Jules Supervielle

Sujet: Re: Jules Supervielle Sam 17 Jan 2015 - 13:23

Une très bonne première rencontre que j'ai faite avec son bouquin "le voleur d'enfants". Je n'ai pas lu ses poésies, mais tes extraits me plaisent bien.

Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 19 Jan 2015 - 0:56

LE REGRET DE LA TERRE

Un jour, quand nous dirons : "c' était le temps du soleil,
Vous souvenez-vous, il éclairait la moindre ramille,
Et aussi bien la femme agée que la jeune fille étonnée,
Il savait donner leur couleur aux objets dès qu' il se posait
Il suivait le cheval coureur et s' arretait avec lui,
C' était le temps inoubliable où nous étions sur la Terre,
Où cela faisait du bruit de faire tomber quelque chose,
Nous regardions alentour avec nos yeux connaisseurs,
Nos oreilles comprenaient toutes les nuances de l' air
Et lorsque le pas de l' ami s' avançait nous le savions
Nous ramassions aussi bien une fleur qu' un caillou poli.
Le temps où nous ne pouvions attraper la fumée,
Ah ! c' est tout c' est tout ce qu nos mains sauraient saisir maintenant."

Le Livre d' or de la poésie française

Sujet: Re: Jules Supervielle Ven 23 Jan 2015 - 21:29

Le forçat innocent (1930)

Jules Supervielle - Page 4 Cvt_le10

Après les Gravitations considéré à juste titre comme son recueil poétique d’excellence, le recueil suivant publié par Jules Supervielle est celui du Forçat innocent.

Quelques charmants poèmes ne répondent toutefois pas à la question légitime suivante : était-il utile de publier ce nouveau recueil alors que le précédent constituait à la fois un chef d’œuvre et le point culminant d’un art poétique ? Au-delà de la réconciliation avec soi-même et avec l’univers, dans la transparence et la pureté littéraires les plus déliées, peut-on continuer à écrire des poèmes ? C’est une tentation qui fait prendre le risque de diminuer la puissance conclusive des poèmes des Gravitations.

Avec le Forçat innocent, Jules Supervielle reste fidèle à lui-même. Cinq ans après sa dernière publication poétique, cette ressemblance est problématique : Jules Supervielle a-t-il voulu s’imiter ou n’arrive-t-il plus à se renouveler ? Les poèmes de ce recueil abordent les thématiques et utilisent les images poétiques des Gravitations comme si Supervielle regrettait déjà de moins les reconnaître, et essayait malgré tout de se les réapproprier. Il faut peut-être lire les poèmes de ce recueil avant de découvrir ceux plus puissants des Gravitations.

Quelques beaux morceaux qui m'ont rappelé les meilleurs moments des Gravitations :

« Solitude au grand coeur encombré par des glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur?

Va-t'en, nous ne saurions rien faire l'un de l'autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment à les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts. »

« Il fait nuit dans la pièce où tremble un oreiller
Comme un voilier qui sent venir la haute mer,
Et je ne comprends pas si je suis l’équipage
Ou l’adieu d’un bras nu resté sur le rivage. »

« Ce chat que vous voyez sauter d’un bout à l’autre de l’avenue,
Prenez garde, prenez garde qu’il n’habite votre poitrine
Et ne soit en vérité que l’animal sanguinolent
Appelé cœur tapi en vous pour vous donner vie et tourment.
Courez à gauche, dépêchez-vous et puis à droite, oubliez-le.
Mais l’important –pleurez, pleurez,- c’est que lui aussi vous oublie. »

Jules Supervielle - Page 4 Downlo10

J'ai l'impression que Jules Supervielle a beaucoup réfléchi au langage dans la poésie (et peut-être rejoint-il en partie les réflexions de Heidegger ?) Quelques exemples...

« Hier encore j’eusse dit : « Mes mains »
Et aussi : « Mes jours et mes nuits ».
Aujourd’hui je ne sais que dire,
Tous les mots sont restés au loin,
Saisis par leur propre délire. »

« Heureux celui qui peut dire : « Voici de l’herbe ».
« Regardez ce cheval buvant à la rivière »
Ou bien : « Paul » ou « Robert » ou bien « Marie » ou « Jeanne ».
Mais c’est un autre nom celui qu’en moi j’étrangle
Si mal, avec des mains qui sauraient mieux aimer. »

*estampes de Hokusai

Sujet: Re: Jules Supervielle Ven 23 Jan 2015 - 22:09

colimasson a écrit:: « Va-t'en, nous ne saurions rien faire l'un de l'autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment à les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts. »

Ce morceau là.

Sujet: Re: Jules Supervielle Sam 24 Jan 2015 - 14:06

colimasson a écrit:: « Solitude au grand coeur encombré par des glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur?

Et bien j'aime la poésie de Supervielle. Et moi c'est ce passage qui m'a plu le plus.

Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 26 Jan 2015 - 21:16

Oui, oui, sa poésie est très émouvante. Je me rends compte que mon dernier commentaire était un peu dur, mais il faut le prendre relativement au grand plaisir qu'avait suscité le recueil des Gravitations. Moins bon que de l'excellent, ça reste quand même louable.

» Jules Verne
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» Jules et Marcel- (J.P Bernard)