votre plus beau roman d'amour

Salut Chatperlipopette,
Si jamais tu donnes une autre chance au roman, je te conseil non pas de lire L’amant de Lady Chatterley, mais Lady Chatterley; le premier est une adaptation censurée du second. En effet, pour être publié, ce roman « sssssssscandAleux! » a dû être censuré, en 1928…
« La première version est d’une fraicheur de simplicité amoureuse primitive. « (Forbes)

Bonjour Marie,
Besoin « d’entrer en fusion avec tout ce qui l’entoure », besoin « d’entrer en contact avec la vie. (…) (de développer) une "poétique du toucher" ». La question est alors : est-ce un besoin universel aux femmes?
C’est ce que Lawrence semble croire.

En outre, me fascine la manière dont il a donné vie à Lady Chatterley. C’est étrange. Je ne serais pas capable de faire passer qqch d’aussi fort entre moi et un personnage féminin. Lawrence a-t-il su exprimer ce que bien des femmes avaient besoin mieux qu’elles le faisaient (clairement) elles-mm? Il faut certainement un regard de lynx, pour parvenir à sentir et à faire voir, comme il l’a fait, ce que les infimes plis du cœur de bien des femmes réclamaient invisiblement, à l'époque… Je souligne passque je crois rejoindre ainsi ce que tu as dit, coline. Bref Lawrence s'est efforcé de détruire l'hypocrisie des gens "sensés" de l'époque, il a percé une muraille de préjugés (du moins dans son livre) qui séparaient les gens de leurs vrai nature... Enfin: "Y a-t-il un désir qui soit universel? Je ne sais pas..." (coline) Libérer nos instincts primitifs, si ce n'est pas un désir conscient universel, c'en est tout de même un inconscient... Je crois.

coline a écrit:

J'ai fait comme Marie et Swallow la lecture de ce roman lorsque j'étais très jeune et en une période beaucoup moins libérée qu'aujourd'hui...
Je n'ai pas, comme Chaperlipopette, abandonné en cours...Au contraire, ce fut un plaisir de lire ce roman qui passait pour être assez osé et que nous lisions comme tel avec le plaisir de goûter à un fruit défendu...En tout cas en ce qui me concerne...dans le cadre rigide de l'éducation que j'ai reçue. Je crois l'avoir lu en cachette...

Hihihihi… J’ai vécu mon adolescence dans un cadre, au contraire, très souple… Alors, pour éprouver cette excitante sensation de marcher sur des terrains défendus, moi et mes pottes devions improviser. C’était l’âge des mauvais coups! Lancer des œufs sur les autos, se lancer des défis comme aller se coucher devant une piéton qui marche dans la rue, comme ça, sonner à une porte et fuir en courant, se cacher dans une court ou dans un arbre ou dans des cèdes quand les policiers nous recherchent… Nous en avons troublé des gens qui écoutaient tranquillement, qui s'assoupissait méthodiquement devant la télé! Le plus exaltant, c’était quand ils nous poursuivaient…

Margot a écrit:

cela fait quelques jours déjà que la question du plus beau roman d'amour me trotte dans la tête... en vain.

Curieusement, les noms qui me sont venus spontanément ne sont pas à proprement parler des romans d'amour : Un Amant très vétilleux, d'Alberto Manguel et Les belles endormies de Kawabata.

Bizarre. Je m'interroge encore.
...

Il n'y a pas une scène particulièrement saisissante qui s'est gravée à qque part dans ton imaginaire...? Peut-être sera-ce la porte qui te permettra de trouver ton roman d'amour préféré???

Une scène particulièrement saisissante ?
Et bien voilà. Tu viens de mettre le doigt sur ce que je cherchais en vain depuis quelques jours.

Deux images immédiates quand tu parles de "scène saisissante" :

- Tristan et Yseut dans les épisodes de l'eau hardie et du lépreux.

- le jeune Adso et la paysanne dans le Nom de la rose, d'Umberto Eco.

En bref, ce n'est pas l'amour qui me reste en mémoire dans les oeuvres que j'ai lues, mais la passion.
Je n'ai même pas le souvenir d'une seule histoire d'amour véritable en littérature.
(Vous imaginez Yseut la blonde, un tablier à carreaux ceignant sa taille alourdie par trois maternités successives en train de tourner la tambouille pour son Tristan de mari ? )

Damned ! En relisant ce fil depuis le début, je m'aperçois que vous classez Tristan et Yseut et Belle du Seigneur dans les romans d'amour !

Bon, je n'ai pas dû comprendre ce dont il s'agit.

