Blaise Cendrars [Suisse]

Tu ne donnes pas l'impression d'y avoir été très à ton aise, dans cette lecture.

non, ce texte est éprouvant, même l'amitié qui lie ces deux hommes n'allège pas je dirais même que ce sentiment a produit l'effet inverse sur moi.

Tu l'as lu toi Moravagine ?

comme j'ai commencé le livre par le 2ème récit je vais entamer Moganni nameh (petit récit).

Bédoulène a écrit:

Tu l'as lu toi Moravagine ?
.

Il y a très longtemps. Aucun souvenir .

Moganni Nameh

Je ne connais pas la signification de ce titre, s'il y a en une, ou bien est-il simplement né de l'imagination de l'auteur ?

Court récit, un étudiant en médecine (José), mais qui l'abandonne pour la poésie, retourne plusieurs années après en Russie à St-Pétersbourg où il a passé son adolescence , poussé par "un absurde besoin de revoir les lieux où il avait été pétri des plus fortes impressions de son adolescence ; une manie de son esprit de retourner là où il avait déjà vécu, afin de mieux situer, quand il voulait les abstraire, les sentiments qui entraient désormais au royaume de la fiction..."

Mais sa paresse l'entraine à déambuler dans la ville au lieu de travailler. Ses balades sont prétexte à rêveries, parfois hallucinatoires mais que l'auteur nous révèle dans un prose poétique et d'une musicalité intense.

Il ne reste au lecteur déjà convaincu qu'à se laisser emporter au gré des pensées du poète et regretter son départ de cette ville muse.

Bédoulène a écrit:

Moganni Nameh

Je ne connais pas la signification de ce titre, s'il y a en une, ou bien est-il simplement né de l'imagination de l'auteur ?

Moganni Nameh est l'intitulé du livre premier d'un grand recueil de poésie de Goethe, le West-östliche Divan (i.e. le divan ouest-est). Goethe, ce génie universel, s'est inspiré de la poésie persane. Le West-östliche Divan comporte en tout une douzaine de livres qu'on peut lire sur le web, en allemand.

merci de l'explication Maline !

je savais seulement que le titre initial de Moganni Nmeh avait été Aléa !

d'ailleurs B. Cendrars cite dans ce récit plusieurs auteurs, notamment : Poèmes et réalité de Goethe !

source de la photo et un peu de lecture : santerre1418.chez.com

La main coupée

Mais dans le Folio j'en ai moins que Bédoulène qui doit avoir lu les trois autres morceaux autobiographiques qui l'entoure. Ecrit à la fin de la seconde guerre (44-45 ?) le livre raconte l'engagement volontaire et 1914 avec un peu de 1915.

Légion étrangère constituée d'étranger de tous bords et de tous poils avant l'arrivée de légionnaires de métier. Chef d'escouade Blaise raconte quelques moments colorés de son expérience et brosse portraits et souvenirs de quelques camarades d'infortune volontaire.

Beaucoup de boue et de combats entrecoupés de filouteries et de démêlées diverses avec la hiérarchie. La bouffe aussi et la boisson, et les femmes qui sont loin. Et tout un pan parisien. Les poètes et les semi-filous, les peintres, les mécènes, les déchus, c'est son monde. Un bel annuaire d'engagés, de croisés et de quelques retrouvés.

Mais tout ça ne dit pas grand chose sur cette lecture. Il y a presque un problème, ça se lit avec une déconcertante, presque choquante facilité. On pourrait ne pas le lâcher, ça n'arrête pas.

Pourquoi donc un problème alors ? Parce que c'est horrible le "lys rouge", les morts divers et variés, les conditions déplorables de cette guerre, les mutilés, les blessés et encore les alcooliques et les drogués mal remis une fois retrouvé le monde civil. C'est horrible mais pas loin d'être écrasé par cette envahissante facilité. Cendrars est un conteur acharné et omniprésent, et sans doute un acharné tout court. On sent le plaisir de raconter et on sent aussi le plaisir qu'il a pu avoir, si on en croit ses pages, parfois dans cette guerre. Les coups de main improvisés ou non, les copains, un goût des circonstances exceptionnelles comme cette histoire de la photo du Christ de Dompierre... et comme ses moments barges dans Moravagine par exemple, c'est beaucoup pour un simple lecteur, parfois trop de miracles et toujours presque trop facile.

