Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Paul Gadenne

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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyMar 1 Juil 2008 - 11:02

monilet a écrit:
Les Hauts-quartiers.
Impressions en cours de lecture (suite) .
Les problématiques abordées jusque là ne sont pas ce qui me passionne au plus haut point (je trouve que ça date un peu) mais je dois dire que style, sans doute, fait que je m'y intéresse quand même (n'est-ce pas le propre d'un bon auteur ?)

Je suis d'accord avec toi monilet...Ce qui me plaît avant tout chez Paul Gadenne, c'est le style...
...tu dis que cela "date"...Or je vois cet auteur comme un grand auteur "classique" des années cinquante...Je ne pourrais pas dire que Balzac, Chateaubriand ou Corneille "datent"...
J'ai adoré Baleine et Siloé...
Je vais lire La plage de Scheveningen ce mois-ci...

Pour ceux qui seraient tenté par la découverte de Paul Gadenne, lisez Baleine (une nouvelle magnifique de 38 pages) et dégustez les mots...Une pause de calme bonheur littéraire dans un monde d'action perpétuelle...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyMar 1 Juil 2008 - 13:57

C'est la peinture de mentalités qui me paraissent dater, voilà ce que je voulais dire. Toi et moi les avons connues, vécues et je crois qu'involontairement nous les comparons au présent. Cette époque n'est pour nous pas assez éloignée pour être acceptée en soi, à part, avec la dimension d'un "classicisme".
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyMar 1 Juil 2008 - 15:48

monilet a écrit:
C'est la peinture de mentalités qui me paraissent dater, voilà ce que je voulais dire. Toi et moi les avons connues, vécues et je crois qu'involontairement nous les comparons au présent. Cette époque n'est pour nous pas assez éloignée pour être acceptée en soi, à part, avec la dimension d'un "classicisme".

Pour moi j'y trouve un peu le même charme que celui que j'ai pu trouver chez Julien Gracq...même si leurs univers sont très différents...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyLun 7 Juil 2008 - 13:48

Je poursuis cette lecture...longue. J'ai un étrange sentiment que je n'ai pas connu depuis des lustres : celui de ce que ces peintures embrassent un monde dans sa totalité, ses moindres détails, un peu l'impression que j'avais autrefois, quand je lisais les classiques : Balzac, Zola peut-être, Romain Rolland...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptySam 12 Juil 2008 - 20:57

Paul Gadenne - Page 2 41mk9110
Baleine
Cet auteur fait partie de notre sélection du mois.. et Coline m'avait dit:
coline a écrit:
38 pages pour découvrir l'écriture de Paul Gadenne...Excellent pour ton français... Wink
Wink

En tout, cette nouvelle a 30 pages - et c'est certain que ces pages ne vont pas suffire à améliorer mon français.. mais elles m'ont fait connaître un auteur que je ne connaissais pas.. et dont je suis Coline dans son opinion que cette lecture est
coline a écrit:
Une pause de calme bonheur littéraire dans un monde d'action perpétuelle...

Parfois des auteurs arrivent à nous « donner » plus en 30 pages que d’autres en 300. Cette nouvelle fait partie de ceux là.

4e de couverture que je trouve spécialement significatif en ce qui concerne ce texte :
Citation :
En voici une nouvelle qui correspond avec la parution du 150e numéro de la collection "un endroit où aller", créée en 1995 avec le désir de donner à l'écriture le rôle premier qui est le sien dans le déploiement des multiples sens constitutifs d'une œuvre. Hubert Nyssen


Et mes deux phrases préférées :


Il fallait être seul ici, ou avec son semblable.


Et qu’étions-nous, nous qui regardions cela, êtres de hasard, imperceptibles, en proie aux astres, échoués sur les plages d’une Nature sans événements ?...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 13 Juil 2008 - 20:06

Je suis ravie que cette nouvelle t'ait plu Kenavo...

