La qualité littéraire aujourd'hui ?

bix229 a écrit:

La génération de Duby a été en effet une période exceptionnelle pour les historiens français. Mais je ne pense pas qu' elle soit terminée.
Simplement nous ne les connaissons pas. Je prendrais pour exemple L' Histoire populaire des Etats Unis : Howard Zinn.

Howard Zinn est américain, ce qui n'enlève rien à l'intérêt de son livre, mais ne donne pas d'indications sur la qualité des historiens français d'aujourd'hui.

Quand meme, il y en a ! Je ne les lis pas tous les jours, et c' est vrai que j' ai été marqué par des grands noms aujourd' hui disparus.
Parmi ceux que je connais un peu, certains sont très agés comme Nora, Marc Ferro, Paul Veyne ou Leroy Ladurie.
Et puis Arlette Farge, Henry Rousso, Michel Pastoureau, Annette et Olivier Wieviorka, Benjamin Stora, Jean Favier, Pascal Ory, Mona Ozouf,
Jean Pierre Azéma, Yves Ténon,

Et je suis certain d' en oublier et des meilleurs.

Ariane SHOYUSKI a écrit:

Bix229 a écrit:

Mais aussi qu' avant Duby, Gaston Roupnel ait écrit Une histoire de la campagne française, un témoignage précis, chaleureux et lyrique
sur le monde paysan au début du 20e siècle.

Hein ? Ça me dit quelque chose, ce nom...

Moi, aussi, ça me disait quelque chose...

Et puis j'ai réfléchi 5 minutes et j'ai percuté que c'était le nom d'un collège d'à côté...

Un  conseil, si vous avez, ou avez eu des parents ou des grands parents paysans, -ou non-, lisez Gaston Roupnel : Histoire de la campagne française. - Plon/Terre humaine.

bix229 a écrit:

Parmi ceux que je connais un peu, certains sont très agés comme Nora,  Marc Ferro, Paul Veyne ou Leroy Ladurie.
Et puis Arlette Farge, Henry Rousso, Michel Pastoureau, Annette et Olivier Wieviorka, Benjamin Stora, Jean Favier, Pascal Ory, Mona Ozouf,
Jean Pierre Azéma, Yves Ténon,

Et je suis certain d' en oublier et des meilleurs.

Je souscris sans réserve à tous les noms cités et je confirme que le livre de Gaston Roupnel est d'une rare intelligence sur le monde rural.

Chymère a écrit:

Moi, aussi, ça me disait quelque chose...
Et puis j'ai réfléchi 5 minutes et j'ai percuté que c'était le nom d'un collège d'à côté...

Quand je vois que Christine Angot est dans la liste pour le Goncourt, je ne peux m'empêcher de revoir cette vidéo:



A voir en intégralité, et pour ceux qui veulent connaître le Goncourt 2033, c'est à 3 min 15...
On va finir par y arriver! Des visionnaires ces Inconnus. Over grand, domaine du génie!

Je me permets de remonter ce fil vis-à-vis de la remarque d'Arabella.

Arabella a écrit:

Cela dit, cette écriture si peu littéraire, est un phénomène récent. Lorsqu'on lit des historiens un peu plus anciens, Pierre Grimal, Georges Duby, Jacques Le Goff, Jean Bottéro...on est en face de beaux textes, même s'ils sont savants. C'était des humanistes, avec une formation basée sur la culture littéraire, avant d'être des spécialistes. Quelque chose s'est perdu.

Je ne pense pas que quelque chose se soit perdu. J'ai par exemple lu une bonne partie du livre de Nicolas Balzamo (Les miracles dans la France du XVIe siècle paru aux Belles Lettres en 2015) qui a un style très littéraire sans sacrifier le côté scientifique. Pour l'histoire de Marseille, il y a Emile Temime et beaucoup d'historiens (maître de conférences ou professeurs) qui sont à la fois capables d'écrire des ouvrages scientifiques difficiles d'accès et des ouvrages plus grand public. Simplement, j'ai l'impression qu'il y a une suspicion envers les universitaires trop "littéraires" dans leurs travaux scientifiques.

Chez les micro-historiens, vous avez Carlo Ginzburg (Le fromage et les vers), Giovanni Levi (Le pouvoir au village) ou encore Simona Cerrutti (Le langage corporatif à Turin) qui ont écrit des livres passionnants et qui restent des références universitaires.

