Daniel Mendelsohn

topocl a écrit:

Je pense que Mendelson a voulu faire un livre intime, parler de lui-même plus que de la Pologne. Ce n'était pas son propos.

oui, sans doute, mais tout de même, par exemple j'ai été très étonnée de découvrir autour de la page 500 l'existence d'une milice juive ou que ce ne soit qu'à son dernier voyage que Mendelsohn se préoccupe des ukrainiens... Je comprends très bien que sa quête était personnelle, qu'elle n'avait rien à voir avec une mise en accusation des populations (il ne cherche pas de traitre, d'ennemi, il constate qu'il y avait des bons et des méchants et qu'ils pouvaient appartenir à une même famille, un même corps de métier, une même communauté ; d'ailleurs il le dit très clairement : il suffit d'un bon pour sauver tous les mauvais), mais pratiquemment dès le début du livre, il avait tous les fragments nécessaires pour trouver des réponses. En ne cherchant qu'auprès de sa communauté des éléments tronqués, il se prive et nous prive d'une mémoire qui est morte. C'est ce qui m'émeut le plus finalement. Et d'ailleurs, Mendelsohn construit beaucoup sa recherche autour des silences, autour des absences, il cherche dans ce qui n'est pas dit, comme les linguistes, il sait que l'absence d'une lettre ou d'un mot est tout aussi significative que sa présence pour donner du sens. Il faudrait que dans chaque famille un témoin est été interrogé pour donner son sentiment à propos de ce que furent ces années-là, mais cette exhaustivité est impossible. C'est toujours pour moi une grande tristesse lorsque j'interroge mes ami-e-s sur cette époque et qu'ils ne savent rien de leurs grands-parents... c'est pourquoi le livre de Mendelsohn est absolument nécessaire, en tant que témoignage d'un temps révolu, mais les trous sont terriblement frustrant...

Les disparus
Je fais remonter le baromètre des avis positifs !
Un livre très puissant, dont la méthode ne m'a pas gênée du tout, bien au contraire !
J'apprécie la grande sensibilité de cet auteur qui se force à ne pas condamner, ne tombe pas dans un pathos inutile, réfléchit en prenant de la hauteur (y compris sur les Grecs, la Bible, les Etats...) et agit comme un chercheur, pas seulement de faits, mais de sens.
Je ne cache pas que j'en ai pleuré...
Tout est touchant : la petite histoire, symbolique de la grande, l'abjection mélangée au sublime, les ténèbres, la lumière, l'absurdité et pourtant, des rescapés encore debout après tous les tourments subis, porteurs du flambeau : le flambeau du témoignage.
DM n'oublie pas d'universaliser sa réflexion, en élevant le débat du mal : Rwanda, Cambodge, Arménie et j'en passe. A peine prononce t-il le mot d'antisémitisme car il a bien compris que ce n'est qu'un prétexte au mal.
La violence explose toutes les limites et les fusionnent : innocence ou culpabilité, fidélité ou trahison.
L'auteur nous décrit l'anomie morale la plus entière, qui a lieu à toutes les époques. Toutes les justifications existent : notions de race, de religion, de territoire, et j'en passe.
Justement, en étant aussi simple formellement, il ne lègue pas une oeuvre pédante, "ornée", mais spontanée dans l'écriture et je n'ai pas ressenti les redites comme des maladresses, mais comme des obsessions. (D'ailleurs bien utiles pour suivre un peu la complexe généalogie).

Pour moi, une étoile a brillé tout au long de mon chemin de lecture.

Merci pour ce joli commentaire. J'ai encore plus envie de le lire.

Magnifique commentaire Tina.
Un peu peur par ta phrase dans "lectures du mois" :"Les disparus : j'aime assez."
Mais je lis que tu as été emportée par ce récit, ça me fait chaud au cœur...

après tant d'avis positif, je le note dans ma LAL

merci Tina

[quote="Igor"]Un peu peur par ta phrase dans "lectures du mois" :"Les disparus : j'aime assez."
Mais je lis que tu as été emportée par ce récit, ça me fait chaud au cœur... [/quote]

Oui, car au début, avec tous les noms, j'ai eu du mal.(disons les 50/60 premières pages)
Mais une petite voix m'a chuchoté : persiste...
Un très grand livre.

Sur You tube, l'auteur est interviewé en français et sur Proust.
Allez voir...