Jane Campion

eXPie a écrit:

Parfois, la beauté nécessite l'éloignement du texte d'origine...

Je dirais même souvent.
C'est que la poésie en elle-même repose déjà sur une profonde altération, un bouleversement du langage habituel (images, syntaxe...) censés stimuler l'émotion poétique. (Je dirais plutôt émotion et réflexion, car créer ou évoquer la beauté n'est pas forcément le but du poète, comme pour tous les artistes. mais ceci est une autre histoire)
Alors reproduire ce changement de façon convaincante tout en gardant le message c'est extrêmement difficile, voire impossible.

Je suis encore sous le profond charme de ce film que j'ai vu ce dimanche !! et je rejoins vos avis élogieux.

Magnifique Jane Campion, qui a su mettre la poésie en images, comme cela est rare ! Pas une faute, c'est un grand film. Tout y est parfait, le cadrage, la photo, la lumière, les acteurs, les costumes, la musique, le montage....

Je n'ai pas encore mentionné l'histoire: amour impossible entre Keats le poète romantique pauvre et cette jeune fille de bonne famille qui est nous contée à rythme lent et sûr, tout en nuances et en délicatesse. Désir, passion et raison se côtoient sans cesse sans que l'on sache presque jusqu'à la fin qui va l'emporter.

Cela m'a donné envie de lire quelques poèmes de Keats pour que le film résonne encore en moi plus longtemps.

Merci Jane Campion pour cet excellent moment !

Vu Bright Star aujourd'hui et oui bien sûr, c'est un très beau film: Des images à couper le souffle, chacune pouvant presque être un tableau. Un sujet qui semblait fait pour Jane Campion où bien d'autres se seraient cassé les dents, mais cette femme a du génie dans sa façon de filmer.
Je ne dirais quand-même pas qu'il surpasse La leçon de piano (pour moi un des plus beaux films des années 90) qui m'avait clouée et bouleversée à la fois. Ici l'impact est surtout visuel, et l'émotion n'est pas la même (l'autre était violent, sensuel, l'histoire plus tumultueuse)

Marko a écrit:

La passion anime également son fidèle ami Mr Browne qui est un personnage irritant et touchant. J'ai même eu le sentiment qu'à travers lui, Jane Camion suggérait l'homosexualité potentielle de Keats, sorte de Rimbaud que protègerait jalousement son Verlaine, et qui ne verrait alors en Fanny qu'un idéal poétique et non un véritable objet de désir. Il lui dit d'ailleurs une phrase très équivoque lors d'une de leurs premières rencontres. Mais je m'avance peut-être un peu...

Il m'a semblé aussi, mais pour ce personnage je suis moins tolérante que toi Marko, j'ai trouvé ce type assez odieux dans le film! Il m'a paru effectivement clair que Brown éprouve pour Keats un amour sans partage, et par là suggère une sexualité trouble chez ce dernier. Mais l'acteur dégage tellement de fragilité et de candeur qu'en fait on reste éloigné de tout ça.
Tout se situe dans le domaine des idées, de l'amour fantasmé, de l'évanescence des choses, et parvenir à retranscrire cela durant deux heures n'est pas donné à tout le monde.

Des plans qui me resteront en mémoire. Expie parle de "fonds en dentelle impressionniste", c'est tout à fait ça. Les scènes dans les champs ou celle des papillons emprisonnés dans la chambre de Fanny sont vraiment de pures merveilles.





Si vous voulez oublier le chaos du monde courez voir Bright Star!

aériale a écrit:

Si vous voulez oublier le chaos du monde courez voir Bright Star!

La scène où Abbie Cornish est allongée sur son lit sur la gauche et que le vent gonfle doucement le rideau, à droite, est magnifiquement belle.
Un film aussi beau visuellement et qui évite pourtant l'académisme (qui, pour moi, empesait Portrait de Femme), c'est vraiment une grande réussite.
Et c'est un film qui procure beaucoup de très beaux fonds d'écran (qui, sur mon Mac, change toutes les minutes).

eXPie a écrit:

La scène où Abbie Cornish est allongée sur son lit sur la gauche et que le vent gonfle doucement le rideau, à droite, est magnifiquement belle.
Un film aussi beau visuellement et qui évite pourtant l'académisme (qui, pour moi, empesait Portrait de Femme), c'est vraiment une grande réussite.
Et c'est un film qui procure beaucoup de très beaux fonds d'écran (qui, sur mon Mac, change toutes les minutes).

