Et si vous alliez à l'opéra?

Dire que je vais le rater !

Marko a écrit:

Dire que je vais le rater !

C'est vraiment dommage, j'attends beaucoup de la direction d'Esa-Pekka Salonen, je crains un peu la mise en scène de Warlikowski, mais il m'a déjà fait de bonnes surprises. Mais je ne peux pas ne pas aller le voir. Il sera visible sur Mezzo, me semble-t-il.

Ouf! Je vois qu'en plus c'est Barbara Hannigan qui chante La voix humaine ...

La voix humaine, j'avoue que cela m'intéresse moins...

Arabella a écrit:

La voix humaine, j'avoue que cela m'intéresse moins...

C'est d'ailleurs étrange qu'on les associe souvent en concert. La thématique du couple ? Mais c'est tellement différent.

C'est probablement à cause de la durée aussi, mais les oeuvres étant tellement différentes, cela semble difficile de les enchaîner. La voix humaine après le Château de Barbe Bleue, cela risque de paraître un peu fade, tout de même.

Puisque Marko est de retour, quelques mots sur le spectacle Château de Barbe Bleue / La voix humaine actuellement à Garnier.



Partons à l'envers : je crois que la version de La voix humaine sera une version de référence difficile à dépasser. Esa-Pekka Salonen à la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Paris arrive à faire croire que cette musique est intéressante. Barbara Hanningan la chante parfaitement, et la joue encore mieux. Warlikowski assure une mise en scène intelligente et qui donne de l'intensité à un texte daté. En un mot, la perfection. Même si l'oeuvre est loin d'être la plus marquante du répertoire.

C'est moins convaincant pour Le château de Barbe Bleue. Certes au niveau orchestral, c'est proprement fabuleux. Mais j'ai un peu eu la sensation d'assister à un oeuvre symphonique, la fusion avec les chanteurs ne se fait pas vraiment. Ekaterina Gubanova et John Relyea chantent les notes, ont plutôt de belles voix, mais ils ne sont pas les personnages. Sauf à la dernière porte, le couple n'existe pas, il n'y a aucun enjeu dramatique dans l'ensemble. Relyea n'a vraiment aucune présence ni charisme, il est incolore au possible. Gubanova, dans une robe moulante flashy se déhanche et en rajoute dans l'hystérie. Ils ne sont pas aidés pas la mise en scène très linéaire et statique, qui suit le livret d'assez près, sans inventivité, dans des décors plutôt laids. Et il ne semble pas y avoir eu direction d'acteurs. Il valait presque mieux écouter sans regarder. A l'exception notable de la dernière porte, où l'émotion pointe enfin, et où simplement il se passe quelque chose. Ce qui montre que c'était possible, et que l'occasion est ratée. Dommage, parce que l'orchestre était tellement magique.

Tiens, la Voix humaine est le premier disque de musique 'classique' que j'ai acheté après l'intégrale des symphonies de Beethoven... Mais je ne comprends pas ce que tu veux dire par : même si l'œuvre est d'être la plus marquante du répertoire ??

J'ai rectifié, "même si l'oeuvre est loin d'être la plus marquante du répertoire". Merci d'une lecture attentive.

Merci Arabella. Je suis moins frustré de l'avoir manqué même si je ne perds pas une occasion d'écouter Barbe Bleue qui est une œuvre extraordinaire qui m'emporte à chaque fois. Le jeune Bartok était sacrément inspiré mais on connaît son génie.

Pour La voix humaine j'aime le minimalisme de la situation théâtrale et ce dialogue presque anecdotique et stéréotypé mais universel. Bien interprété ça peut être assez émouvant. Et la musique a ce charme dont Poulenc a le secret. On y entend des échos aux Carmélites et ca me séduit toujours. J'aurais aimé voir la prestation de Barbara Hannigan.

Je crois que tu aurais adoré cette version de La voix humaine. Warlikowski arrive à lui enlever ce petit côté trivial voire vaudeville que cela peut avoir, et il est parfaitement servi par Barbara Hanningan. Avec ces deux-là, cela prend un air de tragédie éternelle et cruelle, loin de toute futilité. Et Elle arrive à être autre chose qu'une victime consentante un peu masochiste.

Dans ma petite ville de province, il y a un programme ciné-opéra. J'ai vu ainsi La Cenerentola de Rossini en direct de Rome et demain je verrai Il trovatore de Verdi en direct de l'opéra Bastille. Je trouve que c'est un excellente initiative pour les personnes éloignées de Paris. Les places sont assez coûteuses, mais en se débrouillant pour avoir un tarif de groupe, cela devient tout à fait abordable. Un public assez nombreux est au rendez-vous, ce qui est particulièrement encourageant .

