LE BOULEVARD PERIPHERIQUEPrix du Livre Inter 2008Mais qu’est-ce que le Prix du Livre Inter ?
Créé par Paul-Louis Mignon en 1975, le prix du Livre Inter compte aujourd'hui parmi les plus hautes récompenses du monde littéraire. Prix populaire, il s'inscrit tout naturellement dans le quotidien de France Inter et de ses auditeurs, auxquels ce rendez-vous est désormais familier.Héhé…Et si « les attentes du public » ne se trouvaient pas là où le pense notre Président ?...
Et si les attentes du public étaient tendues en Littérature vers l’excellence du langage et la profondeur de la pensée ?...
Car c’est bien ce roman dense et éblouissant que
le public a choisi de récompenser par le Prix du Livre Inter 2008 ! …
Le boulevard périphérique est nourri de l’expérience vécue par
Henri Bauchau lorsqu’il a accompagné sa belle-fille au seuil de la mort, au cours des années 80. Il est nourri de ses souvenirs de jeunesse et de guerre. De l’expérience et la connaissance du psychanalyste qu’il est. De sa culture. Et de la sagesse, de la sérénité, de la liberté de ton de l’homme presque centenaire qu’il est maintenant .
Paris. 1980
Parce que sa belle-fille, Paule, est hospitalisée pour un traitement sans espoir contre le cancer, le narrateur, pour se rendre auprès d’elle, prend chaque jour le métro, le RER, le bus ou sa voiture. Lenteur et encombrements du boulevard périphérique. Fatigue occasionnée par ces trajets pénibles qui s’ajoutent aux circonstances tragiques.
Paule n’est pas consciente de l’issue qui sera promptement fatale et à la moindre amélioration de son état, continue à faire des projets.
La mère de la jeune femme, présente à son chevet, veille à ce qu’on la tienne dans l’illusion d’une rémission possible.
«Elle contemple sa fille comme d’autres contemplent Dieu»Mykha, le mari, fait ce qu’il peut entre son travail, son petit garçon, sa femme et les difficultés financières…
Henri Bauchau, sereinement, presque cliniquement, parle du cadre, des soignants, et de la variation incessante des sentiments de chacun, sentiments poussés à leur extrême par la gravité de la situation et le besoin de s’accrocher au moindre espoir.
Au cours de ses trajets incessants, le narrateur est assailli par les souvenirs…
Celui d’une amitié de jeunesse. L’amitié (l’amour?... un amour « sans désir, ni possession».) qui le liait à Stéphane.
«Nous avons eu de l’amour la plus belle partie, ses approches, ses surprises, ses découvertes. Stéphane sans doute ne désirait rien d’autre. Il avait bien saisi dans quels conflits m’aurait plongé un amour qui aurait tenté de se réaliser. »Stéphane était un alpiniste chevronné, sensuel et gracieux, qui l’a initié à la varappe, lui a appris le dépassement de soi,
«l’énergie du plaisir difficile ».
Stéphane, héros de la Résistance, a été retrouvé mort dans un lac alors qu'il ne savait pas nager, exécuté par les Nazis dans des circonstances jamais vraiment élucidées.
Mais le narrateur se souvient aussi de l'assassin de son ami : le terrifiant Shadow, un colonel nazi d’origine russe. Il a pu le rencontrer après la guerre, dans la prison où le bourreau se mourait. Une rencontre qui a eu lieu à la demande de ce dernier.
«Ce que je perçois aujourd'hui, alors qu'il y a trente-six ans que Stéphane n'est plus, trente-cinq ans que Shadow est mort, c'est que cela n'est plus qu'une vieille histoire, un vieux film un peu rétro, un peu mélo avec un SS et un résistant.»
«En face de la pesanteur de pierre de Shadow je perçois combien, malgré sa solidité, Stéphane est léger, aérien.»La pensée du narrateur vogue entre le présent et le passé. Sans cesse. Entre les vivants et les morts. Mais sans nous perdre. Parce que l’écriture est simple et précise. L’expression de la pensée (la pensée humaniste et profonde d’un sage au grand cœur) est claire. Le récit parfaitement construit. Aussi nous le suivons dans son monde intérieur…Mais ce monde, bien qu’il lui soit personnel, est aussi celui de l’universalité des sentiments humains et nous renvoie constamment à nous-mêmes…à du connu, du vécu…
«
Il ne faut que regarder en soi toujours plus fort, toujours plus profondément», jusqu'à ce que les «yeux intérieurs ne soient plus deux, mais toute une constellation, un dôme de regards fixés sur l'obscurité».«
Je voudrais faire l'économie de toutes les morts que j'ai vécues, de celles que je devrai vivre encore. Je ne peux pas, je suis dans ce temps, dans ce monde, il n'y en a pas d'autres.»La mort constitue le thème central du livre, mais d’autres thèmes sont abordés : l’amitié, l'impuissance face à la vieillesse et la mort, l’horreur de la guerre, la force d'une main tendue, le réconfort qu’on peut apporter en tenant une main aussi…Un regard également sur le monde urbain d’aujourd’hui…
«J’ai envie d’un autre monde où il n’y aurait plus cette folie mécanique, ces murs, ce ciel toujours emprisonné qu’on ne voit qu’en lambeaux, mais ce monde est le nôtre, celui que nous avons voulu.» Le livre ne m'appartenait pas. Il m'a été prêté par Senti (
à elle ) qui l'a cerclé...J'aurais voulu souligner, surligner, sans cesse...Pour ce faire, et parce que cela s'avère pour moi une nécessité, je vais devoir m'acheter ce livre...et le relire!