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| Jules Supervielle | |
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Auteur | Message |
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eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Jules Supervielle Sam 5 Jan 2008 - 18:51 | |
| Jules Supervielle est né à Montevideo (Uruguay) en 1884 et mort à Paris en 1960. Ses parents, français, se sont expatriés en Uruguay pour fonder une banque. De retour en France pour des vacances, l'année même de la naissance de Jules, il meurent tous les deux : il devait y avoir quelque chose dans l'eau du robinet… C'est son oncle et sa tante qui l'élèvent et qui s'occupent de la banque en Uruguay. Ce n'est qu'à l'âge de 9 ans qu'il apprend qu'il est adopté. En 1894, retour en France pour ses études. Baccalauréat, service militaire (mauvais souvenirs). Il se marie en 1907 ; il aura six enfants avec sa femme, Pilar Saavedra. Il publie des poèmes : Comme un voilier (1910). Il passe la Première guerre mondiale dans l'intendance… Il continue à publier, sans soucis matériels, car il touche des rentes (la banque familiale marche bien) : Poèmes de l'humour triste (1919), Débarcadères (1922)… mais également des livres en prose : L'Homme de la Pampa (1923), Le Voleur d'Enfants (1926, adapté avec succès au théâtre en 1949), recueils de nouvelles ( L'Enfant de la haute mer, 1931)… Il est en Uruguay lorsque la Seconde guerre mondiale est déclarée. La guerre finie, il ne touche plus de rente, la banque familiale ayant fait de mauvaises affaires. Comme il a la double nationalité, le gouvernement uruguayen le nomme attaché culturel honoraire à l'ambassade de Paris. Il meurt en 1960. Jules Supervielle est un grand poète ; on ne s'étonnera donc pas que ses écrits en prose soient également poétiques. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Sam 5 Jan 2008 - 18:52 | |
| L'enfant de la haute merRecueil de nouvelles (contes). 158 pages. 1931 - L'enfant de la haute merComment s'était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres ?[…] Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garnis de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson ? Comment cela tenait-il debout sans même être ballotté par les vagues ? Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr dans la rue liquide, comme si elle marchait sur la terre ferme ? Comment se faisait-il ? […] A l'approche d'un navire, et avant même qu'il fût perceptible à l'horizon, l'enfant était prise d'un grand sommeil, et le village disparaissait, complètement sous les flots. […] L'enfant se croyait la seule petite fille au monde.Savait-elle seulement qu'elle était une petite fille ?" (pages 7-8 ) Qui est cette petite fille ? Parviendra-t-elle à s'enfuir de cet étrange village ? - Le bœuf et l'âne de la crècheLa nativité vue par l'âne et le bœuf. "Un jour, du museau, l'âne tourna délicatement le petit de son côté, pendant que la Vierge répondait sur le pas de la porte aux mille questions posées par de futurs chrétiens. Et Marie, revenant auprès de son fils, eut grand-peur : elle s'obstinait à chercher le visage de l'enfant où elle l'avait laissé. Comprenant ce qui venait d'arriver, elle fit entendre à l'âne qu'il convenait de ne pas toucher à l'enfant. Le bœuf approuva par un silence d'une qualité exceptionnelle". (pages 34-35 ) Le bœuf est aussi un peu musicien. "Souvent les bœufs font semblant de ruminer alors qu'au fond de leur âme ils chantent. Le bœuf souffla délicatement dans la flûte et il n'est pas du tout sûr qu'un ange l'ait aidé à obtenir des sons aussi purs. L'enfant se dressa un peu, de la tête et des épaules, sur sa couche, pour voir. Pourtant le flûtiste ne fut pas content du résultat." (pages 37-38 ). Très jolie nouvelle, un peu nostalgique. - L'inconnue de la Seine"«Je croyais qu'on restait au fond du fleuve, mais voilà que je remonte », pensait confusément cette noyée de dix-neuf ans qui avançait entre deux eaux. […] Elle allait sans savoir que sur son visage brillait un sourire tremblant mais plus résistant qu'un sourire de vivante, toujours à la merci de n'importe quoi. Atteindre la mer, ces trois mots lui tenaient maintenant compagnie dans le fleuve." (page 66 ) Elle parviendra à la mer, rencontrera la Grand Mouillé… - Les boiteux du ciel"Les Ombres