En somme, il me semble que l'on peut trouver de bons historiens avec un style plaisant. Simplement, ce ne sont plus des "intellectuels" au sens ancien, c'est-à-dire des hommes et des femmes de l'espace public, interviewés sur les grandes chaînes, publiant à des tirages colossaux. Ce serait plus "l'intellectuel" (à la Duby, Le Goff, Sartre, Foucault, etc.) qui serait en voie de disparition (pour des raison diverses : médiocratie, gouvernement qui met au bûcher des auteurs, ministre de la culture qui ne lit plus). Cependant, de bonnes surprises arrivent parfois comme l'ouvrage de Piketty qui s'est incroyablement bien vendu, malgré la fatwa gouvernementale.

Bref, je suis peut-être trop optimiste, mais je veux croire que le talent ne s'est pas envolé.

Pour ma part, je ne lis pas vraiment d'auteurs classiques ou d'intellectuels, c'est un style que je comprends mais sur lequel je n'accroche pas du tout, sûrement parce que j'attends autre chose de la lecture. Ceci dit, dire que le style s'est perdu est un peu réducteur. Je pense que, comme dans tous les domaines artistiques, il y a du bon et du moins bon, et ce quelle que soit l'époque. Et puis je ne sais pas, "intelligence", "bonne écriture", "intéressant", tout ça est un peu subjectif finalement. On attend tous quelque chose d'un auteur ou d'un bouquin, notre sensibilité et notre manière de le ressentir ne sera sûrement pas la même. Chacun a des références personnelles en matière de qualité. Sûrement que les auteurs engagés ou les penseurs sont en déclin, c'est un peu ce qu'engendre la société actuelle dans laquelle il n'y a plus de révolte et parfois bien peu d'esprit critique. Mais pour autant, dire que seuls les auteurs des siècles précédents sont dignes d'intérêt, c'est un peu comme soutenir que "tout était mieux avant". Je n'adhère pas trop à ce genre de comparaisons, personnellement.

Il ne s'agit pas forcément d'être un penseur ou d'être engagé (moi, personnellement, ce genre d'écrivain me revient pas trop) je pense qu'il y en a encore un certain nombre, et peut-être trop, à mon goût.

En tout cas, s'il on s'occupe de sensibilité littéraire ou du beau, je trouves que dire que tout n'est que subjectif (les goûts et les couleurs, on en discute pas, tralala*) est aussi peu satisfaisant que distinguer dogmatiquement le bon goût du mauvais. Des livres qui nous plaisent, on en trouve toujours, il suffit de chercher un peu, quelque soit l'époque, c'est vrai. La difficulté "contemporaine" est, pour moi, peut-être de discerner les possibilités de sens qui caractérisent notre époque en terme de société, culture, littérature, ou bien qui caractérisent notre vie. De quelles manières elles se matérialisent en oeuvre littéraire. On ne vit pas maintenant comme il y a cinquante ou deux cent ans, la société n'est plus la même. La problématique est la même d'un pays à un autre. Certes, il y a des différences, riches, mais aussi des similitudes. Que ce soit entre les pays, entre les époques, entre les individus. Reste à savoir comment elles s'agencent pour nous, ce qu'on recherche.

Les sensibilités communes sont beaucoup plus nombreuses qu'on puisse le penser, et je pense pas qu'il s'agit nécessairement de mode ou de conformisme. Parfois si.

* : Je sais que ce n'est pas ce que tu dis, Misery, je caricature à outrance et tes propos ne sont pas spécialement visés.

le flemme de la citation mais dans ce que tu dis il y a ce pourquoi je suis très curieux de quelques mots sur les fils de Josipovici et Sinclair.

en fait je reprends quand même la phrase pour laquelle je crois que je me pose la question au moins, en partie, entre autres, je ne sais pas mais la phrase :

Citation :

La difficulté "contemporaine" est, pour moi, peut-être de discerner les possibilités de sens qui caractérisent notre époque en terme de société, culture, littérature, ou bien qui caractérisent notre vie.

London Orbital, je ne l'ai pas terminé. (J'en suis à Diggers & Despotes, le 5ème chapitre)

Mais en effet, en lisant Moo Pak, j'ai trouvé beaucoup de concordances avec les idées qui traînent confusément en moi. Les discours sur l'amitié et la promenade m'ont beaucoup émus. Ce qu'il dit sur Proust et sur Kafka, aussi. Je trouves que la préparation d'un roman, ce dont il parle dans ce faux dialogue, ressemble pour beaucoup à ma propre recherche pour essayer d'affiner mon goût littéraire, trouver ce qui me plait. En me connaissant mieux, en essayant de mieux connaître les autres et en comprenant comme je peux mon époque...

me voilà content.

et puis on sait être patients !