Lecture en commun - Alfred Döblin : Berlin, Alexanderplatz

Livre premier

Nous faisons connaissance avec le personnage principal du roman, dont nous suivrons le chemin pendant tout le livre. Avant même le premier chapître, Döblin commence son roman par une sorte d'introduction, qui nous explique son sujet et ses intentions, cela commence ainsi :

Citation :

Ceci est le livre de Franz Biberkopf, naguère terrassier et déménageur à Berlin.

Et dans la suite du roman, chaque nouveau Livre est introduit par une sorte de court résumé du chapître; pour le premier il est le suivant :

Citation :

C'est ici, au début, que nous verrons Franz Biberkopf quitter la prison de Tegel où l'avait mené son ancienne existance insensée. Il reprend difficilement pied à Berlin, mais il y parvient tout de même, il s'en réjouit, et c'est alors qu'il fait le serment d'être honnête.

Ce procédé tend à donner un ton épique au récit, à donner un statut de héros à Frantz, qui n'est pourtant qu'un personnage relativement anodin, déménageur, délinquant, mais à priori qui ne sort pas vraiment de l'anonymat dans une ville comme Berlin. Ce décallage montre à quel point la forme du récit va être importante dans ce livre.

Au départ du roman Franz sort donc de prison dans laquelle il a passé quatre ans; nous apprenons un peu plus loin, qu'il a frappé et tué Ida, son amie. La sortie de prison est difficile, Franz est encore sous l'emprise des gestes, horaires et contraintes de la prison, et ne sais tout simplement pas comment faire dehors, il semble un peu agoraphobe dans la rue. Petit à petit il va se réhabituer à la vie dehors, et jure de rester honnête désormais. Mais il a puisé dans ses économies pendant cette période et cela laisse présager des lendemains qui ne seront pas forcement faciles.

Arabella a écrit:

J'ai fini le Livre premier, vous aurez un petit commentaire ce soir, et je vais très sagement attendre que tout le monde ait aussi fini pour continuer. Enfin si vous ne me faites pas trop attendre

Mais tu lis plus vite que ton ombre à moins que tu aies des nains toi aussi

Bon ça y est je m'y mets ce soir.

Livre premier:

Ce qui frappe immédiatement c'est le rythme et la frénésie dans lesquels l'auteur nous emporte. "En avant!" nous dit-il à peine notre anti-héros sorti de prison,en prenant le tramway. Il faut se laisser emporter par ce flot narratif pour ne pas être asphyxié en voulant retenir chaque anecdote. Car on se trouve dans un univers hautement expressionniste, et surtout futuriste, où les personnages entrent en collision, où le monde citadin et
industriel est décrit dans son mouvement, son chaos musical, où les dialogues se mêlent à la subjectivité de chacun et aux pensées de la foule.

Franz Biberkopf croise en peu de temps les frères juifs de la rue des dragons, se rend dans un cinéma, rencontre une prostituée puis la soeur de la femme qu'il a assassinée. C'est un peu étourdissant mais le style est superbe. Il y a aussi des descriptions anatomiques pour décrire la sexualité, des chansons, le bruit de la ville et du tramway... Et la violence latente semble déjà prête à exploser. A suivre...

Extrait:

Citation :

Magie, miroitement. Le poisson d'or dans son bocal étincelle. La chambre s'allume, ce n'est ni rue des Champs, ni maisons, ni gravitation, ni force centrifuge, tout a disparu, a sombré; est éteinte la déviation de la lumière passant dans le champ de gravitation du soleil vers la ligne rouge, et avec elle la théorie cinétique des gaz, la transformation de la chaleur en travail. Les ondes électriques, les phénomènes d'induction, la densité des métaux, des liquides et des métalloïdes à l'état solide.

