Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
 
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 Reflexion sur la poésie

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coline
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyLun 10 Nov 2008 - 16:41

elena a écrit:


je suis au désespoir voici une communication médiumnique de Malherbe en personne !!!

AUX OMBRES DE MOI-MÊME

Qu'un Parfumé parfois de ses écrits m'honore
(Une ou deux fois par mois...) (ou même moins encore !)
Le seul souci de m'employer
A bien répondre à son courrier
Peut réveiller parfois la soif qui me dévore...


Mais de mes vers parfaits croire achever la strophe !...
Mes herbes, mes pavots, me font trop philosophe...
Quoi qu'ait mon oeuvre de dévots
Prêts à reprendre mes travaux,
Je suis moi loin d'avoir de ces héros l'étoffe.



Si le Maître lui même laisse tomber alors ??!!!


Very Happy Je vous jure j'ai essayé François, Elena...mais j'ai renoncé...
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coline
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyLun 10 Nov 2008 - 17:14

Elena...surtout ne désespère jamais et continue à poster dans cette rubrique poésie si peu fréquentée... content
Ce que tu écris est si pointu que je ne sais te répondre avec mes pauvres mots au ras des pâquerettes pour parler même de ce que j'aime et connais seulement par mes émotions... content
Mais je dois dire que je lis attentivement ce que tu postes appréciant l' intérêt de ce que tu apportes et l'humour dont tu le colores... content
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyLun 10 Nov 2008 - 19:10

elena a écrit:
sousmarin a écrit:

Concernant la langue, je ne fais que dire qu’elle est une technique humaine de communication ; l’écrivain ne l’invente pas, il se repose sur elle.
comment "se repose", je ne comprends pas bien sousmarin explique-moi lance une bouée je coule
Le poète se repose sur un outil existant qui s’appelle langue, son message repose sur la compréhension qu’ont les lecteurs de cette langue ou croient avoir…pour parodier une célèbre phrase : En lisant, rien ne se crée mais tout se transforme… Wink

La visibilité n’est pas obligatoirement voulue mais elle conditionne beaucoup plus le succès que le talent. C’est un simple fait statistique.
Pour finir, une petite lapalissade : L’inconnu de tous ne peut pas être connu par quiconque, même par ceux qui l’aimeraient… Very Happy
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Marie
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyLun 10 Nov 2008 - 19:17

Elena, tu parles avec passion, et je lis avec grand intérêt!
Et je t'offre un poème de Guillaume Apollinaire que j'aime beaucoup, intitulé Le poète


Je me souviens ce soir de ce drame indien
Le Chariot d'Enfant un voleur y survient
Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
Quelle forme il convient de donner à l'entaille
Afin que la beauté ne perde pas ses droits
Même au moment d'un crime
Et nous aurions je crois
À l'instant de périr nous poètes nous hommes
Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes

Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
N'est la plupart du temps que la simplicité
Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée
Étaient restés debout et la tête penchée
S'appuyant simplement contre le parapet

J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait
Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes

Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure

J'ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir
Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure
Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit

La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie
Séjour de l'insomnie incertaine maison
De l'Alerte la Mort et la Démangeaison
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animal
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyLun 10 Nov 2008 - 23:17

Marie... ton sens et ton goût sont extraordinaires...

(ça va devenir encore plus difficile cette discussion mélangée)

elena a écrit:

Et toi... Qu'as-tu remarqué entendu toi animal ?
je me souviens d'auteurs qui ont ralenti et répété ma lecture de leurs mots qui sont un sens et une langue (tout de suite je me souviens uniquement/spontanément du français) ils jouent avec les mots et aiguisent avec le sens de leurs phrases mais sans être poètes (authentifiés) ils pèsent aussi leur langue, avec plus ou moins de gravité, et allant parfois jusqu'à une certaine exhubérance, une certaine liberté un peu au delà du sens admis.

La langue est pesée et le sens complet est lié au ryhtme et à la fluidité, à l'oralité même puisque nous pensons en mots. Même dans des textes très "écrits". Des noms dans le désordre : Gracq, Malraux, Nizan (aiguisé lui va comme un gant)... et Buzzati dans les traduits.

A moins que je ne vois/entendes pas ce dont tu parles (ce qui est très possible). Une exclusivité de l'équilibre des sons pour le poète ?
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Marie
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMar 11 Nov 2008 - 0:25

Et bien merci, Animal, tu me fais rougir! Contente que ce texte te plaise!

