Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 José Saramago [Portugal]

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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMer 4 Mai 2011 - 21:52

eXPie a écrit:
mimi54 a écrit:
Son style est lourd, asphyxiant
Je finis un chapitre en étant époumonée...
et c'est désagréable car les dialogues sont fichus dans le texte sans tirets, ni guillemets.....
En lisant un chapitre par jour, j'y arriverai peut-être, mais en tout cas le voyage de l'éléphant ne s'avère pas un voyage agréable mais plutôt une expédition qui se fait avec un boulet à chaque pied.....

Il existe toujours des auteurs qui ne nous "conviennent" pas... Saramago est peut-être celui qui ne te convient pas... Il faut parfois se forcer un peu pour entrer dans un livre, mais si ça devient carrément une corvée...
je vais tenter d'y aller en lisant petits bouts par petits bout.....
50 pages d'un coup, c'est le rejet à coup sur, chapitre par chapitre, je devrais pouvoir y arriver
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 10 Mai 2011 - 10:54

eXPie a écrit:
mimi54 a écrit:
eXPie a écrit:
Harelde a écrit:
Avec Saramago, j'ai découvert un grand monsieur !
aime
cheers

Il a une façon un peu déroutante de placer ses dialogues.J'ai lu quelques pages du voyage de l'éléphant, et cela me gêne un peu.

Il faut le lire comme si le texte nous était lu. D'ailleurs, généralement le narrateur fait des commentaires, des digressions... C'est comme si Saramago était assis à côté de nous, on en face, et qu'il nous raconte une histoire, c'est une littérature orale en quelque sorte, un flux verbal qui nous enveloppe.
C'est exactement ça oui.
L'auteur commente souvent son propre texte et prend le lecteur à témoin. C'est très sympa, très vivant.

mimi54 a écrit:
Son style est lourd, asphyxiantJe finis un chapitre en étant époumonée...
et c'est désagréable car les dialogues sont fichus dans le texte sans tirets, ni guillemets.....
En lisant un chapitre par jour, j'y arriverai peut-être, mais en tout cas le voyage de l'éléphant ne s'avère pas un voyage agréable mais plutôt une expédition qui se fait avec un boulet à chaque pied.....
Je le trouve au contraire très léger, facile à lire... une fois qu'on est dedans et qu'on s'est habitué à son écriture.



Les Intermittences de la Mort

Second livre de Saramago qui me passe sous les yeux, second monument de la littérature. Un livre extraordinaire au sujet très particulier, original qui aurait pu être traité par un René Barjavel : la mort fait des siennes. Au premier janvier minuit, elle cesse toute activité : plus personne ne meurt. Les hommes ne tardent pas à se rendre compte que la situation est pour le moins inhabituelle. Sans précédent ! Ce phénomène est de plus circoncis à un petit état imaginé par l’auteur et ne comptant que dix millions d’habitants. La mort de ce petit pays ne travaille plus : la faucheuse est aux abonnés absents. Alors que ses collègues des pays voisins poursuivent leur office normalement.
Les problèmes apparaissent très vite. Les entreprises des pompes funèbres, touchées de plein fouet, ne tardent pas à se plaindre au gouvernement qu’elles somment de trouver une solution. Les assurances sont également en difficulté, tout comme l’Eglise qui ne fait plus recette avec ses promesses de paradis et d’éternité. Les hôpitaux sont saturés : les patients en phase terminale reste accrochés à une vie précaire et encombrent les lits.
La société doit se réorganiser très vite. Une nouvelle mafia (orthographiée « maphia » pour bien la différencier de « l’autre ») voit le jour et se charge de « désencombrer » le système… avec l’aval du gouvernement qui s’indigne néanmoins officiellement.
Un jour, la mort écrit une lettre : elle promet de revenir le lendemain à minuit et de rattraper le retard. C’est la panique.
Dans un style délectable, Saramago écrit là un livre très savoureux dans lequel fourmillent les détails hilarants. Saramago exploite à fond son idée et tout ce qui pouvait être imaginé l’a été. Un style caustique, empreint d’ironie et très agréable à lire. J’ai néanmoins trouvé le dernier quart un peu longuet : la mort subit le premier revers de sa déjà longue carrière et cherche une solution pour se sortir de ce mauvais pas. Juste histoire de critiquer un peu et de couper avec mes éloges dithyrambiques. Wink
Deuxième lecture, deuxième émerveillement : superbe !
bravo

