Michel Houellebecq

Ca va encore faire parler de lui... On arrive à saturation là.
De toute façon, il ne risque pas grand-chose... La lecture sur PDF, on a connu mieux !

Dans le Livres Hebdo du 12 novembre dernier, il y a un dessin de Boll sur Houellebecq.
La scène : d'un côté, un lecteur contemporain "in", de l'autre, son père (?), assis dans un fauteuil confortable à côté d'une théière.
Le plus jeune : "Toi ! Tu lis le dernier Houellebecq !"
Le plus âgé, d'un air mécontent : "Non, le dernier Goncourt."

IzaBzh a écrit:

Dans le Livres Hebdo du 12 novembre dernier, il y a un dessin de Boll sur Houellebecq.
La scène : d'un côté, un lecteur contemporain "in", de l'autre, son père (?), assis dans un fauteuil confortable à côté d'une théière.
Le plus jeune : "Toi ! Tu lis le dernier Houellebecq !"
Le plus âgé, d'un air mécontent : "Non, le dernier Goncourt."

C'est vrai que ça change tout !

La carte et le territoire


Ce que j’aime chez Houellebecq, ce sont ses personnages, qui ont les pieds sur terre et la tête dans les nuages. Il y a plein de petits détails quotidiens, des choses de tous les jours, un univers prosaïque, et les personnages évoluent dans ce décor, et soudain les voilà partis dans un délire total, des rêves, des fantasmes, des idéaux parfois. C’est d’autant plus vrai que ce roman évoque le travail de la création artistique, de manière très détaillée, presque maniaque. Il est question de photo, de peinture, et d’architecture, avec une abondance de détails impressionnante.
En revanche, pas beaucoup d’émotion dans la vie de Jed, le personnage principal ; on est loin de la création torturée, intime, du peintre de « l’œuvre » de Zola, d’une passion qui englobe toute vie, toute réflexion, qui absorbe entièrement l’individu. Et surtout, ces personnages sont désespérement seuls, comme dans un cocon égoïste, sans véritable attachement, sans implication d’aucune sorte.

krys a écrit:

En revanche, pas beaucoup d’émotion dans la vie de Jed, le personnage principal ; on est loin de la création torturée, intime, du peintre de « l’œuvre » de Zola, d’une passion qui englobe toute vie, toute réflexion, qui absorbe entièrement l’individu. Et surtout, ces personnages sont désespérement seuls, comme dans un cocon égoïste, sans véritable attachement, sans implication d’aucune sorte.

C'est étrange que tu dises ça parce que, justement, un des thèmes principaux est le deuil du père et toutes les séquences qui le mettent en scène sont émouvantes.Jed n'est pas indifférent, il observe même son père avec tristesse. Sa créativité est quand même source permanente d'interrogations, de remises en question fondamentales en lien avec son parcours affectif (le deuil, sa tentative de relation amoureuse...) et l'observation de la dérive sociale à travers le monde de l'art, le show biz, l'industrialisation.... Le final utopique est comme un rêve illusoire qui mène Jed Martin à se détacher du monde et à rechercher le" triomphe de la nature" sur le monde industriel à travers une création originale, son grand oeuvre. Tout ça ne se fait pas sans une part de souffrance mais le mythe du "véritable" artiste qui crée nécessairement dans le tourment intérieur est presque devenu un cliché. Jed ici n'est au contraire ni profondément torturé, ni complètement égoïste et détaché des autres. Il cherche juste une voie pour exprimer sa vision du monde à travers son oeuvre. Une vision mi ironique mi douloureuse comme celle de Houellebecq lui-même qui peut donner l'illusion d'un détachement émotionnel misanthropique mais qui me semble être davantage une protection. Il y a une part de timidité chez lui aussi probablement. Reste ce théâtre des vanités autour de lui qui reste probablement en partie une dérisoire réalité.

c'est peut être simplement que je ne suis pas réceptive à cette forme d'émotion, mais je comprends bien ce que tu veux dire par "une protection". Je ne l'ai pas vu ainsi mais tu as sans doute raison.

J'ai tenu jusqu'au premier quart du roman à peu prêt avant que ma patience ne flanche. J'ignore si c'est l'absence de style, à ce point flagrante qu'elle place ce bouquin hors de la littérature, ou la platitude de la trame toute en clichés et en discours convenus ne brillant que par le vide, ou encore l'imposture des prix littéraire que cette congratulation de Houellebecq concrétise, j'ignore lequel - ou quelle combinaison - de ces points m'a fait tomber le PDF des "mains"...

Nothomb, Rey ou Zeller ont au moins la décence de produire des daubes plus courtes...

