Daniel Mendelsohn

Citation :

Mais je n'arrêterai pas d'écrire sur mon sujet. D. M.

Oui, mais justement qu'est-il vraiment son sujet? Et pourquoi ce livre m'a t-il finalement beaucoup plus ,je vais dire émue, on a vraiment envie de pleurer..- que par exemple Les Bienveillantes ( je passe dans les Bienveillantes ce qui m'a gênée, c'est à dire le personnage central)?
Pour moi, son sujet, il le développe quand il écrit ce que représente pour lui Auschwitz. C'est à dire des chiffres ( ceci dit, il y a également dans Les Bienveillantes, ceux qui l'ont lu doivent s'en souvenir, un développement sur les chiffres qui glace, le nombre de morts russes par exemple...), et un destin collectif.Et ça, c'est finalement dangereux, car l'ampleur de ces chiffres ne signifie plus rien, comment imaginer? Tandis que l'histoire de quelques uns...
Son sujet , c'est l'individuel . Un plus un plus un. Comme la fameuse phrase de Schindler, j'aurais pu en sauver plus...
Et c'est l'individuel ici dans l'histoire mais aussi dans un cadre beaucoup plus général, celui d'une famille .

Bon, je ne suis, à mon habitude, pas très claire, mais...

Citation :

Daniel Mendelsohn ne répond pas à cette question( de ne pas avoir quitté son pays)il ne la pose même pas durant plus de 600 pages, il n'en a pas la prétention, et nous comprenons à le lire que sa recherche ne tourne qu'autour de ces six-là : Schmiel, sa femme, leurs quatre filles.

Je crois que si... Parce que cette famille a voulu. Et n'a pas pu, faute d'aide. Et c'est aussi un des grands sujets de ce livre, une sorte de secret de famille, pourquoi cette aide n'a -t-elle pas existé , Daniel Mendelsohn ne le saura jamais puisque les réponses aux lettres de Shmiel n'existent plus. Une question d'argent, comme dit Sentinelle? Hum.. Un problème familial? C'est sous-entendu justement par toutes ces intéressantes digressions sur les conflits dans les fratries, en remontant à Caïn et Abel..

Quitter son pays :

Citation :

"(...)Le pouvoir, le vouloir aussi... cf l'Algérie par exemple. Et demande donc aux caldoches s'ils quitteraient leurs terres facilement (...)"

"Vouloir ou pouvoir" : un rescapé dans Les Disparus témoigne du chemin qu'il parcourut, depuis Bolechow, au départ avec deux amis de son âge (18, 20 ans), par instinct de survie, pour échapper à ce qu'il pressentait, quittant ses parents, sa jeune soeur (les membres de Parfum en cours de lecture nous donneront peut-être le nom de ce témoin ainsi que le pays qu'il habite actuellement).
Il s'agit peut-être de l'un des derniers témoins direct que Daniel et Matt auront la chance de rencontrer et qui se rapprochera le plus de leur arbre généalogique à la fin de ce livre...
Pour ma part, je me demande, décidément, si ce vouloir ou pouvoir aura jamais quelque chose à voir avec l'histoire de quelque autre peuple au monde.

- Pour m'extraire totalement ce soir du cadre des Disparus de D. M., je dirais (que cela plaise ou non) qu'il y a quand même (qu'on le veuille ou non) une singularité de douleur, une effroyable singularité d'émotion aujourd'hui face à la simple recherche de ce que fut une seule famille de Juifs polonais (Polonais juifs, ou Juifs ukrainiens puis soviétisés ou juifs tout court pour peu que l'on sache ce que c'est, au fond, que la judaïté) famille composée de six personnes, une famille, une recherche de famille 60 ans après.
- Je ne vois nulle part et en aucun lieu de cette planète ni hier ni aujourd'hui d'autre peuple ainsi gazé.

Citation :

Pour ma part, je me demande, décidément, si ce vouloir ou pouvoir aura jamais quelque chose à voir avec l'histoire de quelque autre peuple au monde.

...question passionnante, il n'empêche que la création de l'Etat d'Israël a été une volonté. Réactionnelle, mais bien réelle. Tu as lu le livre d'Amos Oz, Babelle?

