Andrei Zviaguintsev

On peut voir l'intégralité du Bannissement sur youtube (en vostanglais mais ça n'est pas très bavard). Quelques extraits plutôt pour ceux qui ont déjà vu le film...

Le fameux travelling de la "résurrection" de Vera (qui démarre à 3'45):



Et l'introduction du film avec le passage de la campagne à la ville:



Le puzzle de L'annonciation (1'59) parallèlement à l'avortement de Vera:



De père en fils, la loi des mâles:



La source qui se ranime (6'22):

Le film que j'attends le plus cette année: Elena de Zviaguintsev. Peut-être à Cannes??? Je n'ai trouvé aucune information pour l'instant.

Il faudra attendre Janvier pour découvrir Elena qui a obtenu le prix special du Jury dans la catégorie Un certain regard. Dostoïevski n'est pas loin...

Citation :

Elena. Un sombre drame familial où l’argent est la source de tous les maux. Le film possède une formidable atmosphère grâce à sa mise en scène particulièrement précise, dans ses choix de cadrage et mouvements de caméra.

Premières images:

Citation :

Temps

J’essaie de sentir la bonne longueur pour chaque plan. J’ai demandé aux acteurs d’être le plus réaliste, sans les poses théâtrales et les rythmes lents caractéristiques du cinéma russe. Je voulais un début méditatif, suggestif, pour que le spectateur rentre dans le film. Pour le plan fixe d’ouverture, j’avais 2’ 40 où rien n’était à jeter. Mais comme je sais que certaines personnes ne supportent pas la lenteur, je coupais chaque matin quelques secondes, jusqu’à trouver un compromis avec la patience du spectateur. Au final, il dure 1’ 20, mais j’aurais pu continuer à regarder.

Lieu

Tout est tourné en décor. Même le plan d’ouverture avec le soleil, c’est faux. L’intérieur de l’appartement de Vladimir explique le personnage. L’intérieur de celui du fils d’Elena, ce sont les réalités d’aujourd’hui. On a beaucoup regardé la télé pour comprendre ce que je devais mettre. Chaque membre de la famille est ainsi identifié par un programme particulier. Quand la presse russe a vu le film, les critiques riaient tellement c’était représentatif.

Consistance (du personnage)

Au début, on voit une femme passive et donc, quand le crime arrive, c’est la péripétie, on est surpris. Je voulais créer une sorte de sympathie avec Elena, que le spectateur soit de son côté plutôt que de celui de Vladimir, comme si avec elle on se trouvait déjà sur le territoire du crime.

Catharsis

Il y a des spectateurs qui restent de son côté et d’autres qui s’en dissocient. Par exemple du point de vue religieux, on peut se dire que c’est un crime et qu’on ne devrait pas le commettre, c’est un énorme péché. Moi, je ne suis pas du côté d’Elena, je pense que cet argent ne va pas lui apporter le bonheur, mais ce sont mes idées religieuses. Je pense comme Dostoïevski, qu’il y a le crime, puis le châtiment. Est-ce qu’Elena pourra vivre avec ça ? On ne sait pas.

Le 7 Mars 2012 !!

Marko a écrit:

Le 7 Mars 2012 !!

Je m'en réjouis! Enorme réalisateur dont je suis l'oeuvre.

Mais que c'est énervant que dans plusieurs langues (et cela vaut aussi pour autres films...) on aimerait montrer sa proxiité au russe en intercalant une lettre bizarre dans le titre. Malheureusement ce n renversé n'est PAS un n en russe, mais un i. Quelle bêtise donc. Où est-ce qu'il y a un sens profond... (Le n russe s'écrit H)

tom léo a écrit:

Je m'en réjouis! Enorme réalisateur dont je suis l'oeuvre.

Mais que c'est énervant que dans plusieurs langues (et cela vaut aussi pour autres films...) on aimerait montrer sa proxiité au russe en intercalant une lettre bizarre dans le titre. Malheureusement ce n renversé n'est PAS un n en russe, mais un i. Quelle bêtise donc. Où est-ce qu'il y a un sens profond... (Le n russe s'écrit H)

Et pour faire encore plus russe tu as aussi la version icônique (et le bébé est de dos)!



En anglais les lettres restent dans le bon sens:

Ce sera aussi ma priorité du mois de mars.

tom léo a écrit:

Mais que c'est énervant que dans plusieurs langues (et cela vaut aussi pour autres films...) on aimerait montrer sa proxiité au russe en intercalant une lettre bizarre dans le titre. Malheureusement ce n renversé n'est PAS un n en russe, mais un i. Quelle bêtise donc. Où est-ce qu'il y a un sens profond... (Le n russe s'écrit H)

Je suis bien d'accord avec toi, ça m'agace toujours, je me demande à chaque fois s'ils savent vraiment que ce qu'ils écrivent n'a aucun sens (mais qu'ils pensent que ce n'est pas grave parce que les autres ne sont pas "supposés" le savoir non plus), ou bien si eux-mêmes ne le savent vraiment pas... Je ne sais pas ce qui est préférable...

Apparemment, les Anglais sont moins pris pour des crétins, ou bien les maquettistes sont moins "créatifs" que chez nous...

Marko, plusieurs de tes extraits du Banissement ne fonctionnent plus, son auteur ayant été "banni" de youtube

Concernant la faute de cyrillique, je me suis fait la même réflexion que vous. Elle est volontaire, je pense, cela fait plus russe. Pyramide est l'un des meilleurs distributeurs français, par ailleurs (Still Walking, Boy A, Le bannissement, Oncle Boonmee, XXY, Soul Kitchen, Le Havre, Hors Satan, etc.). A leur programme, le prochain Friedkin et un film estonien avec Jeanne Moreau.

