Lorrie Moore

bix229 a écrit:

Lorrie, MOORE : La Passerelle. - Points/Seuil

darkanny a écrit:

Kenavo l'a déja mentionné là

même que ça a été le kif du jour d'Arabella

c'est en relisant la page 5 que j'ai compris, j'avais bien un mélange de doute et de souvenir mais il se fait tard alors...

Marie a écrit:

La passerelle ‘( A Gate at the Stairs)
Traduit de l’anglais ( Etats-Unis) par Laetitia Devaux
Editions de l’Olivier


Enterrez vos rêves irréalistes sinon ce sont eux qui vous enterreront.

En errant sur le net,je suis tombée sur cet extrait de Images de pensée, de Walter Benjamin, qui dit ceci :

Tous les livres ne se lisent pas de la même façon. Les romans, par exemple, sont faits pour êtres dévorés. Les lire est une volupté d’incorporation. Ce n’est pas de l’empathie. Le lecteur ne se met pas à la place du héros, il incorpore ce qui leur arrive.

Peut être quand même que l’on dévore , incorpore , et assimile plus facilement les romans quand on se sent en empathie avec leurs héros?
En tout cas, ce fut évidemment le cas pour moi avec La passerelle, parce que tout repose sur le personnage central, la narratrice, Tassie. Et que si on la trouve comme Odrey, souvent tête à claques , il est bien difficile d’aimer ce roman!
Moi, j’aime beaucoup cette Tassie , qui va perdre en peu de temps toutes ses illusions ,en particulier sur elle-même, et va devoir continuer à vivre avec tout ce vide :

C’était un amour totalement vain, sauf si l’on croyait qu’il avait le pouvoir de descendre d’un ciel en feu jusqu’au brin d’herbe qu’il avait désigné comme l’élu de son cœur, sauf si l’on croyait aux prières des bonnes sœurs au fond de leurs prieurés, sauf si l’on croyait aux miracles et à la magie, à l’enchantement, aux dés, aux mantras soufis et aux sortilèges derrière les rideaux, ainsi qu’à l’habileté des nuages situés à des distances inimaginables noyées dans la fumée. L’amour et la vertu- leur conviction était insensée: une danse d’espoir, un rêve artificiel qui faisait que les vrais rêves, ceux que l’on pouvait rêver pour de vrai, nous paraissaient aussi solides que la roche….

Roman d’initiation, d’apprentissage, de passage à l’âge adulte comme on en a déjà beaucoup lu , mais tout est dans le regard de Tassie et donc de Lorrie Moore , acéré, avide de détails de toutes sortes (au hasard les parents, la culture des pommes de terre, les nouvelles formes de racisme, la sexualité masculine, la nature au fil des saisons, etc ) et plein d’un humour un brin décalé qui m’a ravie.

Après, oui, des thèmes abordés et des détails, il y en a beaucoup, beaucoup ( mais dans la vie aussi, non?) et certaines scènes ( en particulier, c’est vrai, celle dont parle Odrey en spoiler que je ne trouve surtout pas réellement et pratiquement crédible ) sont peut être en trop, on peut peut être frôler l’indigestion pour rester dans les métaphores alimentaires.
Cela n’a pas été mon cas, j’aurais volontiers suivi- et incorporé- plus avant l'avancée dans la vie de Tassie , ses parents ( quel curieux mélange dans l’Amérique profonde!) et aussi du très ambigu personnage qu’est Sarah, la mère adoptive qui cherche à recoller des morceaux d’on ne sait quoi de pourri dans ce royaume d'Amérique .

Merci Darkanny!

Je n' ai pas lu La Passerelle, mais je le ferai sans doute, le débat ayant allumé ma curiosité, ainsi
que l' opinion de Marie...
Et puis ça m' évitera de confondre Lorrie Moore et Alson Lurie, comme je l' ai fait à une époque.
Ce qui est probablement injuste pour l' une d' elles ou pour les deux...
Ceci dit :
Oui, il a raison, Walter Benjamin ! Je rebondis sur le sujet, par qu' il me tient à coeur et qu' il y a mille et une façons -subjectives ou non, mais surtout subjectives- de passer à coté d' un livre...
Ou de le détester.
Il nous arrive aussi d' etre de mauvais, très mauvais lecteurs. Et nous avons parfois des complaisances bizarres -pour ne pas dire suspectes- pour des vrais nanars ou simplement des auteurs que nous aimons bien. Par principe ou presque...
Parfois nous sommes vraiment convaincus d' avoir affaire à un mauvais livre. Sur le moment. Mais le ver du doute est aussi salutaire...
Surtout quand d' autres lecteurs ont une impresssion contraire et ficellent plutot bien leur raioonnement.
Tout arrive !

Et les voies de nos lecture sont parfois impénétrables !

Je viens à mon tour de lire La Passerelle. . Comme je le pensais, personne n' a lu le meme livre, ce qui est normal. J' aurais meme pu dire à qui il plairait ou pas ! Et donc je suis content d' avoir seulement survolé commentaires. En fait, je n' aurais meme pas du...

Queques réflexions plus ou moins décousues à propos de ce livre.