des anciens habitants de la Terre se trouvaient réunis dans un large espace céleste ; elles marchaient dans l'air comme des vivants l'eussent fait sur terre." (page 85 ) Mais là-haut rien n'est matériel, et le poids, les choses, la musique jouée avec de vrais instruments, manquent aux gens qui vivent en simulant la vraie vie, l'existence des objets avec toutes les contraintes. - RaniL'histoire d'un Indien dont l'épreuve initiatique ne se passe mal… La moins bonne nouvelle du recueil. - La Jeune fille à la voix de violonTout est dans le titre. Il s'agit d'une jeune fille. "Un jour, comme elle tombait d'un arbre, le cri qu'elle poussa apparut dans toute son étrangeté : inhumain et musical. Elle surveilla désormais sa voix et crut y reconnaître, glissant sous les mots de tous les jours, des accents de violon et même un mi bémol ou un fa dièze, ou quelque autre impertinence…[…] Un garçon lui dit un jour : - Fais donc marcher ton violon ! - Je n'en ai pas. - Là, là, dit-il, en voulant fourrer sa main dans la bouche de l'enfant." (pages 119-120 ). Qu'elle est difficile, la vie, avec une telle voix… Que faire dans ces conditions ? - Les suites d'une courseHistoire loufoque d'un cavalier, et de la vengeance de son cheval… - La piste et la mareCette nouvelle se déroule en Amérique du Sud. Globalement un peu anecdotique, mais la chute est très bien. Jolies histoires, féerie poétique, souvent teintée d'une pointe de mélancolie. Un très, très beau recueil de contes. A noter qu'il existe une édition illustrée de la nouvelle L'Enfant de la haute mer. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Sam 5 Jan 2008 - 18:54 | |
| Le voleur d'enfants. Roman. 158 pages.1926.
A la sortie d'un grand magasin, le petit Antoine est séparé de sa bonne d'enfants. Perdu, il s'éloigne ; personne ne fait attention à lui, sauf un homme… "Antoine reste confiant. Ce Monsieur sent bon (Une discrète odeur de propreté à laquelle se mêle un parfum d'eau de Cologne.) Et il paraît digne, digne, infiniment étoilé de dignité, comme la nuit descendant sur la terre. Antoine sent qu'il va vers un seuil de ténèbres au-delà duquel il fait clair." (page 12 ). Cet homme, Philémon Bigua, un colonel d'Amérique du Sud, l'emmène chez lui. Il a déjà volé plusieurs enfants. Avec un tel prénom, il ne peut pas être mauvais. Mais que veut-il exactement ?
"Le mot volé donne à Antoine envie de se fâcher, mais les autres enfants ne l'emploient qu'avec une nuance de respect comme on dit noblesse chez les nobles, ou mes confrères de l'Académie chez les Académiciens." (page 16 ). Le petit Antoine a tout pour être heureux : des camarades de jeu, une jolie chambre, un beau lit… "Il s'endort dans des draps frais, mais son âme refuse encore de se coucher. Elle reste en marge du lit.Une heure après, elle le réveille, elle a peur d'être toute seule." (page 18 ).
Chez lui, sa mère s'inquiète, elle qui pourtant consacre si peu de temps à son fils unique. Elle est veuve ; on voit sur la cheminée une photographie de son mari. "C'est le portrait d'un mort : sourire qui n'est pas dupe, yeux soupçonneux, front figé. Partout où va la veuve dans la pièce, le défunt la suit de son froid regard de papier. Ce menton énergique n'a pas dû se séparer de la vie sans quelques difficultés. C'est le père de l'enfant, encadré dans son rôle d'observateur inutile, il émerge au-dessus de la terre des morts comme l'œil d'un périscope qui tient absolument à voir ce qui se passe à la surface." (page 32)
Antoine voudra-t-il revenir chez lui ?
On retrouvera le colonel Philémon Bigua dans Le Survivant (1928).
Très bon roman, pas scabreux. | |
| | | Miss Tics Posteur en quête
Messages : 92 Inscription le : 03/06/2007 Age : 50 Localisation : Bordeaux
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 8 Jan 2008 - 19:59 | |
| C'est un poète que j'apprécie beaucoup, simple et proche des sensibilités de chacun...
"II vous naît un ami, et voilà qu'il vous cherche II ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres Et loge dans son coeur d'étranges battements Qui lui viennent de jours qu'il n'aura pas vécus."
Le forçat innocent | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 9 Jan 2008 - 19:41 | |
| Voilà !
Et l'Oeuvre poétique se peut garder entre les bras attentifs d'une jolie reliure de la Pléiade.
