Park Chan Wook

Stoker

Une mise en scène sur-stylisée pour un contenu très creux. Une perversité bien lisse et une distance qui génère de l'ennui progressivement. Il y a quelques scènes réussies (le "papillon" dans le jardin d'enfants!!) et beaucoup d'effets inutiles. Il a le mérite d'inventer un univers plutôt inédit mais le contenu est trop succinct pour captiver suffisamment. Nicole Kidman est sous-exploitée alors qu'elle est parfaite comme toujours (heureux de la retrouver avec une certaine intensité). On peut zapper. on peut aimer aussi si on accepte ce parti-pris de style pour le style (et ce dès le générique). J'ai un peu somnolé ce qui n'est pas bon signe pour un thriller horrifique. Je n'avais déjà pas aimé Old Boy que je trouvais plein de tics visuels...

Marko a écrit:

J'ai un peu somnolé ce qui n'est pas bon signe pour un thriller horrifique.

Un grand moment de cinéma, qui va marquer son époque, si je te comprends bien, car Park Chan Wook a inventé un nouveau genre : le thriller soporifique !

Bon, je vais m'en dispenser... Qu'est-ce qu'ils ont tous à aller aux Etats-Unis faire des bouses ! (à part la soif de reconnaissance internationale d'un vaste public, quelques poignées de dollars, une somptueuse piscine à Malibu avec des filles topless, des rails de coke, du gros rap qui fait valser les enceintes ?)

Merci pour vos impressions en tout cas, un film qui me tentait à priori mais plus du tout après vos commentaires...

STOKER


Non mais !
Ce film est très très bon !

Hyper esthétique, c'est certain, mais je suis très étonnée de voir que ça t'a déplu Marko ! Les couleurs, les lumières, le grain des choses, les décors, les plans qui laissent la place aux objets, aux détails et au corps dans un espace. Une scénographie pointilleuse.
Et le tout pour une atmosphère délétère, froide, maîtrisée, et pleine d'aspérités où se glissent les bruits, les ombres, les traces de sang, les insectes malicieux.

Un film plein de symboles, de va et vient entre réel et fantasme, où on sent que les esprits divaguent, se perdent, se raccrochent à une réalité, tout en se laissant attirer par l'obscur, le mystère... et la découverte des secrets.

Des acteurs que je n'ai pas du tout trouvés figés ou dépassés par quoique ce soit. Au contraire, ils collaient parfaitement à leurs rôles. Avec des visages d'une fausse indifférence, d'une dureté protectrice, avec des sourires douloureux, manipulateurs... et des regards terribles, à glacer le sang, à charmer aussi.

Un jeu des corps qui se tournent autour, qui se frôlent (magnifique, même si classique, scène du piano à quatre mains). Des passages osés et réussis qui mêlent sexe et violence, la perversité narcissique qui déploie son influence.

Par contre, j'ai trouvé que Nicole Kidman était effectivement pas assez exploitée (ses quelques scènes montrent qu'elle mérite bien plus ! Et son personnage est trop opaque), et les seconds rôles sont trop vite éliminés...

Un thriller qui m'a vraiment tenu jusqu'au bout, avec des musiques qui collaient parfaitement aux scènes.

Je ne trouve pas beaucoup de défauts à ce film, à part qu'il n'est pas excessivement original au niveau du scénario lorsqu'on connaît bien les films noirs (mais il n'est pas non plus complètement dénué d'une identité propre, et d'un twist qu'on ne voit pas tant que ça), et que les personnages secondaires manquent de scènes.

Queenie a écrit:

Hyper esthétique, c'est certain, mais je suis très étonnée de voir que ça t'a déplu Marko !

Il y a quelques scènes que je trouve réussies mais ce systématisme dans la stylisation m'a étouffé et éjecté d'une histoire par ailleurs très plan plan. C'est presque trop aseptisé. Je vois tout ce que tu décris mais je trouve qu'il amplifie trop tous les effets. ça manque de mystère, de magie, d'effroi. A part cette scène géniale où le gamin fait le "papillon" !!!

