Lecture en commun - Rosamond Lehmann : Poussière

J'ai commencé et j'aime beaucoup, je serais raisonnable, je ne lirai ce soir que la première partie, pour en parler avec vous.

On dirait que je suis la seule à avoir pu refermer le livre rapidement
Je suis d'autant plus curieuse d'en poursuivre la lecture demain.

Arabella a écrit:

J'ai commencé et j'aime beaucoup, je serais raisonnable, je ne lirai ce soir que la première partie, pour en parler avec vous.

Allez, on se retrouve demain soir pour nos impressions sur la 1e partie!

Nezumi a écrit:

Allez, on se retrouve demain soir pour nos impressions sur la 1e partie!

yesssss

Je comprends bien Kenavo maintenant, c'est dur d'arrêter la lecture une fois que l'on a commencé.....

Partie 1 (chapitres 1, 2 et 3)

Magnifique partie d'introduction en flashback, qui nous présente les relations que Judith, le personnage principal, entretenait avec les cinq enfants qui vivaient autrefois dans la propriété voisine, qui la fascinaient comme des personnages légendaires et qu'elle avait perdus de vue depuis le début de l'adolescence.
Les choses qui m'ont marquée:
La parenté de ce début avec Les vagues de Virginia Woolf. D'abord pour l'étude minutieuse des personnalités des six enfants vivant ensemble, des liens secrets existant entre les uns et les autres, de leurs affinités, de leurs différences. Et ensuite pour cette façon extrêmement sensible et subtile de décrire les sensations, qui sont pures, exacerbées, où la joie est si aiguë qu'elle est souffrance.
Sous une forme plus classique (pas de courant de conscience ici), j'ai donc pas mal pensé au roman de Woolf. Cette dernière s'en serait-elle inspirée (The waves est sorti 4 ans plus tard) ?

Le côté très crépusculaire de ce début m'a également frappée. Les scènes cruciales, poignantes, se déroulent toujours à la tombée de la nuit (la scène du lapin mort, celle du patinage sur le lac, le rêve avec Charlie). Pour Judith, les enfants d'à côté sont "aussi beaux et mystérieux que le soir".
Un crépuscule qui est aussi celui des souvenirs d'enfance, brumeux par nature. "The darkly-shining enchanted shadow-stuff of remembered childhood". C'est vraiment dans un monde enchanté que Lehmann nous entraîne. Jusqu'ici Coe a raison.

Oui, en effet.. une pensée pour Virginia Woolf est adéquate.. naturellement je n’y avais pas pensée ,
c’est pour cela que j’aime bien les lectures en commun

J’ai bien aimé sa façon de mêler au débout noms et enfants – et revenir par après à chacun d’entre eux – avec toujours une scène ensemble avec Judith – pour les présenter avec physique et caractère en mieux au lecteur..

Nezumi a écrit:

Pour Judith, les enfants d'à côté sont "aussi beaux et mystérieux que le soir".

et surtout qu'ils partent dans le monde, tandis qu'elle reste à la maison avec ses parents, même pas de visite d'une école 'ordinaire'..

Nezumi a écrit:

C'est vraiment dans un monde enchanté que Lehmann nous entraîne. Jusqu'ici Coe a raison.

je dois dire que je n'ai pas encore (en tout cas pas que je me le rappelle) vue l'expression anglaise
"he threw at her pell mell"
marrant..

kenavo a écrit:

J’ai bien aimé sa façon de mêler au débout noms et enfants – et revenir par après à chacun d’entre eux – avec toujours une scène ensemble avec Judith – pour les présenter avec physique et caractère en mieux au lecteur..

Exactement! Et c'est très efficace. Dès les premières lignes on apprend qu'un certain "Charlie" est mort au front à 19 ans, on trouve ça tragique mais on est encore indifférent. Mais à la fin de cette partie, après avoir fait connaissance de ce personnage, de son côté insupportable, excessif mais attachant, forcément on est touché. Sa mort est évoquée de façon très émouvante parce qu'on voit surtout l'impact sur ceux qui l'aimaient (la détresse du vieux jardinier, l'anéantissement de Judith, ce rêve si poignant, la mort de la grand-mère).

Je connaissais "pell-mell", oui c'est marrant comme expression empruntée au (vieux) français.

En fait il s'agit de Judith d'une part, la plus jeune et des cinq enfants dans la maison d'à côté. Il y a une vraie opposition entre Judith, qui est immobile, qui reste dans sa maison, et les cinq autres, qui bougent, qui ont des vies qui échappent à Judith, et qui sont donc source de fantasmes et objets de légendes. Et la vision des quatre garçons et de la fille, se fait par ses yeux, par rapport à elle. Et donc on se ne sait rien de leur vie en dehors de ce coin de campagne, sauf par des brèves nouvelles par les domestiques, par exemple nous avons connaissance du mariage de Mariella et de Charlie, mais pas vraiment ce qui l'a amené, quels sont leurs sentiments, leur histoire. Uniquement les histoires que Judith brode autour de cet événement.

En quelque sorte, ils mènent la vraie vie, qu'elle ne peut que rêver, et donc elle rêve à eux.

Et tout cela baigne donc dans la nostalgie, la nostalgie de choses inaccomplies, que l'on ne fait qu'imaginer.