Citation :
je me souviens d'auteurs qui ont ralenti et répété ma lecture de leurs mots qui sont un sens et une langue (tout de suite je me souviens uniquement/spontanément du français) ils jouent avec les mots et aiguisent avec le sens de leurs phrases mais sans être poètes (authentifiés) ils pèsent aussi leur langue, avec plus ou moins de gravité, et allant parfois jusqu'à une certaine exhubérance, une certaine liberté un peu au delà du sens admis.
En ce moment, Antonio Lobo Antunes, dont j'aimerais recopier des pages , et pourtant c'est une traduction, il doit être encore plus fascinant à lire dans son emploi des mots en portugais..
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coline
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMar 11 Nov 2008 - 0:32

Marie a écrit:
Elena, tu parles avec passion, et je lis avec grand intérêt!
Et je t'offre un poème de Guillaume Apollinaire que j'aime beaucoup, intitulé Le poète


Superbe!...Je ne connaissais pas ce poème...Il est décidément génial ce forum... content
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kenavo
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMar 11 Nov 2008 - 11:06

Marie a écrit:
En ce moment, Antonio Lobo Antunes, dont j'aimerais recopier des pages , et pourtant c'est une traduction, il doit être encore plus fascinant à lire dans son emploi des mots en portugais..
aime voilà ce que je dis depuis des années - si je vais apprendre un jour le portugais - ce sera surtout pour pouvoir lire Lobo Antunes dans l'original.. cela doit être drunken


conciliabule excuse-moi elena pour cette remarque hors sujet - mais Antonio me fait cet effet Wink
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elena
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMer 12 Nov 2008 - 9:52

merci Marie pour ce magnifique Apollinaire que je ne connaissais pas moi non plus - Coline qui aime la lecture à voix haute doit se régaler autant que moi !
quand même tu exagères c'est une réponse ... à clouer le bec ! Reflexion sur la poésie - Page 5 Puffinanimated
quelle joie vraiment (malgré tout !) que l'intérêt porté ici à la res poetica.
hier 11 novembre - c'est curieux le site Parfum de livres. On croit qu'il n'y a personne... tous les soldats sont endormis. Puis une petite sonnerie de clairon, un coup de feu en l'air, voilà dix fantassins qui sortent des tranchées ! Merci c'est génial cette fidélité
je reviens vite pour essayer de prolonger ce que chacun dit ; merci d'être toujours là !
ps Juste ce petit mot à propos de la traduction. J'ai découvert (par hasard, rayon Poésie) il n'y a pas longtemps la poésie de J.L.Borges traduite en vers rimés par Ibarra. En vers rimés j'étais clouée ! Et quels vers ! J'ai voulu découvrir qui était cet Ibarra, entrer en contact par l'association où je travaille... Oups... Vous les Parfumés vous connaissez mieux Borges que moi, vous devez sourire... J'en ai marre on ne me dit jamais rien à moi on me tient à l'écart de tout.
N'empêche ! Un ami est en train de ga-lé-rer sur la traduction en vers rimés de Venus and Adonis de Shakespeare pour Gallimard, il marque des pauses il souffre (nous sommes assez intimes pour qu'il nous envoie ses premiers résultats)... Eh bien Ibarra on ne sent pas la douleur ça ne sent pas l'huile c'est incroyable.
pps "voilà dix fantassins qui sortent des tranchées"
Reflexion sur la poésie - Page 5 QUI avait entendu un alexandrin ??? Reflexion sur la poésie - Page 5 Sirchelle
bon je me dépêche, à bientôt tout à l'heure ou demain !
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMer 12 Nov 2008 - 9:56

elena a écrit:
merci Marie pour ce magnifique Apollinaire que je ne connaissais pas moi non plus - Coline qui aime la lecture à voix haute doit se régaler autant que moi !

oui
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elena
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMer 21 Jan 2009 - 9:05

bon je continue le chemin de croix... NON je plaisante ! pas la croix la croisée Reflexion sur la poésie - Page 5 StdSourire - mais quand même un chemin qui devient ici sensiblement scabreux...
(c'est écrit à 4 mains par Louis poète et Isabelle prof de philo - j'y ai mis du mien quand même) :


DES VALEURS POETIQUES, DES JUGEMENTS…
… et autres choses qui fâchent…



PART ONE

Citation :

Citation :
« (…) Dieu sait si mon état m'oblige à regarder des vers ! On m'en adresse chaque jour comme s'il appartenait d'en juger à ceux dont le travail fut d'en faire !