Perso, Tristan et Yseut c'est un texte de satire sociale et d'anticonformisme. C'est le renversement des valeurs de la société médiévale. (Il n'est qu'à constater le dénigrement systématique de la figure royale de Marc, le roi aux oreilles d'âne !)
Et Belle du Seigneur, c'est le roman de l'addiction et de la contrition.

On est, dans les deux cas, très loin selon moi de l'amour. (Resterait à définir ce qu'est l'amour... hum. Je vous en laisse le soin. )

édit : en tous cas merci Snark. Ta remarque a eu l'effet d'un révélateur et ça m'a permis de clarifier ce que je ressentais confusément.
Le thème de l'amour n'est pas ce que je recherche en littérature. Probablement parce que ma conception de l'amour n'est pas exprimable dans l'art. Il n'y aurait rien à en dire : les gens heureux n'ont pas d'histoire.

Margot a écrit:

...
Le thème de l'amour n'est pas ce que je recherche en littérature. Probablement parce que ma conception de l'amour n'est pas exprimable dans l'art. Il n'y aurait rien à en dire : les gens heureux n'ont pas d'histoire.

Et pourtant :

À l’intérieur de cette maisonnée, je voisl’expression d’un couple heureux. L’abondance des formes onduleuses, la grande quantité de rouge, couleur de la passion, l’aplatissement de la table, l’harmonie des couleurs… tout fait signe vers ce bonheur : Matisse et sa femme, heureux. Matisse a coloré la maison de l’énergie de cet amour, ce parfum doux qui inondait sa maison, manifestement…

Citation :

Besoin « d’entrer en fusion avec tout ce qui l’entoure », besoin « d’entrer en contact avec la vie. (…) (de développer) une "poétique du toucher" ». La question est alors : est-ce un besoin universel aux femmes?
C’est ce que Lawrence semble croire.

Encore une fois, difficile de répondre sans avoir lu Lawrence! Mais si je m'en réfère au film de Pascale Ferran, ce besoin de contact n'est pas spécifiquement féminin! Le personnage masculin a le même . Ce qui le brime plus, au départ, c'est sa condition sociale. Car en fait, il s'agit de deux individus qui s'émancipent tous deux de leurs destins respectifs. Est ce que pour toi qui l'as lu , Lady Chatterley est un roman dont le thème principal est l'amour?

waouuu quel fil de discussion !

comme le dit Margot, je pense que la plupart des livres que nous allons citer comme "roman d'amour", sont en fait bien plus que ça. Après, l'amour est bien plus que l'amour de toute façon, donc il est normal qu'il serve à "dénoncer", "révéler", "toucher du doigt" certaines choses.
Je te trouve sévère Margot, du coup. Car même si ces livres ne sont pas "que" des romans d'amour, l'amour y est tout de même là non ?
je parle sans savoir parce que j'ai lu Tristan et Yseult il y a si longtemps que je n'en ai aucun souvenir, et Belle du Seigneur ne m'a jamais trop attiré.

Je vais prendre le risque de citer les deux premiers livres qui me viennent à l'esprit, en sachant pertinemment, que si l'amour en semble au premier abord le thème principal, il en cache souvent un ou plusieurs autres, sans pour autant oublier qu'il s'agit d'amour, tout de même, non ? (suis-je claire...? pas sûre sûre...)

Caresser le velours, Sarah Waters
Le rouge et le noir, Stendhal

Margot a écrit:

En bref, ce n'est pas l'amour qui me reste en mémoire dans les oeuvres que j'ai lues, mais la passion.
Je n'ai même pas le souvenir d'une seule histoire d'amour véritable en littérature.

Peut-être est-ce parceque tu as une définition restrictive de l'amour, très précise, je veux dire. On peut aussi considérer que l'amour peut procéder de la passion ou encore y mener, bref l'envisager comme un "truc" très large englobant des choses fort diverses, une entité multiforme.
Peut-être même que l'amour comme tru sembles le comprendre est instable .... ?

A la lecture de vos réflexions, je crois en effet que j'ai une conception restreinte de l'amour.
Je ne le confonds ni avec la passion, ni avec le désir, ni avec la cristallisation.
C'est la raison pour laquelle je n'exprimais pas un jugement sévère, Queenie : Tristan et Yseut est l'un de mes romans de coeur. Simplement, je n'y trouve pas l'amour tel que je le conçois.

