Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Nathalie Sarraute

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MessageSujet: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Fév 2007 - 16:00

Nathalie Sarraute 480_5110

Nathalie Sarraute, née Natalia (Natacha) Tcherniak à Ivanovo, en Russie, le 18 juillet 1900, et décédée à Paris le 19 octobre 1999, est un écrivain français d'origine russe. Elle est la mère de Claude Sarraute (journaliste, romancière et comédienne), de Dominique Sarraute (photographe) et d'Anne Sarraute. (source wikipedia)


Citation :
Bibliographie/Index (Cliquez sur les chiffres pour accéder directement aux pages)

1939 - Tropismes
1949 - Portrait d'un inconnu
1953 - Martereau
1956 - L'Ère du soupçon
1957 – Tropismes  Pages 1
1959 - Le Planétarium
1963 - Les Fruits d'or  Pages 1
1967 - Le Silence suivi de Le mensonge
1968 - Entre la vie et la mort
1970 - Isma ou Ce qui s'appelle rien suivi de Le silence et Le mensonge
1972 - Vous les entendez ?
1976 - "disent les imbéciles"  Pages  2
1978 - Théâtre contenant Elle est là (E.O.), Le Mensonge
1980 - L'Usage de la parole
1982 - Pour un oui ou pour un non   Pages 1
1983 – Enfance  Pages  1
1986 - Paul Valéry et l'enfant d'éléphant suivi de Flaubert le précurseur
1989 - Tu ne t'aimes pas
1995 - Ici
1996 - Œuvres complètes
1997 - Ouvrez

Citation :
Arrêté à la page 3 le 12/01/2013


Enfance

«J'ai juste voulu assembler des images d'enfance tirées d'une sorte de ouate où elles étaient enfouies», précise-t-elle.

Ce livre de Nathalie Sarraute a obtenu un grand succès. Un nouveau public a pu aborder avec lui l'oeuvre réputée difficile de l'écrivain.

C’est un récit autobiographique écrit en dialogue : un dialogue entre l'écrivain et son double, entre une voix narratrice et une voix critique. Il existe une certaine familiarité entre les deux voix, une complicité. Selon les moments, la seconde voix freine l’élan de la première, la met en garde contre les risques de forcer l'interprétation ou inversement la pousse à l'approfondir.

Son double :
«Des images, des mots qui évidemment ne pouvaient pas se former à cet âge-là dans ta tête.»

Et l'écrivain de répondre:
«Bien sûr que non. Pas plus d'ailleurs qu'ils n'auraient pu se former dans la tête d'un adulte... C'était ressenti, comme toujours, hors des mots, globalement... Mais ces mots et ces images sont ce qui permet de saisir tant bien que mal, de retenir ces sensations

"Enfance" est l'évocation des souvenirs de petite fille de l'auteur. Natacha ou Tachok est une petite fille perdue dans ses rêves, sa mélancolie, ses «idées» et ses peurs. Une fillette ballottée entre la France et la Russie, entre la rue Flatters à Paris et la maison de Saint-Pétersbourg, entre un père et une mère qui ne s'entendent plus et se renvoient leur enfant comme une balle.
L’auteur parle des relations souvent difficiles qu'elle a pu entretenir avec sa mère qui avait choisi de vivre en Russie, sans sa fille, avec son second mari : cette relation est constituée d’une alternance de fusion et d’éloignement.

«Quel malheur, quand même, de ne pas avoir de mère!» dit la bonne. Le terme «malheur» entraîne une prise de conscience de l'enfant et l'amène à ressentir ce qu'elle avait rejeté. « Le langage peut tuer » dit-elle.
Nathalie Sarraute explore des sensations éprouvées pendant son enfance, restées informulées, « hors des mots », et qui lui paraissent utiles pour comprendre ce qu’elle a vécu profondément dans les premières années de sa vie.

La narration s’arrête au moment où la petite fille entre en sixième. Nathalie va entrer au lycée Fénelon, à Paris. Nathalie Sarraute n'ira pas au-delà:
«Je ne pourrais plus m'efforcer de faire surgir quelques moments, quelques mouvements qui me semblent encore intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs blanchâtres, molles, ouatées, qui se défont, qui disparaissent avec l'enfance.»

