Olga Tokarczuk [Pologne]

Récits ultimes

Trois récits, centrés sur trois femmes, la grand-mère, la mère et la fille. Chacune dans son individualité, sa solitude. Et dans un moment particulier,où plus la proximité de la mort, la vie a l'air de s'absenter, jusqu'à paraître vide de sens. Et les personnages en paraissent s'absenter d'eux-même. Et ce qui a fait la trame de leur existence jusque là revient en réminiscence, tout en se vidant de sa substance.

J'ai trouvé en fin de compte le principe même du livre (ces trois récits de trois générations de femmes) gratuit, et pas très satisfaisant. Parce que je n'ai pas la sensation que ces récits se répondaient. A la limite, il aurait pu s'agir de trois personnes qui ne sont jamais rencontrées, trois nouvelles sur trois femmes. Celles-ci en elles-mêmes ne sont pas sans intérêt, j'ai en particulier apprécié la deuxième, qui évoque la grand-mère. Mais c'est en tant qu'un tout organique que je trouve ce livre un peu bancal, un peu désincarné. Mais il y a quand même des choses qui accrochent, et la lecture est assez prenante. Mais j'ai la sensation qu'il m'en restera moins que des autres ouvrages de l'auteur que j'ai lu jusque là.

DIEU, LE TEMPS, LES HOMMES ET LES ANGES [PRAWIEK I INNE CZASY]



Nous sommes quelque part, et nulle part à la fois. Un village en Pologne, nous allons suivre sur trois générations la vie de certains villageois. Cela débute à la veille de la première guerre mondiale. Mais les échos du monde, de l’histoire, ne parviennent que d’une manière assourdie jusqu’à ce village, dans lequel l’essentiel, comme depuis la nuit des temps, est et de naître, d’aimer, d’avoir des enfants, puis de mourir. Et de trouver quelque part sa place au monde. Au monde des hommes mais aussi celui de la nature, et peut être aussi d’une façon plus vaste dans un ensemble de forces qui font tourner l’univers, quelle que soit la conception que l’on en a.

C’est le troisième roman d’Olga Tokarczuk et sont premier grand succès populaire. J’ai décidé de lire désormais ses livres dans l’ordre dans lequel ils ont été écrits, ce qui donne vraiment la mesure de son œuvre. On voit à quel point les thèmes se mettent en place et se répondent. C’est un livre étonnant, composé de bouts de vies, très précises, décrites minutieusement, par les gestes du quotidien, on a la sensation de voir, presque de toucher ces personnages, qui sont touchants, attachants, pathétiques ou répulsifs. En même temps, l’auteur arrive à partir de ces petits bouts d’existences banales, d’aborder une sorte de conception de l’univers, très panthéiste, dans une vision où tout est finalement interdépendant, si on touche un morceau aussi minuscule quelque part, cela a des répercussions. C’est une lecture au final terriblement tonique et enthousiasmante, alors que la vie des personnages n’a rien d’idéalisée, il y a des événements terribles, et d’autres tristes. C’est plutôt dans le rapport au monde, dans un équilibre global qu’il y a une sorte d’optimisme communicatif.

Un livre que l’on dévore et qui laisse une forte trace.

Tu les relis donc? Je crois que ça me plairait de lire une auteure Polonaise de ma génération. Mais je ne pourrai pas lire ses livres dans l’ordre. Il y en a deux à la biblio ici. Mais je ne suis pas sûre à quels livres ils renvoient. De rustelozen, Ceux qui ne sont jamais en paix (plusieurs personnages, histoires dont l’une d’une Moscovite qui s’occupe de son fils handicapé) et De Laatste verhalen , Les dernières histoires (décrit comme la rencontre de trois générations de femmes dans la mort). En tout cas Les ossements des morts me tente beaucoup !

Je ne relis pas, mais maintenant je lis ceux que je n'ai pas encore lus dans l'ordre dans lesquels ils ont été écrits. Elle est vraiment très intéressante, et il y a un côté relativement optimiste dans ce qu'elle écrit, le rapport à la nature, aux animaux, cela devrait t'intéresser je pense.
Les dernières histoires cela a été traduit par Récits ultimes en français, c'est son livre que j'ai le moins aimé parmi ceux que j'ai lu. Les ossements des morts pas encore lu, et comme c'est l'avant dernier, ce n 'est pas pour tout de suite. Certains sur le forum l'ont lu et semblent l'avoir bien apprécié.

Le premier dont tu parles, je n'identifie pas, soit c'est le dernier de fiction que je n'ai pas encore lu, mais dans ce cas là il s'agit de nouvelles, et cela n'a pas été traduit en français. Soit c'est le livre que je viens de lire, il y a bien un handicapé, mais pas de moscovite, même s'il y a quelques russes (hommes).