Gadenne c'est "du lourd"!... Very Happy
Pas facile à promouvoir la lecture de cet auteur!...Surtout en plein mois de juillet... sourire
Et pourtant ses ouvrages sont d'une densité incroyable et son écriture remarquable.

Commencer avec Baleine, c'est parfait...


Juan Asensio , essayiste et critique, créateur du blog Le Stalker (sous titré "dissection du cadavre de la littérature") a dit ceci:

Durant sa courte vie, Paul Gadenne (1917-1956), aura écrit quelques-uns des chefs-d'œuvre secrets de la littérature française comme Le Vent noir, L'Avenue, La Plage de Scheveningen, le roman posthume Les Hauts-quartiers, ou encore la splendide nouvelle intitulée Baleine.*
Gadenne n'a que bien peu d'égaux en France : peut-être Georges Bernanos, qu'il admirait d'ailleurs et que cita, presque spontanément, Albert Béguin dans une critique où il étudiait le ténébreux deuxième roman de Gadenne, Le Vent noir. À l'étranger, seuls les noms de Kierkegaard, Kafka ou Dostoïevski peuvent être rapprochés sans craindre le ridicule de celui d'un romancier qui, hostile aux professions de foi trop manifestes, n'en tenta pas moins d'accéder à un idéal de dépouillement qui fit de cet écrivain l'un des justes du siècle passé."


* J'ajouterai Siloé (mon préféré), L'intellectuel dans son jardin,...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 13 Juil 2008 - 20:14

coline a écrit:
Je suis ravie que cette nouvelle t'ait plu Kenavo...
J'ai noté La Plage de Scheveningen pour continuer Wink
Le sujet me tente...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 13 Juil 2008 - 20:17

LA PLAGE DE SCHEVENINGEN

Paris 1944. La Seconde Guerre mondiale touche à sa fin.
Guillaume Arnoult doit rejoindre, comme correspondant de guerre, une unité combattante. Avant, il veut profiter du peu de temps dont il dispose pour retrouver son ancien amour, Irène.
Pour savoir où elle vit, il passe chez des amis qu'elle a connus et qui ont gardé le contact avec elle. Guillaume veut retrouver Irène non pas pour renouer avec cet amour mais pour parler et comprendre ce qui en a précipité la fin.

Guillaume retrouve Irène et tous deux décident de partir pour une plage du Nord…Une plage qui leur rappelle un tableau de Ruysdael qui les fascinait, "La Plage de Scheveningen".
Les voici donc réunis dans une chambre d’hôtel, une chambre à deux lits…Mais la plage est minée, survolée par des avions de guerre, et une radio apporte les nouvelles des premiers règlements de compte…
Guillaume apprend ainsi la condamnation à mort d'Hersent, un ancien ami, journaliste politique, accusé " d'intelligence avec l'ennemi" . Hersent qui évoque probablement Robert Brasillach* (ami de Gadenne).

Guillaume souffre de ne pouvoir réunir en une seule image, l’ami brillant, féru de poésie et le même qui, s’enthousiasmant pour les théories fascistes, condamnait les Juifs dans sa revue Le Jeune Européen?
Ses sentiments sont mêlés...Parce qu'il n'a pas condamné les propos antisémites d'Hersent avant la guerre...Parce qu'Hersent était son ami...Parce qu'Hersent a trahi...Parce qu'il faut faire justice...Parce que pour cela l'on choisit de donner la mort au traître...

Il n’y a pas d’action dans ce roman, seulement une longue nuit de paroles échangées, de monologues ou de silences au cœur desquels remontent les souvenirs et se construit la pensée.

Les deux histoires se superposent et celle qui m’a intéressée fut moins l’exploration des causes de la rupture entre les deux amants que la réflexion sur la trahison, la culpabilité.
Une réflexion fouillée, profonde, qui aboutit à ce constat : "Nous sommes tous fils de Caïn".
" Nous étions des hommes, et nous découvrions qu'être des hommes, c'était répondre au même nom que nos bourreaux."