« Il y eut jadis, sans doute, quelques « vérités » ou principes communs, quelques exigences définies qui s'imposaient assez pour qu'une manière de science des vers existât, permît de trier les poèmes et de conseiller les auteurs. On s'accordait entre soi sur diverses finesses du métier et quelques difficultés cruciales. Il existait une convention pour la connaissance du Bien et du Mal.
« Mais tous les arts sont libres maintenant ; personne n'y est plus expert que quiconque. L'antique distinction du Bien et du Mal est remplacée par : Génie ou non ?
« L'art, désormais, dans l'opinion, est si étroitement associé à l'idée de spontanéité ou à une sorte de spiritualisme révolutionnaire, qu'un ouvrage dont l'apparence se distingue de ces critères sera présumé peu intéressant.
« Je n'y vois pas d'objection. Ce n'est après tout qu'une convention de plus (de rupture et d'incommensurabilité) qui se substitue aux anciennes, mais avec cet avantage sur celles-ci qu'elle est simple et unique (…) »
(P. Valéry Poèmes chinois - Préface aux Poèmes de T'ao Yuan Ming, 1929)

Eh bien ici aussi - siège d'une association théâtrale -, (même si je l'ai déjà dit et rabâche pas mal en ce moment) nous devons faire face à beaucoup de courrier.

Nous devons répondre, d'abord, à toute sorte de sollicitations et de requêtes liées à la profession : Demandes d'attribution de salles de spectacle, de lieux de répétition, recherches de cours, de comédiens ou de metteurs en scène… Propositions de services… Puis surtout, surtout, parmi quantité de textes destinés à la représentation ou à la lecture publique, - nous recevons comme Valéry beaucoup de poésie, prose ou vers, jointe souvent à des questions ou à des assertions touchant la qualité littéraire de l'envoi, - car ceux qui écrivent se demandent rarement si l'on a le temps de les lire...

On essaie de répondre à tout le monde, comme on peut. Mais parfois (je l'avoue), plus que la quantité, c'est la naïveté des courriers qu'il faut lire – des questions… prévisibles, des débats… réchauffés, des ressassements… vieille époque – (bref, l'arsenal de toutes les candeurs !!!), c'est cette naïveté qui décourage un peu. « … On en est encore là… Encore ça... La même chose toujours… Mais comment est-ce possible… »

Les mots de Valéry ne sont pourtant pas jeunes : près de quatre-vingts ans. Et les valeurs qu'ils pointent sont vraiment la leçon, « convention de rupture et d'incommensurabilité », la leçon confirmée, convenue, officielle, ébauchée dès le XVIIIe siècle (même avant), illustrée d'abondance, codifiée au XXe et héritée de lui.

Longtemps il est vrai, la poésie a vécu de remises en cause, de défis lancés à l'ordre littéraire établi. Mais la foison des œuvres prouve assez la vitalité poétique actuelle. Nous n'avons plus besoin des Grands Initiateurs qui nous ont libérés ! Statu quo, consensus, même s'il n'est pas bien vu de le dire sans détour : nous vivons dans le vrai.
COMMENT dès lors expliquer, s'expliquer, que l'idéal esthétique si bien défini du temps de Valéry, accepté, codifié, répertorié, en vigueur, - même quasi déifié depuis au moins cent ans ! – semble encore pour certains, aujourd'hui 2008, une… terre inconnue ? Un lieu de transgression ? Un domaine piégé ? D'où viennent ces yeux candides ?

Sur le terrain, partout, des maisons familières. Des cités établies, des forêts recensées, des peuplades aimables… Des montagnes conquises ! Et des mots d'ordre zen… – Rien qui vaille les bottes d'explorateur, le casque, le fusil ! Tout est colonisé dans la paix valéryenne…
À quoi bon s'inquiéter ?…

S'il est quelque domaine réellement menacé, des pratiques culturelles agonisantes ou mortes, des espèces en voie d'extinction, et d'ultimes spécimens - qui sait - à protéger, (mais, comme curiosités destinées à l'amusement du tourisme poétique), traçons quelques enclos, sortons le fil de fer, rassemblons et parquons ces derniers survivants ! Réserve naturelle - Musée des Choses Défuntes… Visites avec horaires, parcours fléchés et tarifs de groupe !

Car ces ultimes chamanes, ces non-civilisés ne menacent eux, personne ! Ni leurs rites, leurs rythmes, leurs rimes - pratiques immémoriales dont nous pouvons sourire -, ne dérangent la paix d'aucune riche nation du domaine de l'esprit…
Je les observe moi comme fait l'anthropologue : dans leurs superstitions, leurs dévotions formelles (à distance bien sûr, respectueuse). Je regarde, j'écoute ; et parfois je prends part au culte de leurs dieux.

