce soit bien la tête de la Reine. »


Faire de sa maladie le moment de sa délivrance, voilà ce qu’est Mars. Fritz Zorn dit ne pas vouloir s’exprimer au nom des milliers d’autres qui sont dans le même cas que lui. Pourtant, son message me semble être universel. Son livre est une exhortation à dépasser les règles, les coutumes et les mauvaises habitudes héritées de son éducation lorsqu’elles empêchent l’individu de vivre. Tout lecteur convaincu par Mars ne pourra pas s’empêcher, après avoir refermé le livre, de procéder à une vivisection de sa propre existence.
Il est dommage que cet ouvrage ait été détourné et utilisé pour culpabiliser les malades atteints du cancer. Il est évident que le cancer n’est pas uniquement provoqué par les souffrances de l’âme. Ici, le cancer est un symbole. Il représente toutes les maladies mentales dont peut être affecté l’être humain suite aux névroses héritées de son enfance, de son éducation, de son mode de vie, de sa trop grande sensibilité.

Pour terminer, le passage le plus lucide de tout le texte :

« Jamais je n’avais pu parler de choses tristes et jamais non plus de choses sérieuses car la tristesse que je portais en moi avait toujours été si grande qu’elle eût fait sauter le cadre de toute conversation conventionnelle, si j’avais ouvert les vannes qui retenaient le torrent de désespoir comprimé en moi. C’est pourquoi, automatiquement, j’avais toujours tout tourné à la plaisanterie ou même en ridicule, afin d’éluder, autant que possible, le malheur qui, en moi, menaçait. »

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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyVen 3 Juin 2011 - 15:39

Contrairement à la plupart des lecteurs, je pense encore que ce livre est salubre.
Parce que l' auteur analyse ce qui a entravé et perturbé gravement sa vie et son développement.
Le fait qu' il attribue l' origine de sa maladie à son milieu familial et à celui que fréquente ses parents, est peut etre erroné (encore que...ça peut se discuter...).

Mais l' essentiel est ailleurs, il est dans la révolte, une révolte tout à fait saine, parce qu' elle lui permet de pener que désormais il va lutter pour guérir.
Et c' est pourquoi, je pense que ce livre est plutot optimiste.
Comme Coli, j' ai lu ce livre en m' y impliquant et il m' a m' a laissé un souvenir durable.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMer 8 Juin 2011 - 9:36

Dans D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère reprend le début du livre de Fritz Zorn et en étend le sens en le croisant avec la lecture du Livre de Pierre, entretien de Louise Lambrichs avec Pierre Cazenave :

Citation :
Son client, c’est le malade qui accueille sa maladie, non comme une catastrophe accidentelle, mais comme une vérité qui le concerne intimement, une conséquence obscure de son histoire, l’expression ultime de son malheur et de son désarroi face à la vie. Chez ce malade-là il parle aussi de lui même, quelque chose dans le narcissisme primaire n’a pas été construit. Une faille profonde entaille le plus ancien noyau de la personnalité. Il y a, dit-il, deux espèces d’hommes : ceux qui font souvent le rêve de tomber dans le vide et puis les autres. Les seconds ont été portés, ils vivent sur la terre ferme, s’y meuvent avec confiance. Les premiers au contraire souffriront toute leur vie de vertige et d’angoisse, du sentiment de ne pas exister réellement. Cette maladie du nourrisson peut perdurer longtemps à bas bruit chez l’adulte, sous forme d’une dépression invisible même par soi, et qui un jour devient un cancer. On n’est pas étonné alors, on le reconnaît. On sait que ce cancer, c’était soi. Toute sa vie on a craint quelque chose qui, en fait, est déjà arrivé. Chez ceux qui ont vécu ce désastre et qui bien sûr l’ont oublié, c’est son souvenir qui ressurgit à l’annonce de la maladie mortelle – le désastre actuel réactivant l’ancien et causant une détresse psychique intolérable dont ils ne comprennent pas l’origine.


Citation :
[...]je suis tellement choqué par les gens qui vous disent qu’on est libre, que le bonheur se décide, que c’est un choix moral. Les professeurs d’allégresse pour qui la tristesse est une faute de goût, la dépression une marque de paresse, la mélancolie un pêché. Je suis d’accord, c’est un péché, c’est même le péché mortel, mais il y a des gens qui naissent pêcheurs, qui naissent damnés, et que tous leurs efforts, tout leur courage, toute leur bonne volonté n’arracheront pas à leur condition. Entre les gens qui ont un noyau fissuré et les autres, c’est comme la lutte de classes, on sait qu’il y a des pauvres qui s’en sortent mais la plupart, non, ne s’en sortent pas, et dire à un mélancolique que le bonheur est une décision, c’est comme dire à un affamé qu’il n’a qu’à manger de la brioche.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyDim 23 Fév 2014 - 12:40

Mars.

