LC Barbara Pym : La douce colombe est morte

darkanny a écrit:

églantine a écrit:

Armor-Argoat a écrit:

Je vais en découdre avec la colombe dès que j'éteins cet ordi.
Dis, darkanny, il est super ton commentaire, tu pourrais nous faire une petite copie sur le fil de Barbara Pym ? Merci !

Oui il faut le rajouter sur le fil naturellement !  

C'est fait.

Excellent ! Merci  Darkanny !  
Tout au long de ma lecture , malgré un sourire constant au coin des lèvres avec l'humour caustique de Barbara Pym , je ne peux m'empêcher de penser que cette auteur , à travers cette auto-dérision ,nous fait sourire pour ne pas pleurer .......Mettre en scène , forcer le trait , grincer de la plume ...autant d'artifices pour échapper à la cruelle lucidité de  ce qu'elle ressent de  vacuité de sa propre vie ....Aucun thème profond n'est abordé , on reste sur les apparences et on caricature : la farce pour occulter quelques profondeurs insondables car trop douloureuses ....

Il me semble que tu as bien cerné la pensée de Barbara Pym.

Par contre je trouve qu'elle aborde tout de même des thèmes assez profonds: le choix ou les choix qui fatalement décideront d'une vie ou du tournant d'une vie.
Elle met souvent en scène des individus à des âges marquants, la trentaine: est-ce la fin ou le début ? ou alors beaucoup plus vieux, où la question de la monotonie d'une situation peut s'avérer pesante et amène à une interrogation sur la continuation ou le changement radical.

Tout ça abordé en douceur mais qui montre que sous cette apparente légèreté et là je te rejoins, le poids des traditions et la pression sociale ont une influence radicale.
Pas de drame, mais des incidents de parcours qui confèrent toute leur humanité aux personnages, tout à coup chamboulés mais bien vite rattrapés par le confort et la routine.

Je sens que vous allez me donner envie... !

Comme c'est addictif, un mal de chien à le lâcher une fois que c'est commencé....

Léonora, une élégante dame à l'approche de la cinquantaine, fait la rencontre d'un antiquaire d'une dizaine d'années plus âgé et de son neveu, James. L'antiquaire aimerait bien refaire sa vie avec l'encore séduisante Léonora, mais elle préfère la fréquentation de son neuve, un beau jeune homme, relativement docile, qui lui donne le sentiment d'être encore jeune elle-même sans risque d'aucune conséquence fâcheuse, comme une demande en mariage. Elle vit entourée de beaux objets dans un cadre raffiné et confortable, sans aucune obligation ni lien véritable. Habituée à ce que les autres, surtout les hommes soient aux petits soins pour elle.

Encore une fois, il ne se passe pas grand chose et tellement de choses à la fois. Le portrait de Léonora est tracé par petits traits, sa confiance en elle en apparence, mais on sent très bien les fissures. Son "amie" Meg, qu'elle méprise pour son comportement sans élégance, son attachement pour un jeune homme dans une immense solitude, et qui préfigure quelque part l'avenir de Léonora. Comme sa voisine Miss Foxe, insupportable finalement à Léonora. Ces femmes seules auxquelles elle refuse de s'identifier.

Toutes ces personnes tellement policées, jamais un mot plus haut qu'un autre, respectant toutes les règles de politesse et de bienséance, mais nous suivant la façon qu'elles ont de se juger les uns les autres, d'une façon très acérée et sans bienveillance. Sans se voir eux-même évidemment avec la même acuité. Des égoïsmes qui se croisent. Et qui peuvent devenir meurtriers, comme la façon dont Léonora veut se débarrasser de Miss Foxe.

Et James commence à prendre du champ : son chemin croise celui de Phoebe....

Et évidemment c'est atrocement drôle ...

darkanny a écrit:

Par contre je trouve qu'elle aborde tout de même des thèmes assez profonds: le choix ou les choix qui fatalement décideront d'une vie ou du tournant d'une vie.
Elle met souvent en scène des individus à des âges marquants, la trentaine: est-ce la fin ou le début ? ou alors beaucoup plus vieux, où la question de la monotonie d'une situation peut s'avérer pesante et amène à une interrogation sur la continuation ou le changement radical.

