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| Annie Ernaux | |
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Auteur | Message |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:16 | |
| Les années (des extraits):
1940 «On avait le temps de désirer les choses, la trousse en plastique, les chaussures à semelles de crêpe, la montre en or. Leur possession ne décevait pas.»
«Nous, le petit monde, rassis pour le dessert, on restait à écouter les histoires lestes que, dans le relâchement des fins de repas, l'assemblée, oubliant les jeunes oreilles, ne retenait plus, les chansons de la jeunesse des parents qui parlaient de Paris, de filles tombées au ruisseau, de gigolettes et de rôdeurs de barrières, Le Grand Rouquin, L'hirondelle du Faubourg, Du gris qu'on prend dans ses doigts et qu'on roule...
1960 «Le discours du plaisir gagnait tout. Il fallait jouir en lisant, écrivant, prenant son bain, déféquant. C'était la finalité des activités humaines.» (1968) : « On se retournait sur son histoire de femme. On s'apercevait qu'on n'avait pas eu notre compte de liberté sexuelle, créatrice, de tout ce qui existe pour les hommes.(...) Réveillées de la torpeur conjugale, assises par terre sous le poster Une femme sans hommes c'est un poisson sans bicyclette, on reparcourait nos vies, on se sentait capables de quitter mari et enfants, de se délier de tout et d'écrire des choses crues. De retour à la maison, la détermination refroidissait, la culpabilité sourdait. On ne voyait plus comment on pourrait s'y prendre pour se libérer - ni pourquoi. On se persuadait que son homme à soi n'était pas un phallocrate ni un macho. Et l'on hésitait entre les discours - ceux qui prônaient l'égalité des droits entre hommes et femmes, et s'attaquaient à "la loi des pères", ceux qui préféraient valoriser tout ce qui est féminin, les règles, l'allaitement et la préparation de la soupe aux poireaux. Mais pour la première fois, on se représentait sa vie comme une marche vers la liberté, ça changeait beaucoup. Un sentiment de femme était en train de disparaître, celui d'une infériorité naturelle. »
1970 «L'enregistrement hétéroclite, continu, du monde, au fur et à mesure des jours, passait par la télévision. Une nouvelle mémoire naissait.»
«Elle ne se sent pas d'âge. Certainement une arrogance de jeune femme vis-à-vis des plus âgées, une condescendance pour les ménopausées. Qu'elle en devienne une est très improbable. Une prédiction qu'elle mourrait à cinquante-deux ans ne l'émeut pas, il lui semble que c'est un âge acceptable pour mourir.
« On annonçait que le printemps serait chaud, puis l'automne. Ils ne l'étaient jamais.»
1980 «L'entreprise était la loi naturelle, la modernité, l'intelligence, elle sauverait le monde.» 1990 «L'anomie gagnait. La déréalisation du langage grandissait, comme un signe de distinction intellectuelle. Compétitivité, précarité, employabilité, flexibilité faisaient rage.»
(1990) « Plus que jamais les femmes constituaient un groupe surveillé, dont les comportements, les goûts et les désirs faisaient l'objet d'un discours assidu, d'une attention inquiète et triomphante. Elles étaient réputées avoir "tout obtenu", "être partout" et "réussir à l'école mieux que les garçons". Comme d'habitude, les signes de leur émancipation étaient cherchés dans leur corps, leur audace vestimentaire et sexuelle.(...) L'offrande perpétuelle de leurs seins et de leurs cuisses dans la publicité se devait d'être appréciée comme un hommage à la beauté. Le féminisme était une vieille idéologie vengeresse et sans humour, dont les jeunes femmes n'avaient plus besoin, qu'elles regardaient avec condescendance, ne doutant pas de leur force et de leur égalité. (...) Avec la pilule, elles étaient devenues les maîtresses de la vie, ça ne s'ébruitait pas. Nous qui avions avorté dans des cuisines, divorcé, qui avions cru que nos efforts pour nous libérer serviraient aux autres, nous étions prises d'une grande fatigue. Nous ne savions plus si la révolution des femmes avait eu lieu. On continuait à voir le sang après cinquante ans. Cette scansion régulière du temps qu'on pouvait maintenir jusqu'à la mort nous rassurait. On portait des jeans et des caleçons, des tee-shirts comme les filles de quinze ans, disions comme elles "mon copain" pour parler de notre amant régulier. A mesure qu'on vieillissait on n'avait plus d'âge.(...) Par rapport à nos mères, refermées et suantes dans leur ménopause, on avait l'impression de gagner sur le temps. (Les femmes jeunes rêvaient de s'attacher un homme, les plus de cinquante qui en avaient eu un n'en voulaient plus.) »
2000 «La recherche du temps perdu passait par le Web. [...] La mémoire était devenue inépuisable, mais la profondeur
«La machine à écrire, son cliquetis et ses accessoires, l'Effacil, le stencil et le carbone, nous paraissaient relever d'une époque lointaine, impensable. Pourtant, quand on se revoyait, quelques années plus tôt, en train de téléphoner à X dans les toilettes d'un café, de taper un soir une lettre à P sur l'Olivetti, il fallait bien reconnaître que l'absence de portable et de mail ne tenait aucune place dans le bonheur ou la souffrance de sa vie.» | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:26 | |
| Déjà que l'auteure m'avait donné envie de la lire mais là coline tu me fais succomber | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:33 | |
| Ces extraits sont émouvants comme le bilan/constat que l'on fait tous, l'âge venant. L'écriture blanche qui renforce . Et quelques expressions terribles : "il lui semble que c'est un âge acceptable pour mourir."