« Caïn qu’as-tu fait de ton frère ? ». La guerre s’achève… La question est posée à Hersent qui va être exécuté…On annonce la mort d’Hitler et on découvre l’horreur des camps…

e x t r a i ts :

« Ils ne songeaient pas, tandis qu’ils descendaient ensemble le Boulevard de Strasbourg, dans une fine vibration de lumière, qu’aucun d’eux pût avoir l’idée, quelque jour, de réclamer du sang, et pût parler d’envoyer des lycéens, leurs frères, dans les camps d’un pays ennemi. S’ils avaient pu penser cela, ils se seraient détournés de celui-là avec mépris, et leur attitude l’eût jugé, exécuté plus sûrement que les balles d’un peloton de soldats. »

« Aucun d’entre eux ne se sentait bien méchant, et l’on ne se souciait guère alors de réfuter Hersent, déjà lancé sur un de ses terrains favoris : « Voulez-vous une bonne grammaire française ? Cahen. Une histoire de France ? Cahen et Bloch. Un traité de sociologie ? Bloch et Cahen. Un directeur de bibliothèque, de Museum ? Re-Cahen …Re- Bloch…Vous avez beau dire, moi ça me chatouille… »[…] Aucun de ceux qui écoutaient Hersent ce jour-là ne songeait que cette conversation pût jamais avoir des suites dans la pratique, ni pour les uns ni pour les autres."

« A la vue d’une photographie représentant la petite construction entourée d’arbres maigres, d’où personne n’était jamais sorti vivant, et qui marquait le terme d’un horrible voyage, il devait se demander comment ces arbres n’avaient pas refusé de pousser là. »

« Il avait tout à fait présents à la mémoire certains des articles d’Hersent, notamment sur les Juifs et il en était épouvanté.[…] Hersent n’avait sans doute pas voulu cela mais il avait soutenu, à grand renfort d’esprit, avec un éclatant brio, des idées qui menaient à cela. »

« Il nous faut avoir le courage de mettre à nu les vraies inimitiés…Non pas pour cultiver l’inimitié, mais au contraire pour mieux reconnaître le visage de ceux à qui l’on tient… »

« Les Français étaient maintenant sur le point de poursuivre l’ennemi sur son territoire, ils étaient occupés à juger les traîtres et l’un de ses amis avait été ce traître. »

« Guillaume s’était juré de ne pas le plaindre, mais il continuait à ne pas comprendre. Il comprenait Hersent condamné, il ne comprenait pas Hersent mort.- ayant à mourir.

« Hersent…Il aurait voulu trouver quelque chose qui lui permît de ne plus penser à lui. Il n’avait plus qu’une hâte : se joindre aux autres, le condamner- condamner Caïn, supprimer le problème en supprimant l’homme. »

« Il n’y a qu’un châtiment, c’est de savoir qu’on a eu tort. »


*NB : Robert Brasillach, écrivain, journaliste et critique de cinéma, est né en 1909. Il fut fusillé le 6 février 1945 au Fort de Montrouge pour son activité collaborationniste pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il avait écrit des articles antisémites dans la revue « Je suis partout ».


Dernière édition par coline le Dim 13 Juil 2008 - 20:21, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 13 Juil 2008 - 20:18

kenavo a écrit:
coline a écrit:
Je suis ravie que cette nouvelle t'ait plu Kenavo...
J'ai noté La Plage de Scheveningen pour continuer Wink
Le sujet me tente...

