Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Bret Easton Ellis

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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyVen 19 Aoû 2011 - 9:30

Glamorama (1998)

Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 Glamor10

Alors que Bret Easton Ellis s’attaque, dans Glamorama, aux mêmes thèmes que dans American Psycho -le règne de l’apparence, la superficialité des relations humaines, la célébrité et tout ce qu’elle a d’inhumain- le traitement n’est pas le même.

Dans American Psycho, les conséquences d’un mode de vie individualiste à l’extrême débordaient sous forme d’agressivité mais la violence restait toutefois confinée au microcosme des personnages. Dans Glamorama, la violence s’est fait terrorisme. Personne n’est épargné. De la minute à l’autre, les campus remplis d’étudiants joviaux se transforment en champ de guerre, les passagers d’un avion –mode de transport représentatif de la classe jeune et dynamique des Etats-Unis- révèlent tout ce qu’ils ont de plus larvaire, de plus méprisant, lorsqu’ils se battent contre la mort alors que leur avion s’écrase au sol.
Que ce soit dans les grandes catastrophes ou dans les évènements les plus anodins d’une vie, la menace gronde toujours…

« Je fonce au premier étage de nouveau, à une vitesse inquiétante, me débattant dans la foule, trop de gens qui passent, trop de visages indistincts, que des profils, des gens qui me tendent des fleurs, des gens en train de parler sur leur portable, tous formant une masse ivre en mouvement, et je traverse l’obscurité complètement éveillé et les gens ne font que défiler dans la pénombre, constamment en route vers autre chose. »

Il en résulte une ambiance de malaise plus diffuse que dans American Psycho. En tant que lecteur, on se sent soi-même pris au piège. Cela ressemble à une conspiration. C’est finalement très actuel…

« […] il y a des plateaux de minuscules crackers tartinés d’autruche, de l’opossum sur des brochettes en bambou, des têtes de crevettes enroulées dans de la vigne, d’énormes assiettes de tentacules disposées sur des bouquets de persil, mais je ne peux rien avaler et je suis à la recherche d’un sofa en cuir sur lequel m’effondrer parce que je suis incapable de dire si les gens ne s’intéressent vraiment à rien comme ils en ont l’air ou s’ils s’ennuient à mort tout simplement. Quoiqu’il en soit –c’est contagieux. Les gens passent leur temps à chasser les mouches quand ils ne sont pas trop occupés à murmurer ou à se cacher. Je me contente de dire « Hi ». Je suis les instructions. C’est vraiment une fête alarmante et chaque invité est un monstre. C’est aussi un miroir. »

Le dégoût de l’humanité transparaît derrière chaque page écrite par Bret Easton Ellis. Un tel mépris, une telle joie à détruire les hommes, pourraient finir par lasser. Mais ici ce n’est pas le cas. L’humanité est décrite dans son aspect le plus répugnant. Rien n’est bon à en tirer. Le nihilisme de Bret Easton Ellis est dangereusement contagieux, et les scènes d’hécatombe deviennent une victoire du bien sur le mal. Qui aurait envie de laisser vivre une humanité telle que celle décrite dans Glamorama ?

Autre particularité de Glamorama : les comportements de chacun semblent être ordonnés par un grand maître ultime. Figure divine ? Peu probable, à moins que les réalisateurs, metteurs en scène et autres techniciens du spectacle ne soient les incarnations d’une nouvelle religion polythéiste qui s’empare des hommes comme des comédiens d’un nouveau film. Leurs bouches prononcent des répliques dont ils ont à peine conscience, leurs gestes sont écrits à l’avance, rien n’est laissé au hasard. Complètement lobotomisés, les personnages agissent, courent, parlent, se déplacent, dans une absurdité d’autant plus criante qu’ils n’en comprennent pas le sens.
Là encore, le malaise s’accentue.


« Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai remarqué la présence de l’équipe de cinéma, y compris celle de Felix, le directeur de la photographie, bien qu’aucun d’entre eux n’ait semblé bouleversé, et puis un petit pan de brouillard a commencé à s’éloigner et j’ai compris que peut-être aucun d’entre eux ne savait rien à propos de Sam Ho et de ce qui lui était arrivé, la façon monstrueuse dont il était mort, comment sa main s’était contractée misérablement, le tatouage du mot ESCLAVE devenant flou à cause de l’intensité du tremblement de tout son corps. […]
Quelqu’un m’avait donné un autre verre de champagne et quelqu’un d’autre avait allumé ma cigarette qui pendait à mes lèvres depuis une demi-heure et je m’étais aperçu que ce que je pensais de moins en moins, c’était « Mais peut-être que c’est moi qui ai raison et eux qui ont tort » parce que j’étais docile, docile. »


Pour apprécier Glamorama, il faut apprécier le style de Bret Easton Ellis. Encore une fois, il s’agit d’un roman long, qui prend son temps pour planter le décor et pour laisser les personnages se mouvoir dans le vide sur quelques dizaines/centaines de pages.
On retrouve toujours les mêmes énumérations de noms, de prénoms, de marques, de vêtements, d’objets de décoration, passages d’une futilité d’autant plus criante qu’ils sont souvent accolés à des paragraphes d’une cruauté froide. Que l’on passe du rire jaune à la terreur la plus glaciale, le malaise ne disparaît jamais.

En spoiler, l'accident d'avion. Le chant du cygne de Glamorama...
Spoiler:

Une interview de Bret Easton Ellis concernant Glamoramaest lisible ICI
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 31 Jan 2012 - 14:52

J'ai commencé Moins que zéro" et lu 30 pages effectives : pour moi ça commence mal. Je trouve les thèmes débiles, futiles et la langue des plus plates ; on verra la suite. J'ai entendu récemment un écrivain reconnu (je ne sais plus lequel) dire que cet écrivain était le plus grand contemporain. pour l'instant je suis des plus sceptiques. :)
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 31 Jan 2012 - 21:50

Ah, l'éternel débat !
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyVen 10 Fév 2012 - 17:35

Je suis fortement tenté d'abandonner cette lecure ; j'en suis à la page 152 sur 240 et, hélas, je n'y trouve aucun intérêt, littéraire en tout cas. sociologique, peut -êtr ??? et encore , à peine.
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 14 Fév 2012 - 22:25

Intrigué par un post de Queenie, j'ai quand même jeté un coup d'oeil rapide à la fin : c'est vrai qu'il y a là un peu d'émotion. Wink
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyLun 19 Mar 2012 - 14:45

AMERICAN PSYCHO

Je n'avais jusqu'ici jamais pris le temps d'écrire mon avis sur ce livre, manque que je vais combler dés maintenant.
J'ai adoré ce livre, je viens de le relire et je l'adore toujours autant.
Tout d'abord l'histoire n'est pas seulement révélatrice de l'ambiance des années 80 dans les affaires. Ma maigre expérience pro au sein des commerciaux m'a démontré qu'Ellis ne grossit même pas le trait. ce n'est ni du cynisme ni du nihilisme dans cet ouvrage mais simplement du réalisme. Tout y est.
L'énumération des marques est toujours impressionnante, on est au coeur d'une tempête marketing qui représente la totale absence de culture de ces milieux là. Lorsque Bateman s'habille j'ai l'impression de revoir dans ma tête le formatage des commerciaux des banques et assurances : tous habillés de la même façon, mêmes gestuelles et mêmes langages.
La caricature ne vient même pas de l'auteur mais du monde qu'il décrit. Il le décrit de manière tellement pertinente que cela relève qusiment du documentaire.
Les scènes criminelles sont retranscrites de manière violente et pulsionnelle ce qui exprime un contraste marqué avec les dialogues trés polissés des protagonistes. Le style est d'ailleurs agréablement rythmé, et equilibré entre descriptions volontairement abusvies, dialogues volontairement peu intéressants et scènes de crimes soudaines et violentes.
Un vrai roman social où le personnage ne vit que lorsqu'il commet un crime qu'il soit imaginé ou réel.
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 14 Aoû 2012 - 10:43