Et puis en observant les remarques de Snark sur L'Harmonie en rouge de Matisse, je crois aussi que chacun reçoit les oeuvres selon son expérience, sa culture, sa sensibilité et son vécu personnels. Je n'y vois pas, pour ma part, "l'expression d'un couple heureux" : d'abord la femme est seule, et puis son intérieur chargé me donne plutôt envie de sauter par la fenêtre et de courir au dehors.
Quand je regarde ses Odalisques, en revanche, j'ai envie de sauter dans le tableau et de fumer le narghilé avec elles !

Je pense que ce sont les sentiments très personnels que nous exprimons face aux oeuvres qui font leur pouvoir, leur beauté et leur richesse. Parce qu'elles sont ainsi susceptibles de parler en propre à chacun d'entre nous.

Donc, pour en revenir au fil, s'il s'agit de l'amour-désir-passion, je crois que j'ai un faible pour les Liaisons dangereuses de Laclos.

(Désolée, hein. Je dois vous sembler tatillonne, en fait, je n'avais pas saisi le sujet. )

Ah et puis tiens ! En lisant à côté le coucou d'Aériale au bar... j'ai un vrai grand faible aussi pour La Courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, d'Eluard.

Comme quoi, si je fais un effort, je peux en trouver des oeuvres d'amour !

Marie a écrit:

Citation :

Besoin « d’entrer en fusion avec tout ce qui l’entoure », besoin « d’entrer en contact avec la vie. (…) (de développer) une "poétique du toucher" ». La question est alors : est-ce un besoin universel aux femmes?
C’est ce que Lawrence semble croire.

Encore une fois, difficile de répondre sans avoir lu Lawrence! Mais si je m'en réfère au film de Pascale Ferran, ce besoin de contact n'est pas spécifiquement féminin! Le personnage masculin a le même . Ce qui le brime plus, au départ, c'est sa condition sociale. Car en fait, il s'agit de deux individus qui s'émancipent tous deux de leurs destins respectifs. Est ce que pour toi qui l'as lu , Lady Chatterley est un roman dont le thème principal est l'amour?

L’amour, le thème principal de Lady Chatterley? Comme l’a dit Swallow, l’attirance est avant tout physique et instinctive… en évoluant, cela devient un espèce d’amour. Alors oui, l’amour est le thème principal. L’amour qui abolit toutes les barrières hypocrites, l’amour comme présentation sincère et honnête de ce qu’on est sous nos divers aspects (« afin de supprimer tous secrets et tous mystères malsains », a dit la femme de Lawrence dans la préface du roman.).

Margot a écrit:

...
Et puis en observant les remarques de Snark sur L'Harmonie en rouge de Matisse, je crois aussi que chacun reçoit les oeuvres selon son expérience, sa culture, sa sensibilité et son vécu personnels. Je n'y vois pas, pour ma part, "l'expression d'un couple heureux" : d'abord la femme est seule, et puis son intérieur chargé me donne plutôt envie de sauter par la fenêtre et de courir au dehors.
...

Peut-être pour toi, mais je crois pas que c’est ce que Matisse essayait d’exprimer : il n’y a pas une ligne anguleuse dans le tableau, tout est arrondi, et agencé dans une atmosphère clairement heureuse… Matisse y exprime une partie de ses partitions de l’amour. Oui bon et si la femme est seule, cest pque Matisse voulait peindre ce qu’il voit quand il la regarde avec "les yeux du coeur" (ah le cliché...)… C’est sa maison, là où il vit son heureux quotidien, qu’il peint…
Ce que je dis se base sur des informations objectives données par ma mémoire souvent défectueuse , alors bon, c'est peut-être tout aussi subjectif que toi...

Margot a écrit:

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Je pense que ce sont les sentiments très personnels que nous exprimons face aux oeuvres qui font leur pouvoir, leur beauté et leur richesse. Parce qu'elles sont ainsi susceptibles de parler en propre à chacun d'entre nous.
...

Suis d’accord. Et si je réagis plus à ce que Matisse a voulu peindre qu’à une interprétation personnelle, c’est pque dans La Desserte rouge, ce que Matisse exprime me touche. J’aimerais voir comme cela ma maison et ma femme… (père Noël, tu m'as entendu?

"votre plus beau roman d'amour". Aïe, j'ai un soucis, docteur, je fuis les roman d'amour. Suis-je normal ? Impossible d'aimer le rouge et le noir, hérissement du poil devant la passion brutale dans la belle du seigneur, , découragement face à certaines histoires dont j'oublie le titre assez facilement. Comme vous, je vais tenter d'en définir mon approche, avec ce tenace a priori rédhibitoire.

"L"amour, c'est l'infini à la portée des caniches" Louis-ferdinand Celine