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| Reflexion sur la poésie | |
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elena Posteur en quête
Messages : 81 Inscription le : 28/07/2008
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Sam 27 Sep 2008 - 10:56 | |
| AUJOURD'HUI ? – Les slogans radicaux « Tous poètes » « Tout est art », tous mots d'ordre et procédés des années 1920 sont passés dans les têtes - encore actifs, au moins sous-jacents – relayés par la Sorbonne, les derniers survivants, puis tout l'enseignement - dès le primaire, - et inscrits et présents dans la mémoire collective. ILS SONT DEVENUS LA NORME. « J'ai envie de dire que, quand tu ris, tu es poète » (Jacques Roubaud). AUJOURD'HUI toujours - Décloisonnement culturel : un rimeur, un chanteur de variétés, un professeur au Collège de France mais aussi bien un réalisateur de cinéma, un mime…, peuvent être également considérés comme poètes (Racine, Serge Gainsbourg, Yves Bonnefoy, Charlie Chaplin, Ronsard, Marcel Marceau…) (Petite note traversière : « Poète » reçoit encore d'autres sens dans l'opinion courante - non forcément « cultivée » - comme ceci : C'est un poète (= il est fantasque, lunatique, bohème) ! ou encore : C'est un poète (= un intello ennuyeux) !!!) NB. Idée conséquente : En 2008 toujours nous considérons - du moins nous autres gens « cultivés » - a priori sans doute, mais légitimement - qu'une personne pratiquant une forme d'écriture rigoureuse appuyée et dégagée de modèles donnés par des poètes « classiques » (ces derniers toutefois encore au programme de l'enseignement littéraire) sera moins aisément admise en tant que « poète »… →ʘ Mais cette observation de Paul Valéry reste d'actualité : →ʘ « La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie » (Tel quel, 1941). AUJOURD'HUI la poésie (mais aussi bien les autres arts, musique, peinture, sculpture…) peut être tout ce que l'on veut. (Désolée je t'aide pas beaucoup mais c'est comme ça) 2 - DEFINITION DU VOYANT1871, Rimbaud définit le voyant : « Poète qui voit ce qui est inconnu aux autres » L'attachement de l'idée de poésie - aux domaines non scientifiquement répertoriés, - aux choses vagues, aux abstractions métaphysiques, - à la prospection théorique, - à la narration de visions délirantes ou à leur transposition dans certaine incohérence ou modification de cohérence verbale (l'écrivain censé être en proie aux spectres de son expérience au moment où il la relate, ou censé la restituer) cet attachement accepté de l'idée poétique prédispose à relier cet art aux ouvertures sur des formes de domaines métapsychologiques. [Métapsychique ou partie de la métapsychique. La métapsychologie concerne la clairvoyance,- mais aussi la télépathie, et la « prosopopèse », ou « changement brusque, spontané ou provoqué, de la personnalité psychologique »] → (JB ! Est-ce que ce n'est pas en rapport avec ton « clinamen » ?) VOYANT (Dictionnaire) : xiiie s. voiant « celui qui prédit l'avenir ; prophète » 1837 « personne douée de seconde vue » (Balzac, C. Birotteau) 1842 « nom donné aux gnostiques et autres sectaires qui prétendent avoir des connaissances surnaturelles » « qui fait métier de lire passé et avenir » 3 – POETE - VOYANT (Addition) résultat-test positif ou négatif ? « Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. » Rimbaud, Lettre à Demeny Rimbaud condamne presque tout ce que l'art poétique a produit avant lui. Ce n'est qu'un « jeu d'oisif », ou « de la prose rimée ». Il excepte les Grecs chez qui « vers et lyres rythment l'action ». Il rêve d'une poésie future qui celle-là sera « en avant », œuvre, acte d'un poète parvenu à l'état de voyant par ce « long dérèglement de tous les sens » Le programme de Rimbaud est des plus virulents. Il tente toute jeunesse – tant soit peu révoltée – d'y souscrire sans réserve. Il nous tente également de le prendre, lui, le programme, … pour l'œuvre même – sa tonitruance étourdissante incitant à confondre le projet et son accomplissement. Mais observons que de toujours, avant Rimbaud comme après lui, les poètes ont proposé des explications ou des programmes concernant la fonction « exploratrice » ou « investigatrice du monde » qu'ils assignent à leur art : →ʘVictor Hugo : « Au reste, le domaine de la poésie est illimité. Sous le monde réel, il existe un monde idéal, qui se montre resplendissant à l'œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses. » (préface des Odes - 1822) Jean Cocteau : « Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. » (Le Secret professionnel) A Paris, des lettres d'or inscrites sur le fronton du Trocadéro portent une idée semblable à celle de Cocteau : « Choses rares ou choses belles – Ici savamment assemblées – Instruisent l'œil à regarder – Comme jamais encore vues – Toutes choses qui sont au monde » Paul Valéry, 1937. Mais la richesse est là dans le musée visible, tangible… Quid d'un poème enfermé dans un livre ? Quid de la lumière révélatrice appelée par Cocteau ? Par quoi, quels actes, quelles œuvres, quelles mises en jeu réelles, risquées, périlleuses ( ?!) les poètes concrétisent-ils (croient-ils concrétiser) leurs ambitions ? →ʘVERS ET LYRES RYTHMENT L'ACTION ??? (Rimbaud) CRITIQUE : «Les Illuminations de Rimbaud (…) Il est vrai qu'emprunté à l'anglais, le titre renvoie aux « painting plates » ou « colored plates », - en français : gravures colorées… Nullement à l'extase de quelque éblouissement.