Moins que zéro (1985)

Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 Moins_10
Moins que zéro propose une variation sur la fameuse question de la poule et de l'œuf... Qui est apparu en premier ? Est-ce la réalité d'un monde inhumain qui a engendré l'apparition en série de clones désincarnés ? A moins que ce ne soit l'existence de ce troupeau de bétail meuglant qui ait fait de la Terre un lieu où personne n'aimerait mettre les pieds ?

A travers son récit, Clay décrit une certaine facette d’un monde qui le renvoie à lui-même. Le personnage, tout juste âgé de dix-huit ans (Bret Easton Ellis avait vingt ans lorsqu'il a publié ce livre), rentre d'études pour passer un mois de vacances chez lui. Alors qu’il n’est pas revenu depuis plusieurs mois, et même s’il se doute que rien n'a fondamentalement changé au cours de cette brève période, Clay se prépare déjà à sentir le malaise des retrouvailles.
Pourtant, pas d'effusion entre proches... le père et la mère, qui mènent leur vie séparément, tiennent à leur indépendance et à leur fierté comme à de vieux restes d'une adolescence inachevée ; les sœurs remarquent à peine le retour de leur frère, noyé sous une tonne de ragots bien plus excitants que son caractère taciturne ; les amis ne lui proposent rien de plus qu'un ennui partagé ; et l'ancienne petite amie, avec qui les relations sont ambiguës, reste toujours aussi inconnue que dans le passé. En rentrant chez lui, Clay retrouve ce qu'il avait laissé dans le même état qu'avant son départ. Si quelque chose a été modifié, rien de visible. L'éloignement que le temps a creusé entre lui et ses proches ne se voit pas et ne se dit pas.

Clay retrouve ses habitudes. Les journées vides sont meublées par le sommeil et l'apathie, les nuits par des sorties en boîte, dans des bars ou dans des demeures de riches. C'est l'occasion d'éveiller en soi des sensations devenues difficiles à susciter : il suffit de mélanger alcool, Valium, Témesta et séances de torture sado-maso autour d'une piscine et d'un buffet. L'effet est bluffant mais ne dure pas. En tout cas, Clay en est revenu. Même s'il continue à participer à toutes ces orgies de convention afin de suivre les traces de ses (anciens) amis et parce qu'il n'a rien de mieux à faire, on sent qu'il se tient à une certaine distance de ces spectacles. Regard critique ? Ou désespoir si intense que même ce qui faisait le plaisir de ses journées d'antan ne suscite plus rien en lui ? Clay est surtout marqué par une pensée lancinante : « Les gens ont peur de se retrouver ». Et il ne s'exclut pas de ce constat.

Clay n'indique pas clairement de quelle façon les gens arrivent à détourner cette peur, mais il le fait comprendre à travers une démonstration qui s'étend tout au long du livre : ils essaient d’étouffer tout sentiment. Ils ne sont plus déçus : ils boivent ; ils ne sont plus désespérés : ils prennent du Valium ; ils ne sont plus furieux : ils violent des petites filles ; ils n'ont plus honte : ils tapinent. Le tout s’accomplit dans le silence le plus pesant. Clay, victime parmi les victimes, aussi inhumain que tous les autres abrutis autour de lui, décrit ces jours sur le ton du simple constat. On sent que la manière dont se déroulent les choses ne lui convient pas mais il n’espère rien de mieux. Il balade son désespoir et sa résignation au détours de phrases banales, de conversations inintéressantes et de détails sans intérêt -prémisse d'American Psycho. Ce mépris total ressemble presque à un désir absolu de voir se produire une apocalypse digne de ce nom.