Je répète leurs noms, j'écoute les prières : « La maîtrise du mot, la perfection formelle, l'exécution sans faille »… un fatras si l'on veut de vieilles lunes, corsetées, poussiéreuses… Mais dont il est plaisant de jouer l'officiante.
J'en reprends les mantras, recopie les koans :

« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » (Boileau, l'Art poétique).
« Le mot juste trouvé, le poème achevé, dieux et démons sont stupéfaits… » (Cheng, L'écriture poétique chinoise.)
Cette vilénie encore :
« La bonne peinture est une musique, une mélodie, un poème, et il n'y a qu'une intelligence très vive qui puisse en sentir la difficulté… » (Dialogue de Michel-Ange avec Francisco da Orlanda).
Ce credo atavique : « Le poème doit être une incantation, un carmen. Déclamé avec la mélopée sacramentelle, sans en modifier une modulation, il produit nécessairement ses effets : une fausse note, une erreur de mesure, l'interversion de deux sons dont elle se compose, et il s'annule… » (Maspero, Etudes de mythologie et d'archéologie égyptiennes.)

Tout ça est bien fini ! Exit les vieux démons… Tout cela n'intéresse que l'étude des langues mortes.
Nos parents sont sortis des sordides entraves. Nous modulons nos vers ainsi que bon nous semble. « Tous les arts sont libres maintenant ; personne n'y est plus expert que quiconque. » Chacun fait comme il veut dans sa propre cuisine. Je ne vois rien, nulle part – aucun auteur, nulle œuvre – manifeste, décret, diktat ni dictateur – excommunicateur, Inquisiteur des Lettres à la André Breton ! pour remettre en question (en péril) la norme… Je ne suis pas inquiète. La poésie touchant enfin la Vérité, j'aimerais qu'à son tour chacun se tranquillise, qu'on cesse de brandir des étendards troués, de voler au secours de la victoire.

Quel instituteur, quel prof des écoles, n'a pas demandé à son CM1 de s'essayer à la rédaction d'une liste cocasse, à la Prévert ? Quelle enseignante n'a pas fait jouer sa classe de collège sur les surprises de l'écriture automatique ? Quel lycéen, n'a pas son cahier de poèmes et ses essais d'Illuminations personnelles dans un tiroir de sa chambre ? N'avons-nous tous sucé avec le lait le vertige de la libération, la levée d'écrou, la rupture des cadres ?

§§§

Les textes que nous recevons tiennent rarement d'un Prévert ! (peut-être trop plaisant, trop léger, il a peu de disciples). Mais souvent en revanche, d'un Rimbaud prosateur – pas toujours trop adroit -, plus encore d'un Eluard, d'un Char, d'un Bonnefoy pour les plus avancés… Puis des rimes aussi, encore et malgré tout, - des vers, dont on voit bien qu'ils s'essaient d'être « réguliers », - mais qui (force est de l'observer) toujours sont défectueux du point de vue formel, du point de vue… chamanique ! rimés et mesurés toujours dans l'à-peu-près… Des défauts inconscients - j'ai pu le vérifier -, aussi involontaires que les caprices d'une orthographe étrangère à la langue française.

Tout cela, pas bien grave ! Ici personne ne juge. Celui de nous le plus concrètement impliqué dans la res poetica dit que « rien n'est plus « bourgeois » que de se donner pour juge d'œuvres où les auteurs ont mis tout ce qu'ils pouvaient d'art et d'eux-mêmes, et que nous n'avons que la peine de lire ». Et il n'a pas trop tort.

MAIS ce qui déconcerte… Mais ce qui use, désagrège l'agrégée valéryenne en moi ! bref ce qui saoule un peu,– comme saoule la diffusion grande surface des rengaines-jingles de la pub… Ce qui use l'accusatrice-réceptrice l'éplucheuse du courrier, c'est que toujours toujours ! les commentaires des auteurs-expéditeurs, qu'ils avouent modestement être à sa recherche, qu'ils pensent l'avoir trouvée, qu'ils revendiquent de l'avoir illustrée, - toujours les commentaires des poètes parlent de cette « libération-liberté » comme de la Déesse-Mère !

Incompréhension de ma part – pourquoi ce ressassement, quel étrange besoin, comme d'une justification, autojustification de productions littéraires dont on pressent (peut-être ?), dont on craint, craindrait et chercherait à prévenir d'éventuelles imperfections… ? Cela semble incroyable car rien n'oblige aux vers, ni à la rime ni à l'assonance ni à la mesure… Qui est fort qui est faible ? Et qui donc peut juger ? Et sur quels critères ? Et par rapport à qui ? Et qui s'occupe de ça ?
Liberté, s'affranchir de, créer à son gré … Tout cela formulé de façon si obsessionnelle. Ritournelle inconsciente, martèlement du propos, doxa névrotique – le poète aveuglé forge ses propres chaînes !

