Sergueï Eisenstein

Sergueï Eisenstein (1898-1948)


Encore un cinéaste qui manque à notre collection. Pourtant il fait partie de ceux qui, avec Dziga Vertov ou Koulechov,  ont révolutionné la narration cinématographique en définissant de nouvelles approches du montage pour créer un véritable langage qui le différencie des autres formes d'art et apporte à la fois du sens et une réflexion aux images. Elles se mettent à  raconter quelque chose par  elles-mêmes (en dehors du scénario) à travers  un jeu de confrontations et d'attractions entre des plans très différents. L'effet Koulechov par exemple est célèbre, montrant qu'un gros plan de visage inexpressif associé à un autre plan à charge esthétique ou émotionnelle induit dans l'esprit du spectateur l'attribution d'un sentiment à ce personnage.

Eisenstein est originaire de Lettonie mais a étudié à Moscou où vivait sa mère. Il a d'abord mis en scène au théâtre où ses expérimentations n'ont pas rencontré de succès puis il s'est tourné vers le cinéma. La plupart de ses films sont des commandes du régime stalinien mais il a pu développer un univers visuel très singulier empruntant à la fois à l'expressionnisme (il a beaucoup étudié les films européens et notamment ceux de Fritz Lang) et à des références picturales diverses (de l'imagerie orthodoxe traditionnelle aux influences européennes ou orientales).

Son cinéma a une très grande force plastique d'une "modernité" stupéfiante pour l'époque. On connait son célèbre Cuirassé Potemkine ou Ivan le Terrible. Il a également fait appel à Prokofiev qui lui a composé une fabuleuse cantate pour son film Alexandre Nevski. Ses autres films sont également à découvrir comme l'étonnant Que Viva Mexico! , inachevé, ou son premier film La grève.

Filmographie:

Citation :

Longs métrages

1924 : La Grève (Стачка («Чертово гнездо», «История стачки»))
1925 : Le Cuirassé Potemkine (Броненосец «Потёмкин» («1905 год»))
1928 : Octobre (d'après le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde) (Октябрь («Десять дней, которые потрясли мир»))
1929 : La Ligne générale (ou L'Ancien et le Nouveau) (Старое и новое («Генеральная линия»))
1933 : Que Viva Mexico (незаконченный фильм «Да здравствует Мексика!») ; inachevé
1935 : Le Pré de Béjine (Бежин луг) ; inachevé
1938 : Alexandre Nevski (Александр Невский)
1944 : Ivan le terrible, Partie I (Иван Грозный (1-я серия))
1946 : Ivan le terrible, Partie II (Иван Грозный (2-я серия, сказ второй — «Боярский заговор»))
1946 : Ivan le terrible, Partie III (Иван Грозный (неоконченный, 3-я серия)) ; inachevé.

Courts métrages

1923 : Le journal de Gloumov.
1930 : Romance sentimentale (France)

Le pré de Béjine


Que viva Mexico!


Alexandre Nevski


Ce film de 112 mn relate l'affrontement à la fois historique et mythique entre le prince Nevski et les chevaliers teutoniques culminant dans la célèbre bataille du lac Peïpous. Il se voulait un film de propagande contre l'expansion des Nazis pour suggérer la puissance de l'armée  russe prête à affronter l'ennemi allemand.

Prokofiev a composé une musique impressionnante qui exalte l'héroïsme et ménage des plages plus poétiques en donnant parfois un contrepoint aux images pour éviter la redondance habituelle des musiques de films. Il en a tiré une cantate donnée souvent en concert.

Les images parlent d'elles-mêmes:



Et en extraits:

L'introduction qui vous donnera certainement envie de voir le reste: (ce sont des diapos et non un extrait animé)



Le début de la fameuse bataille sur le lac Peïpous:



Une bande annonce:


Je rêve de le voir sur un grand écran avec un orchestre qui joue en direct...

j'ai du le voir deux fois en cours d'histoire geo celui là. un bon souvenir pour un film vu en univers scolaire.

vu plus récemment le Cuirassé Potemkine et Octobre... La Grève je ne sais plus.

retrouvé :

animal a écrit:

tout à l'heure ai regardé :


Le Cuirassé Potemkine

wikipedia a écrit:

Le film traite de la mutinerie du cuirassé Potemkine dans le port d'Odessa en 1905, de l'insurrection et de la répression qui s'ensuivirent en ville. L'événement, qui a lieu pendant la Révolution russe de 1905 est ici vu comme précurseur de la révolution d'octobre (1917) et est présenté du seul point de vue des insurgés. Le cuirassé reproduit donc dans le microcosme de son équipage les clivages de la société russe et ses insupportables inégalités. Ainsi, et c'est l'une des causes de la mutinerie, la question de la nourriture. Les officiers présentés comme cyniques et cruels contraignent l'équipage à consommer de la viande avariée, dans le même temps ces derniers maintiennent un train de vie privilégié parmi l'équipage. (scène de la vaisselle "Dieu donne moi mon pain quotidien")

lien

alors c'est un peu plus que démonstratif c'est clair, il y a des perturbations dans le rythme... il y a aussi grosse efficacité et des scènes très impressionnantes : scène de l'escalier forcément mais aussi scène finale de préparation à l'affrontement... mon intérêt à cependant été vraiment réel à partir de la deuxième partie : après la mutinerie, les images du port.

C'est surprenant et dépaysant le côté "propagande" et un film quasiment ans personnages individualisés... un peu dommage comme cadre destructeur de quelque chose de sans doute plus grand d'un point de vue cinématographique.

bonne découverte pour 8€ dans les bacs, j'ai bien fait de céder

Octobre m'avait moins emballé... pourquoi exactement... des passages plus bordéliques, quelque chose de précipité ou des traces d'humour saugrenues ? je ne sais plus!

Le Pré de Béjine est sur le dvd du Cuirassé, souvenir absolument flou si ce n'est des restes d'images de paysannerie et de symbolisme. des images puissantes et déterminées.


clic d'article de blog

Dominique Fernandez a écrit une excellente biographie d'Einsenstein qui se lit comme un roman. On apprend beaucoup de choses tant sur sa vie que sur son cheminement créatif. Il aborde notamment la question de son homosexualité très problématique pour lui à cette époque et dans ce contexte du stalinisme. Il y a d'ailleurs dans ses films des allusions homoérotiques qu'on peut s'amuser à repérer. Mais ça n'est qu'un des aspects d'une oeuvre très riche.

Citation :

Le Cuirassé Potemkine est reconnu comme un des plus grands classiques du cinéma mondial. Nous avons, tous, vu d'autres films d'Eisenstein : Grève, La Ligne générale, Alexandre Nevski, Ivan le Terrible, Octobre. Nous savons qu'Eisenstein a créé le cinéma révolutionnaire mais nous n'avons qu'une connaissance superficielle du créateur lui-même. Dominique Fernandez n'a pas écrit une biographie ordinaire. Il s'est attaché à découvrir les liens profonds qui existent entre la vie et l'œuvre du grand cinéaste : " L'œuvre d'Eisenstein, dit-il, est une autobiographie ininterrompue mais sous la forme d'une transposition grandiose qui est le contraire de l'aveu. " C'est à partir des films qu'il a reconstitué ce qui pouvait bien être arrivé à leur auteur : la psychologie de la création est étudiée à travers les œuvres, grâce aux œuvres, selon une méthode dont tout le monde sait qu'elle a renouvelé la critique littéraire et la critique d'art. Dominique Fernandez se livre à une analyse formelle très poussée, des six, films d'Eisenstein. Il souligne notamment, ce qu'exprime le " montage " pour le cinéaste. A travers cette étude, il révèle les obsessions profondes d'Eisenstein : enfant mis en pièces par l'éclatement de la cellule familiale, citoyen soviétique aux prises avec la tentation homosexuelle, personnage pathétique qui, pendant de longues années, n'arriva ni à vivre ni à créer. Cet ouvrage se lit aussi comme un roman, le plus tragique qui soit. C'est aussi une admirable méditation sur la création, sur la quête et la fuite de soi à travers une œuvre, sur les rapports mystérieux qui unissent l'échec personnel et le génie créateur.

Que Viva Mexico!