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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 10 Mai 2011 - 10:57

je souffre avec son style...je souffre...je m'accroche, mais fichtre alors l'histoire passe du coup à la trappe et et ne reste qu'une écriture qui m'essouffle m'asphyxie
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:01

mimi54 a écrit:
je souffre avec son style...je souffre...je m'accroche, mais fichtre alors l'histoire passe du coup à la trappe et et ne reste qu'une écriture qui m'essouffle m'asphyxie
On ne peut pas tous aimer les mêmes auteurs.
sourire

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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:08

Harelde a écrit:
mimi54 a écrit:
je souffre avec son style...je souffre...je m'accroche, mais fichtre alors l'histoire passe du coup à la trappe et et ne reste qu'une écriture qui m'essouffle m'asphyxie
On ne peut pas tous aimer les mêmes auteurs.
sourire


non; je veux au moins essayer.....puisque je me suis lancée le défi de lire un certain nombre d'auteur Nobélisés.....Celui là visiblement ne me convient pas....
Je m'accroche, mais c'est difficile de tenir 25 pages d'affilée....
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:21

mimi54 a écrit:
Harelde a écrit:
mimi54 a écrit:
je souffre avec son style...je souffre...je m'accroche, mais fichtre alors l'histoire passe du coup à la trappe et et ne reste qu'une écriture qui m'essouffle m'asphyxie
On ne peut pas tous aimer les mêmes auteurs.
sourire


non; je veux au moins essayer.....puisque je me suis lancée le défi de lire un certain nombre d'auteur Nobélisés.....Celui là visiblement ne me convient pas....
Je m'accroche, mais c'est difficile de tenir 25 pages d'affilée....
J'ai le même souhait : on risque de se croiser sur des fils d'auteurs.
sourire
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMar 28 Juin 2011 - 23:52

José Saramago [Portugal] - Page 6 Sarama10
La Caverne devant les sources de la Loue. 12 juin 2011.

La Caverne (A caverna, 2000). Traduit en 2002 par Geneviève Leibrich. Points.
Ce livre, dédié "à Pilar", commence par une citaiton de Platon, La République, Livre VII :
"Quelle scène étrange tu décris et quels prisonniers étranges. Ils sont semblables à nous."