Sur ce débat autour du style (ou de l'absence de style) de Houellebecq on peut se faire son propre avis ou on peut aussi par exemple se pencher sur ce collectif international de 400 pages qui a tenté d'analyser ses romans (jusqu'à l'avant dernier) et d'en montrer les qualités formelles et conceptuelles. Murielle Lucie Clément (qui coordonne ce collectif) a rédigé un article très intéressant sur le thème: Ascendances littéraires et Intertextualité. Ce livre est malheureusement horriblement cher (comme beaucoup d'ouvrages universitaires). On me l'a prêté pour le parcourir et il est très complet.

Citation :

Murielle Lucie Clément est l'auteur d'une thèse de doctorat sur Andreï Makine à l’Université d’Amsterdam ayant pour titre : Andreï Makine. présence de l'absence: une poétique de l'art (photographie, cinéma, musique).

Elle est l'auteur du premier ouvrage universitaire sur Michel Houellebecq, Houellebecq. Sperme et sang, paru chez l'Harmattan en 2003 ; il a reçu le Asca Book Award 2004.

Elle écrit pour le théâtre et met en scène des pièces. Compositeur, Murielle Lucie Clément a publié plusieurs partitions chez différents éditeurs dont la plus connue est Skeches of Chess, un opéra pour deux soprani et un échiquier, paru aux éditions Fortuin à Dordrecht aux Pays-Bas.

Elle est le metteur en scène de la première mondiale (15 mai 2009) de la pièce de théâtre d'Andreï Makine Le Monde selon Gabriel.

Citation :

Michel Houellebecq sous la loupe approfondit le profil de l'oeuvre de l'auteur le plus controversé du paysage littéraire français actuel et s'attache à dépasser les études sur cet enfant terrible des Lettres françaises parues à ce jour. En effet, force est de reconnaître que l'intérêt suscité par le phénomène s'est surtout, jusque-là, traduit par l'engouement d'un public friand de la petite histoire, exception faite de quelques études d'envergure sur son oeuvre.

Michel Houellebecq sous la loupe comble la béance du fossé entre l'écrivain et la recherche universitaire. En outre, ce recueil projette sur l'oeuvre un nouvel éclairage par rapport aux titres précédents. Ainsi les sujets peu ou prou explorés à ce jour comme l'esthétique générale des écrits, la poésie, la réception et la philosophie sous-jacente aux romans passent-ils dûment la revue dans des approches approfondies après avoir été quelque peu négligés. D'autre part, bien que l'amour, l'exotisme et l'abject aient été précédemment discutés, ces thèmes se teintent aujourd'hui d'un jour nouveau par l'angle original sous lequel ils sont abordés et la perspicacité des réflexions qui leur sont accordées. Enfin, et non des moindres, plusieurs articles interpellent le dernier roman La Possibilité d'une île (Fayard, 2005) ce qui confère à ce recueil un atout supplémentaire.

En bref, Michel Houellebecq sous la loupe s'adresse aux houellebecquiens et houellebecquologues tout autant qu'aux houellebecquophiles et houellebecquophobes par la diversité des articles sans complaisance et la sagacité des analyses réunies dans un souci d'authenticité et de clarté car toutes ont en commun de débattre d'une série de points fondamentaux qui font la singularité de la fiction houellebecquienne.