Très bonne initiative. Je vais voir Il trovatore dans quelques jours.

Marta de Wolfgang Mitterer sur un livret de Gerhild Steinbuch

Citation :

Où ont disparu les enfants ? La ville est déserte et dans leur palais silencieux, le roi Arthur et la reine Guenièvre cherchent encore à comprendre : qu’est-il arrivé à Marta ? Les enfants sont-ils morts, ou se sont-ils enfuis ? Partageant une vision forte, le metteur en scène Ludovic Lagarde et le compositeur Wolfgang Mitterer font naître un opéra moderne où les syncopes et l’adrénaline secouent les légendes anciennes, où se mêlent les plus palpitantes aventures contemporaines et le matériau éternel des contes.

Gerhild Steinbuch (dramaturge) a écrit:

On ne vit plus ici, on dort.
Les enfants sont partis, disparus de la ville, du monde. Les adultes sont assis immobiles dans leurs
chambres ou bien se tiennent debout à la fenêtre à se faire brûler le visage par le soleil. Ils rêvent du
temps jadis, d’un monde où l’on était encore « ensemble ». Beaucoup font le pèlerinage au château de la
reine Ginevra pour y rendre visite à l’ultime enfant : Marta. Sous le contrôle de Ginevra, l’orpheline Marta
est exposée dans une vitrine, telle une poupée, tandis qu’Arthur, le vieux roi, se languissant de l’absence
de son fils perdu, ne quitte plus le palais depuis bien longtemps. Tout en surveillant Marta et en épiant le
roi, le capitaine rêve lui aussi : il rêve que sous son visage pousse un roi qui serait tel qu’était le roi
autrefois.
Tous les personnages qui entourent Marta ne vivent plus depuis longtemps. Ils se sont retirés dans la
représentation falsifiée d’un monde meilleur, un monde tel qu’il fut autrefois. Il n’y a pas d’avenir possible.
Mais Grot, qui sans cesse arpente la ville, revient au château et dévoile ses origines à Marta : il lui révèle
qu’elle est la fille de la reine, et démasque le monde comme mensonge.
Marta se révolte.
Mais vers où s’élancer lorsque l’on ignore le chemin ?

Création du dernier opéra de Wolfgang Mitterer à l'opéra de Lille... Expérience!!

Plus contemporain j'ai rarement entendu mais quel pied! Wolfgang Mitterer a un univers sonore très riche, mélange d'instruments acoustiques, de percussions, d'électronique et d'échantillonnage. On y entend une guitare électrique, de la trompette, des voix poussées jusqu'aux extrêmes bien que traitées de façon très classique et lyrique (et servies par certaines des plus belles voix du répertoire contemporain). Il y a des dissonances et des montées magnifiquement harmonieuses, des pulsations sourdes et des rythmes endiablés...

Un univers théâtral à la fois très sombre, onirique, mystérieux mais aussi parfois grotesque et comique. Quelque part au croisement de Lulu, Pelléas et Mélisande et Yvonne, princesse de Bourgogne. C'est-à-dire un monde de contes de fées déglingué, un cauchemar éveillé ou un espace mental inconscient à l'ère du terrorisme et de la menace planétaire.

Marta est-elle la seule enfant rescapée du massacre, exhibée dans une vitrine comme une relique ou un espoir de renaissance (Marthe, soeur de Lazare, est le témoin de sa résurrection par le Christ), ou une pure projection fantasmatique incarnant la culpabilité collective comme le désir de toute puissance et de pouvoir? Une femme-enfant qui se découvre une féminité que sa mère voudrait détruire. Elle semble s'incarner essentiellement à travers les rêves des uns et des autres. Tout l'opéra donnant le sentiment de rêves successifs à l'intérieur d'un seul et même cauchemar.

Un univers neuf qui recycle des imaginaires connus. Marta pourrait bien s'imposer au fil du temps dans le répertoire de l'opéra par son magnétisme et sa force symbolique. D'autant plus que la musique de Mitterer établit un pont entre passé et futur avec une magie qui s'impose au fur et à mesure de son écoute. Un beau spectacle.

Quelques infos sur la librettiste (puisque nous sommes quand même sur un forum littéraire):
Gerhild Steinbuch