C'est un livre sublime!
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyMer 3 Déc 2008 - 21:00

Coline, je ne peux qu'approuver cet avis ! content D'autant plus qu'il y a une véritable originalité par rapport aux autres autobiographies, grâce à ce dialogue entre deux voix. Une fraîcheur, un effort (assez réussi, je trouve) pour retrouver la sensation du passé, plutôt que de raconter des souvenirs tous faits ...

Pour ma part, je voudrais attirer votre attention ne serait-ce qu'un petit instant sur le théâtre de Nathalie Sarraute. Elle a en effet écrit des pièces très courtes, assez faciles d'accès, qui mettent en pratique directe sa réflexion sur le langage. Je donnerai pour exemple "Pour un oui ou pour un non" : deux êtres (pas "personnages" à proprement parler) H1 et H2, amis d'enfance, se sont éloignés l'un de l'autre.
Tandis qu'H1 presse son ami de lui dire pourquoi il a cherché à s'éloigner, H2 proteste, en disant qu'il n'y a rien, "rien qu'on puisse dire". Au fur et à mesure, les deux protagonistes vont tenter de s'expliquer, en viendront à l'affrontement, les souvenirs et les sensations ressurgissant au fil du discours. Au final, ça a l'air banal, comme ça. Une "dispute entre deux vieux amis ... Mais Nathalie Sarraute y met quelque chose de primordial : elle y inscrit toute une réflexion sur le langage, ou plutôt sur le non-langage : sur tout ce qui ne se dit pas, mais que tout le monde ressent, ce qui est présent dans chaque relation humaine. Tons de voix, gestes, regards traduisent en effet une sous-conversation, riche de sens, qui va parfois blesser, meurtrir, vexer. C'est là l'histoire de Pour un oui ou pour un non. C'est l'histoire aussi de deux visions du monde (ainsi que deux rapports à la langue) qui s'affrontent, chez des gens qui se sont côtoyés des années, sans trop se connaitre.

Voilà voilà, je vous recommande donc chaudement l'œuvre théâtrale de cet auteur, qui me passionne de plus en plus. Je viens par ailleurs de terminer Tropismes, sa première oeuvre et ce fut particulièrement intéressant !
aime

Bien à vous,

Une revenante, qui a envie de parler de Nathalie Sarraute.
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyMer 3 Déc 2008 - 23:46

Nibelheim a écrit:
Pour ma part, je voudrais attirer votre attention ne serait-ce qu'un petit instant sur le théâtre de Nathalie Sarraute. Elle a en effet écrit des pièces très courtes, assez faciles d'accès, qui mettent en pratique directe sa réflexion sur le langage. Je donnerai pour exemple "Pour un oui ou pour un non" : deux êtres (pas "personnages" à proprement parler) H1 et H2, amis d'enfance, se sont éloignés l'un de l'autre.
Tandis qu'H1 presse son ami de lui dire pourquoi il a cherché à s'éloigner, H2 proteste, en disant qu'il n'y a rien, "rien qu'on puisse dire". Au fur et à mesure, les deux protagonistes vont tenter de s'expliquer, en viendront à l'affrontement, les souvenirs et les sensations ressurgissant au fil du discours. Au final, ça a l'air banal, comme ça. Une "dispute entre deux vieux amis ... Mais Nathalie Sarraute y met quelque chose de primordial : elle y inscrit toute une réflexion sur le langage, ou plutôt sur le non-langage : sur tout ce qui ne se dit pas, mais que tout le monde ressent, ce qui est présent dans chaque relation humaine. Tons de voix, gestes, regards traduisent en effet une sous-conversation, riche de sens, qui va parfois blesser, meurtrir, vexer. C'est là l'histoire de Pour un oui ou pour un non. C'est l'histoire aussi de deux visions du monde (ainsi que deux rapports à la langue) qui s'affrontent, chez des gens qui se sont côtoyés des années, sans trop se connaitre.

[...]Bien à vous,

Une revenante, qui a envie de parler de Nathalie Sarraute.

Comme les revenants font bien de revenir pour vous rappeler de faire ce que vous remettez toujours à plus tard... content
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Jan 2009 - 19:56

En attendant d'y revenir, après la fin des examens, je colle ici ce que j'avais écris sur mon blog à propos de son premier recueil : Tropismes. A bientôt chut


--------

Derrière ce titre énigmatique, un recueil de textes courts, non dénués de poésie, écrits de 1932 à 1933. S'y déroulent des scènes en apparence anodines, sans personnages définis : une réunion de jeune femme en ville, un repas de famille, un vieil homme traversant la route avec un enfant. Jamais de nom, toujours ces "il(s)" ou "elle(s)", figures indéfinies dans lesquelles, pourtant, on croit toujours déceler quelque chose de connu, quelque chose d'un membre de notre entourage. Ce qui relie ces textes ? Ce que Nathalie Sarraute a appelé le "tropisme", "ces sortes de mouvements instinctifs qui sont indépendants de notre volonté, qui sont provoqués par des excitations venant de l'extérieur." Une définition en elle-même assez vague.