Tandis que l'oeuvre en prose - mais poétique aussi bien - est mal traitée : deux livres en folio, et c'est tout pour le poche. Le reste est trouvable... en bibliothèques.
Peut-être qu'un jour, dans La Pléiade, l'oeuvre théâtrale, les nouvelles et romans... | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Dim 27 Jan 2008 - 15:40 | |
| - Le Survivant (1928). Roman. Gallimard. 222 pages. Ce roman est la suite directe du Voleur d'enfants. Curieusement, il n'est pas disponible chez folio... Il peut être déconseillé de lire ce qui suit si l'on n'a pas lu Le Voleur d'enfants. Le lecteur pouvait croire que Philémon Bigua avait réussi son suicide lorsqu'il l'a vu se jeter à l'océan, quelque part entre l'Europe et l'Amérique du Sud, et le bateau s'éloigner. Mais pas du tout ! Le premier lieutenant du bateau a remarqué que, là où se trouvait un passager un moment auparavant, il n'y a maintenant plus que le vide ! L'alerte est donnée... "Le bateau qui s'arrête en pleine mer, comme il ressemble à un long cercueil !" (page 15). Pendant ce temps, le colonel Philémon Bigua nage. - Citation :
- "Dans la mer plate, il avançait avec d'autant plus de sérénité qu'il était sans espoir. Ses forces diminuaient. [...] Bigua se retournait dans la mer comme il l'eût fait dans son lit.
- Mes frères les noyés, ne voulez-vous donc pas encore de moi ?"(pages 19-20). "Bigua nageait , ou il faisait la planche sans presque s'en rendre compte, puis se remettait à avancer dans l'eau tiède et nocturne qui reflétait le ciel. Et il déplaçait légèrement les étoiles." (page 21).
Bigua est repêché : - Citation :
- "On embarque à bord du canot une espèce de mannequin rigide, tout ruisselant d'Atlantique-Sud. Il avait fallu le tirer avec force en arrière. Bigua voulait nager toujours. Comme s'il venait d'être réenfanté à quarante-cinq ans, par la nuit et par la mer, il était là, maintenant, les bretelles flottantes, la bouche ouverte, les yeux fixes. On eût dit qu'il avait avalé sa conscience. La mort l'avait tourné et retourné, tâté dans tous les sens, ausculté, reniflé et truffé." (page 21-22).
A Montevideo, Philémon ses enfants adoptifs et sa pupille sont accueillis par des militaires, mais : - Citation :
- "Il n'aspirait qu'à être l'homme qui retourne dans son pays avec sa femme et ses enfants, après une longue absence. Un fils qui va embrasser sa mère. Au surplus, son pays était en paix, le mouvement anti-présidentiel ayant avorté en quelques jours.
L'officier qui s'était adressé à lui tout à l'heure, monta à cheval, l'air mécontent, et s'éloigna avec ses hommes, derrière une musique horriblement silencieuse. " (pages 36-37). Comment se passeront ses retrouvailles avec sa famille, après tout ce temps ? Comment évolueront les relations entre Bigua, Marcelle - sa pupille dont il est amoureux - , Joseph, qu'il avait chassé de chez lui mais qui est devenu marin, Antoine - le fils qui le comprend le mieux - et toute la famille ? Après son suicide, le colonel Bigua trouvera-t-il enfin la paix de l'âme ? Un bon roman, peut-être un petit cran en-dessous du Voleur d'enfants, dans le sens où il y a moins de nouveautés, mais un très beau roman quand même, qui apporte une vraie conclusion à l'histoire. | |
| | | Isidore Ducasse Envolée postale
Messages : 166 Inscription le : 17/08/2007 Age : 34
| Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 28 Jan 2008 - 18:42 | |
| J'ai lu l'enfant de la haute mer et le voleur d'enfant. Les nouvelles de l'enfant de la haute mer sont tellement jolies, surtout la première, qui porte le nom du receuil. C'est tellement humble, simple, mais joli, émouvant. Même chose pour le voleur d'enfant, c'était triste en plus, mais tout aussi beau | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 28 Jan 2008 - 19:42 | |
| Il y a des gens de bon goût, sur ce forum, ça fait plaisir ! Un "nouveau" Supervielle vient de (re)sortir : "Uruguay", disponible aux Editions des Equateurs (tout un programme !). La présentation de l'éditeur dit ceci : - Jules Supervielle a écrit:
- Je suis né à Montevideo, mais j'avais à peine huit mois que je partis un jour pour la France dans les bras de ma mère qui devait y mourir, la même semaine que mon père. Oui, tout cela, dans la même phrase. Une phrase, une journée. toute la vie, n'est-ce pas la même chose pour qui est né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort ? Mais je ne voudrais pas ici vous parler de la mort. Et je me dis : Uruguay, Uruguay de mon enfance et de mes retours successifs en Amérique, je ne veux ici m'inquiéter que de toi, dire, au gré de mes tremblants souvenirs, un peu de ce que je sais de ton beau triangle de terre, sur les bords du plus large fleuve, celui-là que Juan Diaz de Solis appelait Mer Douce. "
Je ne sais pas vous, mais moi ça me tente pas mal... | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 28 Jan 2008 - 20:12 | |
| A ma grande honte, je ne connais pas du tout Supervielle, mais voilà encore un nom que je note et que j'aurai plaisir à découvrir, grâce à vous qui m'avez rappelé son existence.... | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 25 Mar 2008 - 23:32 | |
| - L'Homme de la pampa (1923). Roman. L'Imaginaire. Gallimard. 188 pages. C'est le premier roman de Supervielle. - Citation :
- "Dans le wagon qui l'emportait vers le Nord, tête nue à la portière, il laissait le vent champêtre jouer sur son crâne où des cheveux en étroites averses et une calvitie ensoleillée faisaient le beau temps et la pluie.
Des impressions d'enfance lui parvenaient, par fraîches bouffées, en pleine figure. Ses premières années ne reposaient-elles pas aux vivaces frontières de sa mémoire dans un berceau gardé la nuit par la lune bleue des pampas et le jour par un couple de vanneaux aux cris si aigus qu'il les entendait encore ? Follement, son âme de cinquante ans plus agile que ses jambes s'ébattait au grand air. " (page 11). Le héros, Fernandez y Guanamiru, retourne dans le domaine familial après un court voyage : "Las Delicias qui montre toute l'année, tendu sur ses six plages, un ciel soulevé par le vent." (page 112). Chez Supervielle, le paysage n'est jamais loin du décor. Il a fait construire une immense bâtisse, créée un parc incroyable, surréaliste. Un Papou dégoûté de l'anthropophagie, deux indigènes des sources supérieures de l'Orénoque discutent salaire "avec un homme des bois uniquement vêtu de branches très sèches et à qui il était défendu de fumer" (page 34)... Des hommes composent "des cocktails avec les eaux de tous les grands fleuves du monde mises en barrique à la source. Ils y versaient quelques gouttes de pluie glacée au moment de servir et, pour colorer le tout sans que l'estomac en souffrît, donnaient aux consommateurs des lunettes à verres de couleurs cherry, champagne, absinthe, curaçao, black and white, rainbow." (page 35). Mais il s'ennuie un peu. "Un jour, comme il cherchait un livre dans sa bibliothèque, Les Volcans de Fuchs attirèrent ses deux mains tourmentées d'inconnu." (page 37). Il décide de construire un volcan. "Ce projet lui était arrivé la veille par la fenêtre qu'il avait eu la précaution de laisser grande ouverte ; il attendait un événement considérable. [...] « J'ai besoin d'un volcan pour être heureux et je veux pouvoir en jouir sans quitter ma propriété. [...] » " (page 38 ). Cela ne se passera pas comme prévu, et il décide d'aller en Europe. Avec son volcan. "La ville de Las Delicias venait d'être étouffée à l'horizon entre le lit de la mer et l'édredon d'un nuage d'où s'échappaient des mouettes. Longtemps, Guanamiru demeura accoudé au bastingage, les yeux fixés sur l'immense plaine maritime. À mesure qu'elles se déroulaient, il pensait créer ces vagues tant elles prolongeaient exactement autour de lui l'inépuisable houle de son âme." (page 75). Et le voici en Europe, où il fait des rencontres étonnantes, où il lui arrive nombre d'aventures extravagantes, surréalistes. "[...] alors qu'il hésitait sur ses deux pieds dont l'un pointait vers las Antilles et l'autre vers la mélancolie" (page 115), il rencontre une mystérieuse jeune femme, Line du Petit Jour, qui vient "de rentrer d'un double voyage autour du monde, de l'Est à l'Ouest dans les bras d'un poète haïtien, puis, en sens inverse, sur les genoux d'un poète scandinave." (page 119). Ce roman est un peu moins abouti que ses romans suivants, peut-être à cause de l'histoire surréaliste qui va parfois dans tous les sens. Mais il est tellement bien écrit, il y a tellement d'invention, de poésie et de loufoquerie que l'on pardonnera bien volontiers l'histoire parfois un peu lâche. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 1 Juil 2008 - 15:51 | |