Le roman commence ainsi :
Citation :
"L'homme qui conduit la camionnette s'appelle Cipriano Algor, il est potier de profession et a soixante-quatre ans, mais il en paraît moins. L'homme assis à côté de lui est son gendre, il se nomme Marçal Gacho et n'a pas encore trente ans. De toute façon, vu sa tête, personne ne lui en donnerait autant." (page 11).
Tous les dix jours, Cipriano Algor va chercher son gendre, pour le raccompagner quelques jours plus tard au Centre, où il est vigile. Le Centre, c'est comme une grande surface, sauf que c'est pire, c'est presque une ville dans la ville, avec ses étages, ses sous-sols, ses parcs d'attractions, ses cinémas, ses snacks...
De plus, Cipriano, qui est potier, livre le Centre en assiettes, cruches et plats divers.
Mais, comme c'était prévisible, le temps passe, la société évolue, et les attentes des consommateurs aussi. Nouveau monde, nouveaux besoins et nouveaux goûts.
Ecoutons notre potier, de retour chez lui. Il est à table avec sa fille.
Citation :
"Cipriano Algor tendit la main vers son verre, but d'un seul trait le reste du vin et répondit très vite, comme si les mots lui brûlaient la langue, Ils ne m'ont pris que la moitié de la livraison, ils disent qu'il y a moins d'acheteurs pour la terre cuite et qu'il y a maintenant sur le marché de la vaisselle en plastique qui imite la faïence et que les clients la préfèrent, Il fallait s'y attendre, tôt ou tard ça devait arriver, la terre suite se craquelle, s'ébrèche, se fend au moindre choc, tandis que le plastique résiste à tout sans se plaindre, La différence c'est que la terre cuite est comme les être humains, il faut bien la traiter, Le plastique aussi, mais à un moindre degré, c'est vrai [...]" (page 35).
Comme toujours, il y a de très beaux passages :
Citation :
"Quand Cipriano Algor dépassa la dernière maison du village et regarda en direction de la poterie, il vit la lumière extérieure s'allumer, une antique lanterne en métal suspendue au-dessus de la porte de sa demeure, et bien qu'elle brillât tous le soirs sans exception, son coeur cette fois s'en trouva réconforté et son âme tout émue, comme si la maison lui disait, Je t'attends. Presque impalpables, apportées, emportées au gré des vagues invisibles qui poussent l'air, des gouttes minuscules touchèrent son visage, le moulin des nuages ne tardera pas à se remettre à cribler la farine d'eau, avec toute cette humidité je ne sais pas comment les pièces pourront sécher." (pages 50-51).

Cipriano Algor pourra-t-il continuer à gagner sa vie, et à lui donner un sens, à sa vie, bien sûr ?
On retrouve les ingrédients habituels, le chien consolateur, le monde à la limite du fantastique et parfois au-delà, un certain humour, parfois des références auto-référentiels qui servent de clin d'oeil aux lecteurs qui suivent l'ordre des publications ("Ce don magique est aussi rare que cet autre dont il a été parlé ailleurs et qui consiste à voir l'intérieur des corps à travers le sac de peau qui les entoure", page 142).

C'est un roman intéressant, même s'il ne se passe pas grand chose.
Il y a une sorte de menace sourde des pauvres qui parfois attaquent les camions de marchandises, mais les divers éléments de l'histoire, la jolie veuve, le chien, tout cela fait un peu cahier des charges, éléments attendus ou du moins convenus dans l'univers de Saramago, disons-le franchement, Ce livre est nettement moins original que L'Aveuglement, Le Dieu Manchot ou encore Le Radeau de Pierre, mais à bien y réfléchir, cet univers de grandes surfaces, d'études de marchés, d'analyse des attentes des consommateurs, tout cela fait moins rêver qu'une histoire ludique de péninsule qui se détache du continent, mais nous pouvons tous nous retrouver mis au rebut, et de ce point de vue c'est donc peut-être l'un des livres de Saramago les plus proches de nous, celui qui nous concerne le plus par son sujet, qui ne fait certes pas rêver, mais nous pouvons le dire, Nous sommes tous des potiers sans travail en puissance, à part ceux qui sont à la retraite ou peuvent ne pas travailler, et puis finalement il y a la fin du livre, bien sûr, on aurait trouvé la fin du livre au début, cela aurait été tout de même étonnant, même si cela arrive parfois, mais passons et continuons notre propos, vers la fin donc, on a une sorte de suspens, quelque chose d'étrange, qui interroge, qui "questionne", pour parler branché, et là c'est franchement étonnant, un contraste réussi, une rencontre improbable, mais on n'en dira pas plus, tout ce qu'on peut dire c'est que c'est bien venu.
La vie continue, il ne tient qu'à nous qu'elle continue.
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMer 29 Juin 2011 - 9:00

[en tous cas j'adore les commentaire d'eXPie encore plus depuis qu'il nous montre ses livres en mode 'voyage' ] Very Happy
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMer 29 Juin 2011 - 9:26

Ça me donne envie de relire un Saramago.