Or, s'il est difficile de parler du livre de Nathalie Sarraute, ce n'est pas pour rien : en effet, Nathalie Sarraute tente de donner à voir (donner à vivre, devrais-je dire) les mouvements de sous-conversation, d'aller au-delà de l'échange purement verbal, afin de déceler tout ce qui se joue hors des mots. "Ce que j'ai voulu, c'était investir dans du langage une part, si infime fût-elle, d'innommé"(Ce que j'ai voulu faire) Et en effet, elle tente de nous amener, doucement, par l'exemple, dans ces régions que les mots n'ont pas encore touché, vers une réalité qui n'a pas encore été analysée, classée, appauvrie par la convention de la langue. Cela passe, dans les Tropismes, par des attitudes, des mouvements instinctifs, aussi par des mots anodins qui en disent bien plus long qu'on ne pense au premier abord ... Cela pour retranscrire cette part de non-dit qui réside en chaque échange, en chaque dialogue, et le faire ressentir au lecteur. Elle décrit alors des mouvements intérieurs, par bribes, retranscrit différents discours, souvent bouffis de lieux communs, donne à voir des souffrances que l'on ne comprend pas, quand on s'en tient à la pure analyse psychologique. Car c'est de cette approche qu'il faut se prévaloir, devant ces tranches de vie déposées sous nos yeux, sous peine de perdre cette réflexion si riche à propos du langage ...

L'intérêt de Nathalie Sarraute, c'est que cette réflexion sur la langue et sur ce qu'on ne peut pas dire est directement reliée à la vie quotidienne. Prenons pour la peine une autre définition de ce même mot, tropisme : "Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience. [...] Ils me paraissaient et me paraissent encore constituer la source secrète de notre existence." Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que j'ai parlé de tranches de vie : le lecteur se retrouve complètement immergé au beau milieu d'une scène, bercé par une écriture qui fait la part belle au ressenti et aux sensations, qui agresse par ses répétitions, qui fait littéralement vivre la situation, par son rythme. Ajoutons à cela qu'à travers les différentes entités, même indéfinies, c'est tout de même une vision assez générale du monde et de la société qui transparait : s'y succèdent différents âges, types sociaux, avec leurs propres discours, lieux communs et valeurs ; et à la lecture, tout en faisant l'expérience du tropisme, on est plus que jamais confronté au monde ... Inclassable, cette œuvre semble investie d'une part non négligeable de poésie, et d'une véritable puissance d'évocation. Les textes de Tropismes livrent ainsi, sans lien explicite, les perceptions et les sentiments d'entités anonymes ; textes courts encadrés de blancs laissant voguer l'imagination du lecteur, mais le poussant aussi à la réflexion.


Au final, notre conception du monde ainsi que notre confiance en la langue parlée s'effritent : il y a quelque chose qu'a fait Nathalie Sarraute, et qu'assez peu d'écrivains ont réussi, quand je considère le nombre de mes lectures : elle m'a ébranlée ... Après la lecture de Pour un oui ou pour un non et la relecture d'Enfance, autobiographie très spéciale sur laquelle j'étais passée vite, en classe de Première, sans voir les implications de l'oeuvre, me voilà à fouiller et farfouiller, à avoir envie d'en voir plus. C'est plutôt bon signe. J'avais déjà, comme tout le monde sans doute, ressenti un malaise face au discours de certaines personnes, cherché à éviter les silences lourds de sous-entendus, perçu de façon floue et inexplicable les choses qui passent derrière les déclarations anodines et les lieux communs ... Après la lecture de Nathalie Sarraute, c'est d'autant plus fort, d'autant plus fascinant ... D'autant plus effrayant, aussi. Parce qu'il y a dans ces œuvres le poids du jugement d'autrui, des gens du commun, des gens de bon sens qui ont l'intuition du tropisme, mais refusent de le voir et d'essayer de le comprendre , des gens raisonnant à coups de proverbes et de phrases toutes faites qui ne veulent pas admettre que derrière les mots, quelque chose d'autre existe ... "ce qui s'appelle rien", "rien dont il soit permis de parler"3.