| Uruguay - Citation :
- Présentation de l'éditeur
" Je suis né à Montevideo, mais j'avais à peine huit mois que je partis un jour pour la France dans les bras de ma mère qui devait y mourir, la même semaine que mon père. Oui, tout cela, dans la même phrase. Une phrase, une journée. toute la vie, n'est-ce pas la même chose pour qui est né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort ? Mais je ne voudrais pas ici vous parler de la mort. Et je me dis : Uruguay, Uruguay de mon enfance et de mes retours successifs en Amérique, je ne veux ici m'inquiéter que de toi, dire, au gré de mes tremblants souvenirs, un peu de ce que je sais de ton beau triangle de terre, sur les bords du plus large fleuve, celui-là que Juan Diaz de Solis appelait Mer Douce. " Non, je ne veux pas émigrer – mais tout comme eXPie – le texte de la couverture m’a tenté et puisque je voulais découvrir cet auteur – pourquoi pas avec ce livre? La petite-fille de Jules Supervielle, Marie-Laure de Folin, signe la préface et elle décrit quelques souvenirs et moments passés avec son grand-père, lors de sa rentrée de l’Uruguay pour terminer sa vie en France. Pendant les vacances d’été elle et son frère sont envoyés chez le grand-père pour lui tenir compagnie – bien qu’il travaillait à ses poèmes pendant la journée et ne voyait pas ses petits-enfants, il aimait bien avoir de la compagnie dans la maison. Chaque soir, Julio nous lisait le poème du jour et guettait nos réactions avec la plus vive acuité. Ses yeux, de ce bleu que j’ai dit, très pur, nous scrutaient avec une intensité nouvelle et inquiétante. Il lisait ses textes avec passion, sa main libre, celle qui ne tenait pas la page, balayait l’air pour soutenir le balancement du texte. Le vieux Julio devenait Merlin l’Enchanteur. Nous ne savions pas toujours ce que nous en pensions mais nous n’avions qu’un choix : l’admiration la plus exacte. Julio s’y attendait et s’en contentait. C’était même le moment où il nous regardait, nous voyait brièvement, nous aimait. La poésie. Comme pour d’autres la musique, la peinture. Mais la poésie. C’était le verbe. C’était fait de rien. Un stylo, un papier. Et il fallait apparemment toute une vie pour en venir à bout. Et quelle vie !Et une partie de cette vie, Jules Supervielle nous montre lui-même en nous emportant avec lui en Uruguay. On fait le tour de Montevideo avec lui, on part pour le weekend à l’Estancia, on traverse la pampa, on fait la connaissance de quelques gauchos, … Et tout ceci dans une écriture ‘poétique’ et très amoureuse.. il a adoré ce pays et cela se ressent sur chaque page. Un extrait qui m’a fait penser à Stéphane Audeguy et son livre « La théorie des nuages » Mais laissez-moi penser à d’autres bêtes, plus belles en Uruguay que partout ailleurs, et qui, elles, ne meurent pas. Vous les voyez seulement disparaître, et sans souffrance, sous vos yeux. Leurs formes sont instables, toujours inquiètes mais si douces à caresser, voudrais-je dire, si ce n’était là folie pure. Les nuages ! Et tels que seul peut en offrir un pays peu pluvieux, nuages lents, graves et bien constitués, formés avec le plus grand soin, orages splendides, composés avec un extraordinaire sens de l’effet, orages en plusieurs actes et qui guettent les applaudissements. Orages secs parfois, avec foudre et tonnerre. Pour le plaisir. Nuages aux mamelles somptueuses, au ventre stérile. Et il faudrait aller dans le midi de la France, du côté d’Avignon pour trouver une telle lumière à la fois infinie et méticuleuse, n’oubliant rien.Et comment pourrais-je ne pas adorer un écrivain qui connaît – et parle – de mon pays ? Même si c’est seulement pour parler de dimensions géographiques On m’enseigna que si l’Uruguay est le pays le moins grand de l’Amérique du Sud (à peu près le tiers de la France), le seul département de la Colonia est plus du double du Luxembourg, celui de Montevideo plus grand que la République d’Andorre tout entière, huit fois Saint-Marin et trente fois l’État de Monaco.Merci à eXPie pour ce fil et cette découverte.. je vais certainement continuer avec cet auteur!