L'idée de surface, de trace, de couleur appelle davantage l'imagination littéraire que les structures mentales vouées à la spatialité et à la résonance. Nul travail sur le bruit dont les mots se composent…
Plus encore : l'abondance lexicale qui alourdit ces textes, favorise l'inconscience des propriétés physiques de la parole, corollaire de son usage courant. De nombreux adjectifs, de très nombreux articles (déterminants dont le français pullule), scories de la prose, trahissent la faiblesse du travail syntaxique et dissolvent l'énergie poétique attendue. » Louis Latourre Les Dessous du langage Société Française des Etudes Byroniennes, Vol.IV n°2 (2008) C'est pas gentil. Voici comment Mme de Staël exprime en 1810 son désir poétique : →ʘ « La poésie doit être le miroir terrestre de la Divinité, et réfléchir, par les couleurs, les sons et les rythmes, toutes les beautés de l'univers.» De l'AllemagneLes couleurs, les sons et les rythmes… ? Voici l'ébauche de la fameuse synesthésie baudelairienne : « Les couleurs, les parfums et les sons se répondent »… Mais dans ce vers où il le décrit, Baudelaire fait-il ce qu'il dit éprouver ? Tous les poètes n'ont pas l'énergie de prouver ce qu'ils disent en acte. De ses diphtongues c'est vrai, Racine fait une langue plus charnellement pesante : Va, dis-je ; et sans vouloir te charger d'autres soins, Vois si je puis bientôt lui parler sans témoins. (Bérénice) Des nasales, Corneille tente une approche au plus près du souffle détimbré (telle une expiration) : Il est teint de mon sang. /Plonge le dans le mien, Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien. (Le Cid) Des mêmes nasales dominées de graves, Valéry descend vers la nuit : L'amour la plus profonde Vient et revient entre mon âme et l'onde Dont le miroir divin m'offre le pur retour De mes charmes vers l'ombre où songe mon amour. (Cantate du Narcisse) OBSERVATION : Les poètes (certains poètes on le voit) ne nomment pas les couleurs pour colorer leurs vers (« a noir e blanc i rouge... ») Pas davantage ils n'usent de mots exotiques ou clinquants (« Nabuchodonosor », « glaïeul », « purpurine » « machine à coudre »…) pour remplir le poème. Mais dans un champ lexical restreint et choisi, portant leur effort sur la recherche de combinaisons syntaxiques sans cesse renouvelées dans l'unité du thème (heureux écarts inclus), ils dissolvent l'écorce des mots simples par le travail portant sur l'agencement de leurs phonèmes… Pour les faire entrer dans la fusion d'une cohérence nouvelle d'une surprise durable. Pour paraphraser la sentence du Trocadéro, et encore pour confirmer Cocteau : ces poètes voudraient nous faire entendre comme jamais encore entendue notre langue natale, par le fruit d'un travail poétique portant sur des éléments phonétiques le plus étrangers à toute idée de traduction dans une langue particulière. Dès lors la voyance du poète ne consisterait pas à nous amener à contempler des chimères,- productions cérébrales aléatoires - mais à nous rendre plus précieux, plus intense et plus aigu l'acte même de voir – à travers la couleur et le son des paroles. (Ça se fait à 2 !) « Qu'est-ce donc que ces visions prodigieuses que sollicitent les ascètes, auprès du prodige qui est de voir quoi que ce soit ? » (Paul Valéry, Mon Faust – 1944) (Cette question de Valéry traduit une idée de la « poésie pure », celle dont le sujet premier est l'énergie expressive radicale.) PAR AILLEURS ET ENFIN : Dans nombre de cultures de toute époque POESIE et MUSIQUE ont été et sont encore INDISSOLUBLEMENT LIEES ( VRAIMENT IMPORTANT JB ! Ce lien concerne exactement la question «en quoi le poète est-il ou non voyant») – le lien poésie et musique touche la voyance, en ceci que l'état psycho-physiologique du chanteur ou de l'auditeur de « poésie-musique-art-faisant-corps » est un état de conscience du langage modifié – par extension du domaine de la parole, à des aires cérébrales autres que celles du langage courant et de la lecture…) " La voix humaine, (je cite Maspéro dans ses Etudes de mythologie et d'archéologie égyptiennes), la voix humaine est l'instrument magique par excellence, celui sans lequel les opérations les plus hautes de l'art ne sauraient réussir. Chacune de ses émissions porte dans le domaine des invisibles, et y met en jeu des forces multiples dont le vulgaire ne soupçonne ni les actions multiples ni même l'existence. Sans doute le texte d'une évocation, la séquence des mots dont elle est composée, a sa valeur réelle : pour devenir efficace, la conjuration doit s'accompagner d'un chant, être une incantation, un carmen. Quand on la déclame avec la mélopée sacramentelle, sans en modifier une modulation, elle produit nécessairement ses effets : une fausse note, une erreur de mesure, l'interversion de deux sons dont elle se compose, et elle s'annule" « La « magie » poétique, cette magie sonore autant que signifiante, l'idée vient - peut venir par là-même - de la sortir un peu de l'univers des Lettres, du discours de l'Histoire, de tout ce qui (ingénieux ou naïf) n'est pas strictement elle, pour en objectiver les facultés concrètes, mesurables, - et si possible dégagées des jugements de nos ethnocentrismes et apriorismes culturels. » L. Latourre Les Dessous du langage « Utilité de l'art : celle d'une exploration, celle d'un élargissement de l'univers des sensations humaines. ». c'est tout pour aujourd'hui ! un peu trop scolaire ok mais bon tâche de décrocher un … 14/20 ! - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - j'ajoute en récompense (ou punition) si vous avez réussi à lire tout ça, qu’il m’étonne que l’on entende et lise assez souvent des choses convenues à propos de la technique, de ce qui n’est que technique, ou bien : « s’il n’y a que la technique, alors… » La séparation technique-émotion est curieuse et cruelle. Ça aussi c’est à creuser. La technique c’est tout l’homme affirme Stravinsky, dont je ne vois pas que les œuvres soient moins émouvantes. Qu’un artiste exprime intimement intensément tout ce qu’il peut de lui-même, qu’il offre à autrui tout ce qu’un homme peut mettre de soi et de sa passion dans son art, on ne voit pas que le métier dont témoigne son travail soit autre chose qu’une conquête difficile… Ce qu’il sent si violemment en lui s’augmente de la violence qu’il se fait à soi, pour l’exprimer infiniment. Mais les slogans surréalistes