Et si vous alliez à l'opéra?

Il va être diffusé à la radio. Sinon il existe un CD dirigé par Armin Jordan.

J'ai la version d'Armin Jordan. Avant d'aller voir un opéra, je me familiarise avec l'oeuvre, si je ne la connais pas encore. Mais je préfère la version du fils à celle du père, même s'il y a des choses intéressantes dans la plus ancienne.

J'ai lu que la mise en scène d'origine était très symboliste dans les costumes et décors de Khnopff. Ça devait valoir le coup d'œil.

J'ai vu quelques images, et j'aurais aimé y assister.

Merci pour tes impressions, Arabella, qui corrobore ce qu'un ami suisse me racontait, direction d'orchestre splendide, chanteurs hors norme jusque dans les petits rôles, mise en scène banale à pire. Je n'osais pas le croire, d'où ma question.

Maline a écrit:

Est-ce que l'un de vous a été voir ou va aller voir Le Roi Arthus d'Ernest Chausson à l'Opéra Bastille ? Je suis déjà curieuse de connaître votre avis...

Arabella a écrit:

Je l'ai vu hier, et un peu évoque sur le fil Le nouveau piano bar.

C'est musicalement splendide, direction, orchestre, interprètes et rend vraiment justice à Chausson. La mise en scène est inexistante, pas de direction d'acteurs, un bric à brac hideux sur la scène, aucune utilisation de l'espace, même avec le choeur, en un mot le néant total. Mais musicalement c'est si fort, que je suis très heureuse d'être allée le voir. Et que j'espère un enregistrement audio.

MEZZO le diffuse en direct le 2 juin à 19h30. Ja vais pouvoir le découvrir

Je pense que je vais me contenter d'une réécoute sur France Musique le 6.

Rachmaninov: Aleko, Le chevalier avare et Francesca Da Rimini d'après Pouchkine et Dante (à Bruxelles)

Rachmaninov n'a composé que 3 courts opéras dont le premier:

Aleko, est une oeuvre de jeunesse qui a été récompensée de la médaille d'or du conservatoire lorsqu'il avait 19 ans (la vache!). Il l'a composé en 17 jours et ce n'était qu'une épreuve de fin d'étude mais le résultat vaut quand même sacrément le détour tellement il y a de beaux moments et des choeurs superbes. Le livret d'après le poème "Les bohémiens" de Pouchkine est peut-être un peu maladroit mais l'ensemble tient bien la route. C'est très mélodique, très slave, une histoire de jalousie qui finit mal mais qui offre une morale émouvante.  





Le chevalier avare est une brève pièce de théâtre de Pouchkine dont le 2ème acte offre un long monologue remarquable où le vieux baron avare évoque sa crainte de se voir dépouiller de sa fortune par son fils. Rachmaninov en fait un chant pour voix de basse très impressionnant et qui évoque parfois Wagner. On monte d'un sacré cran musicalement.





Franscesca Da Rimini, tiré de Dante,  est un récit d'amour impossible qui ne peut se vivre que dans l'au-delà des enfers. C'est l'opéra le plus prenant dramatiquement avec des choeurs et des duos d'amour d'une belle intensité qui culminent dans un dernier tiers très dramatique.





Les choeurs et solistes russes étaient de très haut niveau (notamment la voix de basse de Sergei Leferkus dans le rôle du vieux baron). Et le spectacle était une réussite totale grâce à la mise en scène très subtile et graphiquement magique de la danoise Kirsten Dehlholm. 3 atmosphères différentes et modernes faisant preuve de beaucoup d'inventivité tout en restant sobres et pertinentes. Le public était conquis.

Une soirée marquante.

Cela semble plus intéressant qu'Adriana Lecouvreur que j'a vu hier à la Bastille. Intrigue invraisemblable et pas très bien construite, musique sirupeuse à souhait, ce n'est pas vraiment le genre d'oeuvre que je préfère. Les décors et costumes sont très jolis. C'est remarquablement chanté, avec un petit bémol en ce qui concerne Angela Gheorghiu, timbre magnifique et grande musicalité, mais sans doute une puissance vocale un peu limite pour la Bastille. Au deuxième rang, cela était surtout sensible dans les duos, dans lesquels ses partenaires avaient tendance à la couvrir, mais plus loin cela devait être plus gênant. Et le plus insupportable, c'est la façon dont elle cabotine et minaude, dépassée reconnaissons le, par Marcelo Alvarez. La grande déclaration d'amour une main sur le coeur et l'autre sur son épée, tout en se tournant vers son public, cherchant visiblement son approbation, en devenait presque comique. Pas un semblant de direction d'acteur, on laisse les stars se livrer à leurs tics.

Mais le public paraissait enthousiaste.

Vu hier Platée à Garnier. J'y ai pris vraiment beaucoup de plaisir. Une mise en scène inventive, pleine d'humour. Et la musique... Je ne sais pas si Casanova a vu ce "ballet bouffon" mais il aurait aimé
C'est le genre de spectacle que je reverrais volontiers en DVD !

Oui, un spectacle qui fait vraiment plaisir à voir. Je l'ai vu deux fois, et j'ai le DVD, pour les soirs de déprime.