Bigre, je suis hyper en retard

Chatperlipopette a écrit:

Bigre, je suis hyper en retard

Mais non, nous t'attendons

je lis Berlin Alexanderplatz ce soir (j'alterne avec Terra Nostra)

A plusieurs reprises, dans le livre premier, donc, c'est le décor qui semble bouger, et pas notre brave Biberkopf. "une maison lui barra le passage", "la porte s'entrouvrit".
Au début du livre, il est presque passif, assommé par sa sortie de prison.
Le décor semble bouger d'une volonté propre ; il faut ajouter à ça les hallucinations auditives et visuelles qui lui fait croire qu'il est toujours dans sa cellule.
Il regrette (pour un temps) le monde réglé de la prison. Au début de chaque journée, on sait de quoi l'avenir proche est fait.
(on peut penser - dans un style extrêmement différent - à d'autres livres de "sortie de prison" : Liberté conditionnelle de Yoshimura Akira ou encore La Lumière du Détroit, de Tsuji Hitonari).
Globalement, en lisant cette première partie, c'est du Grosz que je vois, et je ne pense pas être tellement influencé par la couverture.

eXPie a écrit:

Le décor semble bouger d'une volonté propre ; il faut ajouter à ça les hallucinations auditives et visuelles qui lui fait croire qu'il est toujours dans sa cellule.
Il regrette (pour un temps) le monde réglé de la prison. .

C'est très juste. Tout semble subir cette distorsion et ce morcellement comme dans les tableaux futuristes qui tentent de saisir en même temps tous les fragments épars de l'animation d'une ville. C'est vrai que Franz semble regretter la lenteur rassurante des rituels de la prison face à cette agitation hallucinatoire du monde extérieur. Tout apparaît comme une sorte de projection mentale expressionniste de ce qui pourrait être sa folie homicide. Assez fascinant pour tout dire!

J'ai terminé le livre premier hier soir. Je ne vois pas grand chose à rajouter à toutes vos impressions sans tomber dans la redondance maladroite.
Il est évident que notre héros a des difficultés à appréhender son nouvel état d'homme libre: la prison et son univers tant rassurant par ses rituels qu'oppressant par son exiguité.
Sa relation aux autres balance entre l'envie d'être "intégré" et le décrochage systématique....la solitude de l'emprisonnement met sans doute du temps à apprivoiser le dialogue et l'échange.
Je me suis retrouvée dans une ambiance vraiment célinienne: de la noirceur, de l'argot et l'environnement des quartiers populaires.

Il a encore des petites choses qui m'ont interrogé dans ce premier chapître, par exemple en sortant de prison, il y a la phrase "Le châtiment va commencer", et ce châtiment à venir revient. C'est curieux à la sortie de la prison, qui est tout de même sensé avoir été la punition de son crime, pour lequel Frantz n'exprime aucun regret à proprement parlé, on sait finalement très peu de choses sur ce qui s'est passé.
Et puis cette décision de rester honnête, pourquoi et à quoi cela correspond, n'est pas vraiment explicité non plus.

Sans doute le voile sera-t-il levé un peu plus dans le second livre ?
J'ai été interpellée par son étrange relation avec sa belle-soeur...un érotisme bizarre entre eux.

J'ai terminé le premier livre ..
et moi j'ai surtout un problème: en traduction c'est écrit dans quel style?
Parce qu'en allemand, il y a de l'argot berlinois qui est une langue assez crue et rude et même si cela me met bien dans "l'atmosphère" du monde de Franz - cela me parrait tout bizarre..

A part cela c'est aussi pour moi surtout la constatation qu’il n’est vraiment pas trop content d'avoir dû quitté sa prison presque 'bien aimée'

kenavo a écrit:

A part cela c'est aussi pour moi surtout la constatation qu’il n’est vraiment pas trop content d'avoir dû quitté sa prison presque 'bien aimée'

En même temps il donne la sensation d'en avoir bavé en prison.

Pour le style Kenavo, en traduction cela donne la sensation qu'il y a plusieurs styles, un peu en fonction de qui s'exprime, et par moment c'est visisblement l'auteur, et là ça semble plus littéraire que dans les dialogues.

Arabella a écrit:

En même temps il donne la sensation d'en avoir bavé en prison.

oui.. absolument.. mais j'ai noté quelques remarques où il a parlé avec un certain regret d'être sortie..
(je n'ai pas le livre sur moi à l'instant.. je reviendrais )

Arabella a écrit:

Pour le style Kenavo, en traduction cela donne la sensation qu'il y a plusieurs styles, un peu en fonction de qui s'exprime, et par moment c'est visisblement l'auteur, et là ça semble plus littéraire que dans les dialogues.

alors vous avez de la chance.. parce qu'en allemand cela tient le même ton - dialogues où pas - il y met du 'slang'.. et je trouve cela un peu fatiguant.. et du coup pas du tout 'littéraire'
mais - avec un livre d'une telle épaisseur je ne juge pas après 44 pages, mais 150