sont toujours dans les têtes comme dit la prof - (Ils étaient peut-être intéressés… Plusieurs maîtres à penser tenaient à leur position dominante dans le temple littéraire de l’époque, que les réussites d’un acharné comme Valéry par exemple gênaient beaucoup… - La stratégie des amis de Breton visait à discréditer le travail inlassable , l’inlassable recherche du mieux-dire (la technique n’est rien d’autre) en séparant la recherche de perfection formelle de la puissance et de l'énergie intime de l'expression. "Il peut sembler étrange (et l'on s'étonne parfois) de voir un poète vivant demander à la forme versifiée les chemins d'une expression nouvelle. On invoque le grand poids des contraintes du nombre ou de la rime, de la rigueur formelle, de tout l'appareil désuet de l'ancienne poésie que le XXe siècle a voulu dépoussiérer. Mais si l'on fonde son observation sur une histoire littéraire plus large, on s'aperçoit que le premier soin des poètes de tout temps a été d'affranchir leur art des règles en vigueur - non pas en les fuyant, sans doute - mais en les dominant, en les recréant ; en les fécondant chacun pour son usage. Un vers de La Fontaine appartient à lui seul." Vers un théâtre d’artle travail mène à la richesse Pauvres poètes, travaillons La chenille en peinant sans cesse Devient le riche papillon (Apollinaire, - mais dommage quand même : en bossant un peu ou beaucoup plus il aurait pu trouver une rime avec "s" pour papillon(s) et « travaillons »...) PS. Coline te rends-tu compte - mais oui sûrement – que tu es géniale ??? « Le poète fait ce qui lui chante » , je le dis à Louis il trouve ça « merveilleux » ! | |
| | | sousmarin Zen littéraire
Messages : 3021 Inscription le : 31/01/2007 Localisation : Sarthe
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Sam 27 Sep 2008 - 12:00 | |
| Il est clair que la technique n’est pas l’ennemie de l’émotion ; bien employée, elle en est même le guide. Suivre une technique oblige l’artiste à préciser sa pensée, à la clarifier tout en jouant avec les images culturelles, avec les multiples significations des mots, avec leurs sons…et puis rien ne l’empêche de s’affranchir des règles…il faut parfois poser des limites, rien que pour le plaisir de les enfreindre…la technique est un chemin dans les méandres de nos imaginaires ; chemin dont on peut s’affranchir mais qui, dans tous les cas, facilite la communication. Je ne crois pas à l’art pour soi-même…l’artiste a besoin de communiquer même, et peut être surtout, s’il ne nie. La poésie est tout ce qu’on veut ? Je dirais plutôt : « La poésie est tout ce que le lecteur veut ». Pour contrecarrer les surréalistes, je dirais que la technique ne bride pas la pensée, elle l’organise…après, il faut savoir si l’on veut vraiment être compris, y compris par soi-même… Le poète fait ce qui lui chante, Pour nous dire ce qui le hante, Mais son talent à l’exprimer, Sans forme ne sera primé.
Dernière édition par sousmarin le Sam 27 Sep 2008 - 14:53, édité 1 fois | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Sam 27 Sep 2008 - 13:10 | |
| Je me demande s'il n'est pas plusieurs sortes de poésie et plusieurs chemins qui y mènent. Concernant la technique, je pense qu'un des chemins est de l'avoir étudiée , réfléchie, disséquée et de l'oublier( je veux dire dans le conscient) au moment de l'acte créatif. L'émotion empruntera alors quasi naturellement ce chemin, l'une se renforçant par l'autre . Si on garde les règles trop présentes à l'esprit, comme passage obligé ou contrainte, ne risque -t-on pas d'aboutir à un texte intellectualisé, de beauté froide , qui aura perdu en force d'émotion ? | |
| | | mimi Sage de la littérature
Messages : 2032 Inscription le : 19/07/2007 Localisation : Auvergne
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Sam 27 Sep 2008 - 13:43 | |
| Coline dit : La poésie ce n'est pas une simple joliesse des mots et de ce qu'ils évoquent...Baudelaire écrit un poème sur Une charogne...
Il m'était venue une phrase, un jour : "la poésie sert à exprimer l'inexprimable."
Quelques réflexions :
Tout le travail du poète tend à retranscrire cet inexprimable, à lui donner forme ou substance.
Mais l'inexprimable au bout du compte ne conduit-il pas à l'épuration totale des mots et du langage ? Est-ce une recherche d'absolu ? A tel point que même les mots encombrent et que le poème s'ouvre ou se ferme à l'imaginaire de l'autre et ne peut garder son sens réel que pour l'écrivain ? Est-il sensé d'attendre qu'un poème ait du sens ?
Je suis donc en partie d'accord avec ce que dit Soumarin :
Je crois qu’en poésie, ou en Art d’une manière générale, on ne doit jamais répondre aux attentes du public…ce qui ne veut pas dire, comme le croit certains, que l’on doit être incompréhensible ou même simplement abscons. Il faut « simplement » donner de quoi nourrir l’imaginaire du lecteur.
Sauf que si le poème reste abscon, j'ajouterai... qu'importe... et qu'importe la forme si le poète a réussi à exprimer son inexprimable. Qu'importe s'il n'a pas de raisonnance extérieure ou de retour... Sauf que, le poète, dans ce cas, serait condamné à sa solitude. Est-ce le but de la poésie que d'être condamnée à la solitude ? Et la poésie a-t-elle un but ?
Son but principal est-il de communiquer ou d'exprimer ? C'est au poète de le dire. Mais ce qui compte pour le poète, n'est-ce pas d'entrer en poésie ? n'est-ce pas d'être en poésie ou d'être à la recherche de cet "être" ? Et si le prix de cette recherche "d'être" est la solitude, est-ce grave ? Le poète a-t-il un but ? Et son but est-il de communiquer et de toucher l'autre ou de lui transmettre un message ou un état ? Ben, ça dépend du poète, en fait.
Car qui est ce poète qui se joue des codes, des formes et des mots et utilise tous les outils en sa possession pour mieux les sublimer et les transgresser. La vraie question, n'est-elle pas : qui est le poète ? Celui qui touche et ne fait que passer ? Celui qui brûle ou glace au passage ? Mais qui transmet alors un virus incontrôlable.
La poésie n'est-elle pas avant tout transgression ? | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Sam 27 Sep 2008 - 21:44 | |
| - elena a écrit:
- AUJOURD'HUI ? – Les slogans radicaux « Tous poètes » « Tout →ʘ Mais cette observation de Paul Valéry reste d'actualité :
→ʘ « La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie » (Tel quel, 1941).