D'où débarquez-vous donc ? « Tous les arts sont libres maintenant ; personne n'y est plus expert que quiconque. » Vos justifications-revendications sont tout anachroniques, elles ne s'imposent nullement, pas du tout, plus du tout ni en rien.
Si quelqu'un des rimeurs tient à se corriger qu'il se calme d'abord ; qu'il se soigne ; se libère de soi seul…

PART TWO

Pour ma part : Oui bien sûr, je ne m'en suis jamais cachée ; je suis capable de comprendre et de ressentir intérieurement, comme Maspero, que la connaissance intime de la ligne formelle, la conscience des possibilités de ses micro-variations, les tensions dues aux écarts de la rigueur initiale, peuvent renforcer le charme, le « carmen », de la séquence des mots qui forment le poème… Je comprends également les surprises du travail inlassable. Et l'émotion, et la commotion même qu'engendre la sensation d'un texte singulièrement achevé… Mais cela m'appartient, c'est ma forme de corps – ma caution si l'on veut, plutôt ma concession, à la vieille école. Je peux l'accompagner mais n'y peux rien changer… Je n'en peux rien transmettre. Elle n'engage personne que moi.

Bien sûr encore, et sans se vouloir pour autant spécialement liberticide, je trouve que l'on peut regretter que des lois soient enfreintes – quand c'est par ignorance. Le moyen en effet de transgresser des règles que l'on ne connaît pas (lorsque créer souvent, tient à la transgression…) Bien des poèmes reçus me font l'effet d'un Rubik's cube que le joueur croirait fini, ou dont il se contenterait d'avoir réussi deux ou trois faces… Mais nommer « liberté » l'état involontaire de l'inachèvement ?... C'est créer un lecteur plus difficile que soi, « libre » oui, mais de modifier, compléter, de reprendre et de pousser le jeu au-delà de ce qui satisfait l'auteur.
Ce travail, si tentant, n'est (je le regrette) que rarement fécond. La maladresse d'un premier jet peut bien être reprise : la fraîcheur, la spontanéité, le génie appartiennent en propre au seul premier auteur. Le lecteur-correcteur ne peut finalement, dans les meilleurs cas, que déplorer le mélange de don et d'ignorance qui a créé l'objet… « Qu'eût-il fait, ce surdoué ! en connaissance de cause… Mais voilà qu'il délaisse la partie commencée. Mais voilà que le fou se déplace en ligne droite – l'échiquier se dissout, toutes les pièces sombrent. »

Les commentaires ingénieux ou candides n'y font rien… Avec le temps d'ailleurs, l'œuvre n'a plus qu'elle-même pour se défendre : les « vieilles règles poétiques » observées ou non n'y font pas davantage, elles ont même contre elles toute la tradition libératrice... Les « chefs-d'œuvre » classiques qu'ont-ils de si fameux, sinon ce qui échappe à tout l'enseignement, a fortiori celui dont ils sont le modèle…
. . .
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elena
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMer 21 Jan 2009 - 9:06

PART THREE

… Il est mille manières de jouer un même jeu – Et la plus sérieuse, et la plus efficace relève de l'enfance, - « le génie retrouvé à volonté » ; l'enfance qui nous apprend à tenir notre rôle, à croire au cavalier, au roi, à la princesse – assez intensément, suffisamment longtemps pour enfiévrer la partie. Celui qui n'y croit pas déçoit un peu les autres. Celui qui lâche l'affaire on ne le dit pas « libre » !... on le dit « mauvais joueur ».
La « liberté » d'ailleurs… (si ce mot garde un sens en philo), la liberté me semblerait plutôt moi de m'affranchir de l'écriture même. D'aller plutôt respirer parmi les arbres. Les lignes de leur écorce valent bien mes gribouillis (ceci en est la preuve ô patient Lecteur) !

La liberté encore, ce serait l'instauration de la notion d'anonymat en art… S'enlever la manie d'attacher son nom à une œuvre. Quelle respiration.

Poésie est partout, dont hors de l'écriture hors de la signature –
De Virgile à Celan, d'Homère à Jabès, d'Euripide à Lorca… Poésie est partout, bien ailleurs que chez eux les « Grands », hors des écrits, des paroles, des livres des objets ! Un moment de silence, une maladresse, la trame de nos jours et tout ce qu'on voudra, qui nous aura touché, ou même pas touché, recèle la Poésie au moins autant et plus qu'un sonnet de Shakespeare.
« J'ai envie de dire que quand tu ris, tu es poète. »
(Je souris au passage, malgré le mal de tête : Voilà bien cinquante ans que les poètes écrivent pour dire « Le lieu de poésie est… » et « La poésie c'est… », sans recul sans humour… C'est cela qui est drôle.)