Citation :

Pour m'extraire totalement ce soir du cadre des Disparus de D. M., je dirais (que cela plaise ou non) qu'il y a quand même (qu'on le veuille ou non) une singularité de douleur, une effroyable singularité d'émotion aujourd'hui face à la simple recherche de ce que fut une seule famille de Juifs polonais (Polonais juifs, ou Juifs ukrainiens puis soviétisés ou juifs tout court pour peu que l'on sache ce que c'est, au fond, que la judaïté) famille composée de six personnes, une famille, une recherche de famille 60 ans après.
- Je ne vois nulle part et en aucun lieu de cette planète ni hier ni aujourd'hui d'autre peuple ainsi gazé

Singularité d'émotions ...oui, bien sûr. Parce que cela rentre dans un cadre beaucoup plus large. Celui de la famille, de nos proches. Est ce que personne n'a pensé, à la lecture, à sa propre famille? A tout ce que l'on a pas fait, qu'on aurait voulu faire etc? Cela n'a évidemment pas toujours des conséquences aussi dramatiques,mais c'est cela qui fait que ce livre nous touche autant. Et pas le fait de l'origine même de cette famille.

Il suffirait que chacun mette en parallèle ses propres photos de famille héritées de ses grand-parents avec celles de Matt puis avec celles de l'album que l'on doit à Lili Jacob (Hongrie), ou mieux encore avec cet album de photographies de familles françaises (dans lesquelles tout français non juif sera frappé de la similitude avec les propres photos héritées de son histoire familiale) bien avant leur arrivée à Auschwitz.
Non, je n'ai pas lu Amos Oz. Quel titre évoques-tu?
Et je ne suis pas véritablement une obsédée de l'état d'Israël bien que convaincue de sa légitimité après la singularité des témoignages familiaux.
-Aux vues des lourds amalgames actuels avec d'autres populations qui souffrent aussi aujourd'hui, soit, mais dont la souffrance économique ne sera jamais à la hauteur de cette souffrance si singulière, dont le spectre renaît à chaque crise.
Israel, ce tout petit couloir géographique...
Mais je note, Marie, je note Amos Oz!

Citation :

Non, je n'ai pas lu Amos Oz. Quel titre évoques-tu?

Une histoire d'amour et de ténèbres, je l'avais mis au cerclage! Tu le veux?

Extrait p.411

Citation :

Shlomo : Alors pourquoi nous n'avons pas fui comme fuyaient ces réfugiés ?


Marcia a eu un sourire grave. Pourquoi, pourquoi ?? Ahhh… Parce qu'on ne peut pas quitter une maison ! Comment quitter sa maison ?


Comment quitter sa maison ? Je me suis alors souvenu de quelque chose d'autre dans les lettres de Shmiel – comment, le temps passant, il oscillait entre des fantasmes désespérés de fuite et un refus orgueilleux de s'en aller. Il allait écrire au président Roosevelt, pour les faire sortir ; pour faire sortir les filles ; pour faire sortir une fille. La chère Lorka.
Et cependant, dans la même lettre parfois, il changeait d'avis. Mais je souligne pour vous tous que je ne veux pas partir d'ici sans avoir de quoi vivre – inversement, j'ai ici, grâce à Dieu, tout ce qu'il me faut… Je sais maintenant que je ne pourrais pas avoir une telle vie très rapidement en Amérique.

[…]On se demande pourquoi ils n'ont pas lu ce qui était écrit sur les murs, se plaisent à dire ces personnes. Mais en vieillissant, je ne m'interroge plus beaucoup, vraiment.

Je viens de terminer Les disparus de Daniel Mendelsohn et ce livre est indéniablement un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire.

Daniel Mendelsohn fait partie de cette ultime génération qui a encore la possibilité de s'informer et de communiquer avec les survivants de l'holocauste (la génération des "petits-fils" de survivants). Je pense également à un autre auteur américain, Jonathan Safran Foer, et à son livre "Tout est illuminé", qui raconte les aventures d'un jeune écrivain juif américain en quête de ses origines.

Plus qu'un témoignage de ce que fût l'holocauste, Daniel Mendelsohn s'interroge surtout sur les pages manquantes de son histoire personnelle, à savoir ce que sont devenus le frère de son grand-père maternel (Shmiel), sa femme (Ester) et leurs quatre filles (Lorka, Frydka, Ruchele et Bronia).
Il sait qu'ils ont été tués quelque part dans l'est de la Pologne mais quand, comment, où… autant de questions qui le hantent jusqu'au jour où il décide de partir à la rencontre de ses disparus, et surtout des personnes qui les ont connus et qui vivent actuellement aux quatre coins du monde.