AUJOURD'HUI la poésie (mais aussi bien les autres arts, musique, peinture, sculpture…) peut être tout ce que l'on veut. (Désolée je t'aide pas beaucoup mais c'est comme ça)
Il y a déjà eu une discussion sans fin sur l'Art...Qu'est-ce que l'Art?... J'aime bien éléna que tu aies cité les "grands" parlant de leur Art...Car la poésie est un Art, le poète crée...il crée artistiquement...une oeuvre originale...qui est sa marque...et qu'il tient, perfectionne, fait évoluer sur la durée d'accomplissement d'un oeuvre ...avec cohérence!... Nous aurons tous sans doute des points de vue différents... Moi, ce qui me gêne c'est quand les rimailleurs de tous poils se disent "poètes" simplement parce qu'ils savent écrire une rime... Mais je l'ai déjà dit cinquante fois... ...Je dois même en agacer quelques uns avec ça... C'est parce que j'aime trop la Poésie pour accepter de bon gré que ce mot soit galvaudé... Le poète a une pensée poétique en dehors de ses poèmes... Ainsi, je lisais tout à l'heure un entretien de Luis Mizon ...Il y évoque son exil du Chili, le voyage sur le bateau qui l'emmène et au milieu de la conversation (à bâtons rompus) il dit: " Il y avait autour de nous la mer, des étendues de mers et de vagues. La grande usine à nettoyer le ciel et l'âme travaillait jour et nuit en silence. Les événements étaient les nuages, les poissons, les couchers de soleil..." | |
| | | elena Posteur en quête
Messages : 81 Inscription le : 28/07/2008
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Lun 29 Sep 2008 - 6:21 | |
| quel plaisir que ce sujet soit si sensible – ses échos infinis La poésie ce n'est pas une simple joliesse des mots et de ce qu'ils évoquent...Baudelaire écrit un poème sur Une charogne... (Coline) Oui oui, et surtout en écrivant : "Le laid peut être beau, le joli jamais !" Baudelaire guerroie d'abord contre certain goût confortable de certaine bourgeoisie de son temps... Le mot ou le jugement de "joli" venait couramment aux lèvres de ce public choisi 1850, c'en était presque un réflexe. 50 ans plus tard Debussy lui, devenait fou lorsqu'il entendait dire qu'un paysage était "poétique" ou "pittoresque" ! Aujourd'hui ? on entend dire assez facilement d'un texte qu'il est "fort". Les expressions changent, mais le confort des juges "bien calés dans leurs pantoufles" (Messiaen) est toujours celui que les artistes doivent secouer pour se faire jour. Joli, poétique, fort… Les artistes sont gens très sensibles, leur travail visant en outre (le plus souvent) la sensibilité de leurs semblables, ils ont peine à se dégager de l’importance qu’ils donnent à l’évaluation de leur travail par autrui alors comme Baudelaire Debussy ou Messiaen ils se fâchent !
La poésie n'est-elle pas avant tout transgression ? propose pertinemment mimi. Transgression de ce qu’il est convenu d’admettre, c’est une conséquence de la volonté d’exploration, élargissement de l’univers des sensations humaines. Ca peut pas plaire à tout le monde. On peut dire cette volonté aussi naïve que l’on voudra.
monilet : Si on garde les règles trop présentes à l'esprit, comme passage obligé ou contrainte, ne risque -t-on pas d'aboutir à un texte intellectualisé, de beauté froide , qui aura perdu en force d'émotion ? Du peu que j’ai pu comprendre et constater la technique (pas au sens b.a.-ba des règles ; leur connaissance parfaite est la moindre des choses, je parle de la technique perso qui en est la transcendance) la technique donc est toujours une conquête patiente. Racine et Corneille écrivent des alexandrins 1) évidemment corrects selon les règles, mais 2) éminemment différemment l’un de l’autre… C’est à ÇA que je pense quand je parle "technique" ! Ce qui donne a chacun ses couleurs, son domaine. Alors oui « Un artiste fait des œuvres dont on pourra dire par là qu’elles lui ressemblent. je dirais que la technique ne bride pas la pensée, elle l’organise…après, il faut savoir si l’on veut vraiment être compris, y compris par soi-même… » hihihi sousmarin je te rejoins donc jusqu’à cette horrible profondeur où la pression fait craquer la coque : Et les artistes incompris alors ? Ceux dont les valeurs, les lois, l’éloge des œuvres sera sur toutes les lèvres… 50 ans après leur mort ??? Ou même pire !!! 51 ans après leur mort (Digression : Je me demande parfois quel type d'oeuvre aujourd'hui, pourrait bien proposer quel type d'artiste, qui pourrait choquer affreusement le confort intellectuel 2008 avant de faire cent ans plus tard l'unanimité... ? Mais je crois que ces vieilles histoires d'artistes totalement incompris sont des constructions rétrospectives. La gloire, disait Debussy, c'est d'être inconnu de 30 millions de Français - chiffre de l'époque - et détesté par 12 confrères)
La poésie couvre d’un même nom tant de choses – rien qu’en Occident. Le lexique poétique ?... est sans borne ! depuis la Bible aux passages vraiment effrayants, via… Corneille qui parle des morts d’un champ de bataille Dont les troncs pourrissants exhalent dans les vents De quoi faire la guerre au reste des vivants (ne trouves-tu pas comme moi Coline que même ces mots, tous les mots sont jolis – de fait, la joliesse – tant pis si ce mot est mal vu (*) - est celle de la force de leur agencement) jusqu’aux mots contemporains des poètes les plus reconnus :
Christian Prigent
Grand-mère Quéquette “J’écoute Grand-mère, je re-crains à mort. Je crains qu’on me gave, à cause de lenteurs limite volontaires à sortir d’enfance et obstination en format minable question centimètres, d’hormones de croissance trouvées à Prisu avec du venin dedans de bêtes morte. Je crains j’ai lu ça en douce en dico d’épouvantement scientifiquement de finir pour ça poupée ramollo chiffon sur un matelas top avec des poulies et que croqueville ma main sur du rien et que peu à peu ma couenne vire au bleu ou au violet moche et que mon parfum fasse fuir même le chien et que ma paupière jamais plus ne ferme malgré les collyres pour que je voie moi en délabrement sans digression et qu’on prenne mes fesses pour tartine de miel sans succès notable contre les pluches de peau en pus et que chaque jour de plus en plus vite soit un jour de moins. Je ne confie rien de ça à Grand-mère, je sais qu'elle dira que j'exagère ou que je noircis en anticipé sur du core pas sûr voire des fantaisies de futurologie. Qui vivra verra, Grand-mère sans doute pas. Mais moi qu’ai du champ, ou frère ou copain classe 45 et des environs, ça nous pend sûrement pas loin sur après. Et question menus et gastronomie, si plus droit à rien en vision