Tu devrais aimer ce que dit Marie Sauvion au Cercle. Sa référence aux films de vampires est plutôt juste. Stoker (comme Bram Stoker) pouvant être effectivement vu comme une relecture du genre.


Le cercle: Stoker

Marko a écrit:

Queenie a écrit:

Hyper esthétique, c'est certain, mais je suis très étonnée de voir que ça t'a déplu Marko !

Il y a quelques scènes que je trouve réussies mais ce systématisme dans la stylisation m'a étouffé et éjecté d'une histoire par ailleurs très plan plan. C'est presque trop aseptisé. Je vois tout ce que tu décris mais je trouve qu'il amplifie trop tous les effets. ça manque de mystère, de magie, d'effroi. A part cette scène géniale où le gamin fait le "papillon" !!!

Tu devrais aimer ce que dit Marie Sauvion au Cercle. Sa référence aux films de vampires est plutôt juste. Stoker (comme Bram Stoker) pouvant être effectivement vu comme une relecture du genre.


Le cercle: Stoker

Pour moi, la force du film est justement dans cette hyper stylisation, et cette distanciation. Je trouve qu'on retrouve un procédé narratif littéraire, comme avec un narrateur en dehors de l'action. ça permet au film de ne pas tomber dans un sur-affect, et de placer le spectateur à une place ambiguë de voyeur, qui plus est un voyeur qui aime la beauté de ce qu'il voit, en sachant que c'est horrifique.

Une ambiance, également, de films d'avant. Je ne savais pas pour la référence à Dracula, je trouve que ça colle parfaitement. Une lenteur, des tas de non-dits, des poses de corps esthétisés. je vais écouter ce qu'en dit le Cercle, merci pour le lien.

traversay a écrit:

les acteurs semblent cependant figés et dépassés par la mise en scène, hormis la talentueuse Mia Wasikowska.

Tu n'as pas aimé la prestation de Matthew Goode ? Au début, c'est vrai que je me suis clairement demandé ce qu'il foutait là. J'avais un a priori négatif sur lui, j'imaginais un acteur plus charismatique pour un rôle comme ça mais il m'a fait mentir le petit saligot avec son regard glaçant. Il cache bien son jeu. Au final, je trouve qu'il crevait l'écran ce type qui avait pourtant l'air tout à fait quelconque.

Queenie a écrit:

STOKER

Non mais !
Ce film est très très bon !

Aaaaah merci Queenie, heureusement que tu es là pour défendre bec et ongles l'honneur de ce film.

Vous l'aurez compris, je suis en osmose parfaite avec l'avis de Queenie, sur les qualités bien évidemment mais aussi sur les petits défauts du film (seconds rôles un peu sous-exploités). J'ai été fascinée pendant 2 heures, enveloppée par cette esthétique magnifique mais je comprends tout à fait qu'elle puisse être ressentie comme excluante. Sur trois personnes, nous étions deux à avoir été hypnotisés et le dernier, reconnaissait les qualités esthétiques mais elles l'ont justement empêché d'entrer dans le film. De mon côté, la mise en scène m'a clouée sur place de par son ingéniosité et certaines transitions visuelles sont mémorables comme le moment où Mia brosse les cheveux de Nicole (photo postée par Marko) et que la chevelure s'efface peu à peu pour laisser place à un ailleurs. Et cette ambiance vénéneuse et malsaine, on culpabiliserait presque de se laisser envoûter par elle... Presque.

Queenie a écrit:

Pour moi, la force du film est justement dans cette hyper stylisation, et cette distanciation. Je trouve qu'on retrouve un procédé narratif littéraire, comme avec un narrateur en dehors de l'action. ça permet au film de ne pas tomber dans un sur-affect, et de placer le spectateur à une place ambiguë de voyeur, qui plus est un voyeur qui aime la beauté de ce qu'il voit, en sachant que c'est horrifique.