Le premier doit être Les Pérégrins. Je vais commencer par celui-là.

J'avais beaucoup aimé Les Pérégrins, sur le forum Shanidar aussi. Mais il est assez atypique dans son oeuvre, en particulier dans la forme.

Oui j’ai lu que Shanidar avait beaucoup aimé. La construction est assez singulière mais finalement assez cohérente ? Mais tu étais un peu moins emballée par celui-là j’ai vu. J’ai commandé « Sur les ossements des morts ». Celui-là m’a trop fait de l’œil. Je tacherai de ne pas trop dévoiler l’intrigue si je fais un commentaire.

J'avais bien aimé Les pérégrins, il est vraiment original, en même temps, je crois qu'on ne peut faire qu'un livre comme celui-ci. Mais en lisant ses livres dans l'ordre, je comprends bien sa place dans l'ensemble.

Sur les ossements des morts

Janina Doucheyko vit seule dans sa maison. Une nuit Matoga la réveille, il a retrouvé grand pied mort à son domicile. Matoga, Grand pied, Bonne nouvelle, Samouraï, ses filles, ce sont les noms qu’elle préfère donner à ses amis, à sa voiture, à ses chiennes. Ils se rendent chez Grand pied et s’occupent de lui rendre sa dignité avant l’arrivée de la police. Grand pied a avalé un os de travers en mangeant la biche qu’il avait braconné, et en est mort. Elle trouve une photo sur laquelle il figure lui et ses amis, un jour de chasse, leurs proies étalées à leur pied. ….



On entre dans l´univers très fermé de cette femme qui vit dans son univers étrange, où tout est interprété par le biais de l’astrologie et qui entretient un lien fusionnel avec la nature qui l’entoure. Cette femme interprète les choses à sa façon. Elle se tient un monologue constant, qui a de rare occasion déborde, et montre qu’elle ne peut pas fonctionner comme il lui est demandé, dans un système social avec des codes préétablis et immobiles. Elle clame avec véhémence l’injustice et tente de se battre contre, mais d’une manière qui,  même si l’on peut se ranger à son avis, ne peut pas convaincre et fait d’elle une excentrique que personne n’écoute. Mais jusqu’où peut-elle être considéré comme une douce dingue est la question. Dans quelle mesure a-t-elle raison ou pas ? Jusqu’où a-t-elle le droit d’aller pour rendre justice ?

-Dans quel monde vivons-nous? Un monde où un corps est transformé en chaussure, boulettes de viande, saucisses, descente de lit, et dont les os servent à faire du bouillon....(...) Est-ce possible que ces monstruosités aient vraiment lieu? Cette tuerie gigantesque organisée, cruelle et impassible, mécanique, sans aucun remords, sans la moindre reflexion...(...) Quel est ce monde où la tuerie et la souffrance sont érigées en normes? Avons-nous perdu la tête?


Olga Tokarczuk a bien su nous faire entrer dans l’univers solitaire et obsédant de cette vieille femme à la logique si particulière. On vit dans sa tête, et l’on ne peut que prendre parti et avoir de la sympathie pour elle, tout en revenant régulièrement sur ce que l´on pense en partie à cause de la surprise que provoque en nous ses récriminations sans queue ni tête.

J´ai beaucoup aimé.


Rembrandt

Je suis soulagée, tu ne regrette pas ta lecture.

Sur les ossements des morts va être porté à l'écran par la cinéaste Agnieszka Holland dans une coproduction allemano-polonaise (dixit Schöffling & Co. l'éditeur allemand d'Olga Tokarczuk).

Il faut donc que je le lise avant.

Arabella a écrit:

Il faut donc que je le lise avant.

itou ! Merci pour ton commentaire pia, et oui je garde un très bon souvenir des Pérégrins !

Maline a écrit:

Sur les ossements des morts va être porté à l'écran par la cinéaste Agnieszka Holland dans une coproduction allemano-polonaise (dixit Schöffling & Co. l'éditeur allemand d'Olga Tokarczuk).

Tiens intéressant!

pia a écrit:

Maline a écrit:

Sur les ossements des morts va être porté à l'écran par la cinéaste Agnieszka Holland dans une coproduction allemano-polonaise (dixit Schöffling & Co. l'éditeur allemand d'Olga Tokarczuk).

Tiens intéressant!

Ce qui est dommage c'est qu'elle est une cinéaste souvent académique. On pouvait rêver mieux pour l'adapter. A suivre ...