de loin de tout qui fut bon par où ça passa, du gros pain pourrit et du grain se moud dans les officines d’intranquilité. Car on va manger quoi bientôt désormais jusqu’à dorénavant ? Du serpent piteux ? Du sautillé de kangourou ? Du merlan d’autruche ? De la matelote de pelotes de chat ? De la gamète de bouc en conflote ? Des boulettes de rats au sperme de chameau greffé sur le dos ? Des séquences de gras de génome en croûte ? Du sang de navet bio, cher, avec la terre ? Du sac de cadavré d’humanidé lyophilisé ? Des petites pilules d’os recomposé ? Du code-barre en barres ? Des gélules d’enzymes de chenille à la vanille ? Du sel de nitrate en crottes en cachous ou en berlingots ? Du cactus d’élevage ? Du label d’épis de barbe de zootie suivie en fichier par la Faculté ? Des galettes de truc en tout sauf de blé ? Des crêpes de farine de chien ? Des crêpes de ça le matin ? Des crêpes à midi de sucre de cleps ? Des crêpes de tapioca de caca d’cabot au goûter avec du sirop pur reconstitué au chlore d’H2O ? Des crêpes de poudre d’extrait de quéquette de bête à l’eau de Javel pour le petit souper érotisé dans le salon particulier avec des yeux d’hareng pasteurisé dedans pour tartiner les décolletés ? Ou du pain de merde de même farine en miches ou couronnes, ou bretzel ou pogne, ficelle ou baguette mais toujours en merde ? Voilà des questions- mais nul ne répond, le ciel obstine sourd et grand-mère pareil et je reste seul avec comme amis l’avant qui me fuit, l’ici qui me cuit et l’endemain qui sent fort le roussi.”
Ou encore, de Jean-Michel Espitallier :
15 bombinettes, 3 mixeurs Vickers, 8 pervenches au soleil, 16 moustaches, 200 fusions, 2 cannonières, 5 pitbulls, fusibles éclairants, 148 poils et 200 baisers. (Oulipo -règle utilisée : S+7 substituez à chaque substantif le 7ème qui suit dans le dictionnaire - Petit stock d'armes pour livre de guerres (**)
... Remake Oulipotentialisé de l'inventaire de Prévert non ?
Au passage : Je n’ai pas trouvé de lieu dans ce forum où l’on évoque le travail de l’OuLiPo qui est marrant. Ses recherches passent plus par la dimension logique discursive que par l’émotion – textes fondés sur les jeux de mots, limitations et contraintes extérieures arbitraires, gageures, calculs… On a pu dire que ça tenait plus du sudoku que de l’art (?) - après tout le sudoku peut être un art, et Georges Perec était un maître-fabricant ès mots croisés… Voici deux exemples oulipiens de L. Latourre assez amusants je trouve :
Montmartre
« Trinque avec moi, mon gars, me dit Vincent Scotto : « Tu n’aurais point, crois-moi, de vin sans ce côteau. »
V-e-n-i-s-e
« V-e-n-i-s-e… Que nos âmes sont vaines… « Et combien met Venise, au-dessus de nos vies, « Son miroir où sans fin la mer s’ouvre les v e i n e s, « Et se donne, mouvante, à nos moindres e n v i e s. »
mimi : « Il m'était venu une phrase, un jour : "la poésie sert à exprimer l'inexprimable." Quelques réflexions : Tout le travail du poète tend à retranscrire cet inexprimable, à lui donner forme ou substance. Mais l'inexprimable au bout du compte ne conduit-il pas à l'épuration totale des mots et du langage ? »
Cela est si insondable, mimi. Tu définis le chemin de toute une vie de poète – serait-ce le tien ?
(*) J’ai vu sur une partition d’Olivier Messiaen au-dessus de 3 mesures d’un bref chant d’oiseau : joli, poétique. Il va s’attirer les foudres posthumes de Baudelaire et de Debussy (**) J.M. Espitallier est aussi l’auteur d’une Fantaisie bouchère : Blutblutblutblutblutblutblutblutblutblutblutblutblut… (etc. je vais pas tout copier ! Héritier d’Isou, mais poussant un peu plus loin le bouch…ER !) | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Lun 29 Sep 2008 - 7:19 | |
| "...je parle de la technique perso qui en est la transcendance) la technique donc est toujours une conquête patiente. "
Cette technique-là, est-elle pleinement consciente dans l'acte créatif ou se constitue-telle au fil du temps pour s'imposer sous la pression du besoin lorsqu'un besoin d'expression artistique surgit ? Les deux peut-être : une part de jaillissement plus une part "d'amelioration" mobilisant le savoir-faire du subconscient . Je m'interroge. | |
| | | sousmarin Zen littéraire
Messages : 3021 Inscription le : 31/01/2007 Localisation : Sarthe
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Lun 29 Sep 2008 - 11:03 | |
| Pour être compris - pour cela il faut dire des choses acceptables, socialement parlant - il faut d’abord être visible…dans la limite de l’acceptable, l’art peut être transgression mais ne l’est pas obligatoirement et la provocation, comme la joliesse, ne fait pas l’art…ces 2 ingrédients servent plus la visibilité que l’artistique…
L’art est comme la cuisine, les ingrédients et la technique du cuisinier sont certes importants mais les plus « grands » cuisiniers sont souvent les plus visibles…même rétrospectivement…
La technique est intrinsèquement liée à l’art « humain » ; concernant l’écriture, la langue même est technique. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Lun 29 Sep 2008 - 12:08 | |
| Je veux vite dire merci à elena pour la manière dont elle guide en "maîtresse" cette discussion sur la poésie... Je reviendrai sur ce fil mais il me faut un peu de temps...Je n'en ai guère aujourd'hui... | |
| | | mimi Sage de la littérature
Messages : 2032 Inscription le : 19/07/2007 Localisation : Auvergne
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Mer 1 Oct 2008 - 0:23 | |
| eh bien, en fait, Elena, cette phrase m'était venue à 15 ans. Depuis mon mon chemin de poète a été bien court et mes expériences liliputiennes. La poésie me touche, si c'est cela être poète, je suis poète. J'aime écrire de temps en temps mais à l'instinct, c'est-à-dire sans technique. La technique m'ennuie. J'ai parcouru une interview de Isou que tu as cité, bonjour ! Il était question de surenchère technique. C'est sans doute intéressant mais ça me dépasse et de loin. Mon expérience reste du domaine de l'amusement. J'ai essayé d'aller au-delà un jour, et je n'en suis toujours pas revenue. Il m'en ait resté une furieuse tendance à "épurer", du genre "et s'il n'en reste qu'un, ce sera celui-là". Si c'était le bon, encore ! Mais va savoir ! Quand à livrer celui qui reste, il vaut mieux que je vous l'épargne, sans rire. Avec tout ça, c'est toujours moi la 1ère surprise ! Solitude du poète. Un seul mot, c'est absolument inacceptable, socialement parlant, j'entends. Et si j'écrivais un mot invisible ? Serait-il compris ? Je m'interroge sur l'effet du jaillissement mobilisant le savoir-faire du subconscient. Voilà, c'est fait. Hum peut-être un peu trop rondouillet ce mot. Cuisine ? Ingrédients ? Oulà ! t'as vu le Beurre ? A demain, les Parfumés ! | |
