Paul Auster

En attendant, un petit commentaire sur Cité de verre, mon préféré !

Ce court roman est comme un tiroir à double fond, à triple fond… Daniel Quinn est un écrivain, sous le nom de William Wilson, il est pris pour un détective nommé Paul Auster et engagé à ce titre pour surveiller un certain Peter Stillman qui sort de prison et risque d’attenter à la vie de son fils, prénommé Peter lui aussi. Notre écrivain prend cette tâche particulièrement à cœur, car il a un grand vide dans sa vie, creusé par la perte de sa femme et de son fils, ce travail d’enquêteur étant pour lui un dérivatif. Au cours de sa filature, il croise d’ailleurs Paul Auster qui n’est pas détective mais écrivain et écrit sur la genèse de Don Quichotte… DQ comme Daniel Quinn, tiens ! De recherches en rencontres, DQ va aller très loin, du moins pas physiquement, puisqu’il reste à New York, mais très loin tout de même.
Il est difficile de résumer ce livre qui évoque les thèmes du travail et des sources de l’écrivain, du langage, de l’identité et qui surprend page après page.

Ah Leviathan (qui est bien celui que je croyais, j'ai vérifié), un peu déroutant dans certaines choses, mais plus vers la fin il m'a semblé. Bon souvenir celui-là

Man in the dark

Comme Kenavo et Animal ont pris soin de ne pas trop dévoiler l'intrigue, je vais faire de même, car ce roman repose sur le procédé de la révélation progressive.
Disons juste qu'un critique littéraire à la retraite, immobilisé après un grave accident de voiture, se raconte chaque nuit d'insomnie, dans l'obscurité totale de sa chambre, des histoires:

That's what I do when I can't sleep. I lie in the dark and tell myself stories. I must have a few dozen of them by now [...].
What kind of stories?
All kinds. Farces, tragedies, sequels to books I've liked, historical dramas, every kind of story you can imagine. [...]
A cure, a remedy to ward off the blues.

Il invente un homme projeté dans une dimension parallèle, où l'Amérique est en proie à la guerre civile. Il raconte son histoire à lui, celle sa femme, de sa famille. Il se souvient d'anecdotes entendues, de conversations, des films vus et analysés en compagnie de sa petite-fille.
Mais, comme un vortex, toutes ces histoires ramènent l'homme à la noirceur absolue à laquelle il tente d'échapper, le forcent à regarder en face l'innommable, l'inconcevable. Pour pouvoir envisager de revivre.

Bien sûr on pourra arguer que Man in the dark manque de consistance en tant que fable politique, de charge anti-Bush. La guerre en Irak constitue le filigrane de ce roman, mais la tragédie privée prend davantage le pas sur le drame national. Et, comme souvent chez Auster, on est davantage dans des considérations métaphysiques sur le destin et son ironie, la solitude inhérente à l'existence humaine, les ténèbres qui l'ont toujours accompagnée.
J'ai en tout cas retrouvé dans ce roman ce que je trouve captivant chez Auster, à savoir cet entrelacs d'histoires, d'anecdotes, entendues et racontées. Comme le souligne Epi, Auster est avant tout un conteur exceptionnel...

Nezumi a écrit:

J'ai en tout cas retrouvé dans ce roman ce que je trouve captivant chez Auster, à savoir cet entrelacs d'histoires, d'anecdotes, entendues et racontées. Comme le souligne Epi, Auster est avant tout un conteur exceptionnel...

Merci pour ton très beau commentaire.. je souhaite aux lecteurs français qu'on va le traduire très vite parce qu'il vaut la lecture

Merci à toi de l'avoir cerclé!
Oui, il vaut vraiment le détour. Ce serait bien qu'ils gardent le titre anglais...

Nezumi a écrit:

Merci à toi de l'avoir cerclé!
Oui, il vaut vraiment le détour. Ce serait bien qu'ils gardent le titre anglais...

ah oui.. faudrait écrire à Actes Sud
Je ne vois pas comment donner cette nuance en français.. espèrons qu'ils se décident pour cela - avec Brooklyn Follies p.ex. ils ont aussi gardé le titre..

Ton commentaire Nezumi me donne encore plus envie de le lire. J'avais décidé d'attendre d'avoir lu tous les autres avant mais je crois que je vais craquer et le commander tout de suite

Pour le titre en français, ils vont peut-être tout simplement mettre un autre titre qui n'a rien à voir avec l'anglais. Ca arrive souvent quand une traduction littérale n'est pas possible.

Il faut que je trouve ce Man in the dark. Vous me donnez envie. Et puis il faut que je relise les autres aussi. C'est une chaîne sans fin.

peut être à l'occasion de la sortie de la vf de Man in the dark, mais je serai curieux d'interviews sur les derniers Brooklyn Follies, le Scriptorium et Man in the dark...

si ils vous arrive d'en croiser...

animal a écrit:

peut être à l'occasion de la sortie de la vf de Man in the dark, mais je serai curieux d'interviews sur les derniers Brooklyn Follies, le Scriptorium et Man in the dark...

si ils vous arrive d'en croiser...

