Donc j'y vais de mon commentaire sur Crampton Hodnet (que personne ne lit en LC je crois).
C'est l'histoire d'une petite communauté qui vit à Oxford-nord, dans les années 1930, avec son lot de personnages bien typés, totalement ancrés dans une société victorienne, toute corsetée par un ensemble de rituels partagés entre invitation au thé du dimanche, kermesses, offices religieux, visite au jardin botanique...
Nous suivons en particulier l'univers d'une miss Doggett, septuagénaire dont je cite:
La principale occupation dans l'existence consistait à se mêler des affaires des autres et à écraser de sa forte personnalité ceux qui étaient plus faibles qu'elle.Nous sommes dans les premières pages et déjà la patte de Barbara Pym est bien présente avec des mots simples en bien choisis, elle donne le ton gentiment féroce de ce qui va suivre.
Cette Miss est flanquée d'une dame de compagnie (que j'assimilerai vite à Barbara Pym ou du moins un portait très approchant) Miss Morrow, 35 ans, à la mine fatiguée, maigre, vêtements ternes, rien pour réhausser un tantinet sa personne ou tout du moins donner un peu de piment à son existence, coincée entre cette Miss Dogget, autoritaire, snob, qui ne manque jamais de lui faire sentir son infériorité.
Mais Miss Morrow s'accommode de tout et survivra sans mal à une demande en mariage complètement ratée d'un jeune vicaire que miss Doggett hébergera son son toit quelques mois.
Alors que se passe-t-il dans ce livre ?
Eh bien tout et rien en fait.
Des petites choses, des banalités, des rituels contrariés par quelques amours ou plutôt ébauches d'amours que la réalité et les bonnes moeurs de cette société policée auront tôt fait de remettre en place comme si rien ne s'était passé.
On a l'impression que l'on pourrait périr d'ennui dans ces thés du dimanche ou dans ces kermesses désuettes, mais BP en fait une description à la fois ironique, détaillée et charmante et on se plait à suivre tous ces personnages avec intérêt, encore plus vif quand ceux-ci s'émoustillent pour un regard, un frôlement, une déclaration ou un semblant de déclaration.
Et le tout est agrémenté par des dialogues délicieux qui donnent un curieux aperçu de la vie un peu ennuyeuse des personnages .
ça donne lors d'un thé du dimanche:
- Vous ne pouvez pas nous quitter déjà ! s'exclama Miss Doggett. Je vous ai à peine parlé.- Je suis confus, mais je dois partir répondit Mr Wyatt. Nous avons chapelle à six heures.Ou alors:
- J'ai oublié d'apporter les betteraves dit Anthéa en quittant précipitamment la pièce
- Ah, que serait le souper du dimanche sans betteraves! s'exclama gaiement Miss MorrowEncore:
- Il n'y a pas de malades à Oxford-Nord. On y est soit mort, soit vivant. Parfois il est difficile de faire la différence, c'est tout, expliqua Miss Morrow
Voilà pourquoi les livres de BP sont de petits bijoux, elle arrive à nous faire sourire d'un bout à l'autre de ce semblant de scénario, sorte de cluedo sentimental, où chacun s'épie, se mêle de ce qui ne le regarde pas car après tout il n'y a rien d'autre à faire, à part regarder par la fenêtre.
Et même si des intrigues se nouent et des plans amoureux naissent, on sait très bien que tout rentrera dans l'ordre, qu'on ne quittera pas Oxford-Nord et encore moins la Miss dont on est dame de compagnie, tout est sauf et les rituels peuvent reprendre avec les mêmes invités, à quelque nuances près.
Et après ces quelques contrariétés dans la vie de quelques personnages, on peut sereinement dire avec eux, je cite:
Mieux vaut oublier et sourire
Que pleurer et se souvenirUn très bon moment encore avec Barbara Pym, je vous en souhaite tout autant avec votre livre LC, elle mérite franchement que l'on parle d'elle et de ses écrits.
Pour un peu je relirais La douce colombe est morte....
J'ai le droit Arabella ?