« Samedi en fin de soirée nous sommes tous chez Kim. Il n’y a pas grand-chose à faire, sinon boire des gin-tonic et de la vodka avec beaucoup de jus de citron et regarder des vieux films sur le Betamax. Je fixe sans arrêt le portrait de la mère de Kim, suspendu au-dessus du bar dans le salon au plafond élevé. Il ne se passe rien ce soir. »

Ainsi, cette description minutieuse d'un monde creux, peuplé d'une humanité qui sillonne des routes vides, confrontée parfois à des apparitions surréalistes -un coyote écrasé au bord de la route, une voiture en flammes, des Mexicains qui pleurent, autant de signes de la déchéance proche- fait apparaître des images dignes d'un road-movie catastrophe. Lorsqu’on connait l’attrait de Bret Easton Ellis pour la description des crises de fureur qui s’emparent souvent de ses personnages, l’hypothèse d’un déchaînement n’est jamais invraisemblable.

Ce premier livre de l’écrivain n’est pas son meilleur. Le regard critique de Clay ne parvient pas encore à s’exprimer avec toute l’agressivité qui fera par exemple la puissance d’American Psycho, et la superficialité des situations décrites à travers son regard donne parfois au texte l’impression d’être vide lui aussi. Pourtant, on sent déjà que l’écriture de Bret Easton Ellis s’imprègne des particularités qui feront sa singularité et son succès dans ses livres suivants. Moins que zéro n’est peut-être pas le livre qui permettra le mieux de se singulariser avec l’écrivain, mais sa lecture intéressera forcément celui pour qui American Psycho a été un grand livre. Il suffirait de se laisser aller à un peu d’émotion pour avouer que Moins que zéro est troublant car il permet le déploiement d’une vision à peine désabusée, mais que l’on sent déjà prête à s’épanouir dans toute son ampleur au fil des livres suivants…


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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 14 Aoû 2012 - 10:51

La vie de Clay se résume à peu de choses. A la limite, ça pourrait lui convenir, mais il met tout au même niveau, et c'est parti pour l'accumulation neutre des activités qui meublent sa journée :

Citation :
« Le soleil entre à flots dans ma chambre à travers les stores vénitiens et quand je regarde dans le miroir, il me renvoie l’image d’un sourire dément, fêlé. Je vais dans mon cabinet de toilette, j’observe mon visage et mon corps dans la glace ; je fais une ou deux flexions, me demande si je devrais aller chez le coiffeur, décide que j’ai vraiment besoin d’une séance de bronzage. Pivote sur mes talons et ouvre l’enveloppe, également cachée derrière les chandails. Je me prépare deux lignes de coke achetée à Rip hier soir, les sniffe et me sens mieux. Je descends en bermuda. Bien qu’il soit déjà onze heures, je crois que tout le monde dort encore et je remarque que la porte de ma mère est fermée, sûrement à clef. Je sors, plonge dans la piscine, fais une vingtaine de brasses rapides, sors de l’eau, m’essuie en entrant dans la cuisine. Prends une orange dans le réfrigérateur et l’épluche en remontant. Je mange l’orange avant d’aller sous la douche et m’aperçois que je n’ai pas le temps de faire mes haltères. Je rentre alors dans ma chambre, allume M.T.V. en mettant le son fort, me fais une autre ligne puis prends la voiture pour aller retrouver mon père. »

Citation :
« Il ne se passe jamais grand-chose les jours de pluie. L’une de mes sœurs achète un poisson et le met dans le jacuzzi, mais le chlore et la chaleur de l’eau le tuent rapidement. Je reçois d’étranges coups de téléphone. D’habitude tard le soir, quelqu’un appelle mon numéro et quand je décroche, la personne à l’autre bout du fil ne dit strictement rien pendant trois bonnes minutes. Je compte les secondes. J’entends alors un soupir et la personne raccroche. Sur Sunset les feux de circulation sont en panne : à un croisement, le jaune se met à clignoter, puis le vert s’allume pendant deux secondes, suivi par le jaune, après quoi le rouge et le vert s’allument en même temps. »