La question que je me pose, c'est si à un moment donné, Judith va sortir de sa vie de belle au bois dormant pour devenir une vraie personne, avec un destin, et que les autres jeunes gens deviendront forcement des personnes réelles. Judith a seulement 18 ans et elle vit déjà dans les souvenirs, dans les moments qu'elle a passé avec les cinq autres. Il y a une sorte de passivité en elle, elle ne s'imagine par s'évadant de son monde, rejoindre les autres. Elle rêve juste qu'ils reviennent.

Nezumi a écrit:

Dès les premières lignes on apprend qu'un certain "Charlie" est mort au front à 19 ans, on trouve ça tragique mais on est encore indifférent. Mais à la fin de cette partie, après avoir fait connaissance de ce personnage, de son côté insupportable, excessif mais attachant, forcément on est touché. Sa mort est évoquée de façon très émouvante parce qu'on voit surtout l'impact sur ceux qui l'aimaient (la détresse du vieux jardinier, l'anéantissement de Judith, ce rêve si poignant, la mort de la grand-mère).

oui, tout à fait.. même si on le sait, le moins qu'on veut le voir à la fin du chapitre.. le flot de l'histoire y va - mais on voudrait retenir l'auteur d'y arriver trop tôt..

pour l'instant pour moi le moment que j'ai le mieux en image est la scène sur la glace.. j'ai bien aimé cette atmosphère - probablement aussi parce que Judith pouvait pour une fois leur montrer quelque chose.. elle avait un avantage envers eux..

Nezumi a écrit:

kenavo a écrit:

J’ai bien aimé sa façon de mêler au débout noms et enfants – et revenir par après à chacun d’entre eux – avec toujours une scène ensemble avec Judith – pour les présenter avec physique et caractère en mieux au lecteur..

Exactement! Et c'est très efficace. Dès les premières lignes on apprend qu'un certain "Charlie" est mort au front à 19 ans, on trouve ça tragique mais on est encore indifférent. Mais à la fin de cette partie, après avoir fait connaissance de ce personnage, de son côté insupportable, excessif mais attachant, forcément on est touché. Sa mort est évoquée de façon très émouvante parce qu'on voit surtout l'impact sur ceux qui l'aimaient (la détresse du vieux jardinier, l'anéantissement de Judith, ce rêve si poignant, la mort de la grand-mère).

En fait cette mort annoncée dès le départ, crée une sorte de nostalgie chez le lecteur, qui ne pourra jamais rencontrer Charlie en vrai, se faire une idée de lui autre que celle transmise par Judith, on est en face d'une réalité lacunaire, que l'on ne peut combler. Cela met en quelque sorte le lecteur au même niveau que Judith, à qui plein d'événements échappent, qui les voit de loin.

Arabella a écrit:

La question que je me pose, c'est si à un moment donné, Judith va sortir de sa vie de belle au bois dormant pour devenir une vraie personne, avec un destin, et que les autres jeunes gens deviendront forcement des personnes réelles. Judith a seulement 18 ans et elle vit déjà dans les souvenirs, dans les moments qu'elle a passé avec les cinq autres. Il y a une sorte de passivité en elle, elle ne s'imagine par s'évadant de son monde, rejoindre les autres. Elle rêve juste qu'ils reviennent.

oui.. absolument.. surtout je m'imagine la 'confrontation' avec Mariella qui retourne à la maison voisine - après avoir mené une vrai vie, comme tu dis, et Judith qui est resté pendant tout ce temps au même endroit..

Arabella a écrit:

Et donc on se ne sait rien de leur vie en dehors de ce coin de campagne, sauf par des brèves nouvelles par les domestiques, par exemple nous avons connaissance du mariage de Mariella et de Charlie, mais pas vraiment ce qui l'a amené, quels sont leurs sentiments, leur histoire. Uniquement les histoires que Judith brode autour de cet événement.

Oui! Et on ne sait pas trop grand-chose de Judith elle-même, ses parents, sa propre maison restent vraiment à l'arrière-plan.

Arabella a écrit:

Judith a seulement 18 ans et elle vit déjà dans les souvenirs, dans les moments qu'elle a passé avec les cinq autres.

C'est très vrai et étonnant pour une jeune fille. On dirait presque une mamie examinant une boîte de vieilles photos. D'où ce côté crépusculaire, fin de vie...

kenavo a écrit:

pour l'instant pour moi le moment que j'ai le mieux en image est la scène sur la glace.. j'ai bien aimé cette atmosphère - probablement aussi parce que Judith pouvait pour une fois leur montrer quelque chose.. elle avait un avantage envers eux..

En même temps c'est un avantage drôlement fragile, parce qu'elle espère qu'ils vont revenir, et comme c'est le dégel, ce n'est pas le cas, et elle doit de nouveau attendre leur bon vouloir pour revenir.

Arabella a écrit:

En même temps c'est un avantage drôlement fragile, parce qu'elle espère qu'ils vont revenir, et comme c'est le dégel, ce n'est pas le cas, et elle doit de nouveau attendre leur bon vouloir pour revenir.

ah oui.. et surtout le mal qu'elle a dû avoir quand elle n'a par après plus jamais entendu d'eux..