| | | elena Posteur en quête
Messages : 81 Inscription le : 28/07/2008
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Jeu 2 Oct 2008 - 11:03 | |
| Coline merci mais je ne le "guide" pas ce sujet ! mais je ne m'en lasse pas ... ni les amis parfumés c'est top ! - mimi a écrit:
Et si j'écrivais un mot invisible ? Serait-il compris ? Je m'interroge sur l'effet du jaillissement mobilisant le savoir-faire du subconscient. eh bien oui mimi écris ce mot, John Cage en a déjà composé musique et résonance : http://fr.youtube.com/watch?v=HypmW4Yd7SY je ne me moque pas. Le son du silence, l’ïambe des battements du cœur, respiration, fonctions vitales – et le miroir sur quoi se défait la pensée… monilet te relaie tu as vu ? "l'effet du jaillissement mobilisant le savoir-faire du subconscient" vous réunit tous deux ; monilet tu cites et commentes ceci : "... la technique donc est toujours une conquête patiente " Tes comm sont si pesés si posés (- tu ne serais pas né sous le signe de la Balance ??? Athéna, la Paix armée !!!) que je suis impressionnée. " Cette technique-là, écris-tu, est-elle pleinement consciente dans l'acte créatif ou se constitue-t-elle au fil du temps pour s'imposer sous la pression du besoin lorsqu'un besoin d'expression artistique surgit ? Les deux peut-être : une part de jaillissement plus une part "d'amelioration" mobilisant le savoir-faire du subconscient . Je m'interroge. » Je n’ose pas te répondre « oui ». L’affreux poète dont j’ai le poids sur la tête a écrit : Comment l’intelligence peut-elle s’arrêter à la moindre affirmation sans s’étrangler… Mais mon sentiment est que la technique la mieux armée la plus aiguë est fille de l’intuition. L’intuition ? Ton interrogation, l’interrogation même (le fait d’interroger) vaut mieux que toute réponse. Elle reflète le chemin poétique, ce progrès à la fois « certain et aveugle » que dit Valéry. Mais entends si tu veux Valéry : Extrait du Dialogue de l'Arbre , 1943 – mon mentor y voit une leçon de poésie – ou une radiographie, le poète à l’œuvre passé au scanner "(...) LucrèceRegarde bien d'abord ces forces brutes, le bois puissant de ces membres tendus : la vie a fait cette matière pleine, de quoi porter le poids d'un aquilon et tenir ferme au passage des trombes ; l'eau de la terre épaisse et maternelle, pendant des ans profondément puisée, produit au jour cette substance dure. TityreDure comme la pierre, et qu'on sculpte comme elle. LucrèceQui s'achève en rameaux qui s'achèvent en feuilles, et les faines enfin, fuyant de toutes parts, disperseront la vie. TityreJe vois ce que tu dis. LucrèceVois donc dans ce grand être une sorte de fleuve. TityreUn fleuve ? LucrèceUn fleuve tout vivant de qui les sources plongent dans la masse obscure de la terre les chemins de leur soif mystérieuse. C'est une hydre, ô Tityre, aux prises avec la roche, qui croît et se divise pour l'étreindre ; qui de plus en plus fine, mue par l'humide, s'échevèle pour boire la moindre présence de l'eau imprégnant la nuit massive où se dissolvent toutes choses qui vécurent. Il n'est bête hideuse de la mer plus avide et plus multiple que cette touffe de racines, aveuglément certaines de progrès vers la profondeur et les humeurs de la terre. Mais cet avancement procède, irrésistible, avec une lenteur qui le fait implacable comme le temps. Dans l'empire des morts, des taupes et des vers, l'oeuvre de l'arbre insère les puissances d'une étrange volonté souterraine. (...)" (C'est moi qui ai mis en gras ce qui semble toucher au plus près ton propos) Valéry (usé, épuisé de son inlassable soif d'aller "jusqu'au bout") mourait 18 mois après l'écriture de ce dialogue Mort aussi du "coup de hache" que dit Michel Jarrety – Sousmarin fait surface, nous ramène sur terre : “ Pour être compris - pour cela il faut dire des choses acceptables, socialement parlant - il faut d’abord être visible…dans la limite de l’acceptable, l’art peut être transgression mais ne l’est pas obligatoirement et la provocation, comme la joliesse, ne fait pas l’art…ces 2 ingrédients servent plus la visibilité que l’artistique… L’art est comme la cuisine, les ingrédients et la technique du cuisinier sont certes importants mais les plus « grands » cuisiniers sont souvent les plus visibles…même rétrospectivement… La technique est intrinsèquement liée à l’art « humain » ; concernant l’écriture, la langue même est technique.” Et la langue est reçue de nos pères – ceux qui nous ont appris à parler. J’imagine parfois que là où la plupart pensent savoir leur langue, la parlent couramment, étudient en complément une ou plusieurs langues étrangères, un poète ne partage pas trop la confiance commune ; il cherche avec inquiétude et effort, d’abord, tout ce qu’il ne sait pas de sa langue natale. Etudes à vie ! (Mais est-ce que je ne réponds pas un peu à côté ? je ne suis pas sûre de saisir tout ton message.) Provocation, visibilité… (hihi sousmarin qui parles de visibilité vois ma ptite antenne radar sur la tête) N’est-ce dans le rapport de qualité émetteur-récepteur qu’il faut chercher accords et dissonances ? Emetteur= artiste Recepteur= Public aller-retour… Il faut une adéquation… jamais garantie ; en principe l’artiste ayant une longueur (d’onde) d’avance. (Newton voit que la lune tombe là où tout le monde rigole, voyant bien qu’elle ne tombe pas.) Bref... cet artiste devient finalement visible lorsque ayant trouvé une grande Amérique ou un tout ptit bout d'ïle inconnue jusqu'à lui (1er temps) il nous convainc de son existence (2ème temps), nous en rend curieux, désireux, affamés de le suivre (3, 4, 5ème temps si l'on est à son tour capable de passion)... Stade ultime : il peut semer en nous, féconder, planter dans nos coeurs ventres un embryon d'artiste et la suite nous appartient. PS A propos de visibilité il arrive que le Prince et l'artiste aient les mêmes vibes, mais je ne saurais pas écrire l'histoire de la médiatisation à travers les âges | |
| | | sousmarin Zen littéraire
Messages : 3021 Inscription le : 31/01/2007 Localisation : Sarthe
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Jeu 2 Oct 2008 - 19:37 | |
| Un poète dont les écrits resteraient sur son bureau sans être vus par quiconque pourrait être aussi compréhensible, ou aussi talentueux, que possible, cela ne changerait rien au fait qu’il ne serait pas compris car non lu.