Autre particularité de Bret Easton Ellis : son talent à faire comprendre au lecteur les sentiments et les pensées de ses personnages sans que l'écriture n'évoque un seul mot de leur psychologie :

Citation :
« Mais je sentis bientôt une sorte de confusion, je compris que j’avais trop bu et chaque fois que Blair disait quelque chose, je m’apercevais que je fermais les yeux et soupirais. L’eau devint plus froide, plus dure, le sable plus humide. Blair s’installait seule sur la terrasse pour regarder la mer et repérer les bateaux dans le brouillard de l’après-midi. A travers la baie vitrée du salon, je l’observais qui jouait au solitaire, j’entendais les bateaux geindre et grincer, Blair se servait un autre verre de champagne et tout cela me troublait.
Il n’y eut bientôt plus de champagne, j’ouvris alors le bar. Blair a bronzé, moi aussi. A la fin de la semaine, nous ne faisions que regarder la télévision, bien que la réception ne fût pas excellente, et boire du bourbon, et Blair disposait ses coquillages en cercles concentriques sur le sol du salon. Quand une nuit, alors que nous étions assis chacun dans un coin du salon, Blair a murmuré : « Nous aurions dû aller à Palm Springs », j’ai compris que le moment était venu de rentrer. »

Une conversation -prémisse de ce qu'on lira en masse dans Glamorama :

Citation :
« « Quoi de neuf ? » je lui demande.
« Quoi de neuf ? » elle me répond.
Je ne dis rien.
Elle lève les yeux, étonnée. « Allez, Clay, dis-moi. » Elle cherche dans la pile de vêtements. « Tu dois bien faire quelque chose. »
« Oh, je sais pas. »
« Quesse tu fais ? » elle me demande.
« Des trucs, j’imagine. » Je m’assois sur le matelas.
« Par exemple ? »
« Je sais pas. Des trucs. » Ma voix se brise, le souvenir du coyote me traverse l’esprit, j’ai l’impression que je vais pleurer, mais mon envie passe et je désire seulement récupérer ma veste avant de partir.
« Par exemple ? » elle insiste.
« Que fait ta mère ? »
« La voix off d’un documentaire sur les enfants paraplégiques. Et toi, Clay, que fais-tu ? »
Quelqu’un, peut-être Spit, Jeff ou Dimitri, a écrit l’alphabet sur le mur. J’essaie de me concentrer là-dessus, mais je remarque vite que la plupart des lettres ne sont pas dans le bon ordre, si bien que je demande ; « Que fait d’autre ta mère ? »
« Elle va tourner ce film à Hawaii. Que fais-tu ? »
« Tu lui as parlé ? »
« Ne me demande plus rien sur ma mère. »
« Pourquoi ça ? »
« Ne dis pas ça. »
« Pourquoi pas ? » je répète.
Elle trouve ma veste. « Tiens ».
« Pourquoi pas ? »
« Que fais-tu ? » elle me demande en me tendant ma veste.
« Que fais-tu, toi ? »
« Que fais-tu, toi ? » elle redemande d’une voix tremblante. « Me pose pas ce genre de question, s’il te plaît. Okay, Clay ? »
« Pourquoi pas ? »
Elle s’assoit sur le matelas dès que je me lève. Muriel hurle.
« Parce que…je sais pas », elle soupire.
Je la regarde, je ne sens rien, je sors avec ma veste. »

Et un peu d'horreur -prémisse d'American Psycho :