(Et c'est vrai qu'elles sont chouettes ces photos de livres en escapade)
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMer 29 Juin 2011 - 9:51

kenavo a écrit:
[en tous cas j'adore les commentaire d'eXPie encore plus depuis qu'il nous montre ses livres en mode 'voyage' ] Very Happy

Moi, c'est pareil!

(Ce procédé me rappelle le nain d'Amélie Poulain, je ne sais pas pourquoi!)
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyMer 29 Juin 2011 - 11:40

Cachemire a écrit:
kenavo a écrit:
[en tous cas j'adore les commentaire d'eXPie encore plus depuis qu'il nous montre ses livres en mode 'voyage' ] Very Happy

Moi, c'est pareil!
Et de trois!

Y'a pas, Expie sait nous emballer, le bougre. J'irai jeter un oeil sur L'Aveuglement (si on peut dire) quand même avant...
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyVen 8 Juil 2011 - 10:24

L’Aveuglement

Encore un très grand livre me confirmant (s’il en était besoin) l’immense talent de José Saramago, mon engouement pour cet auteur et son style si particulier.

Point de préambule dans ce roman qui démarre dès les premières lignes sur les chapeaux de roues. Nous sommes arrêtés à un feu rouge, dans une ville quelconque dont le nom ne sera jamais prononcé (et dont on se moque éperdument de toute façon, le sujet n’est pas là.) Le feu s’éternise comme toujours ; ils sont toujours trop longs et les automobilistes qui patientent avec le lecteur semblent également le penser. Alors imaginez leur réaction lorsque le vert apparaît enfin et que la voiture de tête ne démarre pas. Quel est ce con qui obstrue le passage et leur fait perdre un temps précieux ? Ca klaxonne à tout va, ça râle, ça insulte tant que ça peut. Mais dans sa voiture, le conducteur est agité et il n’a de cesse de crier les trois mêmes mots : « Je suis aveugle, je suis aveugle ! »

Enfin des passants interrompent leur vie trépidante l’espace d’un instant pour écouter cet homme qui déclare ne plus rien voir. Subitement, sans aucun signe avant coureur, il a perdu la vue pour plonger, non pas dans une cécité noire, mais au contraire dans un brouillard opaque et blanc, très lumineux, un « lac de lait ». Un bon samaritain se met au volant de la voiture et raccompagne l’homme chez lui. L’aveugle dégouline de reconnaissance mais le philanthrope n’en ai pas un : il « oublie » de restituer les clés à son propriétaire et repart avec le véhicule devenu de toute façon inutile à l’homme qui avance désormais les bras tendus devant lui. L’épouse, lorsqu’elle rentre, trouve son mari en plein désarroi et conduit ce dernier chez un ophtalmologue qui se révèle incapable de poser un diagnostique : pour lui tout va bien, les yeux sont en parfait état. La cécité (dont il ne doute pas) reste inexplicable.

L’intrigue évolue aussi rapidement que de nouveaux cas apparaissent, tout aussi brutalement que le premier cas. Le voleur de voiture est touché à son tour, puis l’épouse, le chauffeur du taxi qui a véhiculé le premier malade jusqu’au cabinet médical, les patients qui attendaient dans la salle d’attente du médecin, le médecin lui-même… Plongé à son tour dans le « mal blanc », le professionnel ne manque pas de réagir en professionnel : il garde la tête froide, prend conscience de la contagion et s’empresse d’alerter sa hiérarchie du danger qu’il pressent. L’administration est prompte à évaluer la gravité de la situation. Les malades sont rapidement placés en quarantaine dans un vieux bâtiment ayant, jadis, hébergé un asile d’aliéné : sale, délabré, sordide mais dont il est difficile de s’échapper et aisé à surveiller. L’armée en prend le contrôle et campe devant le portail barricadé afin de tuer dans l’œuf tout projet d’évasion que pourrait imaginer les pensionnaires dont le nombre augmente rapidement.