"....on avait l'impression de gagner sur le temps"
Merci coline pour ce partage.
Dernière édition par monilet le Ven 7 Mar 2008 - 10:15, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:38 | |
| J'aimerais vous donner le désir de le lire... | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:40 | |
| euh coline....c'est fait du moins en ce qui me concerne La médiathèque l'a acheté aussi irai-je le réserver après ma lecture du roman des Bergen | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 16:41 | |
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| | | Fantaisie héroïque Sage de la littérature
Messages : 2182 Inscription le : 05/06/2007 Age : 37 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 20:14 | |
| A un moment, elle dit que l'histoire collective et l'histoire personnelle sont deux barres parallèles qui ne se rejoignent jamais. J'aime assez cette image...Je n'ai pas encore fini ma lecture, j'en reparlerai après | |
| | | Hellébore Posteur en quête
Messages : 92 Inscription le : 11/02/2008
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 20:59 | |
| Encore un auteur dont j'ignorais tout avant de venir flâner sur ce joli forum. Donc j'ai acheté La femme gelée. Je le lirai en pensant bien à vous ! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 6 Mar 2008 - 22:33 | |
| Les années Je cite Annie Ernaux: "Le tableau de Dorothea Tanning, Anniversaire, qu'elle peignit juste après sa rencontre avec Max Ernst est en creux dans mon livre. Ce tableau représente une femme presque nue et, derrière elle, des portes à l'infini. Cette oeuvre m'accompagne depuis que je l'ai vue lorsque je préparais mon diplôme sur «La femme et l'amour dans le surréalisme». " | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| | | | Fantaisie héroïque Sage de la littérature
Messages : 2182 Inscription le : 05/06/2007 Age : 37 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Annie Ernaux Ven 7 Mar 2008 - 14:46 | |
| La femme gelée est l'un de mes préféré !(enfin bon, comme j'ai aimé tous les romans que j'ai lus d'elle jusqu'à présent)... | |
| | | Fantaisie héroïque Sage de la littérature
Messages : 2182 Inscription le : 05/06/2007 Age : 37 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 9 Mar 2008 - 12:57 | |
| Et voilà, j'ai terminé les Années, un livre qui procure de drôles d'émotions. On est obligatoirement touché par ce que raconte A. Ernaux, même si l'on n'a pas directement vécu la majorité de ce dont elle parle car sa voix est universelle, d'où le mode de narration choisi, le "elle" et non le "je". Elle montre bien la distinction entre un temps disons collectif, et l'appréhension des évènements de façon personnelle...on voit bien ainsi que ce que l'on retient le plus de l'histoire ne sont pas toujours liées à la politique ou l'actualité diverse (elle dit par exemple qu'elle a été plus touchée par la mort de telle personnalité que tel conflit, ou en tout cas qu'elle s'en souvient mieux). Le recours à la photo pour fixer le temps m'a beaucoup touchée, je crois qu'elle y a consacré un livre il y a quelques années ( l'usage de la photo), à chaque fois l'intervention de la photo marque une clôture, un terme à telle période. C'est un livre très riche, une véritable anthologie, depuis la 2nde guerre mondiale jusqu'à 2007. Chacun peut, je crois,se retrouver dans ce qu'elle nous livre. Le livre comporte plusieurs pages blanches à la fin : serait-ce pour nous inciter à écrire l'histoire qui se déroule maintenant...? (Je recopierai des extraits un peu plus tard ) | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 9 Mar 2008 - 19:39 | |
| Oui, ce serait bien, Fantaisie Héroïque : - Citation :
- (Je recopierai des extraits un peu plus tard
Car Annie Ernaux gagne à être lue directement. j´ai beaucoup aimé, quand elle dit, dans le passage que Coline nous a recopié: "Nous qui avions cru que nos efforts pour nous libérer serviraient aux autres, nous étions prises d'une grande fatigue. Nous ne savions plus si la révolution des femmes avait eu lieu." C´est bien l´impression que j´ai souvent: je ne sais jamais où mettre le curseur pour mesurer ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Au milieu? plus d´un côté que de l´autre? Comme si les repères eux-mêmes etaient mobiles. | |
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| | | | Annie Ernaux | |
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