Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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bix229
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MessageSujet: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyJeu 1 Jan 2009 - 18:35

Nos premières expériences de la vie nous sont racontées plusieurs années après par nos parents, et nous éprouvons un terrible contentement à les
entendre narrer notre propre histoire ; quand ils nous parlent de nos premiers mots, de nos premiers pas, on les écoute en ayant le sentiment
qu'il s'agit de l'histoire d'une autre personne.

Mais cette agréable impression qui rappelle le plaisir de se voir soi-meme dans un songe vient également semer dans notre ame une habitude qui
nous empoisonnera tout au long de la vie : celle de donner un sens à ce que nous vivons - meme les joies les plus intenses - en fonction du regard
des autres.

Ces souvenirs de petite enfance, que l'on apprend par d'autres... et que l'on s'est appropriés en croyant commencer à s'en souvenir, on se met à les raconter avec conviction aux autres.

De la meme manière, ce qui est dit à propos des différentes choses que l'on fait dans la vie, au bout d'un certain temps, prend la forme d'un souvenir, et ce souvenir devient bien plus important que ce qui a été réellement vécu.

Orhan PAMUK - Istambul. Souvenirs d'une ville. P. 17
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyJeu 1 Jan 2009 - 19:36

Un petit extrait de Mademoiselle Julie de Strindberg, il a attiré mon attention et résume, symboliquement, la problématique de la pièce :


"JEAN. - Vous savez, vous êtes très étrange !

JULIE. - Peut-être, mais ça, vous l'êtes aussi. Et puis tout est étrange. La vie, l'humanité, tout ... Cette neige noire qui tourne, tourne sur l'eau et s'enfonce, s'enfonce. J'ai fait un rêve qui me revient de temps en temps, et je me le rappelle en ce moment. Grimpée tout en haut d'un pilier, j'y suis assise sans aucune possibilité d'en descendre ; j'ai le vertige en baissant les yeux, et je dois regagner la terre, mais je n'ai pas le courage de m'élancer ; je ne puis m'y maintenir et il me tarde te tomber, mais je ne tombe pas. Pourtant je ne connais la paix, je ne connais le repos que lorsque je suis en bas, tout en bas, sur le sol. Et si j'ai réussi à l'atteindre, je voudrais disparaître sous la terre. Avez-vous jamais connu cette sensation ?

JEAN. - Non. Je rêve d'ordinaire que je suis couché sous un grand arbre dans une forêt obscure. Je veux monter, monter au sommet, pour voir le clair paysage tout brillant de soleil, et dénicher le nid où dorment les brillants oeufs d'or. Et je grimpe, je grimpe, mais le tronc est si énorme, si lisse, et elle est si loin, la première branche ! Mais je sais que si je l'atteins, la première branche, j'arriverai au sommet aussi aisément que par une échelle. Jamais encore je ne l'ai atteinte ; mais j'y arriverai, même si c'est en rêve ! "
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MessageSujet: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyVen 2 Jan 2009 - 18:58

C' est à cette époque qu'on me conduisit pour la première fois au cinéma,
voir l' adaptation de Vingt mille lieues sous les mers, dont les silences me
faisaient peur...
J' ai sans doute manqué beaucoup de choses, étant donné que je ne
pouvais pas encore lire les sous-titres...

Avec ma puissance d'imagination, il m'était très facile de recréer les lieux où je ne pouvais aller.
(Ce qui reste encore très important pour moi quand je lis).
Ces fictions que je me bricolais en partant d'un élément personnel, comme on intervient consciemment dans un reve, ... étaient des mondes sur lesquels je pouvais exercer mon controle.

Orhan PAMUK - Istanbul. P. 34
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MessageSujet: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptySam 3 Jan 2009 - 19:57

Chose étrange, Copler, mon pauvre ami, dans le triste état de santé où il
se trouvait, avait la manie de parler femmes.
Quand Augusta n' était pas là, il n' était question de rien d' autre.
Chez le malade réel, disait il, l' appétit sexuel s' affaiblit, et c' est une bonne défense de l' organisme.
Chez le malade imaginaire, qui ne souffre que du désordre de ses nerfs
trop tendus, cet appétit s' exagère de façon pathologique.
J' apportai à l' appui de sa théorie le témoignage de mon expérience
personnelle...