Alors si vous, ces choses-là vous intriguent ... ne vous effraient pas trop, je ne saurais trop vous recommander de plonger dans l'oeuvre de Nathalie Sarraute, dans son théâtre, dans Tropismes. Attention, votre regard sur le monde pourra en ressort quelque peu ... Changé.
S'il est encore utile de le dire : un véritable coup de cœur.
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Jan 2009 - 20:34

Nibelheim a écrit:

Ce que Nathalie Sarraute a appelé le "tropisme", "ces sortes de mouvements instinctifs qui sont indépendants de notre volonté, qui sont provoqués par des excitations venant de l'extérieur." Une définition en elle-même assez vague.

Prenons pour la peine une autre définition de ce même mot, tropisme : "Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience. [...] Ils me paraissaient et me paraissent encore constituer la source secrète de notre existence."
Alors si vous, ces choses-là vous intriguent ... ne vous effraient pas trop, je ne saurais trop vous recommander de plonger dans l'oeuvre de Nathalie Sarraute, dans son théâtre, dans Tropismes. Attention, votre regard sur le monde pourra en ressort quelque peu ... Changé.
S'il est encore utile de le dire : un véritable coup de cœur.

Je partage ton admiration pour Nathalie Sarraute dont j'avais découvert Martereau et Le Planétarium dans le grenier familial... Il faudrait que je les relise pour en parler mais j'ai le souvenir de textes magnifiques évoquant les oeuvres de Virginia Woolf. Il y a un côté expérimental un peu déroutant mais ce qu'elle arrive à décrire de la nature humaine est d'une grande profondeur. Toute cette violence contenue sous la surface des échanges civilisés...
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Jan 2009 - 20:40

Tout à fait Marko, ce qui rend Nathalie Sarraute assez dérangeante ... En tout cas, je partage assez sa fascination pour le langage et je me prends à faire attention à des choses que, jusqu'ici, je n'avais jamais remarqué : l'existence de sous-conversations, la force et la violence, parfois, du non-dit.

Je voulais aussi dire en passant que si ça intéresse quelqu'un, je pourrais tout à fait proposer Pour un oui ou pour un non au cerclage ... Après les épreuves bien sûr ! Un si petit livre, si rapide à lire ... Wink ❤
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Jan 2009 - 20:49

J'ai adoré Enfance ! L'originalité du principe d'écriture m'a beaucoup plu .Après, j'ai voulu continuer avec Tu ne t'aimes pas, mais je n'ai pas réussi à le finir...Pourtant, le principe est le même mais je l'ai trouvé nettement plus "lourd" :/
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 5 Jan 2009 - 20:53

Fantaisie héroïque a écrit:
J'ai adoré Enfance ! L'originalité du principe d'écriture m'a beaucoup plu .Après, j'ai voulu continuer avec Tu ne t'aimes pas, mais je n'ai pas réussi à le finir...Pourtant, le principe est le même mais je l'ai trouvé nettement plus "lourd" :/

Je n'ai pas lu Tu ne t'aimes pas, mais j'ai eu le même sentiment que toi en voulant commencer Les Fruits d'Or. Je pense vraiment qu'Enfance est le meilleur ouvrage pour aborder Nathalie Sarraute : il me semble qu'il mobilise toute sa réflexion et toute l'esthétique qu'elle implique, tout en restant sensiblement moins déstabilisant que le reste de son œuvre. Un départ en douceur, en quelque sorte.
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyLun 27 Juil 2009 - 21:52

J'ai Enfance en bibliothèque, je compte le lire un jour.
J'ai lu vos critiques, ce ne sont pas elles qui me refroidissent. Mais en fait là-dite Nathalie flirtait avec Sartre au grand dam de Beauvoir. ( c'est la fille a Nathalie qu'a tout cafté! conciliabule )
Et vous me connaissez! Beauvoir respect
Donc pour l'instant Nathalie! Evil or Very Mad
^^
Non je blague, je la lirai et dans pas longtemps certainement!
Et je vous dirai si je pardonne à Nathalie d'avoir blessé Beauvoir!
laugh
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyJeu 23 Fév 2012 - 22:16

(un fil qui a pris la poussière...)

Les Fruits d'or

Je commence par un tout grand merci à shanidar qui m'a mis le livre dans les pattes ! Ensuite je tente de dire pourquoi c'est à la fois inutile et indispensable de parler de cette lecture.