C'est exactement ça ! Bien vu, bien exprimé, je n'aurais pas su le formuler comme tu l'as fait.



Moi aussi je vais écouter Le Cercle, merci pour le partage. Et au passage Marko :

Spoiler:

Kannskia a écrit:

Tu n'as pas aimé la prestation de Matthew Goode ? Au début, c'est vrai que je me suis clairement demandé ce qu'il foutait là. J'avais un a priori négatif sur lui, j'imaginais un acteur plus charismatique pour un rôle comme ça mais il m'a fait mentir le petit saligot avec son regard glaçant. Il cache bien son jeu. Au final, je trouve qu'il crevait l'écran ce type qui avait pourtant l'air tout à fait quelconque.

ah zut... mais pourquoi mes acteurs favoris choississent des films que je ne pourrais pas voir??
Si tu l'as apprécié dans ce film, faut le voir dans d'autres... il est vraiment très sympa...

kenavo a écrit:

ah zut... mais pourquoi mes acteurs favoris choississent des films que je ne pourrais pas voir??
Si tu l'as apprécié dans ce film, faut le voir dans d'autres... il est vraiment très sympa...

Il a tourné dans pas mal de romances, pile ce que je n'aime pas, je suis aussi romantique qu'un tournevis

Je vais donc plutôt attendre ses prochaines sorties.

Mais je note tout de même The Lookout dans un coin de ma tête.

Kannskia a écrit:

Il a tourné dans pas mal de romances, pile ce que je n'aime pas, je suis aussi romantique qu'un tournevis

ah oui, dans ce cas tu peux zapper Retour au Château, mais tu pourrais jeter un oeil sur cette série (probablement plus difficile de trouver par chez vous) et bien qu'il n'y eu que des rôles secondaires, on ne peut pas manquer sa présence dans Match Point de Woody Allen ou A Single Man de Tom Ford

Merci Kannskia ! Et tu fais bien de défendre Matthew Goode ! (Mais tu remarqueras, Traversay accorde souvent plus de crédits aux jeunes et jolies filles. C'est un fieffé coquin).

Et je suis Kenavo, tu passeras un bon moment avec The Lookout (Mon petit avis ici) et A single Man (qui lui est une tuerie de film ! (Fil Parfum, par là)

Stoker

Finalement, je l'ai vu et j'ai bien fait tant je partage totalement l’enthousiasme de Queenie et Kanskia. Avec une petite variation vampirique bienvenue : prédateur au sang froid, séduction mortifère, narcissisme et manipulation,  transmission sanguine du mal (hérédité), acuité visuelle et auditive intenses, orgasmes morbides, meurtres glacials lorsque la nuit tombe. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais le personnage joué par Matthew Goode ne mange pas non plus lors des repas. J’ai bien aimé cette limite floue entre sociopathie et possibilité de surnaturel. Bref j’ai adhéré pleinement. Première découverte pour moi de ce réalisateur mais assurément  pas le dernier film : dans ma liste de films à voir, on trouvera maintenant Old Boy, Lady vengeance et Thirst.

Ah oui, c'est vrai qu'il cuisine divinement mais ne mange pas  !
D'ailleurs tout son raffinement rappelle la tradition vampirique qui fait qu'ils sont vieux, donc porteur d'une certaine noblesse, de connaissances et de cultures infinies, douces, et... inhumaines (?), le tout venu d'un passé qui semble toujours lointain, exotique, et quelque peu cliché : il cuisine des petits plats incroyables (appris auprès d'une chef française, si je me souviens bien), il dessine avec un talent incroyable (et ça a pris forme lors de voyages en Italie, non ?).
Faudrait que je le revois, mais je pense qu'il doit y avoir d'autres éléments.



Je pense que tu aimeras l'univers de ce réalisateur, Sentinelle.

Contente de lire ton commentaire Sentinelle !

Et dire que j'ai failli passer à côté de ce film !
J'ai bien aimé aussi la ceinture qui remplace les crocs. Mais c'est toujours au niveau du cou que cela se passe...