Cependant ne pas oublier la dédicace à son fils pilote qui ouvre le livre ni, aussi bien écrit et facile que ça en ait l'air, les comptes et les anecdotes macabres qui ne sont pas là que pour le décor.

Bizarre et déstabilisant mélange, un truc pas vraiment net, puissamment vivant et opiniâtre. Comme si contre tout et pourquoi pas en dépit du bon sens il y avait quelque chose à faire.

trop facile d'aimer l'écriture, on en redemande.

merci Animal pour ton commentaire qui me ramène dans les tranchées.

(j'aime aussi la "gueule" de Cendrars )

Emmène-moi au bout du monde:

Première lecture pour moi de Blaise Cendrars, et nul doute que je reviendrai chez cet auteur. J'ai encore La main coupée, et Bourlinguer, à découvrir dans ma PAL , et il faudra que je me procure Moravagine, qui m'a l'air tout simplement indispensable.

Pour en revenir à ma lecture, il s'agit du dernier roman écrit par Cendrars, et peut-être pas forcément son meilleur à ce que j'ai pu lire ailleurs. En tout cas, j'ai bien aimé, même si c'est assez fouillis, ça se lit très bien, et il y a beaucoup d'humour. L'intrigue policière n'est finalement que secondaire, et Cendrars nous perd au milieu du monde du théâtre, avec ses personnages hauts en couleur, totalement déjantés.
Beaucoup de digressions, divagations, et références littéraires, notamment des hommages à François Villon, et Charles Baudelaire.

merci pour ton commentaire Arturo, j'ai l'intention de lire encore Cendrars que j'aime beaucoup !

lis aussi L'Or Arturo

C'est noté, je ne sais pas comment sont ses autres oeuvres, mais il a un style, il y a quelque chose chez lui qui me plaît.

Bon, un de plus à lire !

Je ne crois pas l'avoir jamais lu, cet auteur.

Allez hop hop hop au boulot!!

j'arrive aussi  avec "la main coupée"  si je puis me  permettre  !

Tout d’abord je n’avais jamais  lu un seul écrit de  cet écrivain. Je l’ai donc découvert avec cette lecture.  Il nous emmène dans  la boue des tranchées, dans  la  pagaie  de cette guerre  qui  a fait tant de morts et qui les a dans  beaucoup d’occasions ramenés  à l’état presqu’animal.  
Ils rampent, ils sentent mauvais, ils sont  bouseux,  mais  il y a parallèlement  une solidarité et une fraternité  entre ces  gars  perdus dans les  plaines de  la Somme  entre autres.  
Les sergents  ne veulent que de  l’avancement, les généraux sont dépassés et  le  petit, lui ben, il essaie de survivre  par tous les moyens  (petites combines, petites désobéissances) mais la loi de la guerre  même  dans cette situation domine toujours.
Blaise aura du mal à se défendre contre  les états-majors mais  il a  la force et  le courage de ses  actes.

Ce roman n’est  pas triste.  Au contraire, il est vivifiant  car  ce qui en ressort avec force c’est justement  cette camaraderie à toute épreuve. Et puis  Blaise bien sûr, qui ne veut pas être un héros et qui se comporte  comme un vrai humaniste.


extrait :
…. Mais le cri le plus affreux que l’on puisse entendre et qui n’a pas besoin de s‘armer d’une machine pour vous  percer le cœur, c’est l’appel tout nu d’un petit garçon au berceau :
« — Maman ! Maman !... » que poussent les hommes blessés à mort qui tombent et que l’on abandonne entre les lignes après une attaque qui a échoué et que l’on reflue  en désordre. « Mama ! Maman !... » crient-ils  ……  

Et cela va s’atténuant car chaque nuit les sont moins nombreux … et cela va s’affaiblissant car chaque nuit leurs forces diminuent, les blessés se vident jusqu’à ce qu’il n’en reste  plus qu’un seul qui gémit sur le champ de bataille, à bout de souffle : «  — Maman ! maman !... »
car le blessé à mort ne veut pas encore mourir, et surtout  pas là, ni comme ça, abandonné de tous…

Merci pour ton commentaire, Dara ! Cendrars était un aventurier plein d' imagination et de vitalité.
Et ce qu' il ne savait pas, il l' inventait. Je ne demande pas à un écrivain d' etre véridique... authentique
me suffit.