(Chaîne de lecture. Colimasson m'a envoyé ce livre).

Au départ, j'ai été franchement très emballée par ce livre.
Un rythme d'écriture un peu fiévreux, mais qui se laisse aller à des phrases plus longues.
Un humour corrosif.
Un regard sur la famille (parfaite) et les traumas de l'éducation, qui est terriblement juste, original, dur et cynique.
Une dénonciation du jeu des relations humaines, des faux-semblants, du mimétisme. De la difficulté de s'intégrer.
Une approche de la maladie intéressante, intrigante, comme originellement dû au passé, aux traumas. Un cancer psycho-somatique en somme.
De trop de perfection en apparence, ça gangrène à l'intérieur, la pourriture que l'on n'exprime pas.

Et puis... je ne sais pas à partir de quelle partie exactement, mais le narrateur se met à ne parler plus que de sa maladie, de l'évolution, de son analyse de celle-ci.
Des réflexions intéressantes, c'est certain. Mais... je n'apprécie pas trop les lamentations, la mise à nue rabâchée d'un mal, et sans rien faire d'autre que focaliser dessus.
Ce type nous annonçait toutes les raisons du monde pour une explosion, un agissement. Il dénonce la passivité, l'inconscience, mais lorsqu'il a ce choc provoquée par la maladie, la prise de conscience du monde, des erreurs, il n'agit pas plus. Il tourne en rond autour de ses symptômes. Il tourne en rond, beaucoup. Trop à mon goût.

Je ne dis pas que le style devient chiant, que ce décorticage de la maladie, de l'état mental du malade, est incohérent ou inintéressant, mais il n'est pas fait pour moi. J'attendais une explosion. J'attendais quelque chose de dévastateur. Je m'attendais vraiment à ce que le narrateur agisse, pour une fois.
Mais il reste enfermé dans ce que ses parents ont fait de lui, ce qui a changé : il en a conscience. Il ne fait rien pour changer. Ce qui est pire.

Ce livre commence acerbe, vivant, avec l'impression que le narrateur veut bousculer les choses, hurler. Puis se finit dans les lamentations analytiques.
C'est triste, plombant, difficile à lire tant ça peut te ruiner une journée grise.
C'est très fin, intelligent, et ouvre la réflexion.

Pas complètement convaincue, mais c'est dû à ma façon de voir les choses, d'aborder la vie, la mort, la maladie. Ce livre est très bon, sinon.

(Merci Colimasson.
Quelle étrange découverte pour moi)


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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyDim 23 Fév 2014 - 14:13

Depuis le temps qu'il faut que je le lise; eh bien, pourquoi pas cette fois?
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyDim 23 Fév 2014 - 14:54

J' avais beaucoup apprécié le livre de Zorn,  et je m' étais senti très concerné par ce texte plein de révolte, de courage et de désespoir.
Et puis, quelle difficulté pour un jeune homme sensible de vivre dans un milieu bourgeois suisse, aussi
étouffant et détestable.
Il a perdu son combat Zorn, mais il a lutté jusqu' au bout. C' est ce qu' il faut retenir, je crois.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyDim 23 Fév 2014 - 16:22

Lutte ? Révolte ?
Justement, c'est ce qu'il m'a manqué.

Il est dans le constat, l'analyse, la dissection, il est juste dans le décorticage de la situation familiale et sociale, dans l'étouffement, les a priori, les apparences, les préjugés. Et les traumas.

Mais...
Il ne se rebelle pas. Ne lutte pas.
Certes, ce livre est une forme de révolte, mais c'est très passif.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyDim 23 Fév 2014 - 17:28

Queenie a écrit:
Lutte ? Révolte ?
Justement, c'est ce qu'il m'a manqué.

Il est dans le constat, l'analyse, la dissection, il est juste dans le décorticage de la situation familiale et sociale, dans l'étouffement, les a priori, les apparences, les préjugés. Et les traumas.