Pour résumer la trame narrative je dirai vie et non mort d'une œuvre vue à travers un moment, qui suit sa naissance . Wahou, tout de suite, ça cale... sauf que ce qu'on lit est à tendance jubilatoire. Des vagues de ressassement et d'échecs autour d'une sensibilité piquée, piquée dans l'intime, dans une vérité. Les personnages sont mouvants qui parlent de ces Fruits d'or, et de son auteur parfois. Pour ou contre, timides, vainqueurs et vaincus la galerie est complète et on se retrouve plusieurs fois d'un côté et de l'autre de la barrière, et on est bien piégé parfois de passer de l'un à l'autre !

Tout ça pour dire que c'est une lecture non dénuée d'humour et qui prend plaisir à souffler sur les châteaux de cartes... tout en suscitant beaucoup empathie. C'est que le dilemme du rapport à l'œuvre est multiple. Il y a l'œuvre et il y a la communauté, la conformité nécessaire... et l'affrontement, mise en jeu et mise à l'écart. Le milieu présent et écorné est un milieu intellectuel qui parle d'art et de littérature... avec d'évidentes facultés à la bassesse et la facilité. Et des arguments "massue".

C'est là que petit à petit, l'air de rien, de situations ressemblantes en situations ressemblantes, le petit livre bizarre interroge ses ainés par des évocations succinctes de situations justes, vraies, ou non, sensibles... et les constructions... bref la littérature vue à travers un nouveau roman (hors narration classique et personnages établis, pour faire simplifié) qui parle de lui-même. Mais loin de rester dans une facilité mécanique de raillerie et de nouveauté gratuite, on voit se dessiner toujours plus l'effort entier qui tend le livre. Entre la lecture agréable et l'observation minutieuse de l'œuvre, indissociable de sa réception et de son aura, l'observation du lecteur et de sa liberté aussi, l'autre côté du miroir, entre ces facettes se déroule les méandres attentifs du livre. Pas épargné sous son appellation générique mais aussi auquel hommage est rendu, sinon pourquoi cette lecture serait-elle si agréable et pourquoi resteraient les reflets de la narration, même lointaine ? De là aussi vient le plaisir de la lecture, il y a une substance en plus de la réflexion.

Et le portrait du livre et de la lecture, au sens large, est très intéressant et complémentaire donc de cette expérience de lecture : modernité, enjeux de principes, moraux si on veut. Cet exercice de style est aussi un manifeste. Et qui se regarde lui même et sans beaucoup de fanfreluches. Toute cette intensité, très juste est dédramatisée par le temps de l'observation et l'amour (de la littérature ?) mis dans cette intensité (et le contraste de ce livre avec une image plus traditionnelle).

C'est un peu le même plaisir qu'avec Les eaux étroites de Julien Gracq, le fond et la forme très liés pour le même sens. Et c'est un assemblage diablement précis !

En plus après ça on est prêt pour toutes les discussions les plus tordues de vénération ou détestation d'une œuvre. Yeah !

Ce qui reste pour les idées c'est le rapport à la norme, une norme changeante et donc à la communauté (c'est critique et horrifié mais sans être si définitif) et la relativisation de la forme, ce qui est chouette pour un texte travaillé comme ça de ne pas borner, loin de là, au sens inverse. Et le placer dans le temps donne un point de repère dans le paysage (et la qualité) : publication en 1963.

Extraits plus tard. Ad-mi-ra-ble ce bol d'air frais. Lecture enrichissante à laquelle j'ai pris beaucoup de plaisir.

(et j'insiste, la lecture est du genre limpide en fin de compte).
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyJeu 23 Fév 2012 - 22:31

un commentaire plein de substances qui donne envie de revenir au texte, d'y puiser à nouveau cette jubilation dont tu parles, animal. J'ai lu ce livre en 1997, il m'avait ravie, il revient sur ma table de nuit avec l'assurance d'y trouver du nouveau parce que j'ai changé et lui sans doute, aussi !
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyJeu 23 Fév 2012 - 22:41

il y a quand même de ces petits morceaux...

Ceux qui avaient eu un bref instant l'espoir de se fixer dans les pays riants qu'ils avaient entrevus, reprennent leur marche, morne troupe captive traînant se chaines, chassée vers quelles immensités marécageuses, quelles étendues sans fin de toundras glacées.