Moses und Aron / Arnold Schönberg

Inachevé (le compositeur n'a jamais composé la musique du troisième acte, dont il a écrit le livret), peu représenté, cet opéra du père du dodécaphonisme est une rareté sur les scènes, même si plusieurs enregistrements existent, dont certains excellents. Même si des quelques représentations avaient eu lieu à l'Opéré de Paris dans les années 1970 (chantées en français), cette nouvelle production de l'oeuvre, qui est la première nouvelle production de cette année de prise de rênes par Stéphane Lissner, est sans aucun doute une déclaration d'intentions forte du directeur de l'Opéra de Paris. Stéphane Lissner avait d'ailleurs programmé cette oeuvre, lorsqu'il dirigeait le Châtelet, dans les années 1990. Le résultat est évidemment très attendu, et compte tenu du manque de bienveillance caractéristique du milieu et des mélomanes, un ratage serait cher payé.

En entrée, je voudrais souligner la beauté de cette musique. Elle a la réputation d'être difficile, peu accessible, froide, que sais-je encore. J'ai du mal à comprendre le rejet qu'elle provoque, elle gagne vraiment à être écouté, au-delà des préjugés. Oublions les théories, l'approche conceptuelle qui l'a vu naître, et écoutons. Et c'est envoûtant si y arrive à y pénétrer.

L'interprétation de l'Orchestre de l'Opéra sous la baguette de Philippe Jordan rend justice à l'oeuvre, même si j'ai une préférence pour la version de Michael Gielen. Philippe Jordan maîtrise, mais peut être trop justement, il manque un je ne sais quoi d'abandon, de tension, de risque. Mais je chipote (comme d'habitude   ).

Les choeurs sont impériaux, les seconds rôles impeccables. Le Moses de Thomas Johannes Mayer (rôle non chanté) est très impressionnant, même si au niveau du jeu, un peu statique et inexpressif, mais c'est peut être un choix de mise en scène. L'Aron de John Graham-Hall, plus investi scéniquement, même s'il ne démérite pas dans un rôle long et difficile, à quelques moments est à la limite de ses possibilités vocales.

Le mise en scène de Romeo Castellucci rend bien l'esprit du livret, cette opposition entre l'idéal, l'abstraction et le réel trop tangible et plein de compromissions. L'esthétique est convaincante, et de nombreuses et riches interprétations d'images et symboles sont possibles. Je regrette toutefois un peu une opposition trop tranchée, trop blanc-noir, et surtout une vision d'Aron par moments trop caricaturale à mon sens, en presque prestidigitateur-bonimenteur de la fin du premier acte, sorcier-gourou à la fin du second. Or il me semble que chez Schoenberg, si Aron se trompe, il ne le fait pas par goût du lucre, ni du pouvoir, mais par trop d'empathie, de proximité, d'amour, de son peuple. Ce dont Moses est dépourvu. Quelques part, les deux protagonistes de l'opéra résument les dilemmes de Schoenberg lui-même, entre les aspirations à un idéal exigeant et difficile, et une réalité plus triviale, mais qui ne peut pas toujours être ignorée, comme le montrent ses positions vis à vis du sionisme.

Mais ce spectacle tel qu'il est, avec cette mise en scène, est incontestablement une réussite. Il est très homogène, avec une vrai osmose entre l'orchestre et la scène. Même si ce n'est pas la version de référence indépassable, il donne à voir et à entendre une très bonne version de l'oeuvre, qui ne peut que contribuer à la rendre plus accessible à un public plus large, ce qui est une excellente chose.
On ne peut que souhaiter que les autres productions soient de ce niveau.

J'aurais aimé y assister mais faute de représentation en week-end, c'est impossible pour des provinciaux qui travaillent. Je crois que l'opéra a été diffusé par Arte mais comme toujours à une date tardive (visible peut-être en replay)

Je l'ai vu hier soir et je partage le ressenti d' Arabella. J'essaierai d'en dire quelques mots plus tard. En tout cas la musique est très belle et le travail du chœur est époustouflant. La prouesse accomplie est inimaginable tellement cette partition est complexe. Ils ont travaillé pendant 1 an et le résultat est parfait. Le public ne s'y est pas trompé en les ovationnant copieusement.
La mise en scène de Castellucci est toujours inventive et intelligente en créant des strates de sens plutôt qu'en surlignant. Je préfère ce qu'il fait dans son propre théâtre mais son travail sur Moses und Aron m'a plu.

C'est dommage ArenSor, ils n'ont pas osé programmé l'ouvrage le week-end, alors que je suis sûre que tu es loin d'être le seul qui aurait voulu y aller, parce que c'est une rareté, et une grand oeuvre. Peut être une reprise, vu le succès.

Malgré tout ce qu'il a pu faire auparavant, en particulier au Châtelet, j'avais eu un peu peur de l'arrivée de Stéphane Lissner, vu la tonalité de ses déclarations, que je trouvais quelque peu arrogantes. Me voilà rassurée, c'est vraiment un grand professionnel. Et il l'a en particulier montré, en étant le premier directeur arrivé depuis bien longtemps, à ne pas virer le chef. Parce que rien ne remplace un vrai travail en profondeur et sur la durée avec un chef de talent, on l'entend bien ici. Et pourtant, question d'ego, vu le côté charismatique de Philippe Jordan, Lissner aurait pu avoir envie de se débarrasser de quelqu'un susceptible de lui faire de l'ombre. Il a privilégié l'intérêt de la maison, cela inspire le respect.

Le prochain spectacle, c'est Le château de Barbe Bleu, un de mes opéras favoris...j'ai hâte.