Voici un site où Auster parle de Brooklyn Follies et en lit le début (quelle voix ). J'étais tombée dessus en cherchant de la doc sur ce livre, au programme de l'option anglais renforcé.
Il y a aussi d'autres interviews de lui (voir en bas de page).

animal a écrit:

si ils vous arrive d'en croiser...

j'en ai regardé une l'autre jour - mais c'est en anglais - et c'est sur son dernier livre Man in the Dark... donc..

INTERVIEW

explication puisque vous arrivez sur une page allemande:

écran noir avec 3 liens en orange - cliquer sur Zur ZDF mediathek

(si vous rencontrez d'autres problèmes concernant l'allemand - demandez moi, pas de problèmes )

il a toujours son ... charisme

Nezumi a écrit:

Voici un site où Auster parle de Brooklyn Follies et en lit le début (quelle voix ).

j'étais enchantée de l'entendre parler si bien français lors de son passage au Festival à Saint Malo - mais j'aurais adoré plutôt l'entendre en anglais.. sa voix a un tout autre timbre...

Merci pour ce lien Nezumi. Je suis sous le charme comme vous, ce qui fait que je ne cherche pas à comprendre ce qu'il dit, je me laisse juste bercer par sa voix
Cet interview nécessitera une seconde écoute! (malgré mon fluent ingliche )

Moon Palace.

Ah, Paul Auster ! Un regard ténébreux et charmeur, un sourire ravageur, une voix qui fait frissonner et une écriture au-delà du talent, une écriture de perfection...

Avec Moon Palace, Paul Auster nous entraîne de l'Est à l'Ouest des Etats-Unis des années 60/70. Il nous fait partager le destin d'un jeune américain comme beaucoup d'autres mais dont les prénoms et le nom prédestinaient à une vie d'aventure et de rebondissements. Son nom : Marco Stanley Fogg. Un jeune américain simple, mais au destin hors du commun.

" Avec du recul, je me rends compte que je devais avoir une curieuse allure : hâve, échevelé, intense, un jeune homme dont le décalage par rapport au reste du monde était évident. Mais le fait est que je n'avais aucune envie d'entrer dans la danse. Si mes camarades de cours me considéraient comme un individut bizarre, ce n'était pas mon problème. J'étais l'intellectuel sublime, le futur génie irascible et imbu de ses opinions, le Malevole ténébreux qui se tenait à l'écart du troupeau..."

Ainsi, Paul Auster nous emmène, par une écriture riche, bouleversant de réalisme et de sensations, dans la vie de M.S. Fogg. Nous ferons la connaissance de l'Oncle Victor, sorte de père de substitution, auquel le héro est très attaché. Nous suivrons Marco lors de ses études semées d'embûches et de soucis à l'université de Columbia ; nous vivrons avec lui ses amitiés, son amour passionnel pour Kitty Wu ; nous partagerons sa solitude et ses drames. Et un jour, avec Fogg, nous ferons la connaissance d'un viel homme, Mr Thomas Effing, qui bouleversera sa vie.

"La première fois que j'ai eu Thomas Effing devant les yeux, j'ai eu l'impression de n'avoir jamais vu quelqu'un d'aussi fragile. Assis dans un fauteuil roulant sous des couvertures écossaises, le corps affaisé sur le côté, il évoquait un minuscule oiseau brisé. Rien que des os sous une peau fripée. Il avait quatre-vingt-six ans, mais on lui en aurait donné beaucoup plus, cent ans au moins, si possible, un âge au-delà des chiffres."

Paul Auster ménera son héro jusqu'à la découverte de ses origines, et lui permettra de véritablement se trouver et d'être en paix avec lui-même.

"Après vingt-quatre années vécues dans une interrogation sans réponse, j'avais peu à peu adopté cette énigme comme le fait central de mon identité. Mes origines étaient un mystère, et je ne saurais jamais d'où je venais. C'était ce qui me définissait, et je m'était habitué à ma propre obscurité, je m'y accrochais comme à une source de connaissance et de respect de moi-même, je m'y fiais comme à une nécessité ontologique."

Dès la prmeière page du roman, je me suis laisser hâpper par cette histoire touchante, bouleversante et dont le chemin est tracé de drames et de joie. En fait, une histoire de la vie...
Encore une fois, l'écriture de Paul Auster n'a fait qu'un avec mon être, me faisant respirer l'air que respirait Marco ; me faisant vibrer, pleurer, souffrir, rire lorsque son héro vibrait, pleurait, souffrait, riait.

Un livre éblouïssant par le talent de son auteur, donc, à la hauteur de mes espérances de lectrice. Un roman américain comme je les aime. Merci Mr Auster...

Merci pour ton commentaire Malorie