Tu m'étonnes!

Pour la scène dont tu parles je l'ai en mémoire aussi pour un moment (mais pas trouvé sur Google) Elle m'a fait penser à ce fameux tableau Hopper dont Marko parlait récemment, la grâce et la magie en plus (je ne sais plus à propos de quoi mais Kena sait surement... )

aériale a écrit:

Elle m'a fait penser à ce fameux tableau Hopper dont Marko parlait récemment, la grâce et la magie en plus (je ne sais plus à propos de quoi mais Kena sait surement... )

c'était en parlant d'une affiche d'un film: ici

Bright Star, un de mes films préféré.
Je partage nombreux de vos points de vue. J'aurai peu être aimé la présence d'un peu plus de poèmes de Keats.
John Keats était aussi quelqu'un d'extrémement jaloux, et d'exigeant. Je n'ai pas eu aussi l'impression que ceci fut bien retranscrit à l'écran.
Mais malgré ces quelques petits points, Bright Star est un film magnifique que je ne me lasse de regarder.

Une chose m'intrigue.
Dans une édition des Lettres à Fanny Brawne de Gallimard, on peut lire ceci dans une des notes " [...] Fanny Brawne, sa fiancée, jeune fille dont on sait peu de chose, mais qui semble l'avoir fort peu compris et apprécié si l'on s'en rapporte au seul jugement qu'elle ait laissé sur lui, dans une lettre qu'elle écrivait à M.Dilke, dix ans après la mort de Keats: << L'acte le plus charitable serait de le laisser reposer à jamais dans l'obscurité à laquelle l'avaient condamné les circonstances >> "

Des commentaires, interprétations?

GreatGatsby a écrit:

Une chose m'intrigue.
Dans une édition des Lettres à Fanny Brawne de Gallimard, on peut lire ceci dans une des notes " [...] Fanny Brawne, sa fiancée, jeune fille dont on sait peu de chose, mais qui semble l'avoir fort peu compris et apprécié si l'on s'en rapporte au seul jugement qu'elle ait laissé sur lui, dans une lettre qu'elle écrivait à M.Dilke, dix ans après la mort de Keats: << L'acte le plus charitable serait de le laisser reposer à jamais dans l'obscurité à laquelle l'avaient condamné les circonstances >> "

Des commentaires, interprétations?

Alors d'abord cette phrase de Fanny peut-être comprise de plusieurs façons et certaines pas forcément hostiles. Keats se consumait dans son idéal romantique et les ténèbres l'attiraient de façon vertigineuse. Le laisser reposer à jamais dans cette obscurité peut rendre compte du caractère inaccessible des sphères dans lesquelles il planait et où il reste à jamais hors du commun des mortels.

Par contre si on considère cette phrase comme de l'ironie, cela pourrait rejoindre ce que je disais dans mon premier post sur le film. A savoir que Keats n'aimait pas Fanny charnellement mais pour l'idéal de beauté qu'elle représentait. Jane Campion suggère même à mon sens qu'il était probablement homosexuel (ou au moins assexué). On peut imaginer que Fanny n'ait pas forcément apprécié de ne pas être finalement l'objet de son désir... Mais je suis peut-être totalement à côté de la plaque!

GreatGatsby a écrit:

Bright Star, un de mes films préféré.
Je partage nombreux de vos points de vue. J'aurai peu être aimé la présence d'un peu plus de poèmes de Keats.
John Keats était aussi quelqu'un d'extrémement jaloux, et d'exigeant. Je n'ai pas eu aussi l'impression que ceci fut bien retranscrit à l'écran.
Mais malgré ces quelques petits points, Bright Star est un film magnifique que je ne me lasse de regarder.

Une chose m'intrigue.
Dans une édition des Lettres à Fanny Brawne de Gallimard, on peut lire ceci dans une des notes " [...] Fanny Brawne, sa fiancée, jeune fille dont on sait peu de chose, mais qui semble l'avoir fort peu compris et apprécié si l'on s'en rapporte au seul jugement qu'elle ait laissé sur lui, dans une lettre qu'elle écrivait à M.Dilke, dix ans après la mort de Keats: << L'acte le plus charitable serait de le laisser reposer à jamais dans l'obscurité à laquelle l'avaient condamné les circonstances >> "

Des commentaires, interprétations?

Cela me rappelle juste ce qui est écrit sur la tombe de Keats, qui n'avait pas voulu que son nom y apparût. Il est écrit : "Here lies one who name was writ in water" ("Ci-gît celui dont le nom était écrit dans l'eau" ; voir ici la photo de sa tombe et le texte complet). Y avait-il une volonté du poète lui-même de repartir dans l'obscurité, l'anonymat, et que Fanny ne faisait que s'y référer ?
Moi aussi, je suis peut-être totalement à côté de la plaque...

The Portrait of a Lady/Portrait de femme

Citation :

Résumé
A la fin des années 1800, Isabel Archer, jeune américaine en visite chez ses cousins anglais, choque son entourage par son esprit libre et aventureux. Elle est vite entourée d'une foule de prétendants, mais indépendante et audacieuse elle part à Florence, pressée de découvrir le monde...

Faut dire que j'aime tous les adaptations qu'on a fait selon les écrits de Henry James. Et avec Jane Campion aux commandes, j'adore encore plus.
Je trouve qu'elle a bien capté l'évolution de cette jeune femme, au début si indépendante et audacieuse, mais qui se retrouve bien vite dans une relation avec un mari qui lui coupe toute liberté, surtout celle de prendre des décisions pour elle-même.

Sur le DVD il y a un sublime 'making of' de ce film et plusieurs phrases de Jane Campion pourquoi elle a choisi ce livre et comment elle se retrouve dans le personnage de cette Isabel. Surtout qu'elle a elle-même fait quelques décisions dans sa vie qui n'étaient pas raisonables à ce moments. Et surtout elle pense que Isabel aime d'un certain degré le pouvoir abusif que son mari tient sur elle. J'en suis convaincue tout comme elle.

Rare qu'on a vue une Nicole Kidman aussi sublime.. et la performance de John Malcovich est extraordinaire.
Très bon moment de cinéma!

Quelqu'un a vu Portrait de femme?
Et Un ange à ma table? Ce film est-il aussi flippant que l'autobiographie de Janet Frame lu il y a plusieurs années?

Babelle a écrit:

Quelqu'un a vu Portrait de femme?

J'ai ajouté le titre français dans mon message, juste au-dessus du tien

Portrait de femme. Un film qu'il faudrait absolument que je vois. Merci de me le rappeler Kenavo !

Brève incursion dans la vie de John Keats, Bright star présente le poète sous un angle inédit : celui qui le considère du point de vue d’abord amer, puis tendre et enfin passionné, de sa voisine Fanny Brawne avec qui il développera une relation amoureuse faite de multiples tourments. Il fallait bien ça pour que leur histoire mérite notre attention, et entre les divergences qui opposent deux caractères en antithèse, la présence gênante de l’ami Browne qui fait figure d’obstacle et la maladie de Keats, celle-ci réunit toutes les difficultés nécessaires à ce qu’une banale amourette devienne l’incarnation même de l’histoire d’amour tragique.

Ainsi, les tumultes de la vie amoureuse des deux personnages proviennent de l’extérieur, et ils ne peuvent finalement pas faire grand-chose pour lutter contre. Leur histoire n’est pas celle d’une lutte contre leurs démons intérieurs, qu’ils arrivent d’ailleurs à surmonter très facilement au-delà de leurs réticences, mais celle d’une résignation face aux aléas de l’existence : la réalité sociale des conditions propres à chaque personnage, la jalousie, la maladie, et peut-être l’homosexualité, évoquée en filigrane à travers le personnage de Browne. Face à la perte de l’être aimé, qui se fait inéluctable, les différentes phases du deuil sont respectées : déni, colère, abattement, acceptation…
L’histoire est peut-être traumatisante, parce que l’apprentissage est difficile, mais peut-on dire autre chose de plus que : c’est la vie ?
La profonde résignation dont devront faire preuve John et Fanny s’accomplit dans un environnement feutré. Les références poétiques, textuelles ou visuelles, se multiplient et rendent le film aérien. Les paysages fleuris remplissent l’écran de couleur et redonnent de la beauté à la mélancolie. La discrétion de ce film va de paire, finalement, avec l’achèvement forcé de la relation entre John et Fanny. Pas facile à vivre, évidement, mais contrairement à une fin qui aurait été la conclusion d’une incompatibilité de deux caractères, séparés alors que rien ne les empêchait de poursuivre leur vie ensemble, celle-ci laisse la possibilité d’imaginer ce qui aurait pu être, et l’espoir continue de s’incarner dans l’amour qui ne disparaît pas du cœur de Fanny.