Poésie est partout ; et comme « langue des hommes » elle est même bien plus partout, aujourd'hui en 2008, plus intensément partout qu'Orphée Byron Kerouac et tous les junkies de l'Ancien Monde n'ont cru, ou pu l'imaginer :


Citation :

Citation :
« Quelques clics sur la toile, et quelques heures de vol... Voici l'Afrique, l'Inde, la Chine et cent contrées, cent mondes nous offrant leurs poètes, leurs chantres virtuoses, leurs shamans exaltés - naïfs, conscients, lucides, maîtres de leurs moyens, inspirés dans leur art.

« Leurs langues, classiques, dialectales, leurs styles secs ou fleuris y portent aussi bien à l'émotion intime qu'à l'introspection ou à la transe collective. Les fioritures extrêmes du kriti, le « récitatif aux huit timbres », le « chant chuchoté » - tant d'extraordinaires particularités de tous les arts du monde, les uns traditionnels, les autres récents (y compris les concerts de l'art pop, l'art vidéo, les « performances », la « culture urbaine »…) vivent manifestement hors cadre… rimbaldien, mallarméen, mais saisissent le rapport au monde et rythment l'action bien plus sensiblement qu'un poème dans son livre.

« La leçon n'est pas tendre. Notre religion n'est plus la bonne. Notre Terre n'est plus le centre de l'Univers.

« Mais nous vivons ce temps où sous toutes latitudes, de toutes nations, toutes langues, - mieux instruits des visages multiples de leur art, éclairés des progrès des sciences du langage, les poètes peuvent enfin comparer leurs approches, leurs efforts respectifs, mesurer fertilement les chemins déjà faits, œuvrer de conséquence, en conscience plus grande. »

(Louis Latourre Les Dessous du langage - Société Française des Etudes Byroniennes, mars 2008)


« Les poètes peuvent, pourraient… » !!! Ce sont là des vœux pieux. Quoi qu'en disent Valéry et au moins quelqu'un d'autre la tradition de juger existe, perdure, n'est pas près de s'éteindre. Et quand je dis « juger »… On sait que le reproche, l'anathème, l'injure viennent encore et toujours aux lèvres du censeur, et même plus souvent que le charme du chant.

PART FOUR – (In cauda venenum)

Reflexion sur la poésie - Page 5 Scorpion


Aujourd'hui que tout le monde écrit, compose (sculpte, peint, fait des vers, de la danse, de la poterie etc.) ; aujourd'hui qu'à peu près tout le monde publie – ne serait-ce que sur le Net... le petit monde des « élus par l'argent et la caste sociale », détenteur des tribunes, instructeur des masses, le petit monde du Savoir ne s'en maintient pas moins comme il peut. J'en partage malgré moi quelques commodités.

Mais c'est peau de chagrin que cet espace vital : l'autopromotion, la pratique autoréférentielle, l'admiration narcissique, les renvois d'ascenseur « donnez-moi une heure de France-Culture, je vous en donne deux de Sorbonne » n'occupent plus la totalité des espaces culturels, et moins encore celle des esprits curieux de savoir – en tout cas je l'espère. Heureux décloisonnement !

La noze la plus destroy rejoint l'art de l'Ircam. Prigent comprime ses phrases comme Mc Jean Gab'1… Joey Starr a des moments vocaux dignes des meilleures mesures des Études de Debussy… (On peut montrer lesquels.) Relisons Valéry : « … tous les arts sont libres maintenant ; personne n'y est plus expert que quiconque… »
Reprenons tous ses mots, retenons les paroles, apprivoisons-nous bien pour ne plus y trouver que truisme, évidence. Rien en tout cas, je le répète, qui vaille de sortir le fusil !
Ensuite, une fois cet effort fait, patience prise sur nous-mêmes, état des choses admis, ensuite…, supposons que quelqu'un, quelques-uns, sans méchanceté, sans mauvais esprit, poussent la liberté à quelque paradoxe ;

Supposons que quelques-uns poussent la liberté, le « chacun fait comme il veut » (Valéry toujours) jusqu'à s'essayer encore aux formes fixes reproductibles de leur vieille culture, mais pis encore : supposons qu'ils le fassent

1) - en connaissance intime, chamanique, des règles ;

2) - avec un relatif bonheur, c'est-à-dire parvenant à tirer un jus un peu nouveau de cette vieille salade – (ce qui est tout autre chose que de se couler sans effort dans un moule préétabli) ;

… et surtout :

3) - au point que leur travail soit associé à l'actu (pas seulement artistique), annoncé commenté et promu par la presse écrite, audio et télévisuelle, soutenu par de grands organismes subventionnés etc., donc… se rendent médiatiquement visibles, l'espace d'un instant…