"Les Fruits d'Or, c'est le meilleur livre qu'on a écrit depuis quinze ans."
Le visage est placide, le regard est posé sur quelque chose au loin. Le ton est celui de quelqu'un qui atteste un fait, énonce une vérité.
La vérité invincible s'avance, écrasant tout sur son passage : "Les Fruits d'Or, c'est le meilleur livre qu'on a écrit depuis quinze ans."


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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyVen 24 Fév 2012 - 22:12

Citation :
Leur résistance est brisée, jusque dans leurs recoins les plus secrets, l'agresseur avance, écrasant sur son passage ces joies délicates, ces voluptés, cette exaltation, cette sensation de croître, de s'épandre qu'ils avaient quand, seuls dans leur chambre, ils lisaient, s'arrêtant de temps en temps pour ressasser, pour savourer, pour se gonfler d'attente avant, sans se presser, de reprendre leur lecture, feuilleter, relire lentement, se laisser descendre vers quelles fraîcheurs ombreuses, quelles profondeurs bleutées... Tout cela maintenant est souillé, saccagé : de pauvres choses que des mains brutales saisissent et jettent dehors. Tenez, regardez. C'est ça que vous aimez. Voilà ces merveilles, ces abîmes qui vous fascinent... Ces sentiments si "vrais" qui font se contracter voluptueusement votre cœur... De pauvres fadaises, de misérables faux semblants, Musée Grévin. Vulgarité. Poésie de pacotille...
Ils sont abattus, prostrés. La vue brouillée, ils tâtonnent faiblement de tous côtés, cherchant du secours. Et là, à leur portée, ils ne savent pas exactement ce que c'est, ça doit être quelque chose de lourd, de contondant... ils se tendent, ils saisissent cela, ils le soulèvent avec ce qu'il leur reste de force et le jettent à la tête de l'ennemi triomphant : "Mais tout cela, c'est fait exprès."
Miracle, En un instant, la situation se renverse, l'agresseur chancelle, il s'écroule, assommé.

Je ne sais pas si ces petits extraits d'un texte fragmentaire donnent une petite idée de l'intensité de ce fichu recommencement. Il y a un effet étrange de cette intensité omniprésente, comme un risque d'épuisement mais qui n'arrive pas. La caricature n'épuise pas le sujet.

Je me gratte encore la tête. Ce que je perçois le plus difficilement c'est le rapport à la nouveauté. Elle apporte quelque chose sans avoir de sens propre, en tant que nouveauté, quelque part... ?
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptySam 25 Fév 2012 - 10:57

Des années que je me dis qu'il faut que je lise Nathalie Sarraute, tous ces extraits me donnent envie, furieusement.
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MessageSujet: Re: Nathalie Sarraute   Nathalie Sarraute EmptyMer 29 Fév 2012 - 17:59

Les Fruits d'Or

est un livre qui n'existe pas, dont on ne connaitra jamais l'histoire mais dont on sait que certains critiques littéraires et autres intellectuels vont s'emparer pour en faire l'apologie puis le détruire. Les Fruits d'Or est l'histoire de l'histoire, le moment où des hommes et des femmes se réunissent pour parler d'une oeuvre. On peut fermer les yeux et imaginer mettre dans la même pièce un Busnel, un Taddéi, un Beigbeder, un Ferney, un Lefait et quelques invités surprises et leur soumettre un livre, une oeuvre à décortiquer, analyser, disséquer, dire le plus grand bien ou pis que pendre... Le jeu serait sans doute réjouissant, il aboutirait peut-être à un compromis mais j'imagine mal certains se rallier à la 'communauté'. C'est à ce jeu auquel nous convie Sarraute, avec l'art de celle qui connait par coeur les arguments du bon, du bien, du banal, de l'hénaurme ou du difforme.

C'est un vrai grand plaisir que de lire ce livre d'une intelligence confondante, d'une ironie cachée, d'une subversive vitalité. D'autant plus qu'il est impossible de se ranger dans un camp, de faire la fine bouche, de renier ses convictions, alors même que le lecteur est partie prenante des discussions, se sentant toujours d'un côté ou de l'autre, il ne peut évidemment pas trancher puisque le livre n'existe pas et n'existera jamais. Il n'empêche ce livre rejoint en partie certaines de nos discussions sur le forum (à propos du pastiche, des sources, des références, des 'fait exprès'), ce qui n'est pas le moins troublant, ni le moins divertissant !
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