Mais...
Il ne se rebelle pas. Ne lutte pas.
Certes, ce livre est une forme de révolte, mais c'est très passif.
Bizarre ! Dans mon souvenir, c' est plutot ce que j' ai écrit. Je pense avoir lu après le livre un autre
texte de Zorn, et j' ai peut etre un peu mélangé. Mais la révolte contre la famille, le milieu, je ne
l' ai pas inventée. D' ailleurs son pseudo, Zorn, ça veut dire colère en allemand...
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 13:11

Merci Queenie pour ton avis. Je me demandais comment tu allais appréhender ce livre. Je ne regrette pas de te l'avoir envoyé.

Queenie a écrit:

Je ne dis pas que le style devient chiant, que ce décorticage de la maladie, de l'état mental du malade, est incohérent ou inintéressant, mais il n'est pas fait pour moi. J'attendais une explosion. J'attendais quelque chose de dévastateur. Je m'attendais vraiment à ce que le narrateur agisse, pour une fois.
Mais il reste enfermé dans ce que ses parents ont fait de lui, ce qui a changé : il en a conscience. Il ne fait rien pour changer. Ce qui est pire.

J'ai aussi le souvenir d'une phase à partir de laquelle Fritz Zorn semble piétiner. On attend désespérément que sa rage exulte hors de lui, et puis ça ne se produit pas, mais la colère se propage malgré tout jusqu'à son lecteur. J'ai eu l'impression d'un sacrifice : Fritz Zorn mourant pour signaler le danger de l'apathie.

J'espère quand même que ce livre aura permis à une force de se développer en toi, comme ce fut le cas pour moi. Une force d'une nature difficilement cernable, à la fois revigorante et déprimante...
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 14:11

Si tu veux qu'il se pose, en quelque sorte, en martyr, je suis d'accord. Il répète plusieurs fois qu'il parle de son cas particulier, et ne veux pas faire de parallèle avec d'autres vies, et d'autres maladies, mais la construction de soi, ce cheminement, qui le mène à l'auto-destruction, il en fait un "exemple à ne pas suivre", en quelque sorte.

Mais plus le livre avance, plus j'avais l'impression qu'au final, il est surtout très frustré sexuellement (encore plus que sentimentalement). La fixette sur sa virginité tourne en boucle. Certainement une façon de dire que s'il avait rencontré ne serait-ce qu'une fois un/e autre, il n'en serait pas là ?

Sa colère.
Évidente.
Même passive. Elle est forte, et intelligente.
Mais... je suis plus du genre à râler, à vouloir le secouer, et la force revigorante et déprimante je crois que je l'ai déjà. Enfin, si nous parlons de la même chose. Mais plus je lisais plus j'avais du mal à percer le cocon dans lequel s'enferme le narrateur.


Aucun regret ni remord !


(J'ai lu, peu de temps avant, les chants de Maldoror, et dans ma tête ces deux livres trouvent de très forts échos)
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 15:42

Encore heureux que ligoté dans un milieu asphyxiant, il ait eu la force et la volonté de le secouer,
de le dénoncer et de ne pas s' avouer vaincu face à la maladie.
Combien ont-ils cette possibilité et parviennent à l' exprimer ?

Peut etre s 'est-il trompé en attribuant à son milieu la responsabilité de sa maladie. Mais  c' était
aussi sa manière de crier : "Familles, je vous hais."

Et je comprends tout à fait que ce livre ait paru revigorant à Coli. Ce ne sont pas les livres tièdes
et volontaristes qui y parviennent !
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 20:38

Mars

C'est très intéressant de vous lire tous les trois. J'ai encore un positionnement assez différent. Je n'ai pas eu le courage de recourir aux citations multiples à insérer dans mon commentaire, mais j'ai pensé à vos posts en l'écrivant. Chacun se débrouillera pour retrouver ce qui répond plus à ce qu'il a écrit.

.Ce n'est pas que je n'ai pas de compassion pour ce jeune homme, présentant un trouble de la personnalité sévère, au moins en partie lié à une éducation pathogène, qui développa à 17 ans une dépression chronique puis un lymphome. Ce n’est pas que son point de vue ne m’intéresse pas, même si je suis loin de partager toutes ses analyses. Mais ce livre est pour moi un fatras de déversement d’autoanalyse et d’opinions proclamées dans un style lourd et redondant, fatras dans lequel il y a cependant mille pistes de réflexion...