Tout ça abordé en douceur mais qui montre que sous cette apparente légèreté et là je te rejoins, le poids des traditions et la pression sociale ont une influence radicale.
Pas de drame, mais des incidents de parcours qui confèrent toute leur humanité aux personnages, tout à coup chamboulés mais bien vite rattrapés par le confort et la routine.

La question du choix certes, mais je trouve, que c'est une fausse possibilité. Comme tu le dis, la tradition, les contraintes sociales, le regarde des autres, vrai ou imaginé, fait que les personnages ne peuvent pas sortir du cercle dans lequel ils tournent. Et les incidents souvent leur font prendre conscience des limites de leur cage.

darkanny a écrit:

Il me semble que tu as bien cerné la pensée de Barbara Pym.

Par contre je trouve qu'elle aborde tout de même des thèmes assez profonds: le choix ou les choix qui fatalement décideront d'une vie ou du tournant d'une vie.
Elle met souvent en scène des individus à des âges marquants, la trentaine: est-ce la fin ou le début ? ou alors beaucoup plus vieux, où la question de la monotonie d'une situation peut s'avérer pesante et amène à une interrogation sur la continuation ou le changement radical.

Tout ça abordé en douceur mais qui montre que sous cette apparente légèreté et là je te rejoins, le poids des traditions et la pression sociale ont une influence radicale.
Pas de drame, mais des incidents de parcours qui confèrent toute leur humanité aux personnages, tout à coup chamboulés mais bien vite rattrapés par le confort et la routine.

Oui oui , complètement d'accord Darkanny ! Elle touche des  des sujets extrêmement intimes , profonds : en l'occurrence la question de la sexualité , des choix , des renoncements aussi dans "La douce colombe est morte" ....mais elle ne fait aucune  introspection : tout est décrit par rapport au regard de l'autre ....On reste dans "la comédie humaine" comme paravent !
Très intéressant comme approche dans cette distanciation  pour mieux éclairer les tourments de cette société à laquelle elle appartient !

darkanny a écrit:

- Il n'y a pas de malades à Oxford-Nord. On y est soit mort, soit vivant. Parfois il est difficile de faire la différence, c'est tout, expliqua Miss Morrow

  J'adore ! Il faudrait que je me décide à  m'y remettre à Barbara Pym !

Arabella a écrit:

Et évidemment c'est atrocement drôle ...

Et atrocement cruel ....
Cette Léonora sur le déclin n'aura jamais franchi le pas de la relation amoureuse accomplie , dans un partage autre que celui de la relation amoureuse platonique qui lui  aura permis  de garder le contrôle et de se préserver des souffrances inhérentes à l'engagement .....
"petit homme adorable " , "stupide petit Colin" : tout est bien étiqueté dans sa perception des choses et du monde qui l'entourent ....prisonnière aussi de l'image qu'elle s'est crée en guise de protection ; aucune générosité spontanée , tout n'est que calcul par crainte de perdre cette image qui fait partie d'elle-même désormais ....On choisit ses névroses quelquefois par protection de ses propres failles et celles-ci deviennent les meilleurs garde-fous ...Est_ce peut être la cas de Léonora ....
Et Barbara Pym pour décrire ce monde factice , use avec une abondance malicieuse d'adjectifs superfétatoires : tout est "merveilleux , délicieux , doux , agréables , charmants " ...de tasse de thé en tasse de thé .....
Et la vie s'écoule chacun dans sa forteresse , se croyant à l'abri des agressions extérieures .....Léonora enveloppée dans son manteau narcissique qui bientôt ne suffira plus car le temps finit par éroder les couches d'apparâts .....

Epi a écrit:

  J'adore ! Il faudrait que je me décide à  m'y remettre à Barbara Pym !

Ce serait une bonne idée.   