Citation :
« Le Noir ligote le garçon par terre et je me demande pourquoi il y a une scie électrique dans un angle de la pièce, puis le Noir baise le garçon, après quoi il baise la fille, puis il sort du cadre. Quand il revient, il porte une boîte. On dirait une boîte à outils et pendant une minute je ne comprends plus et Blair quitte la chambre. Alors le Noir sort un pic à glace et ce qui ressemble à une corde à piano et une poignée de clous et puis un grand couteau à lame mince puis il s’approche de la fille et Daniel sourit en m’envoyant un coup de coude dans les côtes. Je sors de la chambre quand le Noir essaie d’enfoncer un clou dans le cou de la fille. »
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 14 Aoû 2012 - 10:53

Marko a écrit:

Je ne pense pas que ce roman soit un miroir nihiliste représentatif de la jeunesse de son époque. Ce serait trop caricatural et réducteur. C'est une vision fantasmée que je perçois plutôt comme une fable, une sorte de roman horrifique qui mettrait en garde contre une dérive terrifiante du monde consumériste. Sa littérature est finalement un équivalent moderne des récits fantastiques de l'époque romantique. Il y a une tristesse sous-jacente et un sens du macabre qui surgit en pleine lumière dans de riches pavillons de banlieue où la jeunesse noie son ennui dans la recherche de sensations fortes. Comme chez Greg Araki ou Gus Van Sant ce sont des anges déchus à la fois magnifiques et dérisoires.


J'aime bien cette interprétation, je n'y avais pas pensé. Mais oui, toutes ces visions horrifiques collent bien avec les visions fantastiques d'un Théophile Gautier par exemple.
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 18 Sep 2012 - 9:44

American Psycho :

Mon premier ressenti sur ce livre oscille entre la fascination et la répulsion.
Car, je vais vous le dire tout de suite : j'ai adoré ce livre, bien qu'ayant hâte que la fin se termine car
Spoiler:

Attention : c'est un livre réservé à un public averti. Dîtes-le moi si je me trompe mais le film (que je n'ai pas vu) était interdit au moins de 16 ans à sa sortie, non ? Le livre est encore plus trash car les scènes de meurtre sont très détaillées et très crues.

Sur le roman en lui-même :
Spoiler:


Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman :
Spoiler:

Dans tous les cas, c'est un roman à lire quand même une fois, car je pense que ce cher Bret Easton Ellis est un petit génie dans son genre.
Je me laisserai embarquer à coup sûr dans un autre de ses romans.
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 18 Sep 2012 - 12:56

Ma€$tro a écrit:
American Psycho :



Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman :
Spoiler:


Je répond aussi de manière cachée pour ne pas flinguer le suspens au cas ou !

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 18 Sep 2012 - 13:21

Au fait j'ai vu le film il y a quelques temps. C'est très mauvais!!
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyMar 18 Sep 2012 - 22:29

Ma€$tro a écrit:


Je pense avoir bien cerné le personnage de Patrick Bateman :
Spoiler:

Petite réponse en spoiler aussi :
Spoiler:

Marko a écrit:
Au fait j'ai vu le film il y a quelques temps. C'est très mauvais!!

Oh... moins bon que le livre, c'est sûr, mais ça se regarde avec plaisir quand même !
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyLun 8 Oct 2012 - 14:22

Suite(s) impériale (s) est la suite de Moins que zéro. La vacuité de vies exprimée dans des phrases exsangues et descriptives. Les personnages n'ont que peu d'intérêt, leurs faits et gestes itou. Un livre insipide et vain. Ca peut fasciner, remarquez !
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MessageSujet: Re: Bret Easton Ellis   Ellis - Bret Easton Ellis - Page 5 EmptyLun 8 Oct 2012 - 14:36

traversay a écrit:
Suite(s) impériale (s) est la suite de Moins que zéro. La vacuité de vies exprimée dans des phrases exsangues et descriptives. Les personnages n'ont que peu d'intérêt, leurs faits et gestes itou. Un livre insipide et vain. Ca peut fasciner, remarquez !
Même ressenti que toi Traversay.
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