Dernière édition par kenavo le Mar 1 Juil 2008 - 17:18, édité 2 fois | |
| | | HeronBlanc Espoir postal
Messages : 17 Inscription le : 05/06/2008 Age : 33 Localisation : Corrèze
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 1 Juil 2008 - 15:59 | |
| J'ai lu que Supervielle refusait le surréalisme dans son oeuvre poétique. Pourriez-vous en dire plus s'il vous plait ? | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 1 Juil 2008 - 17:03 | |
| - HeronBlanc a écrit:
- J'ai lu que Supervielle refusait le surréalisme dans son oeuvre poétique. Pourriez-vous en dire plus s'il vous plait ?
Je viens juste de terminer mon premier livre de lui (avec la préface de sa petite-fille un petit livre de 88 pages ). Je ne peux donc pas te répondre - en tout cas pas pour l'instant.. j'ai bien envie de continuer la lecture de cet écrivain | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 16 Juil 2008 - 12:03 | |
| Un poème de Guy Goffette intitulé Jules Supervielle:
I
S'il fait nuit noire et qu'on est en plein jour, ne vous retournez pas trop vite: un chat
mal retourné peut devenir lion surtout surtout s'il n'est pas vraiment gris.
Excusez-moi de parler de travers, mais l'important n'est pas en poésie
d'aller comme les horloges qui découpent le camembert du temps tranche par tranche
et se refusent à partager avec le premier traînard venu qu'un nuage
hyperbolique assied dans la merveille.
Non, l'important est de se laisser faire par ce qui passe et ne rien brusquer.
Tenez: le vent par exemple, suffit de lui ouvrir toutes grandes les poches
de votre paletot et puis, tant qu'à faire, le gilet tout entier, et la poitrine,
pourquoi pas? Que le coeur puisse enfin prendre le pouls de l'univers et battre battre
à l'unisson des herbes qu'on dit folles avec tous ces secrets derrière l'oreille
dont les vaches nos soeurs patientes font leur huile d'amour ainsi que les vierges
de l'Evangile- mystère où s'embourbe notre science désarmée: voici
le lait d'enfance avant la nuit totale, le grand semeur de moutons et d'étoiles
dans les jardins du rêve où nous avons fleuri, avant d'errer sur les chemins
de l'homme, hagards et gris commedes chats en plein jour, des lions de mélancolie
II
Mais laissons là ces considérations, laissons pleurer ses larmes au crocodile,
ses feuilles à l'arbre après la pâmoison d'été: l'important est toujours ailleurs,
entre une rose qui fait tapisserie au bal des éphémères et le clin d'oeil
de l'Eternel habillé en gaucho pour attraper son ombre à l'horizon
où chacun pour soi seul aux dés rejoue son bien, son carré de ciel et son nom
puis s'en revient jurant contre l'exil avec ce corps qui crie comme une pierre
dans la tunique du vent sans couture.
Il n'y a rien à dire et si la terre est ronde, si nous tournons ensemble avec
les eaux, les fleurs et tous les animaux, mieux vaut construire sur des mots de rien
et beaucoup de silence comme aux vitres la pluie son infini chez-soi sa
fable du monde
N'est-ce pas cela même, Jules, que vous me racontiez hier?
hier encore- et j'entends votre voix douce et qui surprend toujours chez un homme
aussi déployé (le goéland même a quelque chose à vos côtés d'un peu
comment dire? déplacé, comme une souris avec des ailes) tellement déployé, oui,
qu'il vous suffisait d'étendre les mains pour endormir la pampa dans la chambre,
et le bruit des chevaux, redevenir l'Ulysse montévidéen, vainqueur
à nouveau des sirènes entêtées qui remontaient Paris sous vos fenêtres
en criant Rio de la Plata Ô!
(dans Bureau des longitudes) | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 16 Juil 2008 - 19:47 | |
| L'enfant de la haute merQuoi dire de plus sur ces contes qu'eXPie n'a pas déjà fait? - eXPie a écrit:
- Jolies histoires, féerie poétique, souvent teintée d'une pointe de mélancolie.
Un très, très beau recueil de contes. Je suis d'accord avec son jugement et je viens de passer un très, très bon moment avec ce livre. Merci en tout cas encore une fois pour le fil de cet auteur! | |
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| Sujet: Re: Jules Supervielle | |
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| | | | Jules Supervielle | |
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