À supposer ce triomphe de l'Improbable…

Quel genre alors de réaction, quelle manifestation sensible, de quel ordre de sentiment, pourra bien saluer en connaissance de cause, ce que l'on pourrait dire « prouesse » ou « performance » singulière (au sens de « solitaire »)…

J'en propose quatre ou cinq… mais la liste est ouverte :

- admirer, s'enchanter, se réjouir sans préjugé
- s'étonner (ou s'en ficher) un peu… ce qui est l'un comme l'autre assez sage
- en sourire - avec condescendance ce qui n'est pas gentil mais … bah !... somme toute légitime (puis l'amour-propre est parfois en jeu)
- ranger dans le casier « réaction », « littératures-formes à contraintes » « esthétisme » « néo-classicisme » ou pire (l'invention le classement la datation par catégories résume ce que l'école peut nous enseigner de la poésie – via les constructions de l'Histoire de l'Art)
- soit… soit s'en fâcher.

S'en fâcher ! Voilà. Je voulais en venir là.

S'en fâcher… Nous y sommes. Fâcherie ?!... Vraiment inexplicable… Je sais de quoi je parle. Tout incompréhensible si ce n'est, à mon sens, par la dose d'humour-conséquence de tout ce que je viens d'essayer de faire un peu sentir…

La fâcherie-2009 – 2009 !!! – en matière d'esthétique me semble une attitude ludique, à la Abbott & Costello ! – gentiment déjantée joliment décalée – plaisamment diachronique. Ceux qui font les fâcheux ne croient pas plus que ça à leur fâcherie. Ils ne peuvent pas y croire.

Apporter cette aigreur ! et ces sourcils froncés, dans un domaine qui a la réjouissance pour objet, un domaine sans autre nécessité que celle des règles d'un jeu (si l'on veut s'amuser… sérieusement ! pour de bon), sans nulle obligation de participation… Quatre-vingts ans après les anathèmes excommunications oukases surréalistes ! On dirait Abbott & Costello go to Mars. On dirait les Simpson ! Ou le tatouage de Julien Doré : J'endors mes sons. C'est comme se fâcher que quelqu'un n'ait pas la même couleur de cheveux qu'un autre – Hellzapoppin… De toutes les réactions c'est la plus incongrue, c'est … C'est la plus… poétique.

Une vraie mise en abyme avec ou sans « y » : Se fâcher, insulter, libérer sur un jeu des instincts ludicides ! Le sérieux du censeur semble si hors sujet que j'en viens à me dire : « Après tout oui, cette fâcherie est peut-être la plus poétique qui soit, elle répond jeu pour jeu ; et relève même de l'ordre de la poésie pure… Toute l'invention consiste à faire quelque chose de rien écrit Racine : de là à faire tout un poème pour … un poème ! Les miroirs sont jumeaux, le puits va de soi-même. La pente est souriante, agréable et facile…»

La Fontaine a bien fait d'un fromage une fable. Pourquoi pas le contraire ? L'attitude poétique change l'aigreur en sourire. Le sourire domine. « Comment ne pas juger un poème – Du moyen de ne pas se fâcher »…

EPILOG

« Nos cerveaux sont trop faits de la pâte grise des livres » souriait Valéry.
On peut bien ajouter : De la foi dans les mots…

L'invention des fameuses règles ?... Rétrospectivement : je la crois due au temps, à la lassitude et à la pudeur de notre condition verbale (Qu'avons-nous fait de nos langues humaines, qu'avons-nous fait de nos paroles durant ce dernier million d'années)...

Mais prospectivement, n'eût-elle pas fait son temps : je la vois liée à l'hyper-conscience sceptique de poètes sensibles, sans illusion, type Malherbe revisité par Hiroshima… Elle peut je pense produire encore… sous couvert d'applications très fines si elle veut inventer ; plus fines, plus délicates, plus choisies que jamais. Invention éclairée des progrès des sciences du langage ; et consciente des visages multiples de la Muse…
C'est même plus dur encore que du temps de Malherbe !

Ce type de conscience a ses naïvetés. La « pudeur » que je dis, de notre condition verbale, concerne seulement ceux d'entre nous heurtés, ceux d'entre nous blessés

1) - des limites d'expression de notre langue dite natale ;

2) - de l'étrangeté foncière du procédé d'échange que représente la parole, – et du ridicule qui s'attache à ce bruit comme à tout ce qui fait l'humaine fragilité…

Sauf accident c'est vrai, ou sauf choix d'ascétisme, nous n'avons d'autre loi que celle de parler. C'est notre prison 1. C'est aussi le couloir vers le jour – dont certains choisissent de tailler la forme et la matière – pourquoi leur en vouloir, leur reprocher le corps de l'entreprise ? Il se peut qu'ils en fassent une chambre d'écho, un lieu de résonance ou dissonance heureuse... Bénéfice du doute.