Table des matières:
Murielle Lucie CLÉMENT et Sabine van WESEMAEL : Introduction
Jacob CARLSTON : Écriture houellebecquienne, écriture ménippéenne ?
Bruno VIARD : Faut-il en rire ou en pleurer ? Michel Houellebecq du côté de Marcel Mauss et du côté de Balzac
Sandrine RABOSSEAU : Houellebecq ou le renouveau du roman expérimental
Julia PRÖLL : La poésie urbaine de Michel Houellebecq : sur les pas de Charles Baudelaire ?
Simon ST-ONGE : De l'esthétique houellebecquienne
Elisabetta SIBILIO : « Je ne savais absolument rien de sa vie ». Écrire l'autre : Houellebecq, Lovecraft et...
Murielle Lucie CLÉMENT: Michel Houellebecq. Ascendances littéraires et intertextualités
Walter WAGNER : Le bonheur du néant : une lecture schopenhauerienne de Houellebecq
Floriane PLACE-VERGHNES : Houellebecq / Schopenhauer : Souffrance et désir gigognes
Jean-Louis CORNILLE : Extension du domaine de la Littérature ou J'ai LuL'Étranger
Frédéric SAYER : La transformation de symboles du mal en signes du vide chez Michel Houellebecq et Bret Easton Ellis
Alain-Philippe DURAND : Pascal Bruckner et Michel Houellebecq. Deux transécrivains au milieu du monde
Sabine van WESEMAEL : La peur de l'émasculation
Anne-Marie PICARD-DRILLIEN : No Future ! Le Désistement mélancolique de Michel Houellebecq
David EVANS : Structure et suicide dans les Poésies de Michel Houellebecq
Nathalie DUMAS : Lutte à 99F : La vie sexuelle selon Michel H. et son extension à Frédéric B.
Neli DOBREVA : Figures et transformations du corps féminin (en asexué) dansLes Particules élémentaires de Michel Houellebecq
Mads Anders BAGGESGAARD : Le corps en vue – trois images du corps chez Michel Houellebecq
Sara KIPPUR : Le voyeurisme impossible chez Houellebecq : l'oeil, le regard, et la disparition de l'humanité
Daniel LAFOREST : Mondialisation, espace et séparation chez Michel Houellebecq
Maud Granger REMY : Le tourisme est un posthumanisme. Autour dePlateforme
Julie DELORME : Du guide touristique au roman. Plateforme de Michel Houellebecq
Benjamin VERPOORT : Voyage au bout de l'Europe : Lanzarote de Michel Houellebecq
Christian van TREECK : L'image des Allemand(e)s dans l'oeuvre narrative de Houellebecq
Patrick ROY: Une étrange lumière : Michel Houellebecq ou La vision du poisson
Roger CÉLESTIN : Du style, du plat, de Proust et de Houellebecq
Olivier BESSARD-BANQUY : Le degré zéro de l'écriture selon Houellebecq
John MCCANN: La Lutte des discours : Plateforme de Michel Houellebecq
Vincent BRUYÈRE : Solitude de Houellebecq : À propos de l'économie d'une fable
Sylvie LOIGNON : « Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris... »

bah, on a dit la même chose de Balzac.

krys a écrit:

bah, on a dit la même chose de Balzac.

De Dostoievski aussi dont le style peut à bien des égards sembler quotidien et familier. Ce qui ne l'empêche pas de faire des portraits psychologiques extraordinaires et des digressions philosophiques référencées captivantes. Houellebecq d'une façon plus modeste et contemporaine arrive à parler du monde d'aujourd'hui à travers une écriture d'apparence banale mais qui a un ton très singulier avec cette ironie mordante et triste en même temps. Il ne ressemble à personne d'autre.

Vous avez noté que je ne parlais pas uniquement du style de Houellebecq ? La différence avec Balzac et Dostoïevski, que vous citez (à grand tord à mon avis en ce qui concerne Dostoïevski dont le langage haché, impulsif, épileptique est tout sauf une absence de style), réside précisément dans la profondeur psychologique et philosophique de leurs roman, alors que Houellebecq n'expose absolument rien de nouveau et tire sur des ficelles convenues dont, par ailleurs, il ne semble pas connaitre grand chose.

Citation :

Houellebecq d'une façon plus modeste et contemporaine

Et voilà comment la plupart des critiques justifient la pauvreté de nombreux romans actuels. La modestie et l'actualité justifie-t-elle la faiblesse de l'argumentaire, du fond philosophique/psychologique et l'absence de style ou d'innovation/invention? Par ailleurs, parle-t-on autant, et de façon tellement dithyrambique qu'on lui accorde le Goncourt, d'un roman qui se voudrait modeste, alors que plusieurs romans dans le même temps sont plus réussis et plus ambitieux ? Franchement, vous prenez le même manuscrit et le signez d'un nom inconnu, non seulement il n'a pas le Goncourt, mais il ne passe pas les 2000 exemplaires...

Il n'est même pas édité.

Comment se fait-il dans ce cas que ses premiers ouvrages aient été publiés ? Et pas par n'importe qui (son premier roman par Maurice Nadeau, qui n'est pas précisément un farceur).

Nadeau, qui n' est pas précisément un farçeur avait apprécié ce livre-là... Il n' était pas le seul...

Mais pas les suivants !

D'une part, je n'ai pas dit que tous les romans de Houellebecq étaient mauvais (d'ailleurs je n'ai lu d'autre que Les particules élémentaires ; que j'ai trouvé mauvais aussi, mais sans commune mesure avec La carte et le territoire), et d'autre part, l'édition n'est pas, loin s'en faut, un gage de qualité ; Nothomb en est la preuve qui a réussi à trouver un éditeur avec un Hygiène de l'assassin affligeant de médiocrité, mais dont le succès était prévisible (seul critère pour l'éditeur), ce qui n'est pas le cas de La carte et le territoire qui n'est clairement vendeur que par le "Houellebecq" inscrit sur la couverture.