Et oui. Plein de vidéos ne sont plus valides au bout d'un moment sur la plupart des fils. Surtout les extraits de films.

J'ai vu que Zviaguintsev avait utilisé le 3e mouvement de la 3e symphonie pour cordes de Philip Glass pour Elena. Il dit dans une interview que son compositeur habituel travaillait déjà sur le son du film et qu'il n'avait plus assez de temps pour écrire la musique. Philip Glass a accepté qu'il l'utilise et se proposait même de composer une nouvelle partition estimant que la 3e symphonie était une oeuvre ancienne. Mais Zviaguintsev trouvait que telle quelle elle convenait parfaitement au climat du film et à ses différents voyages. En tout cas les 2 premières minutes de ce 3e mouvement.

Je ne l'ai jamais écoutée et cette fois j'attendrai de la découvrir dans le film pour avoir le plaisir maximum... Mais pour ceux qui veulent voici ce 3e mouvement:

Elena

Crime sans châtiment selon Zviaguintsev...

Je dois avouer une légère déception à la vision de ce film même si le résultat me plait beaucoup.

Le travail plastique, sans atteindre la sidération des 2 précédents films, reste très maîtrisé avec des cadrages, des déplacements de caméra, des tableaux visuels souvent remarquables. Il y a une certaine froideur mais qui me séduit. J'aurais envie de manger ses images. Les "voyages" d'Elena entre les quartiers riches et les banlieues plus défavorisées sont des compositions de sons et d'images qui fascinent le regard et le réalisateur maintient une tension constante avec quelques moments très intenses (la coupure d'électricité). La direction d'acteurs est impeccable et j'ai beaucoup aimé le personnage de la belle-fille hostile qui est capable de plein de nuances. Elle semble incarner une forme de lucidité désabusée très cruelle sur le monde qui l'entoure tout en jouissant de ses privilèges. La musique de Philippe Glass est utilisée de façon parcimonieuse et judicieuse pour renforcer le climat de suspens progressif.

Le récit est une épure qui rappelle beaucoup Dostoïevski en créant un enjeu moral après nous avoir mis en empathie avec le personnage principal. On comprend son geste, on frémit des conséquences et on observe avec attention ce qui va se passer. La résolution que propose Zviaguintsev, sans être inattendue, ouvre des perspectives et pose des questions qui restent en suspens avec ce gros plan formidable en plongée d'un enfant qui fait ses premiers pas.

Un regard de moraliste et d'esthète sur le thème de la lutte des classes qui détourne en même temps la parabole biblique avec un certain désenchantement (ce qu'il faisait déjà dans ses précédents films).

D'où vient alors ma déception? Difficile à dire finalement. Plus j'y pense plus il me plait mais j'ai quand même eu l'impression que c'était un peu "juste", trop minimaliste... trop prévisible? Pourtant pas tout à fait. Ce qui se passe vers la fin reste passionnant.

Bref un film à voir mais qui me laisse un petit quelque chose de frustrant. Les critiques antagonistes de la presse rendent compte de ce clivage. Pour une fois je partage certains arguments des 2 côtés.

Marko a écrit:

Elena

Crime sans châtiment selon Zviaguintsev...

Je dois avouer une légère déception à la vision de ce film même si le résultat me plait beaucoup.

[...]

D'où vient alors ma déception? Difficile à dire finalement. Plus j'y pense plus il me plait mais j'ai quand même eu l'impression que c'était un peu "juste", trop minimaliste... trop prévisible? Pourtant pas tout à fait. Ce qui se passe vers la fin reste passionnant.

Il n'y a pas de quoi nous décourager d'aller le voir... si l'occasion se présente...

Oui. Il faut le voir !

Elena

Difficile d'y voir clair...j'ai beaucoup de réserves sur le fond mais cela reste un film marquant. Dès l'ouverture, le formalisme de Zviaguintsev impressionne même si l'on ne retrouve pas en effet l'ampleur de ses précédents films. Mais il parvient à nous faire ressentir un intérieur, l'"intimité" du couple et la représentation d'une solitude avant que le moindre mot ne soit échangé.
Elena exprime en permanence une tension, un vertige glaçant et je n'ai précisément pas adhéré à cet univers très sombre...peut-être parce qu'il me restait en mémoire le récent Portrait au crépuscule, parfois plus maladroit mais laissant la place à l'espoir, à la révolte d'une sensibilité. Dans sa vision de la Russie contemporaine, Zviaguintsev renvoie une telle amertume que j'ai eu l'impression de contempler des boucles qui se referment sans cesse. Et certains effets de mise en scène m'ont paru trop symboliques (le cheval mort, le nourrisson), alors que des personnages plus ambigüs et sincères ne restent qu'en deuxième rideau (la belle-fille, poignante dans ses excès).
Le choix de Philip Glass comme accompagnement musical est efficace mais ne m'a pas convaincu : ces motifs ont déjà été entendus trop souvent (pas forcément la même oeuvre mais le style Glass est reconnaissable entre tous), et cela fait perdre au récit son identité et sa singularité.
Une déception assez nette, donc, mais forcément liée à mes attentes et à ma perception du discours du cinéaste, d'une radicalité cependant très riche dans sa réflexion.

Avadoro a écrit:

Le choix de Philip Glass comme accompagnement musical est efficace mais ne m'a pas convaincu : ces motifs ont déjà été entendus trop souvent (pas forcément la même oeuvre mais le style Glass est reconnaissable entre tous), et cela fait perdre au récit son identité et sa singularité.

J'ai l'impression qu'il a été pris de court parce que son compositeur habituel n'avais pas le temps de composer la musique. C'est vrai que Glass a été très souvent utilisé au cinéma ces dernières années.