A l’intérieur du bâtiment, on tente de s’organiser tant bien que mal. Mais les choses se gâtent et on assiste impuissant à l’établissement d’un état indépendant, sans contrôle extérieur. En parallèle, le monde extérieur sombre un peu plus à chaque nouveau cas. La nouvelle société édicte ses propres règles, basées essentiellement sur la dure loi du plus fort. L’homme est un loup pour l’homme. Pour pimenter encore un peu son récit, Saramago laisse la vue à une personne : la femme du médecin qui sera toujours désignée à l’aide de cette périphrase et dont nous ne connaitrons jamais le prénom. Elle sera le témoin oculaire et unique ces évènements. C’est à travers ses yeux que nous verrons, à l’aide de ses mains que nous tenterons d’apporter un peu d’aide à ces aveugles livrés à eux-mêmes.

Au cours de ce roman parfois très dur, nous assisterons impuissant à la déchéance de cette micro société. Aux côtés des plus faibles, nous serons les victimes des bourreaux sans scrupules qui existent partout (mais qui restent la plupart du temps dans l’ombre, dont les « talents » demeurent inexploités, inhibés par une société structurée et qui se révèlent subitement au grand jour dans toute l’horreur d’un évènement exceptionnel). Avec ces faibles nous serons humiliés, mis plus bas que terre, maltraités, violentés, outragés (quelques passages crus, volontairement odieux et assez difficiles). A la douleur physique s’ajoutera la honte que nous éprouverons à rester sans réaction, à nous habituer à cette horreur révoltante, à tolérer l’intolérable. Les humains ont disparus et sont revenus à leur condition bestiale, primitive (dans les deux sens du terme). Toutes traces de civilisation ont disparu.

Opprimez un homme durant des jours, des semaines, des mois : il n’aura pas de réaction jusqu’au jour où, inexplicablement, une étincelle de révolte s’allumera en lui pour repousser ce qu’il pensait devoir subir jusqu’à la fin de ses jours. Nos bêtes vivront également cette réaction vitale, cette dernière réaction dictée par un ultime soubresaut d’instinct de survie qu’on croyait disparu. L’ultime étincelle avant la mort. Etincelle qui deviendra brasier.

Un livre magnifique, mais au ton bien plus grave que celui des Intermittences de la mort et a fortiori du Voyage de l’éléphant beaucoup plus légers. Un livre souvent difficile dans lequel l’être humain est mal mené puis avili. J’ai assez mal vécu certaines scènes de grande violence et n’en suis pas sorti indemne. Saramago a ôté la vue à ses personnages mais n’épargne aucun détail à son lecteur devenu voyeur malgré lui. Que de fois aurais-je aimé détourner le regard.
D’autres passages sont empreints d’humour parfois hilarant, d’espoir. Le tout merveilleusement écrit dans le style dense et inimitable de l’auteur.

Une perle à ne pas mettre, toutefois, entre toutes les mains.


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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyVen 8 Juil 2011 - 10:31

(T'as fait exprès d'écrire ton avis sous forme de pavé, un peu comme le style de l'auteur?)
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyVen 8 Juil 2011 - 10:38

Queenie a écrit:
(T'as fait exprès d'écrire ton avis sous forme de pavé, un peu comme le style de l'auteur?)
Comme je l'ai écrit, je ne suis pas sorti indemne de ce bouquin. dentsblanches
J'ai un peu aéré les paragraphes.
sourire


Dernière édition par Harelde le Ven 8 Juil 2011 - 10:56, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 EmptyVen 8 Juil 2011 - 10:52

Harelde a écrit:
Queenie a écrit:
(T'as fait exprès d'écrire ton avis sous forme de pavé, un peu comme le style de l'auteur?)
Comme je l'ai écrit, je ne suis pas sortie indemne de ce bouquin. dentsblanches
J'ai un peu aéré les paragraphes.
sourire

Ce n'était pas un reproche, je constatais justement l'impact. Mais c'est vrai que c'est plus "facile" à lire quand c'est aéré.
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MessageSujet: Re: José Saramago [Portugal]   José Saramago [Portugal] - Page 6 Empty

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