- Ainsi tu désires toutes les jolies femmes que tu vois ? me demanda Copler.

- Non, pas toutes, murmurai-je, pour ne pas sembler trop malade.

Italo SVEVO - La Conscience de Zeno. P. 222
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptySam 3 Jan 2009 - 22:35

L'après-midi du surlendemain, elle se rend compte en lisant les panneaux que la frontière hongroise est derrière elle. Elle s'était attendue à de grands tortillons de barbelés, à un haut mirador en brique, mais peut-être n'était-ce qu'une haie, un sillon dans un champ, voire ce petit village où l'on parlait deux langues. Ou encore ce ruisseau, traversé à gué dans la forêt enneigée, sous les noires révérences des arbres. Elle n'en revient pas d'être passée si facilement d'un endroit à un autre. Elle tressaille dans ce paysage à la fois étranger et foncièrement le même. Elle sait que la prochaine démarcation, entre Est et Ouest, se présentera dans quelques jours à peine, il lui vient à l'esprit en marchant que, si l'on accorde autant d'importance aux frontières, comme à la haine, c'est précisément parce qu'elles disparaîtraient si on ne le faisait pas.

Zoli, de Colum McCann
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMar 6 Jan 2009 - 21:53

Gérard, ça l'embêterait de mourir, c'est une peur un tout petit peu raisonnée, une peur précise qui laisse à l'esprit sa vivacité pour échapper au piège. Johnny, lui, a peur tout court. C'est cette forme de panique qui ne s'oublie pas. C'est d'avoir, peut-être même une seule fois, éprouvé cette peur-là que le vieux Jacques s'est transformé en cette loque désespérée.

Le salaire de la peur, Georges Arnaud
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyJeu 8 Jan 2009 - 16:12

... D'une façon générale, je pense qu'un individu quel qu'il soit, en atteignant la quarantaine, le milieu de sa vie, a de plus en plus de mal à considérer l'existence et la société comme une plaisanterie - fût-ce une plaisanterie tragique. Ce qui commence à vous frapper, c'est plutôt la tristesse qu'il y a dans la façon dont les choses tournent, dans les ratages, les erreurs commises qu'on ne peut pas toujours réparer...
... j'ai appris à ne pas top espérer des livres(...) en général. La littérature ne peut pas guérir les maux dont souffre une société, elle ne peut pas guérir non plus ceux de l'individu. Il faut connaître ces limites, en avoir conscience. La vie réelle est plus importante que les livres.
...Je n'ai jamais écrit d'autobiographie...Ecrire de la fiction c'est une façon plus confortable de dire la vérité... Le pacte qui existe entre le lecteur et le romancier est basé sur le fait que rien n'est vrai - et c'est paradoxalement très libératoire pour dire la vérité....

Jonathan Coe Interview Télérama du 7/1/09
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyDim 11 Jan 2009 - 15:34

" Île perdue au milieu d'un océan informatique, une vraie bibliothèque de livres de papier avec lesquels on puisse dialoguer est aussi une merveilleuse utopie tahitienne. "

Michel Delon, Préface du Supplément au voyage de Bougainville.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyDim 11 Jan 2009 - 16:33

Un passage magnifique, qui ne demande pas de grands efforts de transposition pour conserver sa force et son actualité :

Citation :
[...] s'adressant à Bougainville, il [le vieillard, membre de la tribu] ajouta :

" Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive. [...] Nous sommes libres, et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu ni un démon, qui es-tu donc pour faire des esclaves ? Orou, toi qui entends la langue de ces hommes-là; dis nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? Parce que tu y as mis le pied ! Si un Otaïtien débarquait un jour sur vos côtés et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux habitants d'Otaïti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort, et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé, et dans le même instant tu as projeté au fond de ton coeur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave, tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que l'Otaïtien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, l'Otaïtien est ton frère ; vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu, nous sommes-nous jetés sur ta personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ? T'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? T'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi.

Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, II - "les Adieux du Vieillard".

