Lorrie Moore

Epi a écrit:

Moi finalement je vais attendre deux ou trois livres avant de m'y mettre, je le lirai quand j'aurais un peu oublié vos commentaires, histoire de ne pas être influencée pendant ma lecture

Moi aussi, comme ça les choses vont se faire tout tranquillement.

La Passerelle


Arf, je suis embêtée car je vais être la première à donner un avis plus que tiède sur ce roman. Je n'ai pas accroché. J'ai trouvé Tassie tête à claque (pas tout le temps mais souvent). Je n'ai pas été sensible à l'humour de Lorrie Moore, ni à son style. Et encore moins à ses effets de manches scénarisitques.

Spoiler:

Les seuls moments que j'ai trouvé bien vu, sont ceux qui concernent la famille adoptante (et encore sans la révélation). Sinon, le roman m'a paru très fabriqué, artificiel. Lorrie Moore utilise un ton décalé, fait passer ses personnages pour de doux dingues mais à aucun moment je n'y ai cru. j'avais l'impresiion de voir constement les ficelles. Et plus le roman avances, plus les ficelles sont grosses. En même temps, c'est pas non plus la daube du siècle. Si j'essai d'être objective, je pense que c'est pas mauvais du tout. Sauf que chez moi, ça a fait ploc. Limite je me sens conne de n'avoir pas saisie toute la profondeur du roman. Darkanny, tu me pardonnes, dis?

Et pour rendre justice à Lorrie Moore, je dois dire que je l'ai lu juste après Requiem des innocents de Calaferte qui m'a ébloui, qui m'a trifouillé les viscères et que c'est pas facile de passer après. Ca m'a un peu fait l'effet de boire du coca juste après un très bon champagne. Le coca, c'est pas mauvais en soi mais ça tient pas la comparaison.

Juste un truc qui m'a fait sourire. lors d'une réunion du mercredi soir, un couple blanc ayant adopté un enfant noir raconte qu'a la douane française, un douanier ne comprenait pas comment c'était possible qu'ils soient parents d'une enfants noirs. Sont vraiment cons les douaniers français. Ils pensent pas à l'adoption. faut dire qu'en France personne n'adoptent d'enfants noirs. les familles mixtes c'est un truc purement américains que le reste du monde peut pas capter. C'est un détail mais je l'ai trouvé drôle.

odrey a écrit:

[...]

Et pour rendre justice à Lorrie Moore, je dois dire que je l'ai lu juste après Requiem des innocents de Calaferte qui m'a ébloui, qui m'a trifouillé les viscères et que c'est pas facile de passer après. Ca m'a un peu fait l'effet de boire du coca juste après un très bon champagne. Le coca, c'est pas mauvais en soi mais ça tient pas la comparaison.[...]

Mine de rien ça peut sacrément jouer sur ton impression, après Calaferte ça doit être dur de trouver un truc à la hauteur.

odrey a écrit:

Arf, je suis embêtée car je vais être la première à donner un avis plus que tiède sur ce roman.

mais pas du tout.. il en faut de tout, et je pense que c'est toujours bien d'avoir plusieurs avis!

odrey a écrit:

Juste un truc qui m'a fait sourire. lors d'une réunion du mercredi soir, un couple blanc ayant adopté un enfant noir raconte qu'a la douane française, un douanier ne comprenait pas comment c'était possible qu'ils soient parents d'une enfants noirs. Sont vraiment cons les douaniers français. Ils pensent pas à l'adoption. faut dire qu'en France personne n'adoptent d'enfants noirs. les familles mixtes c'est un truc purement américains que le reste du monde peut pas capter. C'est un détail mais je l'ai trouvé drôle.

en effet, ce détail m'a aussi laissé un peu perplexe...

odrey a écrit:

Limite je me sens conne de n'avoir pas saisie toute la profondeur du roman. Darkanny, tu me pardonnes, dis?

Tu es sur liste noire , faudra t'y faire
Te transformer en chair à pâté me demande trop d'énergie , je n'afficherai qu'un mépris hautain.

Plus sérieusement tu n'as pas aimé , tu l'expliques , voilà.
Je continue à penser que c'est un très bon roman.
Et je continue à penser qu'Odrey a eu le mérite de s'y intéresser alors qu'au départ elle n'était pas franchement emballée.

La passerelle ‘( A Gate at the Stairs)
Traduit de l’anglais ( Etats-Unis) par Laetitia Devaux
Editions de l’Olivier


Enterrez vos rêves irréalistes sinon ce sont eux qui vous enterreront.

En errant sur le net,je suis tombée sur cet extrait de Images de pensée, de Walter Benjamin, qui dit ceci :

Tous les livres ne se lisent pas de la même façon. Les romans, par exemple, sont faits pour êtres dévorés. Les lire est une volupté d’incorporation. Ce n’est pas de l’empathie. Le lecteur ne se met pas à la place du héros, il incorpore ce qui leur arrive.

Peut être quand même que l’on dévore , incorpore , et assimile plus facilement les romans quand on se sent en empathie avec leurs héros?
En tout cas, ce fut évidemment le cas pour moi avec La passerelle, parce que tout repose sur le personnage central, la narratrice, Tassie. Et que si on la trouve comme Odrey, souvent tête à claques , il est bien difficile d’aimer ce roman!
Moi, j’aime beaucoup cette Tassie , qui va perdre en peu de temps toutes ses illusions ,en particulier sur elle-même, et va devoir continuer à vivre avec tout ce vide :

C’était un amour totalement vain, sauf si l’on croyait qu’il avait le pouvoir de descendre d’un ciel en feu jusqu’au brin d’herbe qu’il avait désigné comme l’élu de son cœur, sauf si l’on croyait aux prières des bonnes sœurs au fond de leurs prieurés, sauf si l’on croyait aux miracles et à la magie, à l’enchantement, aux dés, aux mantras soufis et aux sortilèges derrière les rideaux, ainsi qu’à l’habileté des nuages situés à des distances inimaginables noyées dans la fumée. L’amour et la vertu- leur conviction était insensée: une danse d’espoir, un rêve artificiel qui faisait que les vrais rêves, ceux que l’on pouvait rêver pour de vrai, nous paraissaient aussi solides que la roche….

Roman d’initiation, d’apprentissage, de passage à l’âge adulte comme on en a déjà beaucoup lu , mais tout est dans le regard de Tassie et donc de Lorrie Moore , acéré, avide de détails de toutes sortes (au hasard les parents, la culture des pommes de terre, les nouvelles formes de racisme, la sexualité masculine, la nature au fil des saisons, etc ) et plein d’un humour un brin décalé qui m’a ravie.

Après, oui, des thèmes abordés et des détails, il y en a beaucoup, beaucoup ( mais dans la vie aussi, non?) et certaines scènes ( en particulier, c’est vrai, celle dont parle Odrey en spoiler que je ne trouve surtout pas réellement et pratiquement crédible ) sont peut être en trop, on peut peut être frôler l’indigestion pour rester dans les métaphores alimentaires.
Cela n’a pas été mon cas, j’aurais volontiers suivi- et incorporé- plus avant l'avancée dans la vie de Tassie , ses parents ( quel curieux mélange dans l’Amérique profonde!) et aussi du très ambigu personnage qu’est Sarah, la mère adoptive qui cherche à recoller des morceaux d’on ne sait quoi de pourri dans ce royaume d'Amérique .

Merci Darkanny!

Marie a écrit:

Après, oui, des thèmes abordés et des détails, il y en a beaucoup, beaucoup ( mais dans la vie aussi, non?) et certaines scènes ( en particulier, c’est vrai, celle dont parle Odrey en spoiler que je ne trouve surtout pas réellement et pratiquement crédible ) sont peut être en trop, on peut peut être frôler l’indigestion pour rester dans les métaphores alimentaires.
Cela n’a pas été mon cas, j’aurais volontiers suivi- et incorporé- plus avant l'avancée dans la vie de Tassie , ses parents ( quel curieux mélange dans l’Amérique profonde!) et aussi du très ambigu personnage qu’est Sarah, la mère adoptive qui cherche à recoller des morceaux d’on ne sait quoi de pourri dans ce royaume d'Amérique .

Merci Darkanny!

ah mais de rien , j'en avais fait des kilos de ce livre , je suis juste ravie que les parfumés et autres le lisent.

Je l'ai réservé à la bibliothèque, il est sensé être de retour le 15 septembre....

Bon alors tu sais ce qu'il te reste à faire ...

Arabella a écrit:

Je l'ai réservé à la bibliothèque, il est sensé être de retour le 15 septembre....

Ha, je suis curieuse de ce que tu vas en penser. Vais-je être la seule à n'avoir pas succombé au charme de ce roman?

La passerelle

J’ai tout d’abord lu un recueil de nouvelles de Lorrie Moore, Déroutes, qui m’a permis de découvrir la plume à la fois tendre et acérée de l’auteur américaine. Là encore, c’est dans le Midwest que se situe ce roman dont le personnage principal est une jeune fille. Le résumé peut paraître assez mince, mais beaucoup de sujets sont traités qui viennent étoffer le roman, les procédures d’adoption aux Etats-Unis, les rapports de Tassie avec ses parents et son frère restés à la ferme familiale, les premiers cours de Tassie, sa solitude, les quelques amitiés qu’elle noue, sa rencontre avec un étudiant brésilien, le racisme puisque la petite Mary-Emma est métisse, la guerre en Afghanistan… La famille adoptante est à elle seule une matière possible de roman, avec le mari, toujours absent et assez énigmatique, la mère, restauratrice à la mode, personnage excentrique et outrancier, la petite fille dotée de solides facultés d’adaptation. Lorrie Moore sait particulièrement bien rendre l’angoisse des futurs parents adoptifs, qu’ils camouflent derrière un humour souvent féroce.

J’adore chez Lorrie Moore l’ironie douce avec laquelle elle parle de ses personnages ou plutôt les fait parler les uns des autres : « Sa capacité au bonheur était un petit os à soupe dans une grande marmite. » « Je m’efforçais de retrouver à qui Sarah Brink me faisait penser, bien que je ne sois pas certaine que c’était à quelqu’un de réel. Peut-être qu’elle me rappelait le personnage d’un feuilleton télévisé que je regardais des années plus tôt. Mais pas l’héroïne. sûrement pas l’héroïne. Plutôt sa colocataire maniaque, ou sa cousine dingue habitant Cleveland. Je savais que, même quand elle aurait un bébé, Sarah ne perdrait pas son petit côté excentrique au profit de son statut de mère. Il y avait sans doute pire. » Alors, bien sûr, je n’ai pas retrouvé ici exactement la même concision qui m’avait fait trouver ses nouvelles des véritables romans en miniature, mais je me suis tout de même régalée. Lorrie Moore a aussi la particularité de pouvoir, en un court paragraphe de cinq lignes, de raconter de façon très neutre une anecdote qui change complètement la perspective que l’on a d’un des personnages ou de l’histoire elle-même. C’est très particulier, mais très efficace ! Notamment pour passer d’un épisode assez léger à un autre plus dramatique, et il n’en manque pas dans ce roman, mais je n’en dirai pas plus.

J'ai fini de lire La passerelle, et je préfère ne pas faire de vrai commentaire, parce que j'ai détesté vraiment ce livre, au point que je pourrais pas faire autre chose qu'un truc bête et méchant. Dès que je pense à ce livre, j'ai un ricanement qui me vient aux lèvres.

Je ne l'ai pas aimé pour un peu mes mêmes raisons qu'Odrey, j'ai trouvé le début pas si mal, avec cette famille bizarre, on sent qu'il y a quelque chose qui ne va pas derrière la façade de respectabilité. Et les relations de Tassie avec Mary-Emma sont aussi convaincantes. Mais alors tout le reste... C'est déjà tellement prévisible, quand au moment de récupérer la petite, il est question de la période de 6 mois avant l'adoption définitive, j'ai été sûre qu'il y aura un problème et que cela ne se ferra pas. De même avec le petit ami, on sent tout de suite qu'il y aura un truc tordu. Et pour le frère c'est prévisible très longtemps à l'avance. Et l'accumulation des malheurs qui fondent sur cette pauvre Tassie, c'est vraiment trop, trop, trop, jusqu'à sa colocataire qui manque de mourir empoisonnée.

Et comme j'ai détesté l'écriture, lente et pleine de clichés, j'ai eu un mal fou à finir ce roman. Je suis vraiment passée à côté à 100% et je ne relirai pas cet auteur.

Là où je ne te suis pas , c'est quand tu dis que ce qui arrive à Tassie , c'est vraiment trop , trop , trop

J'ai quand même quelques souvenirs de ma vie étudiante pas si éloignée de ce qui est évoqué , genre le logement glacial , la co - location plus ou moins imposée , les boulots qu'on est obligés de prendre bon an mal an pour payer son bus ou le resto -U (donc confronté à des adultes à 100 lieues de ce que l'on est et que l'on est bien obligé d'accepter , car ça met un peu de beurre dans les épinards ) , les WE retour chez les parents avec leurs questions insistantes , le tâtonnement sur les UV à choisir pour son exam final ,les premières amours car forcément c'est là que ça se concrétise puisqu'on est INDEPENDANT (la bonne blague) et donc les déceptions qui s'ensuivent

je vois pas ce qu'il y a de trop (mis à part le drame de son frère , prévisible c'est vrai)

Le début du livre quand l'auteur décrit la vie étudiante, la recherche du petit boulot, j'ai accroché et j'ai trouvé cela plutôt juste. Mais après il arrive quand même trop de catastrophes à cette pauvre Tassie, des choses qui n'arrivent quand même pas à tout le monde dans toute une vie, et là elle en a quand même une série étrange.

Presque toutes les étudiantes ont fait du baby-siting, mais tomber sur un couple qui cherche à adopter, avoir une adoption interraciale, qui en plus tourne mal parce que les parents ont un secret honteux, peu
d'étudiantes l'ont vécu. Et cela doit être sacrement traumatisant.

De même presque toutes les étudiantes ont des petits amis, mais elles ne tombent pas forcement souvent sur un islamiste qui doit partir en catastrophe.

Et en prime l'histoire avec le frère. Et l'empoisonnement de la coloc, dans lequel Tassie a une part de responsabilité.

Je trouve cela vraiment trop pour une seule personne comme expériences difficiles, traumatisantes, et peu probables statistiquement. D'autant plus qu'une seule de ces expériences aurait suffit pour un livre entier, surtout que tous ces évènements hors du commune, font passer à la trappe la vie normale et difficile d'une étudiante, qui au début du livre fonctionnait plutôt pas mal. Le CV à rédiger alors que l'on rien à mettre dessus par exemple, ça faisait juste. Là je trouve que c'est trop, tout ce qui lui arrive à cette pauvre fille. Et cette accumulation finit chez moi tout au moins de provoquer le contraire de l'effet escompté, au lieu de la compassion, un méchant ricanement, en me demandant qu'est-ce qui va encore lui tomber dessus, parce qu'au bout d'un moment ce n'est plus du tout crédible pour moi.

A te lire on a l'impression que Tassie est une miss catastrophe
si on devait mettre dans les livres tout ce qui est statistiquement probable , il n'y aurait plus beaucoup de romans