Afin de prendre une certaine hauteur par rapport à ces évènements personnels et d'atteindre l'universalité des thèmes abordés, l'auteur nous livre les premiers versets de la Torah ainsi que les commentaires de grands rabbins.

Le grand prodige de l'auteur est de parvenir, à partir de son histoire unique et personnelle, à faire échos à notre propre histoire.

Qui de nous n'a pas regardé avec curiosité et questionnement de vielles photos jaunies de nos aïeux en nous demandant qui ils étaient, comment vivaient-ils, que pensaient-ils ?
Qui a connu l'exil d'un de ses parents ne se pose-t-il pas la question de savoir comment vivait-on là-bas, n'aurait le besoin de retrouver ses racines en rêvant de revenir sur les pas de ses ancêtres ? Comment ne pas se poser des questions sur les luttes fratricides, comment comprendre ce passage d'une bonne cohabitation multiculturelles à l'anéantissement d'une ethnie, d'une culture autrefois amie, ou du moins avec laquelle une bonne entente était possible.

Daniel Mendelsohn est sans conteste un humaniste : il ne juge pas et est convaincu que tous les humains sont semblables. L'ignominie, la cruauté, la lâcheté ne sont en rien une caractéristique nationale : où qu'on soit, il y aura toujours quelqu'un qui essayera de sauver son prochain au péril de sa vie et un autre pour le massacrer sans état d'âme, tout est et sera toujours une question de choix.

Il y aurait encore tellement de choses à dire au sujet de ce livre ! Mais je pense qu'il ne vous reste qu'une seule chose à faire : le lire tout simplement.

Merci pour ce fil passionnant...

En 2006, lors de la sortie des Disparus ("The Lost : A Search for Six of Six Million"), Daniel Mendelsohn fut couronné par le National Book Critics' Circle Award.
Ce 12 novembre, le Prix Médicis Etranger lui est attribué à l'unanimité.

- Parmi les Sélectionnés pour ce Médicis Etranger, il y avait aussi :

Milena Agus / Mal de pierres
-ICI-
Ismaïl Kadaré / Hamlet, le prince impossible
Ismail Kadaré chez Parfum…
Santiago Gamboa / Le syndrome d'Ulysse
Un autre beau voyage sur Parfum…avec Santiago Gamboa
Marisha Pessl / La physique des catastrophes
Marisha Pessl sur Parfum…

et... William-T Vollmann / Central Europe; Christine Leunens / Le ciel en cage; Abha Dawesar / Babyji; Knud Romer / Cochon d'Allemand...

Dans cyberpresse :

Citation :

Le prix Médicis 2007 étranger a été attribué à l'unanimité à l'Américain Daniel Mendelsohn, né en 1960, pour Les disparus. À l'instar des Bienveillantes de Jonathan Littell, c'est la Deuxième Guerre mondiale qui a inspiré ce roman, mais celui-ci se place du côté des victimes et non des bourreaux.

Les disparus raconte la quête de Mendelsohn sur les traces de son grand-oncle Shmiel, de sa femme et de leurs quatre filles, tués quelque part dans l'est de la Pologne en 1941. Ce livre est né de la découverte de lettres désespérées écrites en 1939 par Shmiel à son frère, installé en Amérique.

L'Américain, qui a travaillé cinq ans sur cet ouvrage, a déclaré à l'AFP qu'il avait voulu rappeler «l'importance de connaître sa propre histoire, comme partie de la grande histoire du monde».

«Il faut savoir ce qui s'est passé dans sa famille et son pays (...) sinon on risque de commettre encore des erreurs», a-t-il ajouté en soulignant sa joie d'avoir été primé. «Pour moi c'est un rêve parce que toute ma formation littéraire est vraiment française».

J'aime beaucoup ce Daniel Mendelsohn!

En fait, et tout à fait en aparté, je cherchais à retrouver quelque chose qui m'avait beaucoup troublée et qui concerne l'éventuel "sauvetage" d'un nombre plus important de la population juive. C'est la correspondance entre Hannah Arendt et Gershom Scholem , publiée à la fin du livre Les origines du totalitarisme et Eichmann à Jérusalem dans la collection Quarto Gallimard.
Résumé
ICI

Marie a écrit:

J'aime beaucoup ce Daniel Mendelsohn!

Ah mais moi aussi !

sentinelle a écrit:

Marie a écrit:

J'aime beaucoup ce Daniel Mendelsohn!

Ah mais moi aussi !

Coincé dans le bec d'un pigeon voyageur, il est en train de faire route de Bruxelles à chez moi...