Je trouve la dernière phrase superbe (c'est moi qui la souligne dans le texte) : toute la morale du philosophe matérialiste est là.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyDim 11 Jan 2009 - 17:16

Very Happy J'avais étudié ce passage en première, je m'en souviens ! Parmi les textes proposés à l'étude, celui de Diderot est celui que j'avais préféré, et j'avais trouvé le Supplément au voyage de Bougainville à la fois intéressant et accessible ... Je le relirai sans doute d'ici peu, c'est quelque chose de fort court. Merci d'avoir cité le passage. Wink
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMer 14 Jan 2009 - 22:00

Citation :
J'ai vécu une vie remplie de honte.
Pour moi, la vie humaine est sans but. Je suis né dans un village du nord-est et j'étais déjà grand lorsque j'ai vu un train pour la première fois. En voyant, au-dessus de la gare, le pont où des gens montaient, descendaient, je ne comprenais pas qu'il était fait pour franchir les voies et je pensais que l'enceinte de la station était un lieu d'amusement à la mode étrangère, arrangé uniquement pour les personnes élégantes. Qui plus est, j'ai pensé ainsi assez longtemps. Monter, descendre le pont, c'était pour moi un sport distingué; parmi les emplois du chemin de fer, c'était l'un des plus spirituels. Mes yeux se sont ouverts subitement quand, plus tard, j'ai découvert que cela n'avait d'autre but que de traverser les voies.
De même, lorsque au temps de mon enfance je vis dans un livre illustré un chemin de fer souterrain, l'utilité de ce dernier ne m'apparut pas; je pensai qu'aller en voiture sous terre au lieu d'aller en voiture sur terre était simplement un amusement original.
La Déchéance d'un homme, Dazaï Osamu
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMer 14 Jan 2009 - 22:22

Pour Animal:

Citation :
En plein milieu de "notre sanctuaire de Pomone" - c'était ainsi que les membres cultivés de notre famille désignaient notre verger - , croissait un arbre probablement très ancien, au tronc noueux, aux branches présentant des courbures et des renflements, et si lourdes, ces branches, qu'il fallait qu'elles soient soutenues à l'aide de puissants échalas. Car malgré son grand âge, l'arbre portait encore des fruits en quantité. Fort bizarres, ces fruits...De grosses boules d'un jaune pâle. Quant à la fleur, elle exhalait un parfum subtil et ressemblait à une géante zagara - c'est le mot, chez nous, pour fleur d'oranger.
Les jardiniers avaient donné un nom au vieil arbre. Ils l'appelaient le "pampaleone", vocable que personne ne s'expliquait, et ils avaient déclaré que ses fruits n'étaient pas comestibles. Ce verdict, autant que ce nom magnifique aux troublantes résonances africaines - maintenant encore, malgré les années, je continue à assimiler le vénérable centenaire à l'image d'un "lion du désert" -, tout cela conférait au pampaleone un attrait irrésistible. Bien sûr, je me laissai aller à la tentation du fruit défendu: il était acide à en grincer des dents et je le jetai dégoûté. Une fois de plus, je fus sévèrement réprimandé par Pipitone, le chef jardinier, qui m'assura que j'avais risqué gros et qu'il savait ce qu'il disait lorsqu'il affirmait qu'un enfant moins robuste que moi serait tombé raide mort.
Des années, bien des années plus tard, me remémorant cet incident, je réalisai que le dangereux "pampaleone" n'était qu'un inoffensif pamplemousse. Mais rares , à l'époque, étaient les Siciliens qui en connaissaient le goût et le nom. La vogue du fruit que redoutait tant Pipitone n'avait pas encore passé l'Atlantique, pas plus du reste que la coutume étrangère, qui veut qu'il soit servi coupé en deux et tristement présenté "à l'américaine", posé sur son lit de glaçons comme sur une couche mortuaire, paré de sa rituelle cerise.
p.12-13
Une Enfance sicilienne, Fulco di Verdura
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MessageSujet: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMer 14 Jan 2009 - 22:33

Plein de gouts, de parfum et d'odeurs, de couleurs ce livre...

Une vraie madeleine, pour l'auteur et pour moi : je me souviens !
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMer 14 Jan 2009 - 22:39

bix229 a écrit:
Plein de gouts, de parfum et d'odeurs, de couleurs ce livre...

Une vraie madeleine, pour l'auteur et pour moi : je me souviens !

Pareil. C'est un livre délicieux, drôle et ensoleillé que je redécouvre avec beaucoup de plaisir.
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MessageSujet: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 15 EmptyMer 14 Jan 2009 - 22:55

Allez, on le conseille, Nezumi...

On le trouve encore sur Internet ! lire
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