Pas facile...Mais profond...
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 3 Aoû 2008 - 13:16

Pour finir les 650 pages des Hauts-Quartiers, il a fallu que je m'impose 14 pages par jour de vacances.
Pour moi c'est un livre long et je peine sur ce type de livres. C'est effectivement pas mal mais...
je n'ai pas eu le déclic qui m'emporte et me fait presque oublier que je lis pour simplement "être dans la vie".
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyDim 3 Aoû 2008 - 21:23

Bravo Monilet... enthousiaste
Quel courage!...Et pendant les vacances en plus!... content
Je t'avoue que je n'en ai jamais lu aucun d'aussi épais de Paul Gadenne...
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Cheylus
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyMar 12 Aoû 2008 - 20:25

Siloé est très épais aussi, question de volume... Mais Les Hauts Quartiers est son roman le plus "épais" parce qu'il montre un homme désireux d'atteindre une "métaphysique de l'effacement" face à l'obscurantisme bourgeois ou bigot. C'est la parabole qu'on retrouve également dans L'Avenue, l'un des deux plus beaux romans de Gadenne selon moi avec La Plage de Scheveningen : parabole empruntée à saint Jérôme, d'une araignée vide et sèche, translucide.
Quand on sait que l'expérience de Didier Aubert dans le roman est fidèle à celle de Gadenne, dès 1940 jusqu'à la fin de sa vie, on frissonne. Le personnage de Mme Chotard, par exemple, est exactement le portrait qu'il fait de sa logeuse dans ses journaux intimes. Des dialogues entre eux, des duos devrais-je dire, sont parfois repris en entier dans le roman.

Il ne faut pas oublier que Les Hauts Quartiers est le moins achevé des livres de Gadenne : quand on sait qu'il a fallu environ six ans pour trouver le ton du Vent noir et faire fermenter les centaines de pages de ses journaux intimes. Il était le premier à déplorer le manque "d'arrondis" dans ce livre.

En tout cas, cela fait plaisir d'entendre parler de Gadenne dans un forum.

Bien cordialement,
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyMar 12 Aoû 2008 - 20:40

Cheylus a écrit:

En tout cas, cela fait plaisir d'entendre parler de Gadenne dans un forum.


Merci de ce très beau premier post...et bienvenue à toi! content
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Constance
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyJeu 3 Mar 2011 - 18:17

"La plage de Scheveningen" :


Comme Coline, la confrontation entre les deux anciens amants dans le huis clos d'une chambre d'hôtel, ne m'a pas autant intéressée que le questionnement obsessionnel de Guillaume Arnoult sur la culpabilité d'Hersent, et par extension sur le bien et le mal.


Extrait d'une longues discussion entre Arnoult et Hersent, datant d'avant-guerre :


Arnoult répondant à Hersent :

Citation :
– Eh bien, je ne crois pas du tout, dit-il, à cette lutte du bien et du mal telle que tu la conçois, à cette répartition des bons et des méchants suivant les camps, à aucune répartition quelle qu’elle soit au cours de notre vie sur terre. Je crois qu’une telle répartition, un tel jugement ne pourraient être que l’œuvre de Dieu, et que c’est parce que nous avons perdu Dieu que nous appliquons ces catégories à tort et à travers. S’il y a une lutte entre le bien et le mal, c’est à l’intérieur de tout homme, voyons, de toute idée, – et, notons-le, de tout parti ! Et c’est bien pour cela, tu le sens, que tout ce qui touche aux partis est suspect. Il serait trop facile, voyons, de s’inscrire ici ou là pour avoir le privilège de toutes les vertus. Crois-moi, le bien ne s’est incarné qu’une seule fois, – il y a deux mille ans. Et si l’Ange vient un jour pour marquer ta porte d’un signe, ce sera pour tes vices ou tes vertus, pour le bien ou le mal absolus, pour le pur ou l’impur de ta conduite, c’est-à-dire, en fin de compte, pour ta relation à Dieu. Et non pour la bannière humaine au service de laquelle tu auras mis tes vices et tes vertus. (p. 175)


Cependant, alors qu'il détient les clefs de la trahison de Hersent, il l'exonère étrangement en affirmant que "s'il a désiré la victoire de l'Allemagne, c'est uniquement parce qu'il en appelait au triomphe de la force" ... cette ambiguité plane tout au long du roman, peut-être par fidèlité à l'ami qu'il se refuse à identifier tel un traître, plus sûrement parce que Arnoult se sent incapable de porter un jugement puisqu'il demeure dans le questionnement sur le bien et le mal.