Je n'ai pas une vision aussi noire du personnage de Léonora que vous présentez comme une femme narcissique, cynique et souvent cruelle (elle le sera effectivement vers la fin avec sa voisine). Elle m'a surtout semblé lucide et désenchantée. Elle ne s'est jamais engagée non pas seulement par peur de souffrir mais parce qu'elle ne le considérait pas justement comme un "accomplissement" nécessaire car a priori trop souvent décevant. Elle préfère susciter le désir, la séduction, entretenir cette vibration superficielle à laquelle beaucoup renoncent en acceptant la routine. Il y a un prix à payer et elle le sait.  Elle connait trop l'inconstance des sentiments, du désir et elle tente de préserver un espace vital et de subir le moins possible les désagréments des compromis avec les autres. Egoïsme peut-être mais pas seulement. Elle s'agace des travers des autres mais elle a plutôt une sorte d'indulgence lointaine. L'accomplissement pour une femme (et un homme) ne passe pas nécessairement par le couple et la maternité...  

Je trouve plus étrange et parfois insatisfaisant la manière dont elle met en scène des personnages de jeunes hommes homos ou bissexuels. Ils incarnent l'attrait de la jeunesse et une forme d'inaccessibilité qui fait passer ces femmes qui les désirent pour un peu masochistes. Mais surtout ils ont aussi la fonction de réveiller une forme d'instinct maternel. Des hommes qu'on peut désirer sans se mettre en péril (il y a presque une phobie du sexe chez Léonora qui aurait trop peur d'exposer un corps vieillissant au regard de l'autre) et en même temps qu'on peut protéger comme les enfants qu'on aurait aimé ou pu avoir. Par contre son regard sur ces garçons me semble trop stéréotypé. Notamment Ned l'américain. Ils sont soit immatures et inconstants  comme James, soit narcissiques, pervers et manipulateurs. Je les trouve trop ébauchés alors qu'elle est plus fine sur les personnages féminins.

J'aime par contre la façon dont elle revisite ce type de récit qui nourrit toute une littérature anglo-saxonne du tournant entre XIXe et XXe dont elle s'inspire en tendant vers une forme d'épure subtile, drôle et surtout mélancolique. C'est effectivement un joli travail de simplicité et de concision.

Le final... L'obligation de rendre les armes. Pour certain(e)s elle se sera rendue enfin à un choix plus "raisonnable". Pour d'autres c'est une défaite et l'acceptation d'un compromis fade et prévisible:

Pourtant, quand on y réfléchissait, les seules fleurs qui fussent vraiment parfaites étaient celles qui, comme les pivoines qui allaient si bien dans sa pièce charmante, possédaient la grâce supplémentaire de vous avoir été offertes.

Trop parfaites justement, non?

Marko a écrit:

(il y a presque une phobie du sexe chez Léonora qui aurait trop peur d'exposer un corps vieillissant au regard de l'autre) et en même temps qu'on peut protéger comme les enfants qu'on aurait aimé ou pu avoir.
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Oui cette phobie l'empêche d'entretenir des relations "normales" ....Il semble que toute sa vie ait été marquée par cette absence de désir : intellectualisant l'amour jusqu'à ne pas pouvoir établir de connection avec le corps .....La trivialité du quotidien , ce n'est pas pour Léonora : il est bien plus facile de rester dans l'abstraction et la séduction pour garder un idéal .....Une Belle du seigneur ....

C'est vrai. Elle est très cérébrale et dans le contrôle.

Marko a écrit:

Par contre son regard sur ces garçons me semble trop stéréotypé. Notamment Ned l'américain. Ils sont soit immatures et inconstants  comme James, soit narcissiques, pervers et manipulateurs. Je les trouve trop ébauchés alors qu'elle est plus fine sur les personnages féminins.
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Effectivement c'est très caricatural et pour ces deux là aucune liberté au lecteur : James le benêt , et Ned le pervers narcissique  mais il est vrai que c'est aussi sa "griffe" à elle , cette façon d'appuyer sur le trait . Elle n'épargne pas non plus Meg , ni aucun de ses personnages .....

Marko a écrit:

C'est vrai. Elle est très cérébrale et dans le contrôle.

C'est ce qui m'a le plus marquée tout au long du livre ! Ce contrôle névrotique .

Avec la palme de la patience pour notre bon Humphrey!