Citation :

Ce film devait montrer l'histoire du Mexique et de la dictature de Porfirio Diaz, jusqu'à la Révolution de 1910-1916. Le scénario initial d'Eisenstein comprenait un prologue, un épilogue et quatre épisodes : I- Fiesta; II-Sandunga; III- Maguey ; IV- Soldadera. Au cours de cette année de tournage (1931-1932), Eisenstein et Alexandrov avaient enregistré près de 70 000 mètres de pellicule. Mais Upton Sinclair, écrivain socialiste millionnaire, qui finança le projet du film, leur coupa les vivres et récupéra les bandes qu'il utilisa à ses propres fins. Eisenstein fut définitivement dépossédé de son travail et ne parla plus jamais de ce film. 30 ans après sa mort, les USA permirent enfin à l'URSS de reprendre possession des rushes - mais il manquait 15 000 m du métrage initial. Le film présenté ici est le résultat du montage de la version de 1979 sous la direction d'Alexandrov.

Grand, très grand cinéaste!

Ivan le terrible est un chef d'œuvre "toutes catégories" du cinéma. En deux parties (la troisième n'ayant pu être réalisée). La première partie en noir & blanc et la seconde en couleur. La pellicule étant une prise de guerre à l'armée allemande.
Eisenstein montre le personnage d'Ivan sombrer dans la démesure et la folie généré par le pouvoir. Staline qui avait vu dans la première partie un hymne à sa propre gloire n'a semble-t-il pas apprécié la seconde et mis Eisenstein à l'index...
Chaque plan de ce film est splendide !
A voir absolument!!!

Une envie d'Eisenstein? Il existe un coffret avec tous ses films sur 4 DVD pour 35 euros:

Marko a écrit:

Une envie d'Eisenstein? Il existe un coffret avec tous ses films sur 4 DVD pour 35 euros:

Merci du plan, les quelques copies que j'ai étant éparpillées sur de vieilles cassettes vidéo, je commande ce trésor dés demain !

5mn plus tard: Même pas attendu demain, c'est fait !

J'ai des vieux souvenirs d'enfance, la bataille sur le lac d'Ivan, entre autres, ce qui montre à quel point ce truc est impressionnant, parce que j'ai du voir ça vers 9-10 ans. Après les avoir revus, je trouve toujours impressionnant, mais comment dire, je trouve quand même que la forme compte plus que le fond. Alors je m'interroge ce qu'il aurait fait dans un autre contexte, moins contraint.

Et pour le coffret c'est purement inhumain.

Igor a écrit:

Grand, très grand cinéaste!


Eisenstein montre le personnage d'Ivan sombrer dans la démesure et la folie généré par le pouvoir. Staline qui avait vu dans la première partie un hymne à sa propre gloire n'a semble-t-il pas apprécié la seconde et mis Eisenstein à l'index...

C'est un film hallucinant. Il suggère bien la mégalomanie délirante du dictateur:



On retrouve un peu ce soucis d' élaborer de somptueux tableaux vivants chez Josef von Sternberg en plus baroque.

Igor a écrit:

5mn plus tard: Même pas attendu demain, c'est fait !

Arabella a écrit:

Et pour le coffret c'est purement inhumain.

ça me rappelle une certaine signature lisible sur cette page...

Arabella a écrit:

Après les avoir revus, je trouve toujours impressionnant, mais comment dire, je trouve quand même que la forme compte plus que le fond. Alors je m'interroge ce qu'il aurait fait dans un autre contexte, moins contraint.

La forme permet à la création d'exister et bien souvent, le véritable propos est inscrit dans la forme.
Le drame du cinéma, c'est qu'il nécessite des moyens importants et donc il est toujours contraint. Un temps ce fut l'idéologie politique ou (et) religieuse (qui n'a toujours pas lâché d'ailleurs) et aujourd'hui, c'est le règne de la finance et du retour sur investissement.

Igor a écrit:

Marko a écrit:

Une envie d'Eisenstein? Il existe un coffret avec tous ses films sur 4 DVD pour 35 euros:

Merci du plan, les quelques copies que j'ai étant éparpillées sur de vieilles cassettes vidéo, je commande ce trésor dés demain !

5mn plus tard: Même pas attendu demain, c'est fait !

C'est, en effet, très très alléchant!

Marko a écrit:

Une envie d'Eisenstein? Il existe un coffret avec tous ses films sur 4 DVD pour 35 euros:

Je l'ai vu à la FNAC. Je pense que dans les prochains mois, il devrait gentiment rejoindre mon étagère