En même temps, au cours de ses longues introspections et de ses spéculations sur les raisons qui ont provoqué sa rupture avec Irène, Arnoult donne le sentiment de refuser le temps qui passe, d'être en quête de lui-même. Nostalgique, il pose alors les tourments métaphysiques qui l'habitent, d'où une infinie impression de tristesse, voire de désespérance sur la condition humaine.


Citation :
Idées sur idées, images sur images, mots sur mots, l’esprit fonctionne comme un moulin, où repasse sans être reconnu le grain déjà broyé. (p. 155)



Citation :

Arnoult pensa aux petits personnages que Ruysdaël avait représentés sur la “Plage de Scheveningen”. Leur mort ne paraissait pas du tout pouvoir faire l’objet d’un problème. Les années, les siècles passent, le même rayon de soleil transperce éternellement les nues, la plage répond au même assaut des vagues, les mêmes petits personnages sont toujours là, noyés dans l’immensité, le poudroiement du sable, et personne ne se demande leur nom. (p. 172)


Citation :
La fleur, se dit-il, est chose vivante, et parmi les choses vivantes une des plus exquises, et comme telle une de celles qui pourrit le plus rapidement si on la détache de son sol. Dans cent ans, le soleil brûlera ce ravin comme aujourd’hui, et nos pensées, ces pensées qui nous font nous aimer et nous battre, seront évanouies entre les arbres. (p. 172-173)



Citation :

Dans cette rue des Sycomores, qui était peut-être la rue des Peupliers, il y avait toujours, ce printemps-là, une échelle de peintre contre la façade de la haute maison où je voyais disparaître Irène, tandis que j’attendais en bas, derrière la vitre d’un café désert, provincial, où une pendule de campagne battait les heures. J’avais cru vaincre le temps, mais je n’avais pas assez réfléchi au temps, le temps n’est jamais inactif, jamais infécond, il ne cesse pas un instant de produire ou de détruire quelque chose, et qui ne l’a pas pour soi l’a contre soi. Seule notre pensée se repose, mais dès que le moindre germe a commencé à vivre, les termes sont marqués, et il ne cesse de courir vers sa mort et vers la nôtre. Derrière les balcons rouillés, légèrement renflés à la base, s’exaltaient des rougeurs de géraniums, et le fer saignait de toutes leurs fleurs [...] (p. 273)



J'ai beaucoup aimé ce roman écrit dans un style dense, dans lequel Gadenne a su créer une atmosphère mystérieuse, bien que parfois oppressante.
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MessageSujet: Re: Paul Gadenne   Paul Gadenne - Page 2 EmptyJeu 3 Mar 2011 - 19:33

Constance a écrit:
"La plage de Scheveningen" :

Citation :

Dans cette rue des Sycomores, qui était peut-être la rue des Peupliers, il y avait toujours, ce printemps-là, une échelle de peintre contre la façade de la haute maison où je voyais disparaître Irène, tandis que j’attendais en bas, derrière la vitre d’un café désert, provincial, où une pendule de campagne battait les heures. J’avais cru vaincre le temps, mais je n’avais pas assez réfléchi au temps, le temps n’est jamais inactif, jamais infécond, il ne cesse pas un instant de produire ou de détruire quelque chose, et qui ne l’a pas pour soi l’a contre soi. Seule notre pensée se repose, mais dès que le moindre germe a commencé à vivre, les termes sont marqués, et il ne cesse de courir vers sa mort et vers la nôtre. Derrière les balcons rouillés, légèrement renflés à la base, s’exaltaient des rougeurs de géraniums, et le fer saignait de toutes leurs fleurs [...] (p. 273)



J'ai beaucoup aimé ce roman écrit dans un style dense, dans lequel Gadenne a su créer une atmosphère mystérieuse, bien que parfois oppressante.

Quelle bonne surprise!...Retrouver, grâce à ton commentaire Constance, le charme du style Paul Gadenne... content
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