Demain ? Christine Laurent
Le film s'attache à l'histoire de Delmira Augustini, poétesse uruguayenne de la fin du XIXem et début XXem siècle. Enfant précoce, elle a commencé à écrire dès l'âge de 10 ans. Un certain nombre de recueils sont parus, elle a une image quelques peu féministe, car non seulement elle était écrivain, mais ses poèmes avait une connotations érotique. Elle a connu une fin précoce et tragique, mariée, mais séparée de son mari après quelques semaines, il la tue et se suicide quelques semaines après le divorce, en 1914 (elle avait 28 ans).
Le sujet était plus que riche et passionnant. Une femme à la sensibilité exacerbée, un milieu familial complexe, les liens avec les milieux intellectuels de l'époque, ce que l'on aperçoit d'une époque en pleine mutation, et enfin les relations passionnelles et complexes avec le mari (dont tout au moins une partie semble avérée). Il y avait de quoi faire un film étourdissant. Mais le résultat n'est pas à la hauteur. Ce n'est pas vraiment un récit linéaire et exhaustif, ce n'est pas non plus une plongée impressionniste dans l'imaginaire et le monde intérieur de Delmira, cela oscille entre les deux. Et donc finit par être insatisfaisant. Il y a de belles images, mais cela reste trop sage, trop en déçà du personnage. Il y aurait fallu quelque chose de plus passionné et démesuré à mon sens. Dommage.
Evidemment le film donne envie de mieux connaître son personnage principal, et en particulier ses poèmes. Et là, c'est la grande misère. J'ai péniblement réussi à trouver deux poèmes traduits. Si vous savez comment trouver d'autres textes, je suis preneuse.
Debout sur mon orgueilDebout sur mon orgueil je veux montrer au soir
L'envers de mon manteau endeuillé de tes charmes,
Son mouchoir infini, son mouchoir noir et noir,
Trait à trait, doucement, boira toutes mes larmes.
Il donne des lys blancs à mes roses de flamme
Et des bandeaux de calme à mon front délirant...
Que le soir sera bon.. Il aura pour moi l'âme
Claire et le corps profond d'un magnifique amant.
Mes amoursIls sont venus aujourd’hui.
Par tous les sentiers de la nuit, ils sont venus
Pleurer autour de mon lit.
Ils étaient tant, ils sont tant.
Je ne sais ceux qui vivent, je ne sais qui est mort.
Je pleurerai sur mon sort pour mieux les pleurer tous.
La nuit avale les sanglots comme un mouchoir noir.
Il y a des têtes dorées et mûries au soleil.
Il y a des têtes cernées d’ombre.
Des têtes couronnées d’épines,
Des têtes qui s’inclinent au-dessus de l’abîme,
Des têtes qui voudraient reposer sur le ciel.
Certaines ont du mal à respirer,
D’autres percent comme des timides fleurs d’hiver.
Toutes ces têtes me font mal comme des plaies.
Me font mal comme des morts.
Leurs yeux, ils me sont encore plus douloureux,
Ils sont doubles.
Indéfinis, verts, gris, bleus, noirs.
Ils transpercent. Ils caressent.
Constellation de l’enfer.
À leur lumière
Mon âme s’éclaire, mon corps se réveille.
J’ai soif de toutes ces bouches
Qui envahissent mon lit.
De toutes ces bouches où je pourrais aspirer la mort.
Et leurs mains,
Leurs caresses,
Elles se penchent sur mon lit.
Entre toutes les mains c’est ta main que j’ai cherchée
Ta bouche entre toutes les bouches,
Ton corps entre tous les corps ;
Je ne veux que tes yeux entre tous ces regards
Toi, tu es le plus triste, le plus aimé,
Venu de plus loin, tu es arrivé le premier.
Ta tête sombre que je n’ai jamais touchée,
Ton regard si longtemps attendu.
Viens à moi âme à âme.
Viens à moi corps à corps.
Tu me diras ce que tu as fait de mon premier soupir.
Tu me diras ce que tu as fait du désir d’un baiser.
Tu me diras si je t’ai manqué.
Tu me diras si tu n’es plus.
Si tu es mort,
Le chagrin envahira mes draps.
Je serrerai ton ombre contre moi
Jusqu’à ce que mon corps se disloque.