Suivant cette même logique, plus un poète est visible plus il obtient, par simple statistique, des lecteurs qui le comprennent et l’apprécient…cette simple déduction implique que le succès dépend beaucoup plus de la visibilité que du talent. Beaucoup d’artistes visent donc cette visibilité et l’art qu’ils produisent est donc empreint de cet objectif. La provocation est un des moyens pour être visible mais il est loin d’être le seul…
Concernant la langue, je ne fais que dire qu’elle est une technique humaine de communication ; l’écrivain ne l’invente pas, il se repose sur elle. | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Jeu 2 Oct 2008 - 21:24 | |
| D'après la date de naissance qui figure sur ce site, je suis Gémeau... :)
Je ne faisais que dire mon sentiment qui rejoint totalement le tien : "Mais mon sentiment est que la technique la mieux armée la plus aiguë est fille de l’intuition." Merci de me faire découvrir cette belle métaphore. A mon tour d'être impressionné par tes connaissances en matière de poésie. | |
| | | Anne Envolée postale
Messages : 139 Inscription le : 04/01/2008 Age : 41
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Mar 21 Oct 2008 - 0:04 | |
| - elena a écrit:
En remontant tout ce fil j’ai vu que Coline s’étonnait – légitimement - d’une question d’Anne mais ce qui m’a étonnée moi, c’est que Anne semble jouer sur sa flûte le petit air qui fait tourner le manège… Dis donc Anne ! Je me demande étant donné l’enchaînement de tes questions, si tu n’a pas lancé le sujet Réflexions sur la poésie parce que tu avais un devoir de français à rendre et que tu séchais un peu ? Alors ?... Tu dis à elena ?
C’est pas pour te disputer ! J’aurais fait pareil au lycée. Voici justement des notes demandées à la prof de philo (par un élève en français il y a six mois - pas un élève à elle... Mais comme nous aimons bien tous échanger sur la poésie il lui a dit : " tiens un sujet pour toi ! ") (En fait il voulait qu’elle lui fasse son devoir. Mais elle n'a rien rédigé !)
Pas vraiment! Encore au lycée à 26 ans ce serait dommage. C'est simplement (je me répète) par goût pour la poésie qui suscite toujours de nombreuses interrogations. Ces questions, je me les pose moi-même et je trouve qu'il est enrichissant de susciter la reflexion des autres, de comparer les points de vue. Au moins, je suis heureuse de constater que ce post a fait couler de l'encre, ou plutôt devrais-je dire à user des touches de claviers. Alors, je vais continuer à poser de petites questions sur la poésie (à moins que ça ne vous ennuie?) afin de créer de nouvelles idées, des débats neufs. Amitiés, Anne p.s.: Ta remarque m'a vraiment fait rire Elena car je ne suis pas au lycée, enfin d'une certaine manière si, sauf que je suis assise de l'autre côté du bureau car...je suis prof! | |
| | | elena Posteur en quête
Messages : 81 Inscription le : 28/07/2008
| Sujet: Re: Reflexion sur la poésie Jeu 23 Oct 2008 - 10:27 | |
| - Anne a écrit:
je vais continuer à poser de petites questions sur la poésie (à moins que ça ne vous ennuie?) afin de créer de nouvelles idées, des débats neufs. Amitiés,
Anne
hihi je me suis trompée d'un côté de bureau ! Eh bien Anne me permettras-tu de prendre place à côté de toi ? Juste le temps de ce post-aenigma... J'ai en effet moi aussi du grain à donner à moudre à tes élèves, moi aussi je pose une petite question - même aux plus grands d'ailleurs voilà : Sortons de l’abstraction et retroussons nos manches ! Voici le défi qu’un poète qui m’est cher propose, je cite : « Aux Ombres de Damon est le titre d’un long poème de Malherbe (*). Dans toutes les éditions de ce texte vous vous apercevrez qu'un vers manque, un vers que les éditeurs ont coutume de remplacer par une ligne de pointillés (il s'agit du deuxième vers de la 13éme strophe) :« Enfin, après quatre ans, une juste colère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Que le flux de ma peine a trouvé son reflux : Mes sens qu'elle aveuglait ont connu leur offense ; Je les en ai purgés, et leur ai fait défense De me la ramentevoir plus. « Comment créer le vers manquant ?… Voulez-vous essayer ? (Sachez que quelques connaisseurs – personnes un peu trop conscientes des enjeux et des difficultés de la composition poétique – se sont prudemment récusés (je n'ai pas eu la force de leur en vouloir)... Des amateurs moins scrupuleux en revanche, se sont lancés avec excitation dans l'entreprise.)
« Pas facile, pas facile.
« Force est d'observer que les secousses, les révolutions artistiques, les libérations esthétiques du XXème siècle culturel européen ont mis à mal toutes les notions liées à la perfection technique - non seulement idéologiquement, mais dans la pratique même des arts. Au regard de la poésie française par exemple, nous remarquons que non seulement le respect des règles formelles dites classiques, mais leur connaissance même, ont presque partout disparu de la création contemporaine.
« Le plus cruel – « cruel », du moins pour ceux qui pensent écrire des vers métriquement corrects – est que la connaissance et la maîtrise des règles du jeu n'ont jamais fait un poète. Il faut combiner cette maîtrise (qui est la moindre des choses) à ce qui… ne s'enseigne pas.
« Guerriers, ne nous décourageons pas ! Ce petit défi malherbien a été relevé par quelques spécialistes de nos connaissances – un stylisticien, un traducteur, une poétesse (pas jeune ! qui dans sa jeunesse a connu Paul Valéry)… Je donnerai volontiers les résultats, si vous en êtes curieux, mais plus tard pour ne pas compromettre la virginité des esprits assez candides pour attaquer ce marbre !
« Voici en revanche quelques indications générales pour guider les premiers coups de ciseau.
« Sujet du poème :
« La mélancolie traverse toute la pièce. Malherbe s'adresse à son ami disparu Damon ; il évoque à regret le temps où tous deux pouvaient converser, s'entretenir, rêver à l'écart du bruit ordinaire des hommes. « L'Orne comme autrefois nous reverrait encore Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore, Égarer à l'écart nos pas et nos discours ; Et couchés sur les fleurs, comme étoiles semées, Rendre en si doux ébat les heures consumées, Que les soleils nous seraient courts. « Puis il développe le lieu commun, le sort aveugle, la séparation d'avec son ami mort :« Mais, ô loi rigoureuse à la race des hommes ! C'est un point arrêté que tout ce que nous sommes, Issus de pères rois et de pères bergers, La Parque également sous la tombe nous serre ; Et les mieux établis au repos de la terre N'y sont qu'hôtes et passagers. « Malherbe fait ensuite l'éloge de la bien-aimée de Damon, de l'épouse veuve qui sait lui rester fidèle en dépit du temps :« Depuis que tu n'es plus, la campagne déserte A dessous deux hivers perdu sa robe verte, Et deux fois le printemps l'a repeinte de fleurs, Sans que d'aucun discours sa douleur se console, Et que ni la raison ni le temps qui s'envole Puisse faire tarir ses pleurs. « Malherbe enfin compare la fidélité de cette femme à l'inconstance de sa propre maîtresse – Nérée -, et se venge en vers de l'infidélité de sa compagne :« Celle à qui dans mes vers, sous le nom de Nérée, J'allais bâtir un temple éternel en durée, Si sa déloyauté ne l'avait abattu, Lui peut bien ressembler du front, ou de la joue ; Mais quoi ! puisqu'à ma honte il faut que je l'avoue, Elle n'a rien de sa vertu. « L'âme de cette ingrate est une âme de cire, Matière à toute forme, incapable d'élire, Changeant de passion aussitôt que d'objet ; Et de la vouloir vaincre avecque des services, Après qu'on a tout fait, on trouve que ses vices Sont de l'essence du sujet. « Souvent de tes conseils la prudence fidèle M'avait sollicité de me séparer d'elle, Et de m'assujettir à de meilleures lois : Mais l'aise de la voir avait tant de puissance Que cet ombrage faux m'ôtait la connaissance Du vrai bien où tu m'appelais. « Et voici pour conclure la strophe défectueuse :« Enfin, après quatre ans, une juste colère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Que le flux de ma peine a trouvé son reflux : Mes sens qu'elle aveuglait ont connu leur offense ; Je les en ai purgés, et leur ai fait défense De me la ramentevoir plus. « Fin du poème :« La femme est une mer aux naufrages fatale ; Rien ne peut aplanir son humeur inégale ; Ses flammes d'aujourd'hui seront glaces demain : Et s'il s'en rencontre une à qui cela n'avienne, Fais compte, cher esprit, qu'elle a, comme la tienne, Quelque chose de plus qu'humain. « Voilà chers Sculpteurs-Poètes, amusez-vous, accrochez-vous si le cœur vous en dit - mais dans les règles toujours (sinon ce n'est pas drôle) ! Puis surtout… c'est Malherbe. Il se peut que pour restaurer dignement du Malherbe, il faille faire mieux que Malherbe. »« Louis Latourre »Bien, moi je vais essayer j’ai des idées mais ça ne colle pas tout à fait. Je ne sais pas si le jeu vous tente ? Et Anne, avec tes élèves ? Amitiés à tous, sousmarin toujours en plongée ? je vais aussi essayer de répondre un peu au sujet de la visibilité du poète elena PS La femme est une mer aux naufrages fatale dit Malherbe ça c'est un peu fort il n'a qu'à mieux piloter son navire c'est tout (*) François de Malherbe
Né à Caen (France) en 1555 ; Mort à Paris (France) en 1628
François de Malherbe naît au cœur d'une famille noble protestante et s'intéresse très tôt à la poésie. Il rejoint la cour d'Henri IV et est nommé poète officiel. Il soutient une poésie rigoureusement structurée, où le lyrisme prédomine. Il se plaît à présenter sa conception de l'art poétique dans des ouvrages tels que "Remarques sur Desportes". Il s'éteint en 1628. Le recueil de la totalité de ses poèmes paraîtra à titre posthume deux ans plus tard. Malherbe influencera fortement la littérature et notamment la poésie dite "classique". Publication des œuvres de Malherbe
Les poèmes de François de Malherbe sont regroupés dans un même recueil et publiés à titre posthume (« les Œuvres de François Malherbe »). Dès 1605, il s'applique à donner à la poésie une structure nette et précise, recourant à des sujets inébranlables dans le temps. Précurseur du genre classique, il reçoit, toujours à titre posthume, l'hommage de Boileau dans « l'Art poètique » (1674).
Voici le poème intégral :http://fr.wikisource.org/wiki/Aux_ombres_de_Damon | |
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