Qu'est-ce que parler ? Qu'est-il possible à l'homme d'exprimer ? Creusés dans ces deux questions radicales, les chemins frayés hors de nos ethnocentrismes (lieux et temps) sont peut-être aussi féconds que ceux courus sur nos prés familiers.
. . .
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyMer 21 Jan 2009 - 10:28

c'est un débat de très haute facture. bravo
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elena
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyJeu 22 Jan 2009 - 10:11

rivela a écrit:
c'est un débat de très haute facture. bravo
ah merci rivela
Facture convient à la poésie, les Dupondt diraient même plus manufacture ! Reflexion sur la poésie - Page 5 Cartable_sourire
A propos de fabrication j'ai des nouvelles toutes fraîches pour les Parfumés soucieux d'être à la pointe de l'actu... Il a fini !
Je veux parler de Henri Suhamy, spécialiste de Shakespeare, traducteur pour la Pléiade, à qui Gallimard a passé commande de la traduction en vers français rimés de Venus and Adonis de l'illustre William
elena a écrit:
(...) Un ami est en train de ga-lé-rer sur la traduction en vers rimés de Venus and Adonis de Shakespeare pour Gallimard, il marque des pauses il souffre (nous sommes assez intimes pour qu'il nous envoie ses premiers résultats)...
Pour le taquiner gentiment mon parrain lui a envoyé ceci la semaine dernière :


Sous quel fardeau Henri, le pauvre Will succombe…
Quel gros, quel lourd paquet de vers anglais le plombe…
Au fond de l’ombre et de l’oubli,
La Mort arrange un peu son lit :
Mais nul vivant sauf toi n’entretient plus sa tombe…


Zombie, or not zombie… En quel bourbier il tombe.
Mais d’un tel joug dit-on, l’allègement t’incombe :
De Lear - d’Hamlet ou de Macbeth -,
Tu l’as souvent tiré du stress…
En ajustant sur lui tes ailes de colombe…


Soutiens-le donc… Vas-y… Toi son passeur fidèle…
Puisque aux enfers la Mort veut garder Will pour elle,
Conduis-le donc comme un Hermès,
Comme un Thésée, un Héraclès,
A divorcer d’avec l’Hadès et l’asphodèle.


Guide… Conduis ses pas, comme Adonis Vénus…
Tire vers toi le fil de son british laïus…
C’est trop tâter de Proserpine :
Viens à ton tour fouiller la mine,
Viens de tes chants exquis lui chatouiller l’humus.


Il t’appartient, prends-le… Soit métro, bus ou tram,
Il s’en remet entier au soin de ton Sernam…
Le temps n’est plus au train fantôme ;
Mais aux délices du royaume
Où ton stylo fameux doit faire entrer William



On vient de recevoir la "première mouture" de la traduction complète !!!
C'est un travail fantastique mais (malgré l'admiration légitime qu'on peut lui porter) on sent qu'Henri Suhamy le premier, connaît trop bien les limites d'une telle gageure pour s'illusionner quant aux chances de pertinence du résultat. Il est président de la société française de stylistique, et non seulement spécialiste du vers anglais mais encore du français. (On lui doit les deux Que sais-je : La Poétique et Les Figures de style.)

Première mouture, aventure à suivre !
.
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MessageSujet: Re: Reflexion sur la poésie   Reflexion sur la poésie - Page 5 EmptyJeu 22 Jan 2009 - 11:57

Je te remercie elena de me donner l'occasion de bénéficier, par l'intermédiaire de notre cher forum, de ces réflexions si pointues sur la poésie...
Je t'ai lue attentivement...Je ne saurais rien ajouter car je ne suis pas spécialiste...Je déguste (en lecture) au quotidien la poésie comme on sait déguster un mets succulent sans pour cela en connaître chaque ingrédient ni par quelle alchimie les ingrédients s'associent pour atteindre au sublime ...
J'apprécie l'ouverture de votre propos et la perfection du style avec lequel vos quatre mains vous ont permis de l'exposer...

"Ce qui distingue la poésie de la parole machinale, c'est que la poésie justement nous réveille, nous secoue en plein milieu du mot.
Ce dernier se révèle alors à nous d'une étendue bien plus vaste que nous ne l'imaginions, et nous nous souvenons soudain que parler veut dire: se trouver toujours en chemin."

(Ossip Mandelstam- L'entretien sur Dante. 1933)
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