Dans les 100 premières pages, la description de la famille est finement analysée, mais il n’ y a pas un personnage autre que l’auteur, pas une anecdote, rien que du général. Rien de vivant, en fait. Et ça ne parle que de lui. Alors certes je comprends que compte tenu de son fonctionnement psychique, c'est sans doute un excellent reflet de son mode de  pensée, mais, bien franchement je trouve cela rébarbatif. Cependant, malgré ces réserves stylistiques, c’est quand même plutôt intéressant cette analyse du retentissement sur la construction de la personnalité de l'auteur. D’autant qu’on y retrouve, cumulés et passés à la loupe, des dysfonctionnements qu’on retrouve de façon plus ponctuelle et moins développée dans pas mal de familles plus banales, y compris les nôtres, celle où nous avons vécue en tant qu'enfant et celle que nous avons construite pour nos enfants.

Dans la 2e partie, la dépression, puis le cancer, se déclarent. On quitte le récit pour passer à l’essai.Zorn tente de nous expliquer la filiation directe entre ces 3 phénomènes : son éducation, sa dépression et son cancer.  En fait il ne tente pas, il postule. Et je dois dire que je ne suis pas arrivée à comprendre en quoi l’arrivée du cancer était une joie. Parce que cela le conforte dans ses idées et sa  pensée magique ?
Au niveau médical, il y a des choses très vraies, sur la nécessité de nommer le mal, et la maladie. On  est en 1977 et que c'était encore moins évident que maintenant à cette époque. Par contre le lien éducation-personnalité-cancer est pour moi tout à fait inacceptable, en tout cas sous cette forme (ce qui ne revient pas du tout à nier les troubles psychosomatiques, ni le rôle du stress sur le déclenchement des maladies, ni  la relation psychologique/somatique)

Enfin, 3ème partie,  l’ essai se fait de plus en plus marqué. C’ est  une réflexion sur ce qui pourrait se résumer à la bourgeoisie et le mal, voire la bourgeoisie suisse et le mal .Tout ceci est assez simpliste, ou parfois totalement confus pour moi, et ma gêne est aggravée par la tendance aux généralités assénées comme vérités.

Zorn montre le caractère apparemment inéluctable des choses : j'ai été élevé dans  une famille hypocrite, sans affect, uniquement préoccupée de sa respectabilité, je suis donc devenu un homme inapte au monde, j'ai donc fait une dépression, j'ai donc eu un cancer. Je n'en veux à personne parce que mes pauvres parents ne sont cela que parce que leurs propres parents étaient déjà de pauvres parents éduqués dans une ambiance délétère… Cette vison est totalement pessimiste et fataliste.

Mais  son analyse évoluant, il prend enfin distance par rapport à son milieu. C’est ici qu’on peut voir comme une révolte, qu’enfin on voit Zorn s’éveiller, qu’on n’ a plus envie de lui donner des coups de pieds dans les fesses. Il appelle au rejet de ces valeurs et à la révolution. Mais  lui-même n’en sera jamais acteur, il est trop longtemps resté fondamentalement bourgeois lui-même dans son inaptitude à transgresser et rebondir. Car au final, il est pris dans une espèce de filet où le cancer lui refuse un avenir dans lequel il pourrait (dit-il), devenir autre. On se demande si ce filet ne le réjouit pas, d’ailleurs, permettant de justifier son incapacité à  quitter ce carcan qu'on lui a imposé : malheureusement, il est trop tard.

Mais bon, écrire, c’est peut-être déjà une transgression, c’est peut-être déjà un geste révolutionnaire.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 21:01

Peut etre que tu as raison, Topocl.  On reconnait parfois dans ta façon de raisonner, la professionnelle
de la santé que tu es.
Et ce n' est pas une critique.
Mais je suis un lecteur naif. Enfin parfois. Et je fais confiance presque entièrement à l' auteur.
A vrai dire j' ai été formé par toute une époque de contestation. Celle de gens comme Deligny
(si ça te dit quelque chose), A.S. Neill, Pierre Clastres, Norman O. Brow, Marcuse, Illich et
 autres.


Peut etre aussi -surement- parce que j' étais très jeune et que Mars se faisait l' écho de révoltes
personnelles, de questionnements nourris de l' antipsychiatrie. Surtout anglaise. Mais pas seulement.
Je me souviens avoir fait le tour du monde de tous ceux qui tentaient de miner les certitudes de la
psychiatrie. Enfin une forme de psychiatrie qui a existé. Qui existe encore -je peux en témoigner-

Peut etre que dans les livres, c' est assez connu, on trouve ce qu' on y cherche. Ou qu' on y ajoute.
Va savoir !
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 21:16

J'aime bien comme tu dis tout ça Bix.
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MessageSujet: Re: Fritz Zorn [Suisse]   Fritz Zorn [Suisse] - Page 2 Empty

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