Je crois que je suis plus proche de Marie et Darkanny, parce que, comme elles, j' ai suivi de bout en bout le personnage de Tassie et que j' ai lu l' hstoire, les personnages à travers elle. Et que le style de Lorrie Moore permet justement de mener histoire et personnages à bon port. J' aimerais ajouter que l' argument consistant à dire que le comportement de Tassie à tel ou tel moment est invraisemblable, ne me semble recevable que si la vraisemblance romanesque ne s' impose pas à la lecture.

Cpmme Marie, je pense que Tassie reflète l' état d' esprit des américains libéraux (tous ceux qu' on a vu défiler dans les voyages de Busnel en Amérique). Une mauvaise conscience justifiée contre un pays qui s' est formé dans la violence, une violence terrible dirigée contre les américains eux memes dans la Guerre de Sécession et évidemmeent contre les Indiens, les Noirs. Contre la nature et la beauté de la nature. Contre des peuples du monde qu' ils ne connaissent meme pas et pour des interets qui vont à l' encontre de tout bon sens. Et qui se retrouvent finalement à détester et à craindre tout ce qui leur est étranger. A se détester eux memes sans se l' avouer.

Ce qui est un peu le cas de ce couple d 'américains qui adoptent une petite fille noire pour des tas de raisons, sauf la bonne : l' aimer sans détour et non pour essayer de se déculpabiliser. Il est normal que ce soit cette partie qui ait le plus interessé les lecteurs. Et qu' on ait pas aimé la relation de Tassie à Reynaldo. Le personnage de Reynaldo est certes detestable, mais on ignore à quel point des pseudo révolutionnaires décervelés et manipulés sont tous des tetes à claques incapables d' aimer un etre de chair et de sang.

A partir du retour de Tassie chez ses parents et jusqu' à la mort de son frère, il n' y a plus d'action proprement dite, mais le deuil de ses amours. Et là, c' est relativment facile, compte tenu de ce qu' elle sait d' elle-meme et de son ex amant. Le deuil de son frère, personne ne peut dire si elle le surmontera vraiment, compte tenu du message posthume qu' il lui laisse et qui hantera probablement sa conscience toute sa vie durant.

Elles ne sont pas du tout décousues tes réflexions
Je me retrouve assez dans ce que tu dis.

La passerelle
J’avais réservé ce livre à la biblio, il y a un moment, puis j’ai oublié. Quand ma bibliothécaire (que j’adore) me l’a présenté, ce fut une belle surprise, double quand j’ai vu qu’il y avait une lecture commune sur ce roman.

Je me suis donc lancée dans cette lecture doublement motivée ; et j’ai vraiment passé un bon moment avec Tassie. Moi, qui me plaint souvent de paragraphes trop descriptifs, là, je dois dire que cela ne m’a pas gêné, car l’écriture est très agréable.

Tassie est né à la campagne, ses parents lui paient des études universitaires, elle débarque à Troie où elle cherche un travail, elle rencontrera Sarah qui veut adopter une enfant, son choix va s’arrêter à Emmie, une enfant métis.

Alors que Tassie promène Emmie en ville, elle est sujet à bien des regards ; dans le quartier blanc, elle subit un racisme assez violent ; dans les quartiers noirs, les plus âgées voient d’un mauvais œil, une blanche qui pour eux, a eu une relation avec un homme de couleur, les plus jeunes par contre, lui sourient, l’acceptant dans leur communauté ; ces regards plein de préjugée font la richesse de ce livre.

Le secret que va découvrir Tassie au sein de cette famille adoptive, et le dénouement de la sienne, donnent une touche de tristesse sans en enlever le charme.

J’ai mis plusieurs jours pour lire ce livre, pas qu’il soit épais, je l’ai savouré sans jamais m’ennuyer, un petit coup de cœur.

Oh. Grand Merci à Darkanny (et les autres par la suite, mais j'associe définitivement Lorrie Moore à Darkanny, désolée) !
Quel livre.

Des nouvelles. Des histoires de tous les jours où la grisaille enveloppe les personnages. C'est triste mais absolument pas pathos ou mélodramatique. C'est d'une justesse sur l'humanité, sur les peines, les douleurs, les impossibilités, les incompréhensions, qui m'a touchée-coulée-enpleindanslemille.
Écriture de la proximité, au cœur des sentiments et des pensées des personnages, retranscrits en quelques phrases concises et claires. Pas d'emphase, pas d'étalage. Lorrie Moore est dans le discours direct, la dissection du malaise, le diagnostic du trouble, l'analyse du doute. Et ses personnages sont toujours sur la ligne, la faille, sur le point de s'effondrer ou de s'accrocher (image du bord de précipice parfaitement trouvée par Shanidar d'ailleurs !).

Je n'ai pas senti le féminisme dont parle Darkanny (ça mérite une (agréable) relecture) mais peut-être parce qu'elle disait des choses qui me semblaient couler de source. Et peut-être parce que j'étais immergée dans les méandres de ses histoires que je n'ai pas réussi à prendre la distance nécessaire au repérage des idées disséminées.
Car c'est dans l'affect qu'elle nous entraîne Lorrie Moore, qu'elle m'a entraîné. Où je l'ai suivie avec une douce mélancolie.

Une envie de relecture, rapidement.

Vraiment ravie qu'elle fasse des émules !
Merci du post Queenie, tu en parles très bien de ce livre.

darkanny a écrit:

Vraiment ravie qu'elle fasse des émules !
Merci du post Queenie, tu en parles très bien